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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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3) Une nouvelle approche de la soutenabilité : l'effet débond

La critique du développement durable

La décroissance, pourrait-on croire, a beaucoup à voir avec le développement durable : même volonté de proposer un nouveau modèle, prise en compte des problèmes énergétiques et environnementaux... Or, les partisans de la décroissance, pour l'essentiel, récusent le développement durable tel qu'il a été envisagé avec le rapport Brundtland en 1987.

Leurs critiques sont virulentes. Nombreux sont ceux qui, comme Serge Latouche, voient dans le développement durable une simple manière de changer les mots pour ne rien changer aux pratiques, tout simplement parce que le développement ne saurait être durable : il y a une contradiction entre les termes, une oxymore45 . Tout d'abord, car tout développement, même

41LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

42ELLUL (J.), CHARBONNEAU (A.), « Directives pour un manifeste personnaliste », in Cahiers Jacques-Ellul, N° 1/2003 : Les Années personnalistes.

43Par le biais de l'ouvrage collectif comprenant la « Déclaration finale de la première conférence internationale sur la décroissance économique pour la soutenabilité écologique et l'équité sociale » de Paris d'avril 2008, consultable sur la réf. MYLONDO (B.), (dir.), La décroissance économique : pour la soutenabilité écologique et l'équité sociale, Editions du Croquant, 2009, 239 p.

44CHEYNET, op.cit. ; LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

45LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

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durable, impose de puiser dans les ressources naturelles, et que selon la loi de l'Entropie de Georgescu-Roegen, ce modèle finira par causer la fin de l'humanité : avec une croissance « durable », ou une croissance « zéro », les ressources s'épuiseront, plus lentement certes, mais tout aussi sûrement. Ensuite, parce que certains des instruments de la soutenabilité faible, la taxation et les permis d'émission, postulent une substituabilité des éléments naturels (eau, paysage, biodiversité...) qui ne peut être précisément « durable », en ce qu'elle est impossible. Mais surtout, le développement durable a foi dans une croissance économique moins consommatrice d'énergie et de ressources naturelles, ce qui ouvre un boulevard à un effet rebond encore plus destructeur de la planète.

Cet effet a été mis en lumière par Stanley Jevons46 à la fin du XIXe siècle. Il apparaît que les gains de productivité, donc d'énergie et de ressources, sont rendus nuls par une production et une utilisation plus intensives. Du côté des producteurs, la réduction des coûts par unité de production n'est pas utilisée pour réduire les impacts absolus, mais pour permettre de gagner des parts de marché et d'augmenter la production47 . Du côté des consommateurs, l'effet rebond se manifeste par l'augmentation de la consommation liée à la réduction des limites (environnementales, financières, pratiques...) à l'utilisation d'une technologie : une voiture qui consomme moins n'incite pas à rouler moins. De même, l'économie immatérielle s'ajoute plus qu'elle ne se substitue à l'économie matérielle. Voilà le paradoxe dans lequel semble se mouvoir le développement durable : la croissance est à la fois la solution et ce qui la rend inefficace. Solution parce qu'elle implique un progrès dans les techniques, les rendant moins énergivores ; annihilateur de cette solution, parce qu'elle permettra de ce fait une consommation et une production plus facile, plus grande et en apparence moins coupable, et cherchera même à la susciter, puisqu'elle ne peut survivre sans.

L'effet débond

Face aux difficultés que pose l'effet rebond, plusieurs auteurs et mouvements proposent un nouvel instrument, que certains nomment de soutenabilité forte, l'effet débond.

Au sein de l'ouvrage collectif lancé par l'association « Recherche et décroissance » dans la lignée de la Conférence de Paris en 2008, les auteurs annoncent les conditions de mise en oeuvre

46Aussi appelé « Paradoxe de Jevons », il a été développé dans son ouvrage de 1865 Sur la question du charbon. 47Jevons donne l'exemple suivant : si les machines à vapeur sont de plus en plus économes, la consommation totale

de charbon ne baisse pas, car l'économie « par machine » est « rattrapée » et dépassée par l'augmentation du

nombre total de machines.

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d'une stratégie d'effet débond. Il s'agira, en premier lieu, de décourager les solutions basées sur l'efficacité et l'individualité (prendre sa voiture seul ou le Train à Grande Vitesse pour parcourir des distances encore plus grandes), car sujettes à des micro ou macro-rebonds. Dans un deuxième temps, favoriser les solutions qui créent une satiété de la demande, en posant des limites à la production et à la consommation : celles-ci sont appelées « innovations frugales ». Pour Paul Ariès48, ces deux faces d'une même pièce ont un nom : accorder la gratuité de l'usage et renchérir le mésusage. Rendre gratuit l'usage, cela signifie favoriser l'accès aux produits, transports, services qui sont à la fois indispensables, efficaces écologiquement et permettent de combler en partie les inégalités de richesse. Renchérir le mésusage, en faisant payer les comportements individualistes car peu soucieux de l'environnement, et par ce biais chercher à les décourager. Par exemple, rendre gratuits les transports non polluants et de l'autre côté, taxer lourdement les détenteurs d'un véhicule type 4x4. Mais Ariès avance également des idées beaucoup plus radicales dans la quête de l'effet rebond, rompant ainsi avec ces propositions écologistes somme toutes classiques : transformer les routes et autoroutes en chemins de fer et pistes cyclables, aménager les centres-ville en jardins urbains. Baptiste Mylondo et les co-auteurs de l'ouvrage Demain la décroissance pensent eux plus concrètement donner la primeur à des projets locaux et réalisables : co-habitat, réutilisations des produits, partage d'automobile et d'objets de consommation courante dans le but d'éviter la multiplication des produits, et privilégier les moyens d'existence qui n'ont pas la capacité de créer de nouveaux besoins. Est même introduite l'idée de « débond temporel », qui consiste à préférer les activités longues, conviviales et enrichissantes (repas de famille, randonnée...) et qui permettent de réduire le temps disponible pour polluer. En quelque sorte, favoriser les comportements qui reconnaissent les limites.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus