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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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PARTIE II : La décroissance, une solution ?

Répondant aux failles de la croissance, un mouvement proposant un modèle social et économique original est apparu : la décroissance.

Bien qu'ayant des racines plus anciennes que nous entreverrons, l'idée de décroissance se forge en 1971 avec rapport Halte à la croissance ? rédigé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et commandé par le club de Rome, lieu de réflexion sur des questions économiques et sociales : celui-ci s'interroge sur la pérennité du modèle de croissance alors à son apogée avec les Trente Glorieuses et annonce son arrêt au cours du siècle suivant, et peut-être même avant. Le rapport prend une grande ampleur médiatique, relayée par la parution en 1979 du recueil d'articles Demain la décroissance : Entropie, écologie, économie écrit par l'économiste et mathématicien hongrois Nicholas Georgescu-Roegen, qui propose une série de mesures visant à surmonter la crise du modèle économique dominant, selon lui inévitable car consécutive à l'épuisement de nos ressources fossiles.

Toutefois, la contestation de la croissance va ensuite connaître une longue traversée du désert consécutive à la fin des Trente Glorieuses et aux crises économiques résultant des différents chocs pétroliers. Elle revient pourtant en force au début des années 2000, et devient un thème militant en France avec les numéros 280 et 281 de la revue écologiste Silence, sous la direction de Vincent Cheynet et Bruno Clémentin, qui la revendiquent également dans leur magazine « Casseurs de pub ». En 2002, l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) fait de la décroissance un des thèmes de sa conférence « Défaire le développement, refaire le monde », et elle est mise à l'agenda de nombreuses autres rencontres par le réseau « Pour une insurrection des consciences ».

En 2004, le mouvement des objecteurs de croissance semble vouloir sortir de l'écologie, à la fois pour s'en différencier et s'adresser à un public plus large : La décroissance, le journal de la « joie de vivre » est créé par François Schneider, qui organise dans le même temps plusieurs conférences publiques. De nombreux sites internet se spécialisent sur le sujet25. L'organisation de

25Citons à ce titre :le site participatif www.decroissance.info, le site officiel de l'Institut d'études économiques et sociales pour la décroissance soutenable www.decroissance.org, et le site du journal La Décroissance www.ladecroissance.net.

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rassemblements pacifiques débute, dont les plus notables sont les « marches de la décroissance » regroupant jusqu'à 500 personnes. En 2005, le courant « Utopia » dépose une motion lors du congrès du Parti socialiste, mais ne recueille que 1,05 % des voix. L'année 2007 voit alors l'apparition du premier parti politique consacré à la décroissance, le « Parti pour La Décroissance » (PPLD), mais également la création de la revue Entropia et du groupe a-partisan, écologiste et anticapitaliste « Mouvement des objecteurs de croissance » (MOC). Un colloque rassemblant 140 scientifiques et des mouvements écologistes et de développement durable est organisé en 2008 à Paris par l'association « Recherche et décroissance », et publie une déclaration se voulant retentissante.

Le terme « décroissance » renvoie donc à une réalité large : il regroupe tous ceux qui souhaitent la réduction de la taille physique du système économique et son renouveau, par moins de prélèvements de ressources naturelles, moins de rejets polluants, pour des raisons écologiques, sociales et démocratiques et proposent des réponses inédites aux défis de ce temps.

Plutôt que de regrouper les auteurs, mouvements par leurs thèses et positions, ce qui ressemblerait à une compilation brute, ou d'étudier l'apparition et l'évolution des mouvements et de leurs idées au fil des quarante dernières années, ce qui a déjà été proposé par de nombreux ouvrages, notre démarche se voudra résolument synthétique et analytique, recoupant les grands thèmes des objecteurs de croissance pour faire ressortir leurs solutions mais également leurs débats internes.

1) Une décroissance du Produit Intérieur Brut ?

Lorsque survient aux oreilles l'idée de décroissance, apparaît conjointement et immédiatement son antinomie avec la croissance économique. La décroissance semble donc, à première vue, une mouvance prônant non seulement la cessation de l'augmentation de la production des biens et services d'une année sur l'autre, mais leur véritable diminution, année après année.

Pourtant, cette volonté de décroissance du PIB, qui a fait la célébrité des décroissants et constitue en quelque sorte leur étendard, n'est finalement pas si évidente.

Nicholas Georgescu-Roegen26 , un des pionniers du mouvement, voit pourtant dans la décroissance du PIB un moyen nécessaire pour éviter la fin de la vie humaine sur terre. Il dresse

26GEORGESCU-ROEGEN (N.), La décroissance : Entropie, écologie, économie, éd. Le sang de la Terre, 2008, 3e éd.

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le constat que les hommes ont choisi de baser leurs activités sur des énergies fossiles, et qu'à ce titre, celles-ci ne dureront pas 5 milliards d'années mais s'éteindront avec leur consommation irréversible : c'est la loi thermodynamique de l'Entropie. Celle-ci peut être considérée comme la mesure du désordre énergétique régnant dans un système ; à l'entrée, l'énergie est de basse Entropie (énergie libre) ; à la sortie, l'énergie est de haute Entropie (énergie liée), c'est-à-dire des déchets inutilisables et sans valeur27. Pour Georgescu-Roegen, dans un système clos ou quasi-clos, tel que la Terre, l'énergie libre baisse et l'énergie liée augmente de façon irréversible : l'entropie augmente donc en continu. La bioéconomie, dont il est l'un des précurseurs, contribue donc à replacer la biologie au coeur de l'économie, en prenant en compte l'interaction fondamentale entre le processus économique et son environnement matériel. Georgescu-Roegen voit donc dans la décroissance du PIB le passage obligé pour répondre à la disparition des ressources naturelles causée par la croissance économique.

A l'heure actuelle, les mouvements comme l'Association pour la décroissance (PPLD et MOC) et des auteurs tels Cheynet28 , promeuvent la décroissance, mais davantage comme une réponse aux inégalités entre les pays du Nord et du Sud : la croissance économique a échoué à apporter le développement à ces pays, les enfonçant même dans la spirale de la pauvreté : elle ne doit donc se poursuivre.

Mais ces courants n'emportent pas la majorité du sein de la vaste mouvance que constituent les décroissants, et d'aucuns voient plutôt, à l'instar de Paul Ariès, la décroissance comme un « mot-obus »29, créant un choc, une remise en question de notre modèle économique, bien plus que comme un programme dont l'élément phare serait l'arrêt de la production des biens et services. Pour celui-ci, la décroissance peut se traduire par une baisse du PIB, mais pas nécessairement : la décroissance n'est pas forcément la « croissance négative »30 . Il est rejoint en cela par Serge Latouche 31 , pour qui il s'agit surtout d'abandonner une foi, une religion, celle de « l' économisme » et de la recherche du profit, en considérant la croissance comme l'unique moyen du progrès. Pour faire face aux défis de notre temps et résoudre les problèmes posés par la croissance économique, il est selon lui possible de poursuivre une certaine croissance économique. L'essentiel, semblent alors nous dire dans un article commun Ariès, Clémentin et même Cheynet32,

27Pour donner un exemple simple, un glaçon ayant fondu dans un verre ne redeviendra jamais un glaçon ; de même,

un ordinateur ne pourra jamais revenir à la matière première qui a été utilisée pour le produire et l'énergie utilisée

pour le construire ne pourra plus jamais être utilisée

28LAVIGNOTTE (S.), La décroissance est-elle souhaitable ?, éd. Textuel, 2010, p.35.

29ARIES (P.), Décroissance ou barbarie, éd. Golias, 2005, 163 p.

30ARIES (P.), La décroissance : un nouveau projet politique, éd. Golias, 362 p.

31LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

32ARIES (P.), CLEMENTIN (B.), CHEYNET (V.), « Ce que la décroissance n'est pas », La décroissance, février

2006, n°30.

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est de ne pas voir la décroissance comme un objectif strict, une fin en soi, mais plutôt un combat pour une certaine conception de l'homme.

Mais ni l'une ni l'autre de ces deux approches ne semblent satisfaire Jean-Marie Harribey, qui adopte une position originale33 : la décroissance au Nord, la croissance au Sud. Ses idées convergent avec celles de l'association ATTAC34 (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne), qui voit une injustice dans la tentative d'imposer un arrêt de croissance aux pays du Sud, eux qui n'ont pas, contrairement aux pays développés, joui des bénéfices de la croissance pour satisfaire leurs besoins fondamentaux.

Le dilemme avancé par Stéphane Lavignotte35, « la poursuite de la croissance infinie n'est pas forcément vertueuse, mais le contraire non plus » résume bien la situation et les difficultés à estimer les conséquences, particulièrement négatives, qu'une décroissance économique du pays pourrait avoir. Notons aussi que la question plus générale du développement économique suscite des remous au sein de la mouvance : celui-ci, inséparable de la croissance, témoignerait d'une vision ethnocentriste et ne pourrait apporter « qu'aliénation, perte de souveraineté et concurrence entre les peuples et les individus » (MOC)36 ; d'autres penseurs, au contraire, sont plus nuancés et recherchent un autre mode de développement. Si l'on revient à la problématique de la stricte décroissance économique, l'indicateur du PIB peut traduire par son augmentation une bonne évolution, par exemple une hausse des produits non marchands (éducation, santé...) ou de la production des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles. L'essentiel est donc, somme toute, d'opérer avec discernement ce qui, dans le PIB, doit décroître et ce qui ne le mérite pas : c'est l'idée de décroissance sélective. En tout état de cause, les divers mouvements distinguent nettement récession de décroissance : cette dernière est voulue et non subie, ne constitue pas une brève halte avant de retrouver la croissance mais explore des voies inédites.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo