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Contribution des nouvelles religions à  la reconstruction du lien social au Rwanda. Cas de l'Evangelical Restoration Church. (1994- 2004 )

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par Jeanette NTAWUHIGIMANA
Université libre de Kigali - Bachelor 2005
  

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1.2 Généralités sur les Eglises au Rwanda

1.2.1 Contexte historico-politique : les missions chrétiennes

et les politiques au Rwanda

Dans un des chapitres de son livre, Tharcisse Gatwa affirme que « pendant sa courte existence -moins d'un siècle- le christianisme rwandais est devenu un des acteurs influents de la vie publique à côté de l'État » et que « l'idéologie de suprématie raciale a été une entreprise conjointe de la colonisation, de certaines hiérarchies ecclésiastiques et des officiels des pouvoirs monarchiques et républicaines ». L'auteur signale, en effet, que « ces deux institutions -l'État et l'Église- convergent sur beaucoup d'aspects spatiaux et temporels. Elles peuvent collaborer ou s'opposer l'une de l'autre, elles peuvent aussi s'opposer l'une à l'autre et en même temps collaborer », ce qui montre pour lui que pendant son existence au Rwanda, le christianisme « n'a pas pu se distancier des images et des stéréotypes donnés aux Banyarwanda, ni des politiques qui ont cristallisé la population dans une conscience ethnique tranchée ».25(*)

L'Église catholique a été la première à s'installer au Rwanda. Elle est présente au Rwanda depuis 1900. Le pays fut évangélisé pour la première fois par la société des Missionnaires d'Afrique (catholique) arrivés de l'Ouganda . Ils furent suivis, en 1907, par les protestants de la Mission de Béthel en Allemagne, venus de Bukoba en Tanzanie . Dès 1920, vinrent les adventistes du 7ème jour, les missionnaires de la Church Missionary Society, venus d'Ouganda, les baptistes danois arrivés du Burundi et plus tard les méthodistes suédois venus du Zaïre ( Congo) au début des années 1940 26(*).

Étant ainsi la plus ancienne au Rwanda l'Église catholique contribue au développement des oeuvres sociales, à la construction des hôpitaux et à l'éducation des cadres du pays depuis l'époque coloniale à nos jours. Mais elle connaît aussi des failles27(*). L'histoire nous apprend qu'elle a participé à la division des Rwandais par l'accentuation des distinctions ethniques par les différents écrits qu'elle a fournis au cours de son évolution au Rwanda28(*).

En fait, à leur rencontre avec les explorateurs et plus tard avec les missionnaires, les Rwandais étaient répartis en trois catégories sociales, à savoir: les batutsi, les bahutu et les batwa. Ces groupes humains ont vécu plus ou moins en harmonie pendant des siècles, en partageant plusieurs valeurs anthropologiques : l'unité culturelle, la langue, la religion, les organisations sociales tel le clan et les traditions familiales comme les mariages . A partir de la rencontre entre la société rwandaise et l'occident, l'image du Rwanda constamment projetée fut celle d' « une terre dominée par  une «race» de Hamites d'origine caucasienne, arrivée soit d'Éthiopie, soit d'Égypte. Les batutsi furent choisi par les nouveaux dirigeants, colonialistes et missionnaires en vue de promouvoir la civilisation fondée sur le christianisme. Les autres groupes, les bahutu et les batwa constituaient la masse. En effet, les politiques discriminatoires furent mises en place dans le domaine culturel, politique et social pour renforcer  la différence dans plusieurs secteurs de la société 29(*).

Toujours pour Gatwa, « le parti-pris des Églises a exposé leur incapacité à manifester le corps du Christ et à oeuvrer pour la réconciliation parmi les Rwandais. Plutôt que de prendre distance de ces distorsions, que de renforcer les facteurs d'unité , impérative pour le message chrétien, les Églises ont coopéré au modelage d'une société défendant les intérêts impériaux . Daniel De Lame ne se trompe pas quand elle rappelle que dans les débuts des années 1930 l'Église catholique était tellement proche du pouvoir qu'il lui était incapable d'offrir une alternative aux travaux forcés ( uburetwa), aux conversions forcées et autres. Ceci est vrai pour la période de 1930, mais aussi d'après . C'est vrai, non seulement pour le catholicisme puissance aux côtés de la colonisation, mais aussi dans une certaine mesure les protestants, que l'état de minorité et de morcellement marginalisait politiquement mais qui gardaient des sympathies manifestes par les idées prévalant de suprématie raciale30(*) »

Vers la fin de 1956, « le climat était à la formation de partis politiques et l'indépendance était dans l'air » 31(*). Le 24 mars 1957, Grégoire Kayibanda et huit autres leaders hutu signèrent une note sur l'aspect social du problème racial indigène au Rwanda et l'adressèrent le même jour au Vice-Gouverneur Général du Congo Belge et du Rwanda-Urundi. Ce texte fut, plus tard, désigné sous le titre de « Manifeste des bahutu 32(*)». Dans ce texte, ils demandaient des « changements politiques, l'abolition du système socio-politique basé sur les inégalités et injustices, l'abolition de la mentalités basée sur les hérésies prônant la suprématie raciale ».33(*)

En mai 1958, l'entourage du Mwami publia deux réactions extrêmement arrogantes et haineuses, utilisant le mythe des « ibimanuka » pour justifier la suprématie raciale des hamites-batutsi, et pour réfuter toute idée de partage du pouvoir avec les bahutu.34(*) A ce moment l'Église catholique brisa le silence. Mgr A. BIGIRUMWAMI, le premier évêque africain dans les colonies belges, publia un article dans Témoignage chrétien, une revue belge, dans lequel il reconnaissait le bien fondé des réclamations des bahutus. Ils regretta cependant que les batutsi deviennent les boucs émissaires des politiques de discrimination et d'exclusion dont la colonisation était seul redevable. En donnant son propre exemple, il défia quiconque serait en mesure de distinguer qui était hutu, tutsi ou twa dans la population fortement mélangée du Buganza35(*) (Gatwa, 2001, p.91).

De l'autre coté, Mgr Perraudin, primat de l'Église (catholique) depuis 1956, publia une lettre pastorale pour le carême 1959, dans laquelle il affirmait « l'existence de races différentes » au Rwanda, et regrettait que des privilèges aient été donnés ou refusés sur la base de critères « raciaux ». On peut lire dans cette lettre ce paragraphe :

Constatons tout d'abord qu'il y a réellement au Rwanda plusieurs races assez nettement caractérisées bien que des alliances entre elles aient eu lieu et ne permettent pas de dire toujours à quelle race tel individu appartient. Cette diversité de races dans un même pays est un fait normal contre lequel d'ailleurs nous ne pouvons rien[...].36(*)

En fait, la position de Perraudin a été l'un des épodes les plus controversés de l'histoire de l'Église catholique au Rwanda. Mais il faut rappeler que d'autres membres du clergé, tels que S.Bourguet, le Chanoine Ernotte, Dejeneppe, J.M.V Rusingizandekwe, ont été de près ou de loin associés aux idées de réformes politiques en faveur des bahutu.37(*) Des leaders politiques comme KAYIBANDA Grégoire et MUNYANGANJU ont pu passer par les canaux sociaux de l'Église pour exprimer leurs pensées et projets politiques [...]. Mgr Perraudin imprima une vision militante à l'Église en faveur de la cause bahutu ; selon ses termes, il « restaura la dignité du peuple bahutu comme enfants de Dieu »38(*)

En 1959, il y avait aussi la création de partis politiques qui divisa encore plus l'Église. La polarisation de la frontière ethnique, en grande partie l'oeuvre des Belges, sépara les abbés tutsi des abbés hutu et des Pères Blancs et leurs conseillers.

Pour V. LINGUYENEZA, « l'alignement de l'hiérarchie de l'Église à la politique divisionniste atteint son zénith quand l'archevêque de Kigali ordonna aux congrégations religieuses de pratiquer l'équilibre ethnique  : en faisant des élections des Supérieures générales et le Doyen au Grand séminaire. En 1988 , l'abbé MUVALA devait être nommé Evêque du Diocèse de Butare , à cause de son appartenance ethnique, il a été évincé39(*) »

Stigmatisant cette attitude de l'Église, R.ERPICUM s'exclame :  « l'Église n'apparaissait plus comme un support servile[...]. Clergé et laïcat étaient tous devenus beaucoup plus soumis au Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement (M.R.N.D) qu'à l'évangile 40(*) ». Certains prêtres et membres se lamentent de ce comportement. Selon le même auteur, il s'agit du « démon de la division qui trouble le climat de l'Église 41(*) ».

Pour Gatwa, « dans le contexte du Rwanda, les Églises font face à leur responsabilité ethnique en examinant comment elles ont assumé la Grande Mission(Great Commission) de transformer toutes les nations en disciples du Christ et la règle d'or , d'aimer Dieu et le voisin comme soi même42(*) ». Or, on voit le contraire actuellement : une absence d'amour et de justice, le règne de la violence ...  « En d'autres termes, le corps du Christ ne s'est pas suffisamment manifesté au milieu de la société rwandaise . En conséquence, l'enseignement de l'Église est à examiner, du fait qu'à plusieurs égards, les attitudes du clergé comprenant prêtres, pasteurs et évêques, hier comme aujourd'hui, ont été un facteur facilitant l'idéologie ethnique43(*) » .

D'après le rapport de la rencontre du Conseil Protestant du Rwanda et la Conférence des Églises de toute l'Afrique sur le thème : l'Église de l'avenir au Rwanda, tenue du 14 au 20 mai 1995 à Kabusunzu, « le protestantisme a aussi failli à sa mission dans le domaine de l'enseignement du développement et de l'évangélisation . Les défaillances des Églises protestantes ont été remarquées dans leurs structures d'organisation et d'administration, dans leur mission sociale et dans le travail d'évangélisation44(*) ». D'après les participants à cette rencontre, les Églises protestantes dans leur ensemble ont été qualifiées de « prostituées à l'État en épousant la politique de la ségrégation45(*) ». Afin de se maintenir longtemps, ces Églises se sont contentées d'un grand nombre d'adhérents sans se soucier de la qualité de la vie chrétienne normale et digne. Cela a eu pour conséquence de développer un « christianisme superficiel, chancelant, caractérisé par le manque de transparence, les querelles intestines et les divisions, la divergence de spiritualité et le sectarisme. Cet état continue à secouer et à diviser les membres de certaines Églises46(*) ».

Aujourd'hui, toute la pensée théologique visant la guérison devrait défier les stéréotypes ethniques, et viser la « continuité entre l'interpellation des missionnaires et celle des autochtones sur le message de Dieu . Ce Dieu créateur de l'univers, Dieu des Rwandais et des chrétiens, se manifeste par les identités [différentes] et les diversités de l'espèce humaine dont les Rwandais, réconciliés par son Fils , renouvelés et transformés par le baptême, l'eucharistie et la koinonia ne connaissent ni hutu, ni tutsi, ni twa, ni étranger, ni autochtone, mais simplement les créatures de Dieu, faites en son image 47(*) »

* 25 GATWA, T.,  Rwanda : Églises : Victimes ou coupables ?Les Églises et l'idéologie ethnique au Rwanda 1990-1994, Éditions Haho, Lomé,2001, pp. 47

* 26 GATWA, T., op. cit, 2001 p.20

* 27 NDAGIRO J,B. , Nouveaux mouvements chrétiens de 1990 à nos jours, chance ou défi pour le Rwanda ?, Butare, février 2003, p.16

* 28 ibidem

* 29 GATWA, T., Op. cit, 2001, pp. 15-16

* 30GATWA, T., Op.cit, p45

* 31LENDEN, I., Christianisme et pouvoirs au Rwanda(1900-1990), Éditions KARTHALA , Paris, 1999, p.321

* 32 idem, p.322

* 33 GATWA, T., Op.cit, p.90

* 34 ibidem

* 35 GATWA, T., Op.cit,p.91

* 36 ibidem

* 37 idem, p.92

* 38 idem,p.92

* 39 LINGUYENEZA, V., cité par NDAGIRO ,J , Nouveau mouvement chrétiens de 1990 à nos jours, chance ou défi pour le Rwanda ?,U.N.R , Butare, 2003, p.17

* 40 R.ERPICUM , cité par GATWA, T., Op.cit, p.128

* 41 LINGUYENEZA, V, cité par NDAHIRO , J. , Op.cit , p.17

* 42 GATWA, T., Op.cit, p.21

* 43 ibidem

* 44 NDAHIRO ,J., Op.cit, p.18

* 45 Ibidem

* 46 ibidem

* 47 GATWA, T., Op.cit, p.46

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