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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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3) La croissance, facile bouc-émissaire

Jetant des anathèmes sur la croissance, les favorables à la décroissance ont donc le devoir de démontrer quels sont les chemins à prendre, non seulement pour réduire notre empreinte écologique, mais aussi pour augmenter notre qualité de vie au sens de l'Indicateur de développement humain (espérance de vie à la naissance, niveau d'éducation et niveau de vie). Or, ils éludent à vraiment répondre à la question de savoir comment atteindre une certaine richesse, au sens de l'IDH, sans la croissance. Plaçons-nous en juges honnêtes et impartiaux : la croissance de l'activité économique et son corollaire, le développement, ont apporté, comme nous l'avons rappelé précédemment, plus de bienfaits qu'aucun autre modèle dans l'Histoire. Une vision de court-terme et engluée dans l'idée de crise peut donc être trompeuse, comme l'énonçait déjà Adam

Smith en 1776 :

« Le produit annuel de la terre et du travail de l'Angleterre est certainement bien plus grand qu'il ne l'était, il y a un peu plus d'un siècle, à la restauration de Charles II [...]. Cependant, il s'est à cette époque rarement écoulé cinq années sans qu'on n'ait publié quelque livre ou quelque pamphlet [...] prétendant démontrer que la richesse de la nation déclinait rapidement, que le pays était dépeuplé, l'agriculture négligée, les manufactures périclitantes, et le commerce perdu »63.

De surcroît, les maux décrits par les décroissants ne sont pas issus de la seule croissance, mais le résultat d'une multitude de causes. L'aggravation des inégalités peut venir d'un rapport salarial défavorable à certaines catégories de la population (femmes, non diplômés, jeunes...). La paupérisation et la rupture des liens sociaux être conséquences de l'affaiblissement voire de l'inexistence de processus redistributifs ; Jean-Marie Harribey cite à ce titre les paysans des pays en développement qui n'ont pas accès à la terre non en raison du modèle de croissance mais de

62JACKSON (T.), op.cit.

63SMITH (A.), La Richesse des Nations, Livre II, 1776.

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structures sociales inégalitaires64. Quant à l'épuisement des ressources naturelles, il est aussi le fait de comportements opportunistes (absence de réglementation environnementale dans les pays du Sud par exemple), égoïstes (au niveau individuel, le gaspillage, les surconsommations d'énergie) et inévitables (habiter loin du lieu de travail implique de prendre la voiture). Les maux décrits par les objecteurs de croissance ne sont-ils pas alors en grande partie dus à des choix politiques qu'à la croissance qui en découle ? La vision manichéenne de nombre d'auteurs, qui voient notamment dans le développement durable qu'un moyen de plus pour créer de nouveaux marchés et profits, n'est-elle pas foncièrement réductrice ? La critique d'inspiration marxiste65 insiste elle aussi sur le manque de discernement des accusations : pas de distinction entre croissance utile pour tous les êtres humains et croissance comme recherche de profit pour les entreprises. La stratégie de décroissance, avec, comme nous l'avons rappelé, une sélection des secteurs, est donc à perfectionner.

Par ailleurs, le rapport au travail - ciment de la croissance - tel qu'il est envisagé dans les propositions des auteurs et mouvements partisans de la décroissance est contestable. Il n'est vu que sous son angle négatif, c'est-à-dire comme quelque chose de pénible, une aliénation, une soumission au système marchand, et dans cet optique le réduire est une nécessité. Pourtant, le travail est-il absolument une mauvaise chose ? Ne peut-on pas aimer son métier et vouloir y consacrer du temps ? Quid des emplois solidaires, artisanaux, créatifs ? Sont-ils également pénibles ? Les décroissants ont une vision bien trop uniforme et simpliste du travail, « libérateur » selon Hegel66 en ce qu'il permet de se construire, de s'approprier le monde et d'avoir une emprise sur lui.

Demeure en dernier ressort la question fondamentale de la liberté. S'attaquant à la croissance qui pervertit l'homme et compromet son accès au bonheur, les décroissants font malgré eux le procès de la liberté personnelle à choisir son mode de vie. Niant que chacun a toujours le choix de diriger sa vie comme il l'entend, de regarder ou non la télévision, d'aller se fournir dans une grande surface et de prendre son 4x4 pour y aller, certaines mesures préconisées pour les décroissants infantilisent l'homme au lieu de le responsabiliser. Le risque est alors de remplacer un dogme par un autre pour finalement abolir, au sein d'un système aux allures totalitaires67, la liberté.

64HARRIBEY (J-M), op.cit.

65On peut citer les textes parfois virulents de Lutte Ouvrière « Décroissance, malthusianisme : le retour de vieilles idées réactionnaires » et du PCF « Croissance, décroissance ou nouveau type de développement ». 66Dialectique du maître et de l'esclave, HEGEL (G.-W.), La phénoménologie de l'esprit, 1807

67Notamment chez Ellul et Illich.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery