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L'exploitation du monopole conféré par la propriété industrielle et l'exercice des pratiques anticoncurrentielles en zone OAPI ( organisation africaine de la propriété intellectuelle )

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par Brice WAKAP CHONGANG
Université de Dschang Cameroun - Master en droit option : droit des affaires et de l'entreprise 2013
  

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B. Les hypothèses d'accaparement d'un monopole sur un marché grâce au monopole de propriété industrielle

L'exercice de l'exclusivité conférée par la propriété industrielle peut participer totalement à la construction d'un monopole de marché. Le monopole de marché est entendu comme le stade ultime de la domination dû au contrôle exclusif de la totalité de la fabrication ou de la distribution des biens ou services de la totalité du marché en question74(*). Rappelons très vite que contrairement au régime général des monopoles légaux75(*), le monopole légal conféré par l'OAPI ne confère pas automatiquement la domination absolue du marché. En effet, ce droit exclusif n'est conféré que sur un objet protégé, qui peut ne pas former à lui seul un marché distinct, eu égard au poids des objets substituables en présence. Toutefois, deux situations peuvent permettre au monopole de propriété industrielle de déboucher sur un monopole de marché. Il s'agit soit de l'exploitation d'un monopole de propriété industrielle sur des objets ne disposant pas de substituts sur leur marché (1), soit de l'exploitation cumulée de tous les droits de propriété industrielle couvrant un marché (2).

1- L'hypothèse de l'absence de substitut à l'objet protégé sur le marché en cause

A l'étude, il se dégage que l'accaparement d'un monopole de marché peut provenir de l'exercice d'un monopole de propriété industrielle sur un objet ne disposant pas de contraintes véritables sur son marché.

En effet, l'exploitation d'un brevet, ou d'un droit de marque sur un bien ou un service76(*) sur lequel il n'existe pas encore de produit ou service, directement ou indirectement « substituable »est à même de permettre au titulaire de s'accaparer une situation de monopole sur le marché de l'objet en cause77(*). Celui-ci aura grâce à ses droits exclusifs de propriété industrielle, le contrôle exclusif de la totalité de la fabrication ou de la distribution de cet unique bien du marché en question. Clairement, il aura à sa disposition exclusive la globalité du marché en cause. A titre de droit comparé, une telle prédisposition obtenue grâce à l'exploitation du droit exclusif de propriété industrielle a à maintes reprises amené les autorités de la concurrence française à constater un monopole sur le marché. A cet effet, la Cour de Cassation française78(*) a constaté une position dominante de « SANDOZ ». Dans cette affaire, les laboratoires « SANDOZ » étaient considérés comme en position de monopole sur le marché de la ciclosporine79(*) à raison du dépôt d'un brevet leur conférant le droit exclusif d'exploitation et de distribution du produit qui à l'époque des faits n'avaient pas de concurrents sur le marché.

Techniquement, pour illustrer une telle situation on fait très souvent recours à la notion de « facilité essentielle ». En réalité, la notion des « facilités essentielles » est une création des tribunaux américains, reprise en droit européen et français de la concurrence. Elle peut tout de même s'appliquer aisément en zone OAPI. Elle se définit comme l'analyse d'une situation dans laquelle une entreprise en situation de puissance exploite ou contrôle une installation qui ne peut être recréée par des moyens raisonnables et dont l'accès est indispensable à ses concurrents pour exercer leurs activités sur le marché concerné ou sur un marché aval80(*). La question de l'application de cette théorie dite des « infrastructures essentielles » à des éléments immatériels couverts par des droits de propriété intellectuelle a pu être débattue. En effet, la propriété intellectuelle poursuit des objectifs d'efficience économique au moins aussi essentiels que les objectifs poursuivis par les éléments matériels. Il est par exemple vraisemblable que l'accès à une infrastructure physique telle qu'un réseau électrique ou de téléphone mette en jeu des droits de propriété intellectuelle. Les réseaux sont en effet pilotés par des systèmes informatiques complexes utilisant des logiciels et des procédés qui peuvent être protégés81(*). Au final, l'entrée de cette théorie dans le sillage des droits de propriété incorporelle a été confirmée par de nombreuses affaires82(*).

En application de cette notion, la détention et l'exercice d'un droit exclusif de propriété industrielle sur un objet remplissant les qualités d'une « facilité essentielle »83(*), peut permettre à son titulaire d'accaparer un monopole sur le marché en cause. L'impossibilité ou pour le moins la difficulté de dupliquer l'objet en cause, rend très probable que celle-ci demeure unique sur le marché concerné. Ce constat a ainsi été effectué par la Commission européenne dans une décision du 24 mars 200484(*), à l'encontre de Microsoft qui détenait les 90% du marché des systèmes d'exploitation pour PC clients grâce à sa norme essentielle « Windows » protégée et difficilement ré- créable.

Notons tout de même qu'à côté de l'exercice des droits de propriété industrielle, l'exploitation du monopole de propriété littéraire et artistique a aussi permis à l'épreuve de forger un tel monopole de marché85(*).

En fin de compte, l'exercice des droits de propriété industrielle peut permettre à son titulaire d'accaparer un monopole de marché, notamment en cas de carence de l'objet, voire de son équivalent sur le marché de référence. De même en est-t-il en cas d'accumulation de tous les droits de propriété industrielle d'un marché.

2- L'hypothèse de l'accumulation de tous les droits de propriété industrielle d'un marché

Un effet cumulatif de droits de propriété industrielle sur les biens ou services d'un marché précis, peut avoir pour conséquence de donner un monopole de marché à l'entreprise titulaire des droits en cause.Le mécanisme de l'accumulation est une technique visant à protéger de façon continue tous les éléments techniques et distinctifs d'un marché, dissuadant ainsi les concurrents potentiels d'investir des ressources de recherche et développement (R&D) dans ce secteur. Ce mécanisme de protection continue est tout à fait possible en zone OAPI, surtout par les grandes firmes multinationales qui structurent les marchés de la zone au regard de leur puissance économique et surtout technologique.

En effet, par ce mécanisme, aucune entreprise ne pourra avoir accès au marché sans la volonté du titulaire, qui pourrait sans difficulté se tailler un monopole sur le marché matériel découlant du vaste domaine de recherche qu'il s'est réservé. Ainsi, il a été remarqué que, l'accumulation par une seule entreprise de la totalité de droits de propriété industrielle dans un même domaine de recherche, peut lui donner une importante puissance économique dans le secteur concerné86(*). Au contact de cette stratégie d'accumulation, les auteurs ont parlé tantôt de « brevets bloquants»87(*), tantôt de « préemption technologique »88(*). S'agissant de la théorie des « brevets bloquants », ellea été mise sur pied pour fustiger l'entreprise qui s'accapare de tous les brevets d'un secteur, bloquant ainsi toute entrée dans ce champ qu'elle veut monopoliser. La « préemption technologique » quant à elle, rend comptedu comportement d'une entreprise visant à accélérer le rythme de ses innovations pour déposer et exploiter des droits de propriété industrielle avant les autres firmes voulant pourtant entrer dans le domaine en cause. Il s'agit donc de l'émergence d'une nouvelle forme de concurrence : la concurrence par l'innovation.

En fin de compte, si l'exploitation d'un seul droit industriel peut paraître insuffisant pour contrôler tout un marché, leur accumulation peut conduire à la détention d'un total pouvoir sur les autres acteurs voire sur le marché lui- même89(*).

Au final, le monopole conféré par le système OAPI de la propriété industrielle peut dans certaines hypothèses permettre à son titulaire de détenir un monopole sur un marché. Mais notons tout de même, qu'il faille qu'une série de circonstances l'accompagne. Ainsi, les droits de propriété industrielle peuvent donner à leurs titulaires la faculté d'exercer un pouvoir sur le marché, du moins lorsqu'il n'existe pas de technologies et produits analogues représentant des contraintes viables. C'est une telle possibilité qui a fait dire que l'exercice de ce pouvoir conféré par la propriété intellectuelle peut donc conduire à une inégalité dans la répartition des ressources sur un marché90(*). Autant l'exploitation des droits de propriété industrielle peut construire un monopole sur le marché, autant elle est un support privilégié de la technologie et d'indépendance à l'égard des concurrents.

* 74Voir GNIMPIEBA TONNANG (E ;), « La prohibition des pratiques de domination des marchés par les entreprises en Afrique Centrale : ombres et lumière d'une réforme », JP n°76, octobrenovembre-décembre 2008, p. 106

* 75En principe, lemonopole légal traduit automatiquement une concentration absolue, établissant la domination sans qu'il y ait à faire d'autres démonstrations, voir à ce sujet NGUEFACK DONZEU (G.), op.cit., p. 8.

* 76 Pour ne citer que ceux-ci. En effet, la démonstration vaut pour quasiment tous les autres droits de propriété industrielle (qu'il s'agisse des droits de modèles d'utilité, de dessins et modèles, de schéma de circuit intégré voire d'obtentions végétales).

* 77 DECOCQ (G.), op. cit., p. 3.

* 78 Cass.Com. 28 juin 2005, Pourvoi n°4-13910, Rev.Lamy de la Concurrence n°5, 2005, p. 25.

* 79 Molécule indiqué pour la prévention du rejet des greffes ainsi que dans le traitement antirejet des transplantations d'organes ou de Greffes de la moelle osseuses.

* 80 GAURIOT (L.), L'évolution de la notion d'infrastructure essentielle s'agissant des droits de propriété intellectuelle, DESS, Université Paris II- Panthéon Assas, 2005-2006, p. 8.

* 81LEVEQUE (F.), « La décision du TPICE contre Microsoft : où est passée l'économie? », Rev. Lamy de la Concurrence n°14, Janvier/ Mars 2008, p. 22.

* 82Théorie alimentée par une avalanche de décisions : CJCE, 6 avril 1995 Aff. Magill, C 241/91 et 42/91, Rec. 1995 p. I 743 ; Décision de la Commission du 13 août 2003, Aff. « IMS Health », JOCE L 268 du 18 octobre 2003 ; CJCE 29 avril 2004, Aff. C 418/01, Rec. 2004 page I-05039 ; Décision de la Commission du 24 mars 2004 rendue dans l'Aff. « Microsoft », Aff. COMP/C-3/37.792

* 83Ces qualités se résument en trois critères. Le premier est le caractère indispensable et incontournable de son utilisation pour un opérateur offreur d'un service déterminé. Le deuxième critère réside dans l'impossibilité ou, pour le moins la difficulté, de dupliquer l'infrastructure en cause, Le troisième critère, enfin, est le contrôle fonctionnel exercé sur elle par un monopoleur ou un groupe de partenaires agissant comme le ferait un actionnaire unique (ce dernier critère caractérisant l'indépendance sur le marché comme il sera démontré plus bas). Voir en ce sens MARTY (F.) et PILLOT (J.), « Politiques de concurrence et droits de propriété intellectuelle : La théorie des facilités essentielles en débat », en ligne www.gredeg.cnrs.fr/colloques/rei/document/marty_pillot.pdf(recueilli le 3 juin 2012)

* 84 Aff. Microsoft, JOUE n°L.32 de 2007.

* 85 TPICE 10 juillet 1991, Aff. T-70/89, Magill.Sur le point de la position de la requérante sur le marché en cause, le Tribunal relève que la BBC disposait, grâce à son droit d'auteur sur ses grilles de programmes, du droit exclusif de reproduire et mettre sur le marché lesdites grilles. Cette circonstance lui a permis, au moment des faits incriminés, de s'assurer le monopole de la publication de ses grilles hebdomadaires dans un magazine spécialisé dans ses propres programmes, le "Radio Times ". Il en résulte que la requérante occupait manifestement, à l'époque considérée, une position dominante, tant sur le marché représenté par ses grilles hebdomadaires, que sur celui des magazines dans lesquels elles étaient publiées, en Irlande et en Irlande du Nord.

* 86 Cf. en ce sens, ALEXANDER (W.), op. cit., p. 48.

* 87 Voir à ce titre LE BAS (C.) et MOTHE (C.), « Le brevet bloquant :évaluation des pratiques des entreprises françaises », en ligne in www.stratégie-amis.com/évents/.../3.../e.brevet.../download, p. 8. (Recueilli le 2 septembre 2012).

* 88Voir COMBE (E.), La politique de concurrence, éd. La Découverte, Paris, Repères, 2002, p. 58.

* 89 GAGNON (M-A.), op. cit., p. 5.

* 90Source :Rapport préliminaire sur la façon dont l'exercice des droits de propriété intellectuelle est pris en compte dans la politique de la concurrence par CONSEIL DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT Commission de l'Investissement, de la Technologie et des Questions Financières connexes Groupe intergouvernemental d'experts du droit et de la politique de la concurrence, Genève, 7 juin 1999, p.1. (en ligne in www.unctad.org).

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