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L'effet de standstill des droits fondamentaux dits de la deuxième génération vu par le juge constitutionnel belge

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par Richard TSHIENDA MUAMBI
Facultés universitaires Saint- Louis - Master complémentaire en droits de l'homme 2012
  

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Section 2ème : Le droit à la protection d'un environnement sain

§1. Extrait de l'arrêt

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, E. Derycke, J. Spreutels et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R.Henneuse.

Après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :

Ø Objet du recours et procédure

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 février 2011 et parvenue au greffe le 23 février 2011, un recours en annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » (publié au Moniteur belge du 20 août 2010, troisième édition) a été introduit par Jean-Claude Dierckx, demeurant à 4600 Visé, Allée Verte 77, et Henri Gérard, demeurant à 4684 Haccourt, rue des 7 Bonniers 80.

Le Gouvernement wallon a introduit un mémoire, les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.

A l'audience publique du 20 mars 2012 : ont comparu :

Me J. Merodio loco Me L. Misson et Me A. Kettels, avocats au barreau de Liège, pour les parties requérantes; Me G. Vanhamme, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me E. Orban de Xivry, avocat au barreau de Marche-en-Famenne, pour le Gouvernement wallon;


-lesjuges-rapporteurs J.Spreutels et L.Lavryse n'ont fait rapport;-les avocats précités ont été entendus;

L'affaire a été mise en délibéré.

Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l'emploi des langues ont été appliquées.

Ø En droit


A.1.1. Jean-Claude Dierckx et Henri Gérard justifient leur intérêt à demander l'annulation des articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » par leur qualité de riverain d'un site de la région liégeoise qui serait pollué depuis plus de quatre ans et sur lequel la Région wallonne souhaiterait installer une « plateforme multimodale » dénommée « Trilogiport ».


Ils prétendent que les terrains concernés ont fait l'objet d'une étude d'orientation au sens de l'article 37 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols, mais que l'administration n'a pas été en mesure de statuer sur cette étude, parce que le « Code wallon de Bonnes Pratiques » visé à l'article 1er, 4°, de l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009 relatif à la gestion des sols n'était pas encore adopté et qu'il n'existait pas de laboratoire agréé en exécution de ce décret et de cet arrêté. Ils allèguent aussi que cette étude d'orientation n'a pas été suivie d'une étude de caractérisation et que le projet d'assainissement introduit dans ce dossier n'est donc fondé sur aucune étude d'orientation.


A.1.2. Le Gouvernement wallon indique, à ce sujet, qu'aucun projet d'assainissement lié à l'installation de la « plateforme multimodale » précitée n'a été introduit avant le 31 décembre 2010.

Quant au moyen unique, pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 5 et 6 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le « principe de sécurité juridique ».


A.2.1. En premier lieu, Jean-Claude Dierckx et Henri Gérard exposent que les dispositions attaquées violent l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, en ce qu'elles réduiraient sensiblement le niveau de protection de l'environnement existant avant l'adoption de ces dispositions.


Les requérants estiment que ces dispositions retirent aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de ce site sera envisagé. Ils soutiennent aussi qu'elles ont pour effet que, même lorsqu'un projet d'assainissement est établi, il ne repose que sur des investigations réalisées volontairement, elles-mêmes fondées sur des analyses qui sont seulement « réputées conformes » au décret précité et réalisées par des laboratoires non spécifiquement agréés. Ils remarquent, enfin, que, invitée à approuver le projet d'assainissement, l'administration ne pourra statuer en connaissance de cause, faute de disposer de données récoltées lors de la réalisation d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation.


Les requérants observent que les dispositions attaquées ont été adoptées afin de permettre l'application du décret du 5 décembre 2008 en dépit du retard pris par l'administration en ce qui concerne l'agrément des laboratoires prévu par ce décret et en ce qui concerne l'élaboration du « Code wallon de Bonnes Pratiques » prévu par l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009. Ils estiment que, sauf à heurter la sécurité juridique, la carence de l'administration ne peut constituer un motif d'intérêt général justifiant la réduction sensible du niveau de protection de l'environnement découlant des dispositions attaquées.


Les requérants considèrent, en outre, que les dispositions attaquées sont disproportionnées par rapport à l'objectif du décret du 5 décembre 2008 qu'exprime l'article 1er de celui-ci. Ils ajoutent que l'absence d'un « Code wallon de Bonnes Pratiques » ne justifie pas qu'il soit dérogé à l'ensemble des règles relatives à l'étude d'orientation et à l'étude de caractérisation, puisque ces études pourraient être réalisées à l'aide d'autres méthodologies existantes. Ils constatent que ces dérogations ne s'accompagnent d'aucune compensation et écartent l'application de certaines garanties, telles que celle que prévoit l'article 44, § 4, de ce décret. Ils remarquent, enfin, que l'administration justifie les dispositions attaquées par son retard, mais qu'elle a pourtant trouvé le temps de proposer l'adoption des dispositions attaquées au Parlement wallon.


A.2.2. Le Gouvernement wallon répond qu'aucune des dispositions attaquées ne réduit sensiblement le niveau de protection de l'environnement.

Il observe que, faute de publication par l'administration du « Code wallon de Bonnes Pratiques », les règles inscrites à l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010, ont cessé de produire leurs effets le 31 décembre 2010. Il souligne que cette disposition ne concerne que l'hypothèse d'une personne qui se soumet volontairement à l'obligation d'assainir un terrain affecté d'une pollution historique.

Il remarque aussi que, dans l'attente de la publication du Code précité, cette personne n'est pas en mesure de procéder aux investigations décrites aux articles 37 à 46 et 53 du décret du 5 décembre 2008, puisque, comme cela ressort des articles 16, 17 et 20 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 27 mai 2009, les experts, laboratoires et personnes prélevant les échantillons, appelés à contribuer à la réalisation d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation, ne peuvent agir que dans le respect de ce Code.

Il relève que les requérants ne précisent pas quelles sont les autres méthodologies existantes qu'ils évoquent et sur la base desquelles ces études auraient, selon eux, pu être réalisées dans l'attente d'un « Code wallon de Bonnes Pratiques ». Le Gouvernement déduit de ce qui précède que, loin d'empêcher une application correcte du décret du 5 décembre 2008, l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010 permet au contraire une application, certes limitée, du premier décret, ce qui contribue à une amélioration de la protection de l'environnement.


Même s'il estime que cela n'est pas nécessaire en l'espèce, le Gouvernement wallon conteste la pertinence des allégations de requérantes relatives à la diminution du niveau de protection de l'environnement. Il déduit, d'abord, de l'article 92bis, § 2, 2°, a) à f), et de l'article 92bis, § 2, 4°, I, du décret du 5 décembre 2008, que l'administration dispose d'études et d'éléments très précis lui permettant de statuer sur le projet d'assainissement concerné, tout en relevant que la réalisation d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation ne serait pas automatiquement suivie d'actes et de travaux d'assainissement.

Il ajoute que la dispense de constitution d'une sûreté prévue par l'article 92bis, § 1er, du décret du 5 décembre 2008 était déjà prévue par l'article 19, alinéa 4, du même décret.

Le Gouvernement wallon remarque aussi que l'allongement des délais d'instruction du projet d'assainissement prévu par l'article 92bis, § 3, du décret du 5 décembre 2008 est de nature à augmenter l'efficacité du travail de l'administration et d'élever le niveau de protection de l'environnement.

Le Gouvernement estime, en outre, que, saisie d'un projet d'assainissement visé par l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, l'administration consultera systématiquement la Société Publique d'Aide à la Qualité de l'Environnement (SPAQuE) et l'Institut scientifique de service public (ISSeP) en application de l'article 56, 2°, du même décret.

Le Gouvernement relève, enfin, que la personne qui introduit un projet d'assainissement en application de l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008 ne peut plus le retirer et empêcher la réalisation des actes et travaux d'assainissement qu'elle propose.


Le Gouvernement wallon observe, à propos des articles 93, 95 et 96 du décret du 22 juillet 2010, que les requérants n'exposent pas en quoi ces dispositions contribuent à diminuer sensiblement le niveau de protection de l'environnement.

Il fait, pour le reste, référence à la réponse qu'il donne à propos de la prétendue violation de l'article 23 de la Constitution.

B.1. Il ressort des développements de la requête que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » avec les articles 10, 11 et 23, alinéa

1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 5, paragraphes 2 et 4, avec l'article 6, paragraphe 3, et avec l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », et avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


B.2.1. Le moyen unique invite, d'abord, la Cour à vérifier la compatibilité des dispositions attaquées avec l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.


B.2.2. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose :
«Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.


Sans qu'il soit nécessaire de vérifier si, avant l'adoption des dispositions attaquées, le décret du 5 décembre 2008 offrait aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de celui-ci serait envisagé, il y a lieu d'observer que les dispositions attaquées ne suppriment pas les obligations précitées et ne modifient nullement les règles.


B.2.6. Il résulte de ce qui précède que les articles 92 et 95 du décret-programme du 22 juillet 2010 ne réduisent pas sensiblement le niveau de protection de l'environnement offert par la législation applicable, de sorte qu'ils ne sont pas incompatibles avec l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.

B.5.3. Les développements du moyen unique relatifs à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, se confondent avec ceux qui concernent la prétendue violation de l'article 23 de la Constitution.


B.5.4. Il résulte de ce qui précède que l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008 n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


B.6. Le moyen n'est pas fondé.


Par ces motifs

La Cour rejette le recours.


Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 3 mai 2012. Le greffier, Le président,


P.-Y. Dutilleux R. Henneuse.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault