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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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2) Relocalisation et solidarités face à la raison technique et économique.

L'idée de décroissance vient, en un sens, d'une colère. Elle refuse l'économisme, la recherche effrénée au profit, le sens de la vie dictée par la jouissance des biens matériels, la domination de l'argent et la lecture comptable du monde ; mais récuse également la

33HARRIBEY (J-M), « Vers une société économe et solidaire : développement ne rime pas forcément avec croissance », Le Monde Diplomatique, juillet 2004.

34ATTAC, Le développement a t-il un avenir ?, éd. Mille et une Nuits, 2004.

35LAVIGNOTTE (S.), op.cit.

36« La décroissance comme projet politique de gauche », site internet du MOC, http://www.les-oc.info/2010/08/la-decroissance-comme-projet-politique-de-gauche/

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complexification et la technicisation des outils de production, du droit et de l'administration, de la vie elle-même en somme.

1935 : Les « Directives pour un manifeste personnaliste »

Dès les années 1930 a émergé une résistance à cette « modernité » de la société. Jacques Ellul et Alain Charbonneau en sont les précurseurs. Ils sont les premiers à s'élever contre l'expansion des pouvoirs bureaucratiques et des grandes infrastructures techniques (autoroutes, centrales de production d'électricité...) qui balaye les savoirs vernaculaires et soumet la vie des sociétés humaines au système économico-politique, à la division du travail et à la complexité technique. Leur approche, aux accents révolutionnaires mais novateurs, se cristallise dès 1935 avec la rédaction des Directives pour un manifeste personnaliste : est posé le constat de l'impuissance de la politique pour maîtriser la suprématie technicienne et son gigantisme et la nécessité pour les hommes de s'émanciper au sein d'une « révolution de civilisation ». Celle-ci veut l'établissement d'une société « personnaliste » à l'intérieur de la société globale : des petites communautés électives, cités « à hauteur d'homme » doivent s'ériger pour remplacer les grandes concentrations urbaines ; les grands pays seront ainsi divisés en régions autonomes où la politique sera plus authentique et la communication plus directe. Au sein de celles-ci, un salaire gratuit assurant un minimum vital sera accordé, et les progrès de la technique seront utilisés de manière altruiste pour réduire le temps de travail de l'ouvrier, dans le cadre d'une réduction de la production à des niveaux strictement nécessaires.

Ces « contre-sociétés » bâties autour des principes de la définition de la qualité de vie et de la solidarité sociale seront appelées à une grande postérité.

Le « Penser globalement, agir localement »

Les partisans contemporains de la décroissance, lorsqu'ils avancent leur modèle économique et social différent, s'inspirent directement de ceux qui ont pensé avant eux l'alternative à la société productiviste et technique.

Le réaménagement d'un territoire centré non plus sur les grands ensembles mais sur le local constitue ainsi un souhait commun à presque l'ensemble d'entre eux. Serge Latouche veut par exemple l'émergence de communautés organiques régionales, échelons autonomes fondés sur le principe de subsidiarité promouvant l'autoproduction et, d'un point de vue politique, la

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« démocratie écologique locale »37. La relocalisation de l'économie sur de petites entités doit se faire sur une échelle plus petite que le département, baptisée « pays » ou « bio région » selon les cas ; mais presque toujours elle implique de retrouver des territoires avec une certaine unité sociale et écologique et, en tout cas, une identité culturelle forte associée à des valeurs propres, qui paraissent faire nettement défaut dans le découpage actuel des collectivités locales. Ce recentrement de l'activité sur un espace à taille humaine (Latouche parle de communautés de 500 personnes) permettra d'éliminer les grandes surfaces, destructrices de la production et de l'artisanat locaux, et donc de relations humaines fortes. Stéphane Lavignotte rappelle à ce propos l'idée de remplacer l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) par l'Organisation Mondiale pour la Localisation (OML)38, qui donnerait la primeur à l'agriculture et aux monnaies locales, proposition reprise par Vincent Cheynet lors de sa candidature aux législatives en 2007. Les effets indirects de cette relocalisation seraient par ailleurs multiples : elle permettrait d'une part une redistribution de la terre dans le cadre d'une agriculture véritablement biologique, avec les emplois qui en découlent, et d'autre part, une réduction des transports inutilement producteur de CO2 et un recentrement de l'individu sur son environnement immédiat (« l'être au monde »). Pour Jean-Pierre Tertrais, cela signifierait in fine avoir la maîtrise sur la gestion de l'oeuvre commune : « une population qui aurait, par l'autogestion généralisée, la maîtrise de la production, n'aurait aucun intérêt à entretenir le gaspillage sur lequel est fondé le capital »39.

Mais la bataille pour une meilleure distribution des richesses, un plus grand respect des ressources naturelles et d'une certaine sensibilité face à la raison technique et économique ne s'arrête pas là ; l'écrasante majorité des partisans de la décroissance plaide en effet pour des choix de société forts, notamment en ce qui concerne la distribution des revenus : le « revenu d'existence », encore appelé « universel » ou « inconditionnel », versé indépendamment de tout travail ou de toute autre variable économique (âge, niveau de richesse...) est revendiqué40, en raison du droit qu'a chacun, dans nos sociétés prospères, d'avoir sa part de richesse, et lui permettant par ailleurs de se consacrer plus aisément à toutes sortes d'activités d'épanouissement (engagement associatif, loisirs, liens sociaux...). Des changements dans le monde du travail sont également appelés : resserrement de l'écart entre le salaire minimum et un salaire maximum

37LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

38LAVIGNOTTE (S.), op.cit.

39TERTRAIS (J.-P.), Du développement à la décroissance, de la nécessité de sortir de l'impasse suicidaire du capitalisme, éd. Libertaire, 2006.

40Citons notamment : MYLONDO (B.), (dir.), La décroissance économique : pour la soutenabilité écologique et l'équité sociale, Editions du Croquant, 2009, 239 p. ; LAVIGNOTTE (S.), op.cit. ; CHEYNET (V.), Le choc de la décroissance, éd. Seuil, 2008, 213 p. ; LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p. ; ARIES (P.), Décroissance ou barbarie, éd. Golias, 2005, 163 p.

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(quatre fois le salaire minimum pour Latouche41 ), passage à la semaine de trois jours (Ellul préconisait deux jours42), possible en raison des immenses gains de productivité réalisés depuis plusieurs décennies et de l'idée qu'il ne faut pas « perdre sa vie à la gagner » et au contraire libérer du temps pour s'épanouir autrement ; enfin, dans la même perspective, avancer l'âge de départ à la retraite. Concernant les infrastructures et institutions économiques, l'Association Recherche et Décroissance milite43 : réduction des infrastructures dédiées à la production, la consommation et au transport (centrales, aéroports, autoroutes, lignes à haute tension...) et abolition progressive des droits de propriété permettant d'exploiter les ressources naturelles, qui seraient ainsi propriété collective. La limitation de la taille, voire le démantèlement des firmes multinationales, ainsi que de certaines banques, pour éviter que les dérives liées à la spéculation et l'exploitation sous ses diverses formes n'entraînent un creusement des inégalités de richesses, est également une idée défendue avec vigueur44.

Loin de se contenter de la critique, les objecteurs de croissance possèdent une vision globale de la société et proposent des mesures novatrices pour combler ses failles.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus