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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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2) Une approche pessimiste du progrès

Une nouvelle fois, cette idée peut faire l'objet de polémiques : les décroissants soutiennent que le développement induit par la croissance économique n'est pas le progrès, qui provient au contraire d'une plus grande harmonie avec la nature et les autres, d'une redéfinition de la richesse matérielle et spirituelle en somme. Toutefois, on ne peut pas nier que, jusqu'à présent au moins, ce modèle économique a permis un véritable progrès : temps de travail divisé et espérance de vie multipliée par deux depuis 1850, accès beaucoup plus important à l'éducation, à la culture... La question soulevée par les décroissants - et qui mérite d'être posée - est alors finalement : le progrès, est-ce toujours cela ? Ce modèle économique est-il encore susceptible d'apporter des améliorations qualitatives dont nous profiterions vraiment ? Dans le cas contraire, est-il dans la nature de l'homme d'aller à contre-sens de cette marche en avant ? L'inventivité de l'homme a toujours été le moteur de son épanouissement, matériel et intellectuel, et de son affranchissement aux besoins primitifs. La vision très pessimiste du progrès développée par l'un des penseurs les plus importants de la décroissance, Ivan Illich, apparaît en le sens contestable : la voiture est inutile car, en prenant en compte l'ensemble du temps qui y est consacré (travail pour la payer et l'entretenir, réparations, embouteillages...) la bicyclette est plus rapide ; la médecine moderne a tué la médecine traditionnelle et ses bienfaits, et favorise les secteurs de pointe au détriment du plus grand nombre (un greffé du coeur pour des milliers de mots de maladies bénignes) ; l'école, enfin, produit des exclus et ne réduit pas les inégalités (« trois ans d'école ont plus d'effet que l'absence de scolarité : ils font de l'enfant qui abandonne un raté »)58. On voit bien les limites de ce raisonnement et les fausses impressions qu'il peut induire : à force de se focaliser sur les défauts apportés par le progrès - et il y en a - on en oublier ses innombrables avantages. Plusieurs auteurs refusent ainsi de considérer simplement que tout progrès n'est pas absolument bon en toutes circonstances, mais comporte des failles, et reportent leur soif de perfection sur un « anti-progrès » pourtant loin d'être

58ILLICH (I.), Le Chômage créateur, Seuil, 1977 ; Energie et équité, Seuil, 1975, 2e éd.

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parfait. L'apologie d'une société primitive (les « chasseurs cueilleurs » de Latouche) aux accents rousseauistes présente des dangers : culte d'une « tribu locale » et de ses normes étriquées, absence d'ouverture géographique et culturelle au monde, sentiment de frustration... Besson - Girard résume bien : « un lien subi et non choisi est vécu comme une contrainte »59.

Tout progrès est-il donc nécessairement pervers ? Ne peut-on pas utiliser la télévision, la voiture et le téléphone portable pour leurs avantages, sans pour autant nier les inconvénients qui y sont inhérents ? Plutôt qu'au progrès, ces questions renvoient en fin de compte directement à la question du choix et du discernement. D'une manière plus générale, il faut aussi s'interroger sur le bien fondé de la défiance des décroissants à l'égard d'une croissance plus propre, équitable et réorientée sur l'utilité sociale. Robert Malthus, en son temps, avait négligé de considérer les progrès technologiques dans ses prévisions, et bien qu'aucun auteur ni mouvement ne préconise de politique anti-natalité, ceux-ci font peut-être la même erreur. Il est nécessaire de continuer à encourager l'investissement dans de nouvelles techniques, mais gourmandes en énergie, donc plus respectueuses de la planète. Depuis trente ans en effet, l'intensité énergétique des principales économies du monde a notablement en effet diminué grâce au progrès technique, malgré l'effet rebond déjà souligné. Sans pour autant tomber dans l'optimisme béat de certains économistes et croire que toutes les difficultés seront résolues par la technique, on peut conserver sa foi en l'homme pour continuer de trouver et développer des solutions.

L'une d'entre elles est d'entrer dans une économie de recyclage, notamment en ce qui concerne les métaux, et résoudre - au moins partiellement - la problématique de l'épuisement de ces ressources. Aborder nos déchets comme des ressources et puiser dans nos « mines d'or urbaines » (décharges d'objets technologiques avec beaucoup de terres rares) pourrait constituer une économie de 72 milliards d'euros à l'échelle de l'Union Européenne si tous les objectifs en matière de recyclage étaient atteints, avec à la clé une création de 400.000 emplois60. On passerait alors véritablement, selon l'expression de Claude Allègre, « d'une économie unidirectionnelle à ressources infinies à une économie cyclique à ressources finies »61.

D'autre part, certains économistes soulignent les effets immenses sur la biodiversité et le changement climatique qu'une redirection d'une faible partie des richesses du PIB pourraient avoir : pour Nicolas Stern, qui a rédigé un rapport en ce sens au Trésor Britannique, utiliser 1% du PIB actuel suffira pour empêcher les impacts du réchauffement climatique sur l'économie

59BESSON - GIRARD (J.-C.), Decrescendo Cantabile : Petit manuel pour une décroissance harmonique, éd. Parangon, 2005, 170 p.

60Mathieu HESTIN, conférence du 13 décembre 2012, Faculté Jean Monnet - Université Paris Sud-XI. 61ALLEGRE (C.), Ma vérité sur la planète, éd. Plon, 2007, p. 144.

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britannique. Un découplage relatif (selon les termes de Tim Jackson 62 ) entre croissance économique d'une part et consommation et pollution de l'autre pourra être dans cette optique possible, en s'appuyant sur le développement de nouvelles technologies telles les agrocarburants de troisième génération ou les énergies marines renouvelables. Les processus de production se reconfigureront alors, les biens et services seront repensés, et la production dans son ensemble s'affranchira progressivement de sa dépendance aux flux de matières. Une croissance réorientée respectueuse des limites écologiques verrait alors le jour.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius