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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

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par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

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3) Une définition du bonheur inadéquate

Au-delà des failles de la croissance précédemment décrites, existe-il peut-être un problème plus profond et subtil. Il concerne notre philosophie de vie.

La croissance repose pour une large part sur la consommation de masse des ménages. Par conséquent, il faut inciter ceux-ci à consommer toujours et le plus possible, ou la production diminuera, entraînant avec elle des pertes d'emplois et l'effondrement des revenus : la « crise » s'installera. Vu positivement, si la croissance remplit sa mission, les revenus seront plus élevés, donnant en principe plus de choix aux individus pour diriger leur vie, et de façon générale amélioreront leur qualité de vie : l'augmentation du PIB par tête paraît donc se justifier.

Pourtant, dans nos pays développés, une grande partie de la population a déjà satisfait ses besoins essentiels, la prolifération des biens de consommation ne va donc pas ajouter grand chose au confort matériel. Il n'y a pas de relation linéaire simple entre le flux matériel et l'épanouissement : « plus » ne veut pas nécessairement dire « mieux ». Pourquoi alors vouloir toujours plus ? Il apparaît que cet objectif de croissance a pris trop de place dans nos conduites de vie : s'est insinuée l'idée que le bien-être passait nécessairement par la consommation, la possession, le confort et le luxe. La société de croissance pousse au consumérisme, qui recèle l'idée qu'il faut toujours plus pour se sentir toujours mieux (« j'ai, donc je suis »).

Ceci d'abord parce que le fait de posséder quelque chose est un marqueur social très fort : notre échelle de réussite se définit par rapport à l'échelle du prix des biens que nous avons pu

18ACKERMAN (G.), « Kazakhstan, le vrai visage du régime », Politique Internationale, 2012, n°137, page 280. 19Citons par exemple l'hebdomadaire Le Point, qui consacre sa une du 9 août 2012 à l'Afrique.

20JACKSON (T.), Prospérité sans croissance, éd. De Boeck, Paris, 2010.

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acquérir. Les objets sont imprégnés d'un sens social et psychologique, qui met en place un langage symbolique permettant de communiquer avec les autres. Le fait de ne pouvoir accéder à tel bien ou adopter tel mode de vie fait naître un sentiment d'infériorité, parfois même de pauvreté. Le désir, le besoin, stimulés par la publicité et la société de croissance, créent un décalage par rapport à la situation présente et entraînent ce sentiment. Publius Syrus écrivait : « le moins pauvre des hommes est celui qui désire le moins »21. Ressort l'idée que la richesse est relative : si l'on sait maîtriser ses désirs, l'on peut être riche en ayant peu. Changer cette façon d'appréhender la vie pourra permettre de se recentrer sur des projets véritablement personnels et pertinents.

Ce que la société de consommation fait ressentir en fin de compte, c'est une perpétuelle fuite du présent : le bonheur promis s'échappe, son horizon est perpétuellement repoussé. Il n'y a pas la satisfaction de posséder quelque chose de durable et de véritablement bon et utile, car cette société pousse à croire que le meilleur est devant, dans le prochain objet à acquérir, le prochain mode de vie à adopter, et cela infiniment répété par une propagande plus pernicieuse que celle d'un régime totalitaire. La fin extrême, le but ultime du processus n'est jamais atteint, et c'est plutôt la frustration qui règne. Cette pensée de Lucrèce résume: « Mais si tu désires toujours ce que tu n'as pas, tu méprises ce que tu as, ta vie s'est donc écoulée sans plénitude et sans charme »22

Pour Tim Jackson, « c'est finalement l'accès au bonheur que la croissance semble avoir compromis en nous poussant à instrumentaliser toute relation, cherchant à la rendre systématiquement efficace, productive et marchande »23. Au delà d'un certain point, la recherche permanente de la croissance économique peut ne plus favoriser le bonheur humain et même l'empêcher : il y a une régression malgré la réussite économique. Le modèle idéal de la famille aisée d'un pays développé, qui vit dans un appartement ou une maison, possède deux voitures, une ou deux télés, un animal de compagnie, et suffisamment d'argent pour partir en vacances trois semaines par an, est-il vraiment synonyme de réussite et de bonheur ?

Il faut revoir les modes de pensée : l'augmentation de la richesse ne doit pas passer exclusivement par une augmentation du PIB/ habitant, parce que celui-ci interdit la prise en compte d'un certain nombre de « facteurs de bonheur » (harmonie familiale, liens avec la nature...) d'une société et l'enferme dans l'aspect de la production et de la consommation. Toutefois, bien que des recherches24 aient été menées pour le remplacer ou le tempérer, les difficultés à surmonter sont nombreuses, lui permettant de préserver encore nettement sa place d'indicateur phare de

21SYRUS (P.), Sentences, Ier siècle av. J.-C.

22LUCRECE, De la nature des choses, Ier siècle av. J.-C.

23JACKSON (T.), op.cit.

24Citons à ce titre les travaux de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social,

réunie en 2009 sous la présidence de Joseph E. Stiglitz.

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l'épanouissement humain.

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