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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DE SFAX

FACULTE DE DROIT DE SFAX

L'INTANGIBILITE DES

OUVRAGES PUBLICS

Mémoire

Pour l'obtention du Diplôme de Mastère de Recherche en Droit Public

******

Préparé par :

Henda EL GHOUL

Sous la direction de :

Mr. Néji BACCOUCHE

JURY :

Président :

Directeur : Mr. Néji BACCOUCHE
Suffragant :

Année Universitaire :

2013 - 2014

Dédicaces

Je dédie ce travail,

A mes parents,

A mes frères,

A mon fiancé.

Peu de choses pour exprimer mon amour et ma

reconnaissance de leurs sacrifices, leurs affections et leurs

encouragements.

A toute ma famille pour son accueil et sa douce affection.

Remerciements

,fie tiens à remercier tout particulièrement mon encadreur Monsieur le Professeur Néji BACCOUCHE.

,fie voudrais exprimer ma reconnaissance et mes remerciements à Monsieur Issam BEN HASSEN et Monsieur Mohamed NAIFAR pour leurs conseils.

Mes remerciements s'adressent également aux agents de la bibliothèque et aux personnels de la Faculté de Droit de Sfax.

« La faculté n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans le cadre de ce
mémoire. Ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur ».

Liste des abréviations

· Aff : Affaire

· AJDA : Actualité juridique droit administratif

· AJT : Actualité juridique tunisienne

· Al : Alinéa

· Ass : Assemblé plénière

· C : Contre

· Cass : Cassation

· CATU : Code de l'aménagement du territoire et de

l'urbanisme

· CCP : Code de la comptabilité publique

· CDR : Code des droits réels

· CE : Conseil d'Etat

· CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme

· CERP : Centre d'études, de recherches et de publications

· CESDH : Convention Européenne de Sauvegarde des Droits

de l'Homme

· COC : Code des obligations et des contrats

· Conel : Conclusions

· CPCC : Code de procédure civile et commerciale

· CPU : Centre de publication universitaire

· CREA : Centre de recherches et d'études administratives

· DEA : Diplôme des études approfondies

· Déc : Décision

· Éd : Edition

· EDCE : Etudes et documents du Conseil d'Etat

· Fasc : Fascicule

· FDS : Faculté de droit de Sfax

· FDSP : Faculté de droit et des sciences politiques

· FSJPS : Faculté des sciences juridiques, politiques et

sociales de Tunis

· GP : Gazette du Palais

· JCA : Juris-Classeur Administratif

· JCP : Juris-Classeur périodique - La semaine Juridique

· JORT : Journal officiel de la République tunisienne

· LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

· LPA : Les petites affiches

· M : Monsieur

· Mél : Mélanges

· N° : Numéro

· P. : Page

· PUF : Presses universitaires de France

· R.A. : Revue administrative

· RDP : Revue de droit public et de la science politique en

France et à l'étranger

· Rec : Recueil

· Rec. Leb : Recueil Lebon

· REP : Recours pour excès de pouvoir

· Req : Requête

· RFDA : Revue française de droit administratif

· RFFP : Revue française de finances publiques

· RIDE : Revue internationale de droit économique

· RISA : Revue internationale des sciences administratives

· RISE : Revue internationale des sciences économiques

· RJL : Revue de jurisprudence et de législation

· RTAP : Revue tunisienne d'administration publique

· RTD : Revue tunisienne de droit

· T : Tome

· TA : Tribunal administratif

· Vol : Volume

Sommaire

INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE : L'ambivalence du principe

Chapitre I : La protection des ouvrages publics Chapitre II : L'affectation des droits des administrés

DEUXIEME PARTIE : L'adaptation du principe

Chapitre I : Les limites du principe Chapitre II : L'infléchissement du principe

CONCLUSION

INTRODUCTION

1

Introduction

« Le droit administratif a été trop longtemps enfermé dans une idéologie inégalitaire. L'administration dans la conception classique est placée sur un piédestal par rapport aux personnes privées »1. Les rapports qui s'établissent entre l'administration et les administrés ne sont pas placés sous le signe de l'égalité juridique. Contrairement au droit civil, qui vise des personnes qui sont en principes égales et indépendantes, le droit administratif est un droit inégalitaire, dans lequel l'administration, garante de l'intérêt général, dispose de prérogatives de puissance publique.

L'administration dispose, au nom de l'intérêt général, de certains privilèges par rapport aux particuliers. Son action ainsi que ses propres biens font l'objet d'une protection particulière. A ce titre, l'ouvrage public se trouve protégé par le principe d'intangibilité qui ne manque pas d'avoir des conséquences sur le droit de propriété des personnes concernées.

Notion difficilement saisissable par le droit (I), l'ouvrage public est soumis à un régime de protection particulier de l'intangibilité (II). Par une application soutenue de cette règle protectrice du bien public, l'ouvrage public a assurément vu son autonomie se renforcer et son importance se développer (III).

I. La notion d'intangibilité de l'ouvrage public

Exprimer à travers l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas »2, le principe d'intangibilité fait partie intégrante d'un

1 Ch. DEBBASCH, « Le droit administratif, droit dérogatoire au droit commun ? », in Droit administratif, Mél. R.CHAPUS, Montchrestien, Paris, 1992, p. 128.

2 CE., 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudiére, S., 1854, II, 113. Il est à noter que seule la jurisprudence a forgé et appliqué le principe de l'intangibilité des ouvrages publics, qu'aucun texte ne formule. En fait, Selon ledit principe, le juge ne peut ordonner ni la destruction, ni le déplacement, ni la modification de l'ouvrage public mal planté. Cette attitude es t la conséquence de l'adage « ouvrage

2

Introduction

régime particulièrement favorable aux ouvrages publics. Dépendance du domaine public3, l'ouvrage public obéit au régime de ce dernier4 et bénéficie de la protection la plus rigoureuse de l'intangibilité puisque les particuliers ne peuvent obtenir la démolition, le déplacement, la modification de l'ouvrage mal planté5 quelque soit le bien fondé de leur droit. L'intangibilité constitue la « qualité de ce qui est intangible » et le terme intangible s'adresse à une chose à laquelle « il est interdit de porter atteinte » 6. Le principe d'intangibilité permet d'éviter toutes les mesures, de quelque nature que ce soit, qui entraîneraient une atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement normal de l'ouvrage public.

Mais qu'est ce que signifie ouvrage public ?

L'ouvrage public7 est un immeuble aménagé à un intérêt général8. De ce fait, la notion d'ouvrage public repose sur l'application de deux critères, l'un matériel et l'autre organique9.

public mal planté ne se détruit pas ». L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : la règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, § 14.

3 R. CAPITANT, « La double notion de travail public », RDP, 1929, p. 522 ; J-M. AUBY, « L'ouvrage public, le régime juridique », CJEG, 1962, p. 6.

4 Les ouvrages publics appartenant au domaine public sont aussi protégés par les règles régissant le domaine public. Dans ce cas l'ouvrage public est inaliénable, règle selon laquelle les dépendances du domaine public ne peuvent être cédées à des tiers avant d'avoir fait l'objet d'une mesure de déclassement, et imprescriptible, règle selon laquelle les personnes publiques ne peuvent être dépossédées, à leur insu, de certaines dépendances de leur domaine public ; absence de droit de prescrire. N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1696.

5 M-P. MAITRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 5.

6 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2éme éd., p. 566.

7 La définition d'ouvrage public n'est inscrit dans aucun texte législatif ni en Tunisie ni ailleurs, et ne peut être dégagée qu'à partir d'un examen de l'abondante jurisprudence intervenue en la matière.

8 R. CMAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., 2001, p. 568 ; Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens : domaine, travaux, expropriation, Armand Colin, 5ème éd., p. 223; M. GUYOMAR, Concl. sur TC, 12 avril 2010, Electricité réseau distribution de France c/ Michel, « Ouvrage public et service public de l'électricité », RFDA, mai- juin 2010, p. 553 ; S. PIERRÈ-CAPS, « La notion d'ouvrages publics tendances de la jurisprudence récente », RDP, n° 6, novembre- décembre 1938, p. 1672.

9 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai- juin 2010, p. 562.

3

Introduction

La notion d'ouvrage public renvoie tout d'abord à des éléments concrets tenant à sa nature matérielle qui regroupe trois éléments. Il s'agit de caractère immobilier de l'ouvrage, l'aménagement particulier dont celui-ci a fait l'objet, enfin son affectation d'intérêt général.

1- Un ouvrage public est avant tout un immeuble. Seul un bien

immobilier est susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public. Selon le professeur René CHAPUS, « il n'ya d'ouvrage public qu'immobilier »10. L'immeuble, c'est-à-dire, « toute chose fixe qu'on ne peut pas déplacer sans dommages »11, peut avoir la qualité d'ouvrage public ou par nature, ou par leur destination.

L'ouvrage public peut être un immeuble par nature. Il peut prendre la forme d'un fonds de terre, d'un bâtiment ou d'une plante tant qu'elle n'est pas détachée du sol12. Les installations13 et canalisations14 qui font partie intégrante du fonds ou du bâtiment auxquels elles sont attachées que les récoltes pendantes par les racines et les fruits non encore cueillis peuvent être qualifiés comme des ouvrages publics15.

L'ouvrage public est immobilier aussi par destination. Par ailleurs, le matériel et les autres objets que le propriétaire du fonds a placés pour le service de l'exploitation de ce fonds16 prennent cette qualification. De

10 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.1, Montchrestien, Paris, 11ème éd., 1999, p. 466.

11 Article 3 du CDR.

12 Article 5 du CDR.

13 TA., arrêt n° 16781 du 28 avril 2000, héritiers Najoua Gadour c/ la commune de Zermdine, Rec. p. 140.

14 TA., arrêt n° 21896 du 26 janvier 2000, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture c/ Neji Mhiri et autres, Rec. p. 281.

15 « Les récoltes pendantes par les racines et les fruits non encore cueillis sont également immeubles. Dès que les épis sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils deviennent meubles ». Article 7 du CDR.

16 Article 9 du CDR

4

Introduction

même, les objets mobiliers17 peuvent prendre la qualification d'ouvrage public lorsqu'elles constituent des éléments accessoires non dissociables d'un ensemble plus vaste qui est incontestablement un ouvrage public18.

Toutefois, cette condition, qui s'applique quelle que soit l'importance de l'ouvrage, est parfois entendue extensivement. La théorie de l'ensemble technique conduit à un élargissement non négligeable de la notion de l'ouvrage public19. Certaines installations complexes, composées d'éléments immobiliers et mobiliers présentant entre eux un lien fonctionnel, sont considérées globalement comme des ouvrages publics20.

2- Le bien immeuble, doit être nécessairement le résultat d'un

travail de l'homme. La qualification d'ouvrage public est réservée aux seuls biens immobiliers qui ont fait l'objet d'une opération d'aménagement21. Le terme même d'ouvrage public implique que l'immeuble soit, selon la formule consacrée, oeuvré, c'est-à-dire qu'il soit nécessairement « le fruit du travail de l'homme »22. Les ouvrages restés dans leur état naturel ne peuvent pas être des ouvrages publics. Le conseil d'Etat français a refusé la qualification d'ouvrage public pour

17 TA., arrêt n° 21817 du 15 mai 1998, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de la santé publique c/ Mohsen Mabrouk, Rec. p. 342 ; TA., arrêt n° 599, rendu le 12 mars 1990, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de télécommunication c/ Monji Ben Khodhr Balghouthi, inédit.

18 B. STIRN, Concl. sur CE., 15 février 1989, Dechaume, RFDA, 1990, p. 231.

19 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la notion d'ouvrage public », AIDA, 5 juillet 2005, p. 1378.

20 J. DUFAU, Droit des travaux publics, Presses Universitaires de France, p. 85.

21 J. DUFAU, Droit des travaux publics, Presses Universitaires de France, p. 88.

22 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 210.

Introduction

une piste de ski en elle-même non aménagée23. En revanche, constitue un ouvrage public une piste de ski comportant des aménagements24.

3- Un ouvrage ne peut avoir le caractère d'un ouvrage public

que s'il est affecté à un intérêt général25, qu'il s'agisse d'affectation à l'usage direct du public ou d'affectation aux besoins d'un service public26. L'affectation à l'intérêt général justifie le régime juridique particulier qui est appliqué à l'ouvrage public et la situation qui lui est faite par rapport aux ouvrages privés27.

Le juge administratif28 a considéré qu'un immeuble ne peut être qualifié comme ouvrage public que s'il est affecté à satisfaire un intérêt général29. En revanche, il a refusé la qualification d'ouvrage public à un mur dans la mesure où il n'est pas affecté pour satisfaire un intérêt général30.

Si les trois conditions, le caractère immobilière, l'aménagement et l'affectation à l'intérêt général, constituant l'élément matériel, sont qualifiées par la doctrine d'«éléments constants de la définition »31

23 CE., 12 décembre 1986, Rebora, CJEG, J, 1987, p. 601.

24 CE., 27 juin 1986, Grospiron, CJEG, J, 1987, p. 564 ; CE., 13 février 1987, Viéville, CJEG, C, p. 321.

25 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., n° 680.

26 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Le droit administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 210.

27 J-M. AUBY, « L'ouvrage public », CJEG, 1961, p. 535.

28 TA., affaire n° 33162 du 1 juillet 2001, chef des contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de la santé publique et le ministère du domaine de l'Etat et des affaires foncières c/ Hechima Dchich et autres, inédit.

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29

30 TA., arrêt n° 21707 du 10 avril 1998, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de la santé publique c/ Mohamed Mansri et autres, Rec., p. 220.

31 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., n° 677.

5

6

Introduction

d'ouvrage public, l'élément organique, qui renvoie au propriétaire du bien32 est plus incertain. Est-ce qu'un ouvrage public peut appartenir à une personne privée sans pour autant perdre sa qualité d'ouvrage public ?

Pour le juge administratif, un immeuble ne peut être qualifié d'ouvrage public que s'il est à la propriété de l'Etat ou d'une autre personne publique33. Or, cet élément ne constitue pas une condition indispensable à la qualification d'ouvrage public. Les ouvrages publics n'appartiennent pas nécessairement à des personnes publiques.

L'extension d'un régime de droit public à un ouvrage appartenant à une personne privée recouvre deux hypothèses34. La première est celle de l'application de la théorie de l'accessoire35. En effet, la qualité d'ouvrage public peut être attribuée à un ouvrage appartenant dans les biens d'une personne privée est incorporé matériellement à une personne publique dont il devient une dépendance36. La seconde est celle de l'affectation à l'intérêt général qui parait impliquer l'application du régime de l'ouvrage public37.

II. L'autonomie de la notion d'ouvrage public

La spécificité du régime juridique de l'ouvrage public est liée à l'autonomie de la notion qui baigne dans le champ du droit administratif

32 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, ass., Avis cont., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai-juin 2010, p. 562.

33 Affaire n° 21583 du 4 février 2002, chef des contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de la santé publique et le ministère du domaine de l'Etat et des affaires foncières c/ Hechima Dchich, Rec., p. 431.

(...)

34 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, ass., Avis cont., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai-juin 2010, p. 563.

35 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la notion d'ouvrage public », AIDA, 4 juillet 2005, p. 1379.

36 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit administratif des biens, biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 216.

37 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit administratif des biens, biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 216.

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Introduction

des biens. Même si la notion d'ouvrage public est fréquemment rattachée à celles de travaux publics et de domaine public, l'ouvrage public constitue une notion autonome. Cette autonomie est désormais affirmée par la plupart des auteurs non seulement à l'égard de la notion de travail public mais aussi par rapport à celle de domaine public38.

D'une part, la notion d'ouvrage public est indépendante de celle de travail public, qui désigne les travaux réalisés pour le compte de l'Etat et sur le domaine public39. Le plus souvent, l'ouvrage public est le résultat d'opérations de travaux publics ; de même que, le plus souvent, les travaux publics sont réalisés sur des ouvrages publics40. Mais la corrélation n'est pas systématique et la dissociation est possible dans tous les sens. Certains travaux publics peuvent n'aboutir matériellement à aucun ouvrage public41. Ainsi, le cas par exemple pour les travaux public de démolition, de déblaiement, ou encore des travaux public réalisés sur une propriété privée42. En revanche, l'existence d'un ouvrage public peut ne pas avoir pour origine des travaux publics43. Un ouvrage public peut être issu d'un travail privé. Une telle situation résulte du changement de la nature juridique de l'ouvrage au cours de son

38 J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif des biens, Montchrestien, 3éme éd., 2003,

p. 620 ; J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit administratif des biens, biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 211.

39 TA., arrêt n° 22315 du 21 mai 2001, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'équipement et de l'habitat c/ Meshrgi et autres, cité par :

2005

172

40 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, ass.,Avis cont., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai-juin 2010, p. 560.

41

.

28

1999

42 O-D. BEAUREGARD-BERTHIER, Droit administratif des biens, Gualino éditeur, 2éme éd., p. 104.

43 J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif des biens, Montchrestien, 3éme éd., 2003, p. 620.

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Introduction

existence. Tel est le cas de l'acquisition par les collectivités publiques d'un immeuble précédemment construit par des propriétaires privés et affecté à un objet d'intérêt général44.

D'autre part, même s'il existe des relations étroites entre la notion de domaine public et celle d'ouvrage public, cette dernière doit être considérée comme étant autonome et distincte. La notion d'ouvrage public, peut être soit plus étroite, soit plus large que celle de domaine public45. Elle est plus étroite dans la mesure où contrairement au domaine public, l'ouvrage public ne peut naturellement ni être un meuble ni n'avoir fait l'objet d'aucun aménagement46. Elle est plus large, d'abord, du fait que certaines dépendances du domaine privé sont des ouvrages publics. Du fait aussi que, contrairement aux dépendances du domaine public, les ouvrages publics peuvent être l'objet d'une appropriation privée47.

III. L'importance de l'intangibilité de l'ouvrage public

Le principe de l'intangibilité des ouvrages publics n'est consacré, en droit tunisien, par aucun texte. Il n'a retenu l'attention de la doctrine qu'à titre accidentel. Il s'agit d'un principe jurisprudentiel48 consacré par les juridictions administratives et les juridictions judiciaires.

44 J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif des biens, Montchrestien, 3éme éd., 2003, p. 620.

45 M-P. MAÎTRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 232, 1999, p. 11.

46 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la notion d'ouvrage public », AIDA, 4 juillet 2005, p. 1378.

47 R. CHAPUS, Droit administratif, T.2, Montchrestien, 15ème éd., p. 566.

48 Il s'agit par exemple ; TA, arrêt n° 19857, rendu le 26 avril 2003, Mohamed Saka et autres c/ l'office national d'assainissement, inédit ; TA, arrêt n° 19519, rendu le 29 mars 2003, Nejma Beltifa et héritiérs Chalbia Beltifa c/ Société Tunisienne de l'électricité et de gaz, inédit ; TA, arrêt n° 1/ 17075 rendu le 1 juillet 2008, Mohammed c/ SONEDE, Rec. p. 32.

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Introduction

Il est de tradition de faire remonter l'intangibilité de l'ouvrage public, selon la doctrine dominante49, à l'arrêt du CE Français Robin de la Grimaudiére50. Malgré sa forte assisse historique, ce principe fait sous l'impulsion de la jurisprudence administrative et judiciaire, l'objet de nombreuses interrogations quant à son intérêt et son devenir51.

Née d'un constat de puissance, le principe d'intangibilité de l'ouvrage public constitue un défi aux principes qui régissent l'Etat de droit. L'une des « sujétions les plus fortes pesant de leur fait sur les administrés »52, le principe de l'intangibilité est un procédé relevant plus de l'Etat de police que de l'Etat de droit53. Consacrer l'intangibilité de l'ouvrage public comme un principe immobile54 équivaut a donné à l'administration un pouvoir beaucoup trop exorbitant, rompant avec toute considération de sécurité juridique de l'administré.

Transposée par le juge dans notre corpus juridique tunisien55, l'intangibilité des ouvrages publics, principe toujours d'actualité, ne

49 R. CHAPUS, Droit administratif, T.2, Montchrestien, 15ème éd., p. 566 ; H. TOUTEE, « La remise en cause de l'adage : Ouvrage public mal planté ne se détruit pas », RFDA, n° 8, janvier-février 1992, p. 59. Toutefois, il existe quelques voix dissidentes comme celle de Ch. BLAEVOET, « De l'intangibilité des ouvrages publics », D, 1965, p. 242). Selon cet auteur, le principe d'intangibilité résulterait d'un arrêt du CE., Lebreton, du 26 janvier 1894.

50 CE., 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudiére, S., 1854, 2, p. 213.

51 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1639.

52 J-M. AUBY, « L'ouvrage public », CJEG, 1961, p. 535.

53 C. LAVIALLE, Note sur CE., sect., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 485.

54 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1447.

55 A titre d'exemple ; TA., arrêt n° 1/13000 du 8 juin 2010, Masaoud El Boubakri c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche maritime, inédit ; TA., arrêt n° 1/ 15648 du 1 juin 2007, Mohammed et autres c/ l'office national de l'assainissement ; TA., arrêt n° 1/ 11535 du 7 juillet 2010, Habib Ben Amor et autres c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'éducation et de formation, inédit.

10

Introduction

semble plus rester absolue56. Faisant partie du bloc des grands principes du droit public, l'intangibilité des ouvrages publics connait une mise à mal qui s'inscrit dans un irrésistible mouvement consistant pour l'essentiel à améliorer les droits des administrés face à l'administration.

Dés lors se pose la question de savoir jusqu'à quelle limite la remise en cause du principe d'intangibilité peut-elle aller, alors que la multiplication des ouvrages publics très couteux devraient inciter à les protéger davantage ?

D'un certain point de vue, l'intangibilité de l'ouvrage public est certes un « principe ébranlé », mais il est « loin d'être enterré »57. L'impératif de concilier des exigences contradictoires impose une régulation qui tiendrait compte des exigences en cause et donne ainsi au juge un rôle considérable.

Jusqu'à quel point l'intangibilité des ouvrages publics garde sa teneur et sa quasi sacralité dictée par l'intérêt général, face à un mouvement de prise en considération des droits des administrés face à une administration toute puissante ?

On verra que le principe de l'intangibilité est miné par un paradoxe imposé, par les intérêts contradictoires en présence (Première Partie) et que l'adaptation du principe s'est imposée sous l'effet des mutations rapides de notre époque (Deuxième Partie).

56 TA., arrêt n° 1/ 17813 du 16 avril 2009, Khadija Ghuila c/ L'office national de l'assainissement, inédit. Ce mouvement a été dégagé depuis longtemps en France dés 1991. On peut citer comme exemple : CE., 19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, Rec., CE., p. 148 ; CE., 14 octobre 2011, Commune de Valmeinier et syndicat mixte des lslettes ; CE., 20 mai 2011, Communauté d'agglomération du lac du Bourget.

57 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633.

PREMIERE PARTIE

L'ambivalence du principe

11

Première partie : L'ambivalence du principe

Le principe de l'intangibilité des ouvrages publics est porteur de fortes prérogatives au profit de l'administration, dépositaire de l'intérêt général. Néanmoins, il est devenu difficile d'éviter un équilibrage des droits entre Administration et administrés58.

L'étude des solutions arrêtées par le TA, dans le cadre du contentieux des ouvrages publics, s'intéresse au déséquilibre fondamental au profit de l'administration, et au détriment de l'administration. L'option même pour le contentieux administratif comme base d'approche des affaires de dépossession irrégulières n'est pas neutre 59. Elle procède d'une politique qui privilégié l'intérêt général même si ce dernier doit désormais composer avec l'intérêt des particuliers.

Les implications de ce choix vont, en effet, se ressentir sur le contenu du droit applicable qui est un droit spécial et sur les prérogatives du juge qui ne peut user à l'égard de l'administration des pouvoirs qu'il détient envers les particuliers60. Il est soucieux de ne pas entraver l'action de l'Etat et de limiter l'arbitraire en protection des administrés.

Le propre des litiges opposant l'administration aux particuliers est la situation fondamentalement inégalitaire61. Cette tendance rompt l'équilibre sollicité entre les deux parties dans le procès en consacrant un comportement fondamentalement protecteur des ouvrages publics conçus au service des usagers (Chapitre I) mais au détriment des droits des administrés (Chapitre II).

58 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1451.

59 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1451.

60 M. LAKHDHAR, « La protection de la propriété privée immobilière par le tribunal Administratif », RTD 1983, p. 288.

61 J-P. COLSON, L'office du juge et la preuve dans le contentieux administratif, LGDJ, Paris, 1970, p. 10.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Chapitre I :

La protection des ouvrages publics

La protection de l'ouvrage public vise à préserver son intégrité en évitant les éventuelles entraves qui pourraient être apportées à son fonctionnement62. A côté de diverses mesures légales d'ordre essentiellement pénal destinées à protéger notamment les ouvrages publics de l'atteinte à leur intégrité portée par des tiers 63, le principe de l'intangibilité des ouvrages publics constitue au sein du régime de protection de l'ouvrage public le seul élément original faisant corps avec la notion d'ouvrage public64. Même lorsque celui-ci est irrégulièrement implanté, la protection des ouvrages publics est garantie par la limitation du pouvoir du juge judiciaire et administratif qu'il ne saurait adresser une injonction mettant en cause l'intégrité ou le fonctionnement de l'ouvrage public65.

La règle de l'intangibilité exprime l'impossibilité pour le juge de mettre en péril les conditions d'exercice de l'intérêt général auquel se rattachent les ouvrages publics, et plus précisément, le fonctionnement d'un service public.

62 M. GUYOMAR, Concl. sur CE., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai- juin 2010, p. 557.

63 Il ne s'agit pas de mesures spécifiques aux ouvrages publics et qui ne concernent pas, en outre, l'ensemble des ouvrages publics. Nous pensons en particulier aux mesures relatives à la répression des infractions de voirie, ou encore aux dispositions de l'article 321 du code pénal qui incrimine toute atteinte contre la voie publique. De même, l'alinéa 2 de l'article 320 de même code incrimine les atteintes aux cours d'eau.

64 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1451.

65 J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judicaire à l'égard de l'administration », AJDA, 1979, p. 18.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Le croisement de ces angles d'approche permettra d'opposer la modalité de la protection à la finalité de celle-ci et de montrer que si cette protection se trouve garantie dans sa modalité (Section 1) elle apparaît, en revanche, comme perfectible dans sa finalité (Section 2).

Section 1 : Une protection garantie dans sa modalité

Le juge administratif joue un rôle actif dans le procès administratif. Il est amené à réaliser l'équilibre entre les intérêts publics et les intérêts particuliers des citoyens. Pour réaliser cet équilibre, il est tenu de disposer d'armes nécessaires pour faire valoir les droits des administrés face à la toute puissante administration. « L'Etat de droit implique que la liberté de décision des organes de l'Etat est, à tous les niveaux, limitée par l'existence de normes juridiques supérieures, dont le respect est garanti par l'intervention d'un juge. Le juge est, donc, la clef de voûte et la condition de la réalisation de l'Etat de droit »66.

Toutefois, le principe d'intangibilité des ouvrages publics ne contribue pas, assez, à rétablir l'équilibre sollicité entre l'administration, dépositaire de l'intérêt général, et les droits et intérêts des particuliers. En effet, le principe de l'intangibilité met l'ouvrage à l'abri de toute atteinte juridique. Il a pour résultat immédiat d'interdire au juge de prononcer quelque type de mesure que ce soit relativement à la construction d'un ouvrage public, à son déplacement ou à son altération67.

66 J. CHEVALLIER, L'État de droit, Montchrestien, Paris, 4ème éd, 2003. p. 133.

67 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1452.

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Première partie : L'ambivalence du principe

S'il s'est longtemps imposé avec force aux juges judiciaire et administratif68, le principe d'intangibilité de l'ouvrage public ne concerne pas pour autant l'administration elle-même69. Ce privilège dont bénéficie la personne publique permet d'ailleurs de tenir partiellement en échec le principe d'intangibilité70.

La protection des ouvrages publics est alors assurée au moyen de deux procédés. D'une part, à l'égard du juge administratif qui se trouve empêché d'ordonner la démolition et le déplacement d'un ouvrage public (§ 2). Mais la protection des ouvrages publics se manifeste avec une rigueur accrue à l'égard du juge judiciaire et consolide certainement le principe d'intangibilité qui y puise une forme de vitalité (§ 1).

§ 1 : Les limites à l'exercice du pouvoir d'injonction du juge judiciaire

En tant que juge civil, le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les actions possessoires qui ont pour l'objet, dans la plupart du temps, la reprise des immeubles détenus par l'administration sans aucun titre légal conformément aux articles 5171 et 5272 du code de procédure

68 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, § 14 ; Ch. BLAEVOET, « De l'intangibilité des ouvrages publics », Dalloz, 1965, p. 242.

69 L'autorité administrative, chargée de l'adaptation du service public aux besoins de la société, peut faire ce qu'elle veut des ouvrages publics. Elle peut à tout moment altérer l'implantation ou la nature d'un ouvrage public, en modifier l'affectation ou tout simplement procéder à sa démolition. J-P. MAUBLANC, Note sous CE., 19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, « La fin d'un mythe « ouvrage public mal planté ne se détruit pas ? », RFDA, n° 8, janvier- février 1992, p. 66 ; C. MAUGÜÉ, Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, RFDA, 2003, p. 479.

70 C. MAUGÜÉ, Concl. sur CE., 9 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, article précité, p. 479.

71 « L'action possessoire est celle que la loi accorde au possesseur d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier pour se faire maintenir dans sa possession ou s'y faire rétablir lorsqu'il en a été dépossédé ou pour faire suspendre des travaux ».

72 « L'action possessoire peut être intentée par celui qui, ayant par lui-même ou par autrui, la possession d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier :

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Première partie : L'ambivalence du principe

civile et commerciale. Ainsi, aux termes de l'article 3973 du même code ces actions sont de la compétence du juge cantonal. Celui-ci connaît également, sur la base de l'article 307 du code des droits réels 74, les actions qui ont pour objet d'ordonner la cessation de tout trouble apporté à la jouissance d'un immeuble immatriculé.

Toutefois, le juge judiciaire s'est interdit d'adresser des injonctions à l'administration. En effet, les dispositions des articles 3 et 4 du décret beylical de 188875 interdisaient toute action de nature à entraver le déroulement de l'activité administrative76. Ledit décret a été abrogé en 1996 et la loi 96-38 a repris la même interdiction77.

Dans ce cadre, le Professeur Roland DRAGO a considéré que les interdictions faites au juge judiciaire, dans le décret de 1888, plaçaient la Tunisie dans le même contexte que celui connu par la France durant la période révolutionnaire qui était notamment marquée par les lois des 16-

1) entend être maintenu dans sa possession ou la faire reconnaître en cas de trouble ou demande à être réintégré dans sa possession, lorsqu'il en a été dépouillé;

2) a intérêt à faire ordonner la suspension des travaux qui produiraient un trouble, s'ils venaient à être achevés;

3) demande à être réintégré dans sa possession ou dans sa jouissance, lorsqu'il en a été dépouillé par la force ».

73 « (...) Le juge cantonal connaît seul en premier ressort : (...) 2) des actions possessoires... ».

74 « (...) Le juge cantonal est compétent pour ordonner la cessation de tout trouble apporté à la jouissance d'un immeuble immatriculé ».

75 L'article 3 du décret beylical du 27 novembre 1888 relatif au contentieux administratif disposait qu' «il est interdit aux juridictions civiles d'ordonner, (...), toutes mesures dont l'effet serait d'entraver l'action de l'administration, (...) », JORT, n° 13, 29 nov. 1888, p. 1.

76 M-S. BEN AISSA, « Le Décret Beylical du 27 novembre 1888 et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires », in Le Centenaire du décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif, Colloque organisé les 28-29 et 30 novembre 1988 par l'Association Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des Services Culturels de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 59.

77 L'article 4 des dispositions transitoires de la loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996 modifiant la loi n° 72-40 du 1er juin 1972 relative au TA, dispose que « Avec l'entrée en vigueur de la présente loi, la décret beylical du 27 novembre 1888, relatif au contentieux administratif est abrogé », JORT, n° 47, 11 juin 1996, p. 1151.

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Première partie : L'ambivalence du principe

24 août 179078. « Il n'appartient en aucun cas à l'autorité judiciaire de prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public »79. Il n'est permis au juge judiciaire d'ordonner ce qui serait de nature à porter atteinte sous quelque forme que ce soit, à l'unité ou au fonctionnement d'ouvrages publics. Il s'agit ici de la limite que le juge ne peut pas franchir, de la frontière à ne pas dépasser en aucune manière80.

L'existence d'un ouvrage public sur le terrain litigieux « constitue un obstacle à l'exercice des prérogatives que la voie de fait confère notamment au juge judiciaire »81. En effet, « le juge ne saurait adresser une injonction mettant en cause l'intégrité ou le fonctionnement de l'ouvrage public »82. Il semble « qu'en présence de deux notions aux intérêts contradictoires, ouvrage public et voie de fait, celle de voie de fait s'avère prééminente »83.

Ni la voie de fait, ni l'emprise irrégulière ne tenaient en échec le principe d'intangibilité des ouvrages publics. Le pouvoir d'injonction envers l'administration dont dispose le juge judiciaire en cas de voie de fait s'effaçait au profit de l'ouvrage mal planté84. La seule possibilité dont disposaient alors les juridictions de l'ordre judiciaire consistait dans

78 R. DRAGO, « L'exception d'illégalité devant les tribunaux judiciaires en Tunisie », RTD, 1954, p. 2.

79 TC., 6 février 1956, Cts Sauvy, Rec., CE., p. 586.

80 Les pouvoirs du juge judicaire sont réduits par l'immunité quasi absolue dont jouit l'ouvrage public. Cette immunité à l'égard des pouvoirs du juge judiciaire n'est qu'un aspect d'un régime très protecteur. Même lorsque l'administration a édifié un ouvrage public suite à une emprise irrégulière ou encore une voie de fait, le juge se trouve incapable d'ordonner une quelconque mesure qui peut nuire à l'intégrité de l'ouvrage public.

81 J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'égard de l'administration », AJDA, 1979, p. 17.

82 J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judicaire à l'égard de l'administration », AJDA, 1979, p. 17.

83 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360.

84 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1636.

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Première partie : L'ambivalence du principe

l'allocation de dommages-intérêts aux propriétaires dépossédés de leur bien suite à l'implantation d'un ouvrage public85.

En cas de voie de fait, le juge judicaire dispose normalement de la plénitude de pouvoirs, puisqu'il peut prononcer des injonctions à l'encontre de l'administration. Mais, ces pouvoirs d'injonction sont gelés lorsque la voie de fait met en cause l'ouvrage public. Dans ce cas, ce n'est nullement la règle de l'interdiction des injonctions qui restreint de tels pouvoirs, puisqu'elle est ici est inapplicable, mais exclusivement le principe d'intangibilité86. L'immunité dont jouit l'ouvrage public remplit un rôle actif puisqu'elle neutralise les prérogatives du juge judiciaire.

§ 2 : L'autolimitation du pouvoir d'injonction du juge administratif

S'il appartient au juge de dire le droit87, et en conséquence, d'ordonner toutes les mesures nécessaires au respect de ce droit, « le juge administratif n'use pas dans toutes les hypothèses de ce pouvoir bicéphale qui est pourtant la manifestation la plus parfaite de l'office de juge »88. En effet, celui-ci ne dispose pas de pouvoirs équivalents selon que le litige porte à titre principal sur une personne publique ou une personne privée. A l'égard de la première, ses pouvoirs sont fortement

85 J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous CE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de l'électricité et du gaz des Alpes -Maritimes et commune de Clans c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 21.

86 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1467.

87 R. PERROT, Institutions Judiciaires, Montchrestien, 10ème éd., 2002, p. 37.

88 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », article précité, p. 1463.

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Première partie : L'ambivalence du principe

limités en vertu de la consécration du principe de l'interdiction d'adresser des injonctions à l'Administration89.

L'absence de contrainte pesant sur l'action administrative à travers cette interdiction90 a donné lieu nécessairement à une autre forme d'inhibition, celle de ne pas interférer dans la décision de l'administration de réaliser un ouvrage public. La conjugaison des deux règles est si appuyée qu'elle s'oppose au prononcé d'injonctions même lorsque l'ouvrage public est irrégulièrement implanté puisque cette irrégularité juridique n'entache pas l'intérêt public invoqué. A la lumière de ces deux principes que le juge administratif refuse de prescrire la destruction d'un ouvrage public91.

A cet égard, lorsqu'un ouvrage public est irrégulièrement implanté, le juge administratif ne se reconnaît pas compétent pour adresser des injonctions à l'administration, au motif qu'il ne peut faire acte d'administrateur92. Celui-ci a considéré, à cet effet, que le principe de l'intangibilité des ouvrages publics lui interdit « de quelque manière que ce soit (...) d'ordonner des mesures de nature à porter préjudice aux ouvrages publics ou à leur fonctionnement »93.

89 Le principe de séparation de la juridiction administrative et de l'administration active est une invention française consistant dans le refus d'entraver l'action administrative par le juge administratif, notamment par les injonctions. Dès lors qu'en adressant des ordres à l'administration, le juge entreprend sur la sphère de l'administration active. E. LAFERRIERE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, T.1, LGDJ, 1989, p. 541.

90 Là où commencent les tâches d'administration, cesse l'intervention juridictionnelle. Y. GAUDEMET, « Réflexion sur l'injonction dans le contentieux administratif » », in Mèl. Georges BURDEAU, Le Pouvoir, LGDJ, Paris, 1977, p. 806.

91 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1464.

92 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T. 28, p. 67.

93 TA., appel, aff. n° 81 du 28 juin 1979, Municipalité de Tunis c/ Société Maghrébine d'Etudes et Travaux, Rec. 1979, p. 188.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Or, il se révélait impossible d'assimiler plus longtemps les deux notions du pouvoir discrétionnaire et d'immunité juridictionnelle de certains éléments de l'acte administratif94. La renonciation aux injonctions marque une véritable autolimitation de la part du juge administratif et une remise en cause de ses pouvoirs. L'impossibilité d'affecter l'intégrité de l'ouvrage public est une règle jurisprudentielle, ne reposant sur aucun texte95. Elle en constitue une déclinaison qui résulte d'une volonté du juge d'intervenir dans l'exercice d'activités d'intérêt général dont est investie l'administration96.

Aucun texte juridique n'impose au juge administratif de limiter ses pouvoirs à l'égard de l'administration. Le texte même de la Constitution tunisienne du 1er juin 1959 n'énonçait pas le principe de séparation de la juridiction administrative et de l'administration active, ni dans le préambule, ni dans le dispositif de la constitution. Par ailleurs, le choix des constituants était d'instituer une juridiction administrative qui dispose de larges pouvoirs « d'investigation, d'injonction et de réformation »97.

Le TA devrait être un instrument efficace de protection des droits des administrés contre les éventuels abus de l'administration. Le

TA., aff. n° 1/15648 du 1 juin 2007, Mohammed et autres c/ l'office national d'assainissement, Rec.,

p. 82.

.

94 J-C. VENEZIA, Le pouvoir discrétionnaire, LGDJ, Paris, 1958, p. 52.

95 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T. 28, p. 67.

96 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1464.

97 Y. BEN ACHOUR, « L'histoire du principe de la séparation des autorités en Tunisie », in Le Centenaire du Décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif, Colloque organisé les 28-29 et 30 novembre 1988 par l'Association Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des Services Culturels de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 385.

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Première partie : L'ambivalence du principe

rapporteur général de la première constituante a clairement affirmé que « l'administration elle-même, par son organisme spécial, tranchera les litiges entre elle et autrui (...) de sa propre main et non pas par la main de Amr (...), ce qui signifie que c'est l'administration elle-même, avec son tribunal, c'est-à-dire son organisme spécialisé dans ce chapitre, qui modifiera ses actes ou les annulera, les réformera, les étendra ou les limitera »98. La préoccupation première de l'Assemblée Constituante a été de créer des institutions de contrôle et non pas d'interdire au juge d'entraver par quelconque contrôle, l'action administrative99.

Section 2 : Une protection perfectible dans sa finalité

« Le principe d'intangibilité des ouvrages publics n'a jamais été clairement expliqué ni justifié »100 à l'instar d'autres principes du droit administratif. Il est « toujours difficile d'expliquer la capitulation du droit devant le fait accompli »101. En outre, comment accepter que cette protection porte atteinte aux droits des administrés ?

98 Travaux de l'Assemblée Constituante, Rapport Général de Mr. Ali BELHOUANE, débats de l'Assemblée Constituante, séance du 6 novembre 1958, JORT du 19 novembre 1958, n° 8, p. 196.

99 Les discussions de l'Assemblée Constituante sur l'article 103 du projet de la Constitution tunisienne (l'article 57 ancien de l'ancien Constitution du 1er juin 1959 relatif au Conseil d'Etat) tendent à démontrer que la volonté des constituants était dirigée vers l'admissibilité du pouvoir d'injonction du juge administratif à l'égard de l'administration.

103

100 M-C. ROUAULT, Note sous OE., 19 avril 1991, Époux Denard, Époux Martin, JCP, 1992, p. 59.

101 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 11éme éd., 1998, n° 688, p. 542.

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Première partie : L'ambivalence du principe

La doctrine avance traditionnellement des objectifs légitimant la protection des ouvrages publics. Cette protection correspond à une certaine forme de la réalité administrative qui est la préservation de l'intérêt général, la protection des deniers publics et la continuité des services publics. Détruire un ouvrage public c'est aussi détruire tout cela102.

Il convient de reconnaître que la protection exorbitante des ouvrages publics ne vise pas seulement à préserver l'intérêt général (§ 1) elle vise, également, autres finalités non moins importantes et connexes à l'intérêt général (§ 2).

§ 1 : La préservation de l'intérêt général

La mise en oeuvre d'une protection aussi forte ne peut être liée

qu'à la poursuite d'un objectif primordial, celui de préserver l'intérêt général. Ce dernier s'impose en tant qu'élément essentiel de la notion d'ouvrage public103. Par conséquent, l'intérêt général s'oppose à ce qu'il

soit porté atteinte à un ouvrage public. Ainsi, la jurisprudence du TA souligne avec force le lien étroit entre le caractère d'intérêt général de l'ouvrage et l'affirmation de la règle d'intangibilité104. Néanmoins, ce

fondement n'a jamais été réellement explicité (A) et l'on peut se demander s'il ne risque d'avoir une influence sur l'application du principe d'intangibilité (B).

102 C. LAVIALLE, Note sous OE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 485.

103 L'« un des éléments essentiels de la qualification juridique d'ouvrage public réside dans l'affectation de l'ouvrage à une fonction d'intérêt général ». J-M. AUBY, « L'ouvrage public », CJEG, 1961, p. 65.

104 TA, arrêt n° 19776, rendu le 20 juin 2003, Kefia Bent Hamed Kortas c/ la Société Tunisienne de l'Electricité et de Gaz, inédit.

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Première partie : L'ambivalence du principe

A. Un fondement ambigu

La notion d'intérêt général n'est généralement ni inscrite dans les textes ni définies par la législation. L'examen de la jurisprudence du TA, intervenue en la matière, laisse penser que, même en cas d'application du principe de l'intangibilité de l'ouvrage public, où le juge fonde toujours son refus de démolir ou déplacer un ouvrage public mal planté sur la supériorité de l'intérêt général sur l'intérêt privé105, sans se soucier de définir cette notion.

Malgré l'absence de définition de la notion d'intérêt général, certains arrêts du TA confirment la pérennité des immeubles irrégulièrement édifiés, au nom de l'intérêt général qu'ils sont censés servir106. Ainsi, dans un arrêt datant de 2003, le TA affirme que même en cas d'irrégularité de l'opération de l'administration qu'a donné lieu un ouvrage public, le juge ne peut pas ordonner la démolition de cet ouvrage en application du principe de l'intangibilité de l'ouvrage public qui trouve son fondement dans la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt privé107.

La persévération de l'intérêt général constitue alors « un argument ô bien confortable lorsque d'autres éléments liés au contrôle de légalité sont défaillants »108. Par conséquent, l'assimilation de l'administration derrière cette notion est devenue très fréquente puisque « un ouvrage

105 TA, arrêt n° 1/ 13000 du 8 juin 2010, Masaoud El Boubakri c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche maritime, inédit.

"

.

106 TA., aff. n° 1/17075 du 1 juillet 2008, Mohammed c/ SONEDE, Rec., p. 101 ; T.A., affaire n° 1/15648 du 1 juin 2007, Mohammed et autres c/ l'office national d'assainissement, Rec. , p. 82.

107 TA., arrêt n° 19519 du 29 mars 2003, Nejma Beltifa et héritiers Chalbia Beltifa c/ Société Tunisienne de l'Electricité et de Gaz, inédit.

108 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p.1453.

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Première partie : L'ambivalence du principe

public ne perd aucunement sa qualité d'affectation à l'intérêt général lorsqu'il est illégalement implanté »109. Cette position est critiquable110 en ce qu'elle cache une volonté, de la part du juge administratif, de protéger l'administration en gardant une image équivoque de l'intérêt général qui peut englober toutes les situations.

B. Un fondement fragile

Bien que l'intérêt général soit le principal fondement de l'immunité bénéficiant à l'ouvrage public, ce fondement est toutefois fragile pour justifier la défense du principe d'intangibilité111.

D'un côté, l'intérêt général et l'intangibilité des ouvrages publics ne sont pas toujours concomitants. D'ailleurs, « personne ne peut penser en bon sens que le service que rend un ouvrage public, bien ou mal planté, ne peut jamais être amélioré, par un aménagement, un déplacement, voire une destruction suivie d'un remplacement »112. L'intérêt général nécessite parfois un déplacement, une modification ou même une destruction de l'ouvrage public. A ce titre, un ouvrage public jugé indispensable à un moment donné peut, par la suite, être considéré comme nuisible. La réciproque peut aussi s'avérer exacte ; « ce qui n'est pas indispensable aujourd'hui pourra l'être demain »113. De ce fait, le refus automatique qu'opère le juge devant toute demande de

109 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461.

110 C. MANSON, Note sous CE., sect., 14 oct 2011, Cne de Valmeinier et syndicat mixte des Islettes, JCP, n° 48, 28 novembre 2011, p. 3 ; H. TOUTÈE, Conclusions sur CE., 19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », RFDA, n° 8, janvier- février 1992, p. 65.

111 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461 ; J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, LPA, 2003 n° 101, p. 4.

112 H. TOUTÈE, Concl. sur CE., 19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », RFDA, n° 8, janvier- février 1992, p. 63.

113 JOSSE, Concl. sur CE., 30 mai 1930, Rec., p. 583, cité par R. HADAS-LEBEL, Rapport public du Conseil d'Etat, La documentation Française, 1999, p. 305.

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Première partie : L'ambivalence du principe

déplacement ou modification des ouvrages publics ne peut pas être toujours pertinent justifié par la préservation de l'intérêt général.

D'un autre côté, l'intérêt général qui traditionnellement invoqué pour justifier le principe d'intangibilité des ouvrages publics peut dans certains cas commander sa démolition. En effet, par le biais de la théorie

du bilan, le juge peut être amené à opérer une balance entre « les avantages et les inconvénients de l'opération, entre son utilité publique et sa « désutilité »» 114.

Une telle complexité et une telle ambivalence de la notion115 n'est assurément pas à mettre au crédit d'une justice objective et prévisible116.

« Lorsqu'une notion aussi importante que la notion d'intérêt général est à même de justifier une chose et son contraire, n'y a-t-il pas lieu de craindre, quelle que soit la sagesse du juge, le danger de l'arbitraire ?»117.

§ 2 : Les connexes finalités

La finalité de l'intérêt général est efficace mais insuffisant pour justifier, à lui seul, la persistance de la protection des ouvrages publics118. D'autres finalités semblent en revanche, plus à même de

justifier, encore aujourd'hui, la protection de l'ouvrage public. Il s'agit

114 Ph. GHODFRIN, Droit administratif des biens, Armand Colin, 6éme éd., 2001, p. 380.

115 Pour reprendre l'expression du Commissaire du gouvernement Dulpat, « on peut [...] s'interroger avec curiosité sur cet intérêt général, qui dispenserait l'Administration de respecter le droit. Pourquoi devrait-on alors annuler des actes administratifs irréguliers, dés lors qu'ils sont justifiés pas l'intérêt général ». J. DUPLAT, Concl. sous TC, 6 mai 2002, M et Mme Binet c/ EDF, JCP G 2002, II, 10170, p. 1966.

116 D. BAILLEUL, Note sous CE., 13 février 2009, Communauté de communes du canton de Saint-Malo de la Lande, AJDA, du 25 mai 2009, p. 1060.

117 G. TEBOUL, Note sous CE., 19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, AJDA, 1991, p. 566.

118 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461.

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Première partie : L'ambivalence du principe

notamment de la protection des deniers publics (A), et de la continuité des services publics auquel satisfait l'ouvrage public (B).

A. La protection des deniers publics

La doctrine aussi bien ancienne119 que contemporaine120 s'accorde à dire que la destruction des ouvrages publics irrégulièrement édifiés impliquerait un gaspillage financier des deniers publics dans la mesure où « l'administration pourrait les rétablir presque aussitôt, à la suite d'une expropriation régulière. Cette application judaïque de la loi (que traduirait la destruction de l'ouvrage) n'aboutirait qu'à imposer au Trésor Public un sacrifice supplémentaire »121.

« Gardien des deniers publics »122, le juge, face à une demande de démolir, de déplacer ou de modifier un ouvrage public, va réfléchir en termes d'opportunité. Les considérations d'opportunités sont motivées par un souci financier qui éviterait par ce « formalisme onéreux »123 un double gaspillage à la charge de l'administré124. Cette justification pragmatique d'économie des deniers publics est expressément envisagée

119 L. AUCOC, Conférences sur l'Administration et le droit administratif, T.2, 1886, p. 558, cité par

R. CHAPUS, Droit administratif général, T.1, Montchrestien, Paris, 11ème éd., 1999, n° 688.

120 J-M. AUBY et P. BON, Droit administratif des biens, Dalloz, 1994, p. 318 ; L. DI QUAL, « Une manifestation de la déségrégation du droit de propriété : la règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852 ; L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360 ; Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461.

121 L. AUCOC, Conférences sur l'Administration et le droit administratif, op.cit., p. 558, cité par

S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité de l'ouvrage public : réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 766.

122 TA, arrêt n° 17776 du 21 décembre 2001, héritiers Hmila c/ la commune de Msaken, inédit.

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"

123 G. VEDEL, Droit administratif, Manuel Thémis, 1961, p. 672, cité par J-M. AUBY, « L'ouvrage public », CJEG, 1961, p. 7.

124 A ce titre, l'alinéa 3 de l'article 10 de la nouvelle Constitution de la République tunisienne adoptée le 26 Janvier 2014 dispose que « l'Etat veille à la bonne gestion des deniers publics et prend les mesures nécessaires pour les dépenser selon les priorités de l économie nationale et oeuvre à la lutte contre la corruption et contre tout ce qui porte atteinte à la souveraineté nationale ».

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Première partie : L'ambivalence du principe

par la jurisprudence du TA. Le juge administratif fonde l'intangibilité des ouvrages publics sur la protection des deniers publics125.

Cependant, l'intérêt financier, si légitime soit-il, n'est pas exempt de critiques. Il peut s'avérer totalement inadapté126. Selon le commissaire du gouvernement DULPAT, « on est en présence d'une explication plus que d'une justification, car l'intérêt financier n'est pas en principe admis comme un but valable de l'action administrative, un acte administratif pris dans ce seul but pouvant être annulé par le juge administratif pour détournement de pouvoir dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir »127.

En outre, cette justification souffre d'une limite qui ne fait pas dés lors l'unanimité au sein de la doctrine128. Il apparaît que l'administration ne peut pas systématiquement procéder à la régularisation de la situation entachée d'illégalité129. En effet, la régularisation n'est pas possible dans tous les cas. Elle n'est effectivement permise que dans certaines

125 TA, arrêt n° 1/ 10771 du 20 juin 2003, Béchir Ben Ali Zweri c/ SONEDE, inédit; TA, arrêt n° 12392 du 12 novembre 2004, Najet Hadar c/ SONEDE, inédit; TA, arrêt n° 19776 du 20 juin 2003, Kefia Bent Hamed Kertas et autres c/ SONEDE, inédit. Dans ces trois arrêts on trouve le même considérant où le juge fonde le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public sur la continuité et le bon fonctionnement de services publics et sur la protection de deniers publics.

.

126 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1702.

127 J. DUPLAT, Concl. sous TC, 6 mai 2002, M et Mme Binet c/ EDF, JCP G 2002, II, 10170, p. 1967.

128 R. CAVARROC, Note sous Cass. Civ, 27 février 1950, JCP, II, 5517 ; J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'égard de l'administration », AJDA, 1979, p. 18.

129 « On ne peut pas soutenir que la destruction de l'ouvrage serait toujours, en fait, une réparation coûteuse et platonique, l'observation d'une procédure régulière permettant de la rétablir ; il est des hypothèses où l'administration ne pourrait légalement implanter l'ouvrage au même endroit ». J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'égard de l'administration », AJDA, 1979, p. 18.

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Première partie : L'ambivalence du principe

circonstances, c'est-à-dire sous la condition que l'irrégularité commise par la personne publique repose, en matière d'ouvrage mal planté sur un manquement aux prescriptions formelles de la procédure d'acquisition d'un terrain appartenant à une personne privée130. En revanche, dès l'instant où l'irrégularité repose sur l'absence d'une condition de fond, il est impossible pour l'administration de procéder à une quelconque régularisation au regard du bien-fondé juridique de l'opération131.

De même, si le juge administratif envisage à travers ce principe protéger, les deniers publics, il doit se garder de contrecarrer des projets importants et non pas à tous les ouvrages publics même d'une faible envergure, comme un canal d'eau132.

B. La continuité des services publics

L'ouvrage bénéficie de la protection exorbitante de l'intangibilité parce qu'il est le support nécessaire d'une activité de service public 133. Un auteur affirmait que « la notion de service public est à la base de la protection de l'ouvrage public mal planté. En d'autres termes, le fondement de la règle se trouve dans les caractères intrinsèques de l'ouvrage public »134.

La continuité du service public « veut que le service ne soit pas interrompu tant qu'existe le besoin collectif que ce service doit

130 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p. 7.

131 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p. 7.

132 TA., affaire n° 1/16656 du 25 avril 2009, El Fkiri c/ SONEDE, Rec., p. 305.

133 La doctrine définit la notion de service public comme « une activité assurée ou assumée par une personne publique en vue d'un intérêt public ». R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 11éme éd., 1998, n° 748, p. 535.

134 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 9.

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Première partie : L'ambivalence du principe

satisfaire »135. A cet égard, une personne publique est tenue d'assurer le fonctionnement régulier du service public. L'ouvrage public dès lors qu'il est nécessaire à l'existence et à la continuité du service public, ne pourra être détérioré de quelque manière que ce soit, sauf à faire obstacle au bon fonctionnement du service136. En effet, la démolition de l'ouvrage public conduirait à porter atteinte au principe de la continuité des services publics137, principe général du droit138 et principe constitutionnel139.

Un lien incontestable semble unir la protection de l'ouvrage public d'une part, et le fonctionnement et la continuité des services publics d'autre part. Versant administratif du principe de continuité de l'État140, il semble que le fonctionnement et la continuité des services publics constituent une priorité dans la mesure où, le professeur GENEVOIS considère que, « si le dogme de l'intangibilité de l'ouvrage public a

135 Y. BEN ACHOUR, Droit administratif, Centre de Publication Universitaire, 3éme éd., 2010, p. 361.

136 TA., arrêt n° 22129 du 26 janvier 1999, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'intérieur c/ Alia et Abdelkader et autres, inédit.

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137 TA., aff. n° 1/17075 du 1 juillet 2008, Mohammed c/ SONEDE, Rec., p. 101.

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138 TA., arrêt n° 22512, du 27 avril 1999, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère du domaine de l'Etat et des affaires foncières c/ Mohamed Ben Abda, inédit.

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139 Y. BEN ACHOUR, Droit administratif, Centre de Publication Universitaire, 3éme éd., 2010, p. 361.

140 L'article 41 de la constitution Tunisienne de 1959 dispose que « le Président de la République (...) veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels et assure la continuité de l'Etat ».

Première partie : L'ambivalence du principe

vécu, le principe de valeur constitutionnelle de continuité du service public demeure »141.

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141 B. GENEVOIS, Note sous TC, 6 mai 2002, JCE G 2002, II, 10170.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Chapitre II :

L'affectation des droits des administrés

La découverte par le juge d'une finalité d'intérêt général peut justifier, sous certaines conditions, qu'il soit dérogé à certains principes fondamentaux qui font partie des droits des administrés. La conciliation entre le respect de ces principes et la finalité de l'intérêt général que doit procéder le juge.

L'une des fonctions les plus importantes de l'intangibilité des ouvrages publics dans la jurisprudence administrative est de limiter, au nom des finalités supérieures qu'elle représente, l'exercice de certains droits, au nombre desquels on peut ranger notamment le droit de propriété (Section 1), et le droit à la légalité (Section 2).

Section 1 : L'atteinte au droit de propriété

Lorsqu'un ouvrage public est édifié sur un terrain appartenant à un particulier, c'est avant tout le droit de propriété privée qui est bafoué142. Certains auteurs affirment que le principe d'intangibilité est une « négation »143, voire une « désagrégation »144 du droit de propriété. La règle « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » « paralyse »145 le droit de propriété. Un tel droit est alors mis en balance avec d'autres

142 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1686.

143 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p 1.

144 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p 1.

145 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété: La règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 5.

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Première partie : L'ambivalence du principe

droits ou des intérêts publics et il en ressort « banalisé », « bousculé », réduit à « un droit constitutionnel de second rang »146.

Les atteintes au droit de propriété, souvent justifiés et justiciables par l'intérêt général, se sont multipliées dans un nature contrasté (§ 1). Ainsi, lorsqu'un ouvrage public avait été édifié de manière régulière ou non sur un terrain privé, le propriétaire de ce terrain pouvait seulement obtenir une indemnité et ne peut, en aucune manière, faire expulser l'administration de sa propriété (§ 2).

§ 1 : La nature de la violation du droit de propriété

La nature de la violation du droit de propriété se distingue, à travers la jurisprudence du TA, entre deux situations radicalement différentes. La première concerne le cas où l'administration porte atteinte légitime à la propriété privée agissant dans le cadre légal et réglementée (A). La seconde concerne le cas où l'administration porte atteinte à la propriété privée, en dehors du cadre légal de l'intervention administrative (B).

A. La légalité de l'action de l'administration

A l'occasion de l'exécution d'activités d'intérêt général, l'administration dispose d'un ensemble de prérogatives de puissance publique qui se traduisent par le recours à des procédés de limitation au droit de propriété. Il s'agit essentiellement de l'expropriation pour cause d'utilité publique (1), mais également de l'occupation temporaire (2).

1. L'expropriation pour cause d'utilité publique

Une des techniques qui autorisent la puissance publique à porter atteinte au droit de propriété, l'expropriation pour cause d'utilité

146 J-F. LACIIAUME et II. PAULIAT, « Le droit de propriété est-il encore un droit fondamental ? », in Droit et politique à la croisée des cultures, Mél. offerts à Philippe ARDANT, LGDJ, p. 374.

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Première partie : L'ambivalence du principe

publique peut être définie comme étant la procédure par laquelle une autorité publique contrainte une personne privée à céder, à une personne publique, la propriété d'un immeuble en raison de l'utilité publique de l'opération147.

L'expropriation pour cause d'utilité publique constitue une atteinte au droit de la propriété en tant que tel. Les prérogatives des propriétaires sont sans cesse rognées à la fois en ce qui concerne, l'usus, fructus, et l'abusus. Il y a dépossession totale ou atteinte généralisée à tous les éléments du droit de propriété. Le droit de propriété est alors vidé de son contenu.

Or, l'article 9 de la loi du 14 avril 2003148 a donné de garanties aux expropriés en offrant la possibilité de demander la rétrocession chaque fois que « dans un délai de cinq ans à partir de la date du décret d'expropriation, les immeubles expropriés n'ont pas été utilisés pour la réalisation des travaux d'utilité publique mentionnés dans le décret d'expropriation ».

Cet article permet d'effectuer un contrôle plus étendu sur le bien fondé de la mesure d'expropriation149. Une analyse de la jurisprudence du TA ne peut que confirmer ce choix. Ainsi, dans un arrêt datant du 1983, le juge administratif a ordonné la rétrocession de l'immeuble exproprié, puisqu'il a constaté que l'immeuble exproprié n'a pas été utilisé dans le sens indiqué dans le décret d'expropriation150.

147 S. GILBERT, « L'expropriation pour cause d'utilité publique », AJDA, février 2010, p. 113 ; C. LAVIALLE, « Expropriation et dépossession », RFDA, n° 6, novembre-décembre 2001, p. 1998.

148 Loi n°2003-26, modifiant et complétant la loi n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JORT, 18 avril 2003, p. 1033.

149 F. BEN HAMMED, « L'expropriation pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du tribunal administratif » in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 471.

150 TA., arrêt n° 258 du 14 juillet 1983, Ali Slema c/ la commune de Monastir, Rec., p. 291.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Toutefois, la rétrocession demeure difficile à obtenir si l'administration a édifié un ouvrage public sur le bien exproprié151. Le rejet de la demande de rétrocession est motivé par le principe de l'intangibilité des ouvrages publics152. En effet, en présence d'un tel principe, « le droit à la rétrocession n'existera plus, ne pourra plus exister »153.

Il semble que le juge administratif réduit la solution du litige à la seule indemnité d'éviction en s'abritant derrière le principe de l'intangibilité des ouvrages publics. C'est ainsi que le juge administratif a affirmé qu'« attendu que (...) l'immeuble litigieux a été intégré dans des ouvrages publics, ce qui empêche sa rétrocession à ses propriétaires et transforme leurs droits réels en un droit à une indemnité »154.

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1939

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151 N. MEKACHER, « Le Tribunal administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques, 19931994, p. 104.

152 TA., App, Aff. n° 21908 du 10 mars 2003, le Chef du Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministère de l'Intérieur c/ la Commission Régionale de Solidarité du Gouvernorat de Tunis, Rec. 2003, p. 313.

1888 27

TA., arrêt n° 18261 du 1er mars 2002, société Asfic Herneksen et Larson c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère d'équipement et d'habitat, inédit.

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153 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété: La règle «ouvrage public mal planté ne se détruit pas» », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 4.

154 TA., appel, aff. n° 81 du 27 avril 1978, Chef du Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministre de l'Economie c/ Hadj Sadok Ben Mokhtar et autres, Rec. 1978, p. 77.

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Première partie : L'ambivalence du principe

De même, si l'ouvrage public est irrégulièrement édifié, la rétrocession de l'immeuble serait impossible. Dans une affaire récente155, le juge administratif a considéré que « la prise de possession, par l'administration, du bien d'autrui, même si elle est irrégulière, rend impossible sa restitution du moment qu'un ouvrage public y a été édifié »156.

2. L'occupation temporaire

La limitation opérée dans le temps en matière d'occupation temporaire est importante. Elle fait partie de l'essence même de l'occupation temporaire157. Néanmoins, contrairement au droit français158, le décret relatif à l'occupation temporaire n'a limité l'administration par aucun délai159. La question qui se pose à cet égard est de savoir si le bénéficiaire de l'occupation temporaire peut-il construire des ouvrages publics permanents sur la propriété occupée ?

155 TA., appel, aff. n° 21908 du 10 mars 2003, Le Chef du Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministère de l'Intérieur c/ La Commission Régionale de Solidarité du Gouvernorat de Tunis, Rec. 2003, p. 313.

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1888 27

157 Le droit d'occupation temporaire est « une prérogative dont dispose l'exécutant du travail public et qui lui permet d'occuper temporairement un terrain appartenant à un particulier, soit pour y déposer des outillages, soit pour en extraire des matériaux nécessaires à son travail, soit pour procéder à des études préliminaires». A. DE LAUBADERE, J-C. VENEZIA et Y. GAUDEMET, Traité de droit administratif, T.2, Paris, 10éme éd., 1992, p. 509.

158 D'après la loi du 29 décembre 1892 relative à l'occupation temporaire, cette durée ne peut pas excéder 5 ans renouvelables une seule fois.

159 L'article 8 du décret du 20 août 1888 dispose qu'« après l'achèvement des travaux, et s ils doivent durer plusieurs années (...) ». JORT du 23 août 1888, p. 2.

Première partie : L'ambivalence du principe

Une réponse négative s'impose, car l'occupation serait de ce fait permanente et non plus provisoire160. Seule l'expropriation peut légalement permettre de le faire. Cependant, au niveau jurisprudentiel, un examen de quelques arrêts rendus par le TA tunisien démontre que le bénéficiaire de l'occupation temporaire peut procéder à la construction d'un ouvrage public sur le terrain occupé provisoirement161.

En revanche, soucieux de soumettre l'administration au droit et protéger le justiciable contre les abus éventuels, le juge de l'excès de pouvoir, dans une autre espèce162, a annulé l'acte autorisant l'occupation temporaire par l'administration du terrain du requérant. Le TA a considéré que même si les travaux de creusement d'un puits présentent des travaux occasionnels qui nécessitent une occupation temporaire du terrain litigieux, le but de ces travaux étant l'édification d'un ouvrage public peut se transformer en occupation définitive. Dans ce cas, l'administration aurait dû suivre les procédures de l'expropriation pour cause d'utilité publique163.

160 M. LAKHDHAR, « La protection de la propriété privée immobilière par le Tribunal Administratif », RTD, 1983, p. 273.

161 TA., arrêt n° 840 du 8 juin 1992, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de l'équipement et d'habitat c/ Abdelaziz Ben Amar Jouida, inédit.

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162 TA., arrêt, n° 15164 du 24 novembre 1999, Massoud Ben Ahmed Boubakri c/ ministère de l'agriculture, inédit.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Malgré le fait que l'administration dispose du procédé légal cela ne l'a pas empêché de procéder à des dépossessions dans des conditions d'illégalité164.

B. L'illégalité de l'action de l'administration

« Puissance inquiétante »165, l'administration peut porter atteinte à la propriété privée, sans motif légitime et en dehors d'un cadre légal, commettant ainsi soit une emprise irrégulière, soit une voie de fait.

Il y a voie de fait lorsque « dans l'accomplissement d'une activité matérielle d'exécution, l'administration commet une irrégularité grossière, portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique fondamentale »166. La voie de fait exige de la part de l'administration, un agissement irrégulier portant une atteinte grave au droit de propriété. En Tunisie, à la différence de l'emprise irrégulière, la notion de voie de fait n'a pas été reconnue par la loi de 1996167.

L'emprise irrégulière peut être définie comme la prise de possession irrégulière par l'administration d'une propriété

164 M. LAKHDHAR, « La protection de la propriété privée immobilière par le Tribunal Administratif », RTD, 1983, p. 274.

165 M. BURDEAU, Libertés publiques, LGDJ, 2éme éd., 1961, p. 56, cité par J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous OE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 20.

166 A. DE LAUBADERE, J-C. VENEZIA et Y. GAUDEMET, Droit Administratif, T.1, LGDJ, Paris, 11ème éd., 1990, p. 420. V. aussi : G. DUPUIT, M-J. GUEDON et P. CHRETIEN, Droit administratif, Armand Colin, 8éme éd., 2002, p. 624 ; J. LEAMASURIER, Le droit de l'expropriation, Economica, Paris, p. 487.

167 L'article premier de cette loi dispose que « Le tribunal administratif est compétent pour statuer sur les actions en responsabilité, portées contre l'administration, telles que prévues par la loi n° 70-40 du 1er juin 1972, y compris les actions relatives à l'emprise irrégulière et la responsabilité de l'Etat, se substituant dans le cadre de la législation en vigueur, à la responsabilité des membres de l'enseignement public ». La loi organique n° 96-38 du 3 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le tribunal administratif et à la création d'un conseil des conflits de compétence.

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Première partie : L'ambivalence du principe

immobilière168. « Il y a emprise irrégulière lorsque l'administration prend possession de manière irrégulière d'un bien immobilier »169.

Se distinguant ainsi de la voie de fait, l'emprise irrégulière à un champ d'application plus étroit que la voie de fait. Alors que celle-ci concerne, à la fois, la propriété immobilière et mobilière et les libertés publiques170, l'emprise irrégulière ne concerne que la propriété immobilière et ne s'applique, en aucun cas, aux meubles171.

Même en cas de voie de fait commise par l'administration, le principe d'intangibilité était voué à s'appliquer. « Cette attitude jurisprudentielle est extrêmement dangereuse pour le droit de propriété. Elle peut inciter l'administration à économiser, à éviter des procédures régulières d'expropriation pour cause d'utilité publique »172.

§ 2 : La réparation

Tout en reconnaissant que l'emprise irrégulière ne constituant pas une expropriation ou une occupation temporaire, le juge administratif applique les mêmes principes et règles relatifs à l'expropriation sur l'emprise ou voie de fait173. Néanmoins, le contentieux indemnitaire se rapportant à l'emprise irrégulière, sous-tend l'idée principale de soumettre l'administration à un régime de réparation sévère quant à la détermination du temps (A) et qu'à l'étendue de la réparation (B).

168 G. QUIOT, « Emprise », JCA, Fasc. 1050, 5 juillet 2009, p. 2 ; P. TIFINE, « Expropriation », JCA, Fasc. 10, 24 octobre 2010, p. 6.

169 J-M. AUBY, P. BON et J- B. AUBY, Droit administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 343.

170 J-M. DE FORGES, Droit administratif, PUF, Paris, 6ème éd, 1991, p. 346.

171 J. RIVERO et J. WALINE, Droit Administratif, Dalloz, 19ème éd, 2002, p. 176.

172 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p.4.

173 W. FERCHICHI, « La responsabilité administrative en matière de construction : L'embarras des régimes juridiques », RTAP, n° 35, 2003, 1er semestre, p. 69.

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Première partie : L'ambivalence du principe

A. La détermination du temps

S'agissant du délai du recours, si le décret d'expropriation a pour effet de transférer la propriété à l'autorité expropriante174, l'emprise irrégulière n'opère pas le transfert de propriété. Le TA a estimé que les délais de recours en réparation en matière d'emprise irrégulière sont imprescriptibles. Dans l'affaire Heleoui de 1976, le TA a déclaré qu'« attendu que la main mise de l'administration sur cet immeuble, d'une façon illégale, ne produit pas un transfert de la propriété ». Qu'en conséquence, « l'administration ne peut se prévaloir de la prescription »175.

Quant à la date de l'évaluation, le transfert de la propriété n'aura lieu que par voie de juridiction. Cette règle à des effets sur la date de l'évaluation puisqu'il a reporté à la date de l'introduction de l'action en justice. La date d'évaluation de l'immeuble est celle de l'introduction du recours en réparation et non pas celle du jour où l'administration a mis sa main sur l'immeuble. La technique d'évaluation, vise à garantir une réparation satisfaisante au propriétaire et par là même à sanctionner l'administration176. Le juge administratif dans l'affaire Sotilait a affirmé que « l'un des principes de cette responsabilité est que l'évaluation de l'indemnité doit avoir lieu à la date de l'introduction de l'action en justice »177. La même solution s'applique au cas où l'administration suit

174 F. BEN HAMMED, « L'expropriation pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du Tribunal Administratif », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 477 ; N. MEKACHER, « Le Tribunal Administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques, 1993-1994, p. 98.

175 TA., assemblée plénière, décision n° 53, rendu le 18 mars 1976, Mohamed Heleoui c/ chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère des affaires culturelles, Note J-C HÈLIN, RTD, 1976, II, p. 202.

176 N. MEKACHER, « Le Tribunal Administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques, 19931994, p. 99.

177 TA., aff. n° 767 du 24 novembre 1988, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de défense c/ la société de transformation du lait Sotilait, inédit. Voir aussi : TA., arrêt

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Première partie : L'ambivalence du principe

des moyens légaux ou illégaux puisqu'en cas d'expropriation ou en cas d'emprise, la date de l'évaluation de l'indemnité est celle de la date du transfert de la propriété.

B. La détermination de l'étendue de la réparation

En matière d'expropriation, l'indemnité doit être juste et préalable178, et ne doit jamais être fixée à une somme supérieure à la demande de l'exproprié, ni inférieure à l'offre de l'expropriant179. En matière d'emprise irrégulière, l'indemnité doit être complète. La réparation doit, alors, recouvrir la totalité des préjudices subis par le propriétaire. Cette règle a été suivie par le TA qui a instauré une jurisprudence constante selon laquelle l'indemnisation doit être équitable et intégrale en matière d'emprise irrégulière suivie d'une création d'ouvrage public180.

Pour qu'elle soit complète, la réparation doit, selon le TA, englober différents éléments. Le TA reconnaît pour le propriétaire une indemnité de dépossession ou d'éviction qui présente la contrepartie du transfert de la propriété181, et une indemnité de privation de jouissance qui présente la contrepartie de la privation de jouissance du propriétaire de son immeuble durant la période de prise de possession par

n° 1425 du 17 juin 1996, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'équipement et de l'habitat c/ Abdelkarim Ben Abdallah, Rec., p. 218.

"

.

178 Article 2 de la loi n°2003-26, modifiant et complétant la loi n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JORT, 18 avril 2003, p. 1031.

179 Article 6 de la loi n°2003-26, modifiant et complétant la loi n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JORT, 18 avril 2003, p. 1031.

180 TA., arrêt n° 481 du 25 avril 1985, commune Mahdia c/ Hssan Chloeifa, inédit.

181 TA., arrêt n° 919834 du 11 novembre 2003, héritiérs Essorci c/ Conseil régional du Bizerte, inédit ; TA., arrêt n° 1/10736 du 3 septembre 2004, Mohammed Ben SaÏd Ksiksi c/ chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère d'éducation et de formation, inédit.

40

Première partie : L'ambivalence du principe

l'administration de cet immeuble jusqu'à la date du transfert de la propriété182.

En outre, le TA a accepté dans certains cas d'accorder au propriétaire une indemnisation complémentaire qui a pris différentes formes. Il a reconnu à un propriétaire d'un terrain sur lequel

l'administration a édifié un ouvrage public une indemnisation au titre du préjudice moral suite à une emprise irrégulière183. Le TA a accepté l'idée

de soumettre l'administration à une indemnisation pour dol à condition pour l'administré de le prouver184.

Section 2 : L'atteinte à la légalité

« Une meilleure application du principe de légalité revient à dire que le juge applique de façon plus stricte la règle de droit, que dans le

procès qui lui est soumis, il tend à astreindre davantage l'administration au respect de cette règle »185. Le principe de la légalité, caractéristique

majeur de l'Etat de droit, implique que l'administration doit, non seulement se conformer à l'objectif de l'intérêt général, mais aussi et surtout respecter les règles de droit et les décisions de la justice.

L'intervention du juge dans ce cadre, vise à imposer à

l'administration le respect des règles qui régissent l'exercice de ses pouvoirs et à contenir les privilèges dans les limites que leur assigne la règle de droit. Le recours au juge constitue pour l'administré un moyen

182 TA., arrêt n° 1404 du 15 juillet 1995, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de l'intérieur c/ Raouf Khsir, Rec., p. 335.

183 TA., arrêt n° 19834 du 11 novembre 2003, héritiers Essorci c/ Conseil régional du Bizerte, inédit.

184 TA., arrêt n° 19834 du 11 novembre 2003, héritiers Essorci c/ Conseil régional du Bizerte, inédit.

185 G. PEISER, « Le développement de l'application du principe de légalité dans la jurisprudence du Conseil d'Etat », in Droit administratif, Mél. René CHAPUS, Montchrestien, Paris, 1992, p. 517.

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Première partie : L'ambivalence du principe

de sauvegarder ses droits ou ses intérêts dans la mesure prévue par la règle de droit186.

Néanmoins, Soutenir que « l'ouvrage public mal planté ne se détruit pas » parce que, quoi que violant les droits d'un ou des administrés, il sert les intérêts de nombreux usagers187, conduit à vider le droit à la légalité de son contenu protecteur. Un tel droit perd tout effet avec l'existence de principe de l'intangibilité de l'ouvrage public par l'effet de l'abstention du juge d'annuler les actes administratifs illégaux (§ 1). De même, il convient de reconnaître que l'administration reste libre d'exécuter les décisions juridictionnelles (§ 2).

§ 1 : L'illégalité sans l'annulation

Par l'action administrative, il arrive que les administrés se trouvent lésés par l'administration dépositaire de l'intérêt général. La protection des droits des administrés et le respect de l'ordre juridique, constituons les principaux éléments de la théorie de l'Etat de droit, ne peuvent être assurés sans l'existence d'un contrôle juridictionnel énergique et efficace au cours d'un procès équitable188. Une condition même de la reconnaissance de prérogatives de puissance publique, le contrôle efficace de l'administration est une garantie donnée aux administrés et une limitation de l'administration.

186 M. LAKHDHAR, « Le droit à la légalité administrative », Etudes juridique, 1993-1994, p. 10.

187 M. LAKHDHAR, « La protection de la propriété privée immobilière par le Tribunal Administratif », RTD, 1983, p. 286.

188 « Le procès équitable suppose que le requérant doit avoir la possibilité d'exprimer sa cause vis-à-vis du juge administratif dans des conditions qui ne le désavantage pas par rapport à l'administration toute puissante. Le requérant doit avoir la possibilité d'être entendue en bénéficiant de toutes les règles garantissant le respect de ses droits conformément à l'article 6 § 1 de la CESDH ». V. HAÎM, « Le contribuable peut-il prétendre à un procès équitable devant le juge administratif », RDF, n° 25, 1999, p. 862. Voir aussi ; M. FABRE, « Le droit à un procès équitable », JOP, n° 31-35, 1998, p. 1425.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Mais il ne suffit pas de poser le principe de la soumission de l'administration au droit. Encore faut-il avoir la certitude qu'il sera respecté et que l'administration sera sanctionnée lorsqu'elle aura manqué au droit. Pour cette raison, le problème de contrôle de l'Administration est une question essentielle dans la logique du droit administratif.

Or, accueillir un argument de la poursuite de l'intérêt général conduirait non seulement à exonérer l'administration du respect de la légalité (A) mais également d'offrir la possibilité de régulariser les violations de la règle de droit (B).

A. La violation « autorisée » de la règle de droit

Le juge administratif est « le gardien de la légalité administrative »189. De ce fait, la caractéristique du régime administratif est la soumission de l'action administrative à un droit fait pour elle, distinct du droit applicable aux particuliers190.

La spécificité du rôle protecteur du juge administratif réside dans son domaine de compétence qui est celui du contrôle de l'action administrative. Ce contrôle se fait conformément au principe de légalité qui exige que l'administration conduise son action suivant la dialectique suivante : comment satisfaire les besoins d'intérêt général tout en sauvegardant les droits des administrés191?

Or, le juge administratif semble être loin de procurer une protection suffisante aux administrés. En effet, le principe de l'intangibilité des ouvrages publics « donne des pouvoirs exorbitants à

189 J. RIVERO, « Le juge administratif gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité », in Le juge et le droit public, Mél. offerts a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 701.

190 J. RIVERO, « Le juge administratif gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité », Mél. offerts a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 701.

191 J. RIVERO, « Le juge administratif gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de la légalité », Mél. offerts a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 702.

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Première partie : L'ambivalence du principe

l'administration qui peut être incitée à faire l'économie d'une expropriation régulière »192. L'application de la règle de l'intangibilité de l'ouvrage public permet, en effet, à l'administration d'arriver au même résultat qu'au terme d'une expropriation pour cause d'utilité publique sans avoir à mettre en oeuvre cette procédure contraignante193.

Cette violation grave par l'administration de la procédure légale est autorisée par le juge administratif qui n'hésite pas à déclarer, à travers une jurisprudence constante, que la création d'un ouvrage public même illégalement implanté fait face à toutes mesures qui peuvent porter atteinte à l'intégrité de cet ouvrage194. Or, une telle politique jurisprudentielle « risque d'encourager l'administration à s'engager dans une politique machiavélique basée sur le principe de la justification des moyens par la fin poursuivie »195. Car l'effet d'une telle idée est de légitimer l'illégalité pour le motif que les intérêts servis sont plus nombreux que l'intérêt sacrifié196.

Dans ces conditions, le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public acquiert en Tunisie une fonction redoutable de protection des prérogatives de l'administration et de légitimation de ses agissements, quel que soit le degré de leurs inégalités197. « De toute manière, et du

192 M-P. MAITRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 8.

193 M-P. MAITRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 8.

194 TA., aff. n° 1/16656, rendu le 25 avril 2009, El Fkiri c/ SONEDE, Rec, p. 305.

195 M. LAKHDHAR, « La protection de

la propriété privée

immobilière par

le

Tribunal

Administratif », RTD, 1983, p. 283.

 
 
 
 

196 M. LAKHDHAR, « La protection de

la propriété privée

immobilière par

le

Tribunal

Administratif », RTD, 1983, p. 286.

 
 
 
 

197 M. LAKHDHAR, « La protection de

la propriété privée

immobilière par

le

Tribunal

Administratif », RTD, 1983, p. 287.

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Première partie : L'ambivalence du principe

moins en ce qui concerne les dépossessions irrégulières, leur intégration aux matières administrative est susceptibles de procurer à l'administration une protection renforcée »198.

B. La possibilité de régulariser la violation de la règle de droit

Bien connue des pouvoirs publics, la théorie de l'expropriation indirecte199 permet à ceux-ci d'occuper un terrain privé et d'y engager des travaux. Dans l'impossibilité de faire prévaloir son droit, le propriétaire n'a plus qu'à s'incliner, l'administration pouvant ainsi acquérir ledit terrain sans qu'aucune décision prononçant le transfert de propriété ne soit intervenue200. La théorie de l'expropriation indirecte porte atteinte à la prééminence du droit.

L'illégalité d'une situation ou d'un acte peut être corrigée à travers la théorie de régularisation201. « Marquée du sceau de réalisme »202, cette théorie présente sans nul doute l'intérêt de permettre au juge de couvrir

198 M. LAKHDHAR, « La protection de la propriété privée immobilière par le Tribunal Administratif », RTD, 1983, p. 286.

199 On admettant la théorie de l'expropriation indirecte, « le juge concevait qu'une procédure particulièrement souple, ignorant les garanties offertes par la procédure régulière de l'expropriation, puisse après coup régulariser n'importe quelle possession irrégulière pouvant même constituer une voie de fait. Le droit semblant davantage servir le fait accompli que les intérêts du propriétaire ». C. BOITEAU, Note sous cour de cassation, assemblée plénière, 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ Electricité de France, « Les avatars de l'expropriation dite « indirecte », RFDA, n° 10, novembre-décembre 1994, p. 1123.

200 R. HOSTIOU, « La Cour Européenne des Droits de l'Homme condamne la théorie de l'expropriation indirecte », AJDA, 6 février 2006, p. 225.

201 La régularisation peut se définir en la correction postérieure d'une illégalité préexistante. J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous OE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 23 ; P. SABLIÈRE, Note sous TC, 6 mai 2002, M. et Mme Binet c/ Electricité de France, AJDA n° 19, 18 novembre 2002, p. 1231.

202 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 16.

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Première partie : L'ambivalence du principe

des irrégularités et de régulariser des situations souvent complexes203. Elle lui évite d'ordonner des démolitions qui peuvent apparaître comme inutilement coûteuses et socialement injustifiables204.

Une telle théorie permet, lorsqu'elle est possible205, de conformer l'action de l'administration au principe de légalité. Elle permet d'éviter la qualification de voie de fait. L'administration, dans un souci de simplification et de rapidité, peut alors s'affranchir de longues et complexes procédures d'expropriation, pourtant élaborées dans un souci de protection des administrés, notamment pour garantir un de leurs droits les plus fondamentaux, celui du respect de la légalité.

§ 2 : L'annulation sans l'exécution

« Le droit à un recours juridictionnel n'aurait pas de sens si la

décision juridictionnelle à laquelle doit donner lieu la saisine du juge n'était pas exécutée »206. En effet, « l'effectivité du droit à un recours

juridictionnel suppose un droit à l'exécution des décisions de justice »207.

Néanmoins, l'exécution des décisions émanant du juge ne bénéficie pas de techniques particulières pouvant le garantir, et par la-

203 En vertu de la théorie de l'expropriation indirecte, « le juge va écarter les irrégularités commises par l'administration. On va passer l'éponge sur les irrégularités commises ». L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 16.

204 R. HOSTIOU, « La Cour Européenne des Droits de l'Homme condamne la théorie de l'expropriation indirecte », AJDA, 6 février 2006, p. 225.

205 La régularisation est généralement admise car d'une part, elle met un terme à l'illégalité, et d'autre part, elle permet de prévenir le trouble que provoque toute annulation. L'administration, ainsi que le juge administratif peuvent ainsi opérer une régularisation d'un acte administratif en procédant soit à une substitution de motifs (CE., sect., 16 novembre 1962, Société industrielle de tôlerie, Rec., p. 608.), soit à une substitution de base légale (CE., sect., 27 janvier 1961, Daunizeau, Rec., p. 57.), soit à une neutralisation des motifs illégaux (CE., ass., 13 janvier 1963, Dme Perrot, Rec., p. 39.).

206 E. CARPANO, Etat de droit et droits européens, L'Harmattan, 2005, p. 400.

207 E. CARPANO, Etat de droit et droits européens, L'Harmattan, 2005, p. 400.

46

Première partie : L'ambivalence du principe

même, préserver les droits des justiciables et le prestige du juge208.

Certes, « l'exécution d'une décision juridictionnelle par l'administration dépend dans une grande mesure de sa propre volonté et de sa bonne fois »209. Le plus épineux problème pour le contentieux administratif est

celui des moyens de contraindre l'administration à se conformer aux décisions de la justice210. C'est d'ailleurs à juste titre que M. RIVERO

disait qu'« Il n'y a pas de contrainte contre qui en détient le monopole légal »211.

Détenant la force publique212, le pouvoir exécutif pourrait négliger les ordres du juge administratif et judiciaire. Ainsi, dans un arrêt datant du 1990213, le juge cantonal a ordonné la cessation de troubles ce qui implique la démolition de l'ouvrage public. Néanmoins, cette décision

208 La loi 1996 reste silencieuse sur la question de l'exécution des décisions de justice. Silence aussi sur la sanction de l'inexécution, alors même que l'article 10 de la loi de 1972 qui dispose que, « l'inexécution volontaire des décisions du Tribunal administratif constitue une faute lourde qui engage la responsabilité de l'autorité administratif en cause », a échoué à remplir son office. « Cette disposition n'a joué aucun rôle effectif dans le sens du renforcement de l'obligation d'exécution. Elle ne semble avoir jamais été mise en oeuvre, restent ainsi lettre morte, sans évidemment tomber en désuétude. Mal conçu et mal rédigée, son application aurait été et reste délicate ». H. MOUSSA, « L'exécution de la chose jugée et la réforme de la justice administrative en Tunisie », in La réforme de la justice administrative, colloque organisé du 27 au 29 novembre 1996, FSJPS, Centre de Publication Universitaire, 1997, p. 76. De même, les décisions émanant du juge administratif ne bénéficient pas de techniques particulières pouvant le garantir étant donné que l'astreinte n'existe pas en Tunisie. L'astreinte est « une somme d'argent d'un montant déterminé par jour ou par mois de retard, à laquelle est condamnée une personne publique qui néglige ou refuse d'exécuter une décision rendue par une juridiction administrative quelle qu'elle soit. Elle vient donc sanctionner la violation par l'administration de la chose jugée ». Ch. GUETTIER, « Exécution des jugements », JCA, fasc. n° 112, 1995, p. 22.

209 L. LARGUET, « L'exécution des décisions du juge administratif », in La justice administrative, colloque organisé le 6-7 décembre 1996, Collection des colloques des juristes n° 6, faculté du droit et sciences politiques de Tunis, Tunis, 1996, p. 155.

210 M. WALINE, Le contrôle juridictionnel de l'administration, Le Caire, 1949, pp. 199-200.

211 J. RIVERO, « Le système français de protection des citoyens contre l'arbitraire administratif à l'épreuve des faits », in Mél. Jean DABIN, Sirey, 1963, T.2, p.820.

212 J. CHEVALIERS, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T.28, p. 77.

213 TC., arrêt n° 44639, rendu le 21 décembre 1977, cité dans l'arrêt du TA., n° 546, appel du 26 novembre 1990, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'éducation nationale c/ Tahar Ben Ali Chérif, inédit.

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Première partie : L'ambivalence du principe

n'a pas été exécutée par l'administration214. Les décisions du juge peuvent rester inexécutées sans engager pour autant la responsabilité de l'administration215. Alors, « à quoi sert un juge qui, après avoir mis au point de magnifiques théories pour réduire l'arbitraire administratif, est incapable de les faire passer dans les faits ?»216.

Un justiciable à statut particulier217, l'administration peut toujours désobéir impunément au juge218. Ce qui risquerait de mettre en cause non seulement la crédibilité du juge, son prestige et sa dignité,219 mais encore son existence220. Dès lors, la doctrine n'a pas manqué de signaler que, sans le pouvoir de commandement, le juge administratif serait un juge « défectif »221, voire même « mutilé »222. L'octroi du pouvoir d'injonction alors n'est pas souhaitable, étant donné que ce pouvoir

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215 Le non exécution d'un arrêt « ne constitue pas, contrairement à ce qu'un esprit borné pourrait croire, une raillerie à l'endroit des juges ; c'est l'Etat qui se corrompt, puis se perd ». Y. BEN ACHOUR, « Les conséquences de l'annulation juridictionnelle d'une décision administrative », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 507.

216 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T.28, p. 87.

217 B. TEKARI, « L'exécution contre l'administration », RTD, 1984, p. 360.

218 H. BEN SALAH, La justice administrative au Maghreb, (étude comparé des systèmes de contrôle juridictionnel de l'administration au Maroc, en Algérie et en Tunisie), Thèse pour le Doctorat en Droit, FDSP de Tunis, 1979, p. 462 ; M. VIGROUX-ÈCHÈGUT, « L'injonction de travaux prononcée contre l'administration », LPA, n° 75, 14 avril 2000, p. 4.

219 J. RIVERO, « Le huron au palais royal, ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », Revue Dalloz, 1962, Chronique IV, p. 38.

220 B. TEKARI, « L'exécution contre l'administration », RTD, 1984, p. 365.

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222 F. MODERNE, « Etrangère au pouvoir du juge, l'injonction, pourquoi le serait-elle ? », RFDA 1990, p. 807.

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Première partie : L'ambivalence du principe

serait inefficace et ne ferait que développer la crise de confiance entre l'administration et son juge223. Le juge « pourrait non seulement étendre ses propres pouvoirs, mais écarter les protections dont toute décisions bénéficie. Cela implique que le juge ne se limite pas à l'annulation, mais qu'il s'adresse des ordres à l''administration pour indiquer concrètement les mesures d'exécution à prendre »224.

Il est vrai que le principe d'intangibilité a été conçu pour servir les administrés en tant qu'usagers des ouvrages publics. Néanmoins, les droits de certains administrés se trouvent parfois gravement mis en cause. La gestion des affaires publiques oblige à procéder par des arbitrages difficiles et douloureux. L'intérêt général commande souvent des sacrifices que les administrés se trouvent parfois obligés de consentir. Mais l'intangibilité est loin d'être absolue. L'évolution des droits a « désacralisé » le principe.

223 J. CHEVALIERS, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », RTD, 1984, p. 88.

224 Y. BEN ACHOUR, « Les conséquences de l'annulation juridictionnelle d'une décision administrative », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 514.

DEUXIEME PARTIE

L'adaptation du principe

49

Deuxième partie : L'adaptation du principe

« La règle de l'intangibilité de l'ouvrage public n'est pas un dogme mais un principe auquel il peut être raisonnable, dans certains cas, d'apporter des exceptions »225. La rénovation du principe s'exprimera à travers deux démarches. D'une part, des applications jurisprudentielles qui dénoteront avec hardiesse de la pratique contentieuse dominante au regard des possibilités désormais offertes au justiciable226. D'autre part, un environnement juridique qui s'est certainement alimenté de l'évolution jurisprudentielle. Ce mouvement qualifier d'offensif serein contre le principe d'intangibilité incarne certainement une quête d'adaptation du principe227.

Néanmoins, préalablement à ces attaques, l'instabilité que présentaient les fondements du principe d'intangibilité annonçait de pareils effets à travers des quelques exceptions catégorielles, pertinentes, prévues par la loi ou énoncés par le juge. L'existence de ces limites permettait de démontrer que le principe d'intangibilité n'offrait pas le caractère aussi inébranlable qui lui était communément prêté228. Aussi, il semble opportun de s'arrêter sur ce principe en se penchant sur ses limites (Chapitre I) et ses infléchissements (Chapitre II).

225 C. MAUGUE, Concl. sur CE., section, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes- Maritimes et commune de clans, RFDA, mai- juin 2003.

226 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1471.

227 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.

228 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.

50

Deuxième partie : L'adaptation du principe

Chapitre I :

Les limites du principe

L'ouvrage bénéficie de la protection exorbitante de l'intangibilité uniquement parce qu'il est le support nécessaire d'une activité de service public. Mais « tant que l'ouvrage est en cours d'établissement, il s'agit d'une opération de travaux publics. Il ne devient un ouvrage public qu'à partir du moment où il a fait l'objet d'une réception définitive et que la personne publique dont il dépend a donné l'autorisation de mise en fonctionnement ou d'ouverture à la circulation »229. Ainsi, les ouvrages publics constitués sur une propriété privée dans le cadre d'une servitude administrative présentent une limite quant aux effets du principe d'intangibilité des ouvrages publics.

Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public souffre de quelques limites apportées à l'applicabilité du principe concernant les ouvrages publics non achevés (Section 1), et aux effets même du principe (Section 2).

Section 1 : Les ouvrages publics non achevés

L'intangibilité de l'ouvrage public se caractérise par l'impossibilité pour le juge, une fois l'ouvrage achevé, d'ordonner sa destruction, même cet ouvrage est irrégulièrement construit230. Toutefois, face à une construction irrégulière empiétant sur la propriété privée, et, si

229 Ch. BLAEVOET, « De l'intangibilité des ouvrages publics », Dalloz, 1965, p. 242.

230 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

les travaux sont en cours d'exécution231, le juge s'autorise à les interrompre232 sur le fondement de leur illégalité233.

A ce titre, afin d'éviter l'achèvement de l'ouvrage public, le particulier dispose de deux moyens de défenses pour lutter contre de pareil abus de l'administration234. Il s'agit de la technique de sursis à exécution (§ 1) et de recours en référés (§ 2).

§ 1 : Le sursis à exécution

La technique du sursis à exécution des décisions administratives235 se présente comme une exception importante au principe du caractère non suspensif236 des recours administratifs237. Par le biais de la procédure de sursis à exécution238, « les justiciables diligents devraient pouvoir

231 S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité de l'ouvrage public: réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 762.

232 A. MESTRE, « Note sous cour de cassation, civ. 28 janvier 1924 », S. 1924, I, p. 289.

233 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633 et p. 1667.

234 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360 ; R. JENAYAH, « Le sursis à l'exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 61.

235 Le sursis à exécution est défini comme étant « une décision par laquelle le juge, à la demande du requérant, décide de suspendre provisoirement l'exécution de l'acte administratif dont la légalité est contestée devant lui ». Y. GAUDEMET, « Les procédures d'urgences dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 420.

236 L'article 39 nouveau paragraphe 1 de la loi n° 72-40 du 1er juin 1972: « Le recours pour excès de pouvoir n'a pas d'effet suspensif ». Le principe de l'effet non suspensif des recours signifie que « le recours, dirigé normalement contre une décision, ne suspend pas l'exécution de cette dernière. Bien que faisant l'objet d'un recours, et étant ainsi menacé d'annulation, (...), la décision pourra être exécuté, et ce, dans le cas même ou son illégalité serait des plus probables, (...), tel est le principe, destiné à assurer l'efficacité de l'action administrative ». R. CHAPUS, Droit du Contentieux Administratif, CREA, Tunis, 1968, n° 457, p. 372. Le principe de l'effet non suspensif des recours est qualifié comme étant « un principe fondamental du droit public ». OE., ass, 2 juillet 1982, HUGLO et autres, Rec. Leb, p. 237. Il serait mal venu que « l'exécution d'un intérêt privé vienne paralyser l'exécution d'une décision qui est censée servir l'intérêt général ». M. TOURDIAS, Le sursis à exécution des décisions administratives, LGDJ, 1957, p. 1.

237 R. JENAYAH, « Le sursis à exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 60.

238 En France, depuis la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, on ne parle plus de sursis à exécution, mais de référé - suspension. M. WALINE, Note sous OE., 1er octobre, Ministre des Finances c/ crédit coopératif foncier, RDP, 1955, p. 378.

Deuxième partie : L'adaptation du principe

échapper de se voir opposer, à terme, le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public, en empêchant simplement la personne publique de l'achever » 239.

Cependant, la mise en oeuvre de la technique de sursis à exécution n'a pas toujours été à la mesure des souhaits des administrés. En effet, l'octroi du sursis à exécution n'est recevable que si elle satisfait à certaines conditions240. Reste que l'efficacité de cette procédure dépend de l'interprétation donnée par le juge de ces conditions.

239 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1669.

240 Tout en soulignant le caractère exceptionnel de cette institution, l'article 44 ancien de la loi du 1er juin 1972 subordonnait l'octroi du sursis à la condition que « l'exécution de la décision attaquée est de nature à entraîner pour le requérant des conséquences irréparables ». Or, la nature et l'ampleur du préjudice que l'on pourrait invoquer à l'appui d'une demande de sursis, échappent à toute définition légale.

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En réalité, le législateur reste volontairement dans le vague pour permettre au juge d'apprécier « dans un souci d'opportunité, de rétrécir, comme une peau de chagrin, le domaine d'application du sursis ». R. JENAYAM, « Le sursis à l'exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 76. En conséquence, cette incertitude permet au juge de conserver toute sa liberté de décision et de pouvoir, compte tenu des circonstances de chaque espèce, rejeter ou accepter une demande de sursis.

Avec l'introduction de l'article 39 (nouveau) de la loi du 1er juin 1972 tel que modifié par la loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996, le législateur tunisien a introduit une réforme de la procédure de sursis à exécution. D'une part, la seule condition légale exigée à l'octroi du sursis qui était celle « des conséquences irréparables » a été remplacée par l'expression « des conséquences difficilement réversibles». D'autre part, le législateur a ajouté la seconde condition légale, à savoir « les motifs apparemment sérieux ». Alors, pour que le sursis soit prononcé il ne suffit pas de faire état de conséquences irréparables, mais aussi, soulever à l'appui de la requête de sursis des moyens sérieux qui apparaîtraient de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.

De même, l'examen de la jurisprudence en la matière témoigne que l'introduction d'une demande en sursis à exécution d'une décision administrative suppose l'introduction d'une action en recours pour excès de pouvoir contre cette même décision. Cette condition relève de la nature même de la procédure de sursis à exécution. TA., EP, aff. n° 349, SAE, 1/26/16 du 15 janvier 1990, Mohamed et autres c/ commune de Monastir, Rec., p. 285 ; TA., EP, aff. n° 142, SAE, 1/26/16, du 26 décembre 1984, Mohamed Radhoane c/ le ministère d'éducation nationale, Rec. , p. 492.

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Le sursis à exécution est « une arme mise à la disposition du juge pour assurer, préventivement, une protection effective des droits des particuliers »241. Toutefois, l'analyse des arrêts de la juridiction administrative relatifs à la technique de sursis à exécution démontre que le juge administratif n'a jamais exploré ce mécanisme pour atténuer les effets du principe de l'intangibilité des ouvrages publics.

C'est ainsi que, dans une affaire datant du 1992242, le juge a refusé la demande de sursis à exécution du jugement en invoquant divers motifs. Pour lui, cette demande ne répond pas aux conditions d'octroi de sursis à exécution puisqu'elle ne repose pas sur des motifs apparemment sérieux et que l'exécution de ce jugement ne peut être classée dans la catégorie des résultats non révisables.

Les conditions rigoureuses posées par la jurisprudence ont considérablement réduit l'utilisation du sursis à exécution. Cette pratique jurisprudentielle, exacerbée par la lenteur des procédures devant la juridiction administrative, a conduit, dans les nombreux cas, à une inefficacité indéniable de la réponse donnée aux justiciables243.

A titre d'exemple, on peut citer l'affaire concernant l'installation des canaux des eaux244. Le juge a refusé la demande de sursis à exécution d'un arrêt autorisant la Société Nationale d'Exploitation et de Distribution des Eaux à passer des canaux des eaux potables sur le terrain du requérant au motif que la demande repose sur des motifs apparemment non sérieux. « La procédure du sursis à exécution devrait être rationnalisée, faute de quoi le requérant se trouve doublement

241 Y. GAUDEMET, « Les procédures d'urgences dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 420.

242 TA., SAE, aff. n° 552, du 24 octobre 1992, inédit.

243 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.

244 TA., SAE, aff. n° 659, 12 janvier 1994, Emna El Rayes c/ SONEDE, inédit.

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sanctionnée par la lenteur de la justice et le refus du l'octroi du sursis à exécution »245.

§ 2 : Le recours en référés

« Le signe extérieur d'une bonne justice, c'est l'excellence de ses procédures d'urgence »246. A cet égard, dans le cadre de la protection des droits des administrés, l'intervention du juge du référé est indispensable pour remédier à la lenteur de l'instance et ses inconvénients247.

Visant le même objectif que le sursis à exécution, le référé permet au juge de faire statuer rapidement et d'une manière provisoire sur les affaires urgentes et dans les litiges où les jugements soulèvent des difficultés relativement à leur exécution248.

Néanmoins, le problème de la compétence juridictionnelle de référé s'est posé fortement avant la promulgation de la loi de 1er juin 1972 relative au TA. Le juge judiciaire a retenu sa compétence en se basant sur l'article 201 du CPCC 249. Alors que le juge administratif s'est basé sur une théorie selon laquelle « l'accessoire suit le principal, l'accessoire étant le référé le fond étant l'évaluation de l'indemnité de l'expropriation »250. Instituant la compétence du TA dans cette matière, l'article 81 de la loi de 1972 a mis fin à ce conflit de compétence entre le juge judiciaire (A) et son homologue administratif dans ce sujet (B).

245 K. FENDRI, « Recours pour excès de pouvoir, temps et bonne administration de la justice », actes de colloque sur : L'évolution contrastée du recours pour excès du pouvoir, Sfax, les 4 et 5 avril 2008, Imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2010, p. 101.

246 R. CHAPUS, « Rapport de synthèse », in Actes du Colloque du 30ème anniversaire des tribunaux administratifs, CNRS, 1986, p. 338.

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248 R. DRAGO, « La procédure de référé devant le Conseil d'Etat », RDP, 1953, p. 303.

249 « Dans tous les cas d'urgence, il est statué en référé par provision et sans préjudice au principal ».

250 TA., arrêt n° 107, rendu le 12 juillet 1979, Taja El Mezghani c/ AFI, Rec., p. 240.

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A. Le juge judiciaire

En se référant à l'article 201 du CPCC, le juge judiciaire avait l'occasion de statuer en tant que juge de référé en matière administrative avant la promulgation de la loi de 1972 relative au TA251. En effet, à travers la jurisprudence de référé en matière de travaux publics, le juge judiciaire n'hésite pas à ordonner l'arrêt de construction de l'ouvrage public sans se contenter de l'interdiction de l'article 3 du décret beylical de 1888. Les exemples sont divers dans ce domaine252. Dans un jugement datant de 1982253, le président du tribunal de première instance de Tunis a ordonné la cessation des travaux publics entamés par l'administration dans une ferme à la propriété d'un agriculteur.

Mieux encore, le juge judiciaire a pu aller plus loin en ordonnant la cessation des travaux de construction d'un ouvrage public sur un terrain exproprié. A ce titre, un jugement annonçait en 1986254, la cessation des travaux de construction d'un ouvrage public.

251 M-E-F. MOUSSA, « Les mesures d'urgence en matière administrative », in Le Centenaire du décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif, Colloque organisé les 28-29-30 novembre 1988 par l'Association Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des Services Culturels de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 135.

252 PR du Tr du 1ere instance de Tunis, jugement en référé n° 16662, rendu le 6 mars 1982, cité dans un arrêt du TA., n° 281, appel, n° 281, rendu le 24 mars 1983, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de l'équipement c/ Aroussi Essnoussi et autres, inédit ; PR du Tr de 1ere instance de Tunis, jugement en référé n° 69235, rendu le 16 novembre 1999, cité dans l'arrêt du TA., n° 19025, appel, rendu le 30 décembre 1991, STEG c/ société de port de Bizerte, inédit ; PR du Tr de 1ere instance de Bizerte, jugement en référé n° 1629, rendu le 10 novembre 1986, cité dans l'arrêt du TA., n° 1156, appel, rendu le 30 décembre 1991, STEG c/ société de port de Bizerte, inédit.

253 PR du Tr du 1ere instance de Tunis, jugement en référé n° 16662, rendu le 6 mars 1982, cité dans un arrêt du TA, n° 281, appel, n° 281, rendu le 24 mars 1983, chef des contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de l'équipement c/ Aroussi Essnoussi et autres, inédit.

254 PR du Tr de 1ere instance de Bizerte, jugement en référé n° 1629, rendu le 10 novembre 1986, cité dans l'arrêt du TA., n° 1156, appel, rendu le 30 décembre 1991, STEG c/ société de port de Bizerte, inédit.

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B. Le juge administratif

S'agissant du juge administratif, la situation est différente par rapport au juge judiciaire. En se référant aux articles 81 et 82 (nouveaux) de la loi organique du 1er juin 1972255, on constate d'emblée que le juge de référé semble disposer d'un véritable pouvoir d'injonction en la matière, en témoigne l'expression « peuvent ordonner ».

Néanmoins, le juge administratif statuant en tant que juge de référé évite d'adresser des injonctions à l'administration en lui ordonnant d'arrêter les travaux de construction d'un ouvrage public. Cette position a été maintes fois réaffirmée par le juge administratif256.

Jusqu'aujourd'hui, le juge administratif tunisien n'a pas abandonné sa position ferme qui consiste au refus de surseoir à l'exécution des décisions de rejet, s'abritant derrière le principe de l'intangibilité des ouvrages publics. Ainsi, dans l'affaire Sghaier, il a refusé d'ordonner le sursis à exécution d'un travail public en décidant à cet effet que « les compétences du juge administratif en matière de référé ne s'étend pas à

255 L'article 81 (nouveau) de la loi organique n° 72-40 du 1er juin 1972 telle que modifiée par la loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996 dispose que « dans touts les cas d'urgence, les présidents de chambre de première instance ou d'appel peuvent respectivement ordonner, en référé toutes mesures provisoires utiles sans préjuger du fond et à condition de ne pas entraver l'exécution d'une décision administrative ».

L'article 82 (nouveau) de la loi organique n° 72-40 du 1er juin 1972 telle que modifiée par la loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996 dispose qu' « En cas d'urgence, les présidents de chambre de première instance ou d'appel devant lesquelles une affaire est déjà enrôlée peuvent respectivement ordonner d'urgence de contraindre le débiteur de verser à son créancier une provision. (...). Dans les cas d'urgence, (...) peuvent ordonner respectivement de procéder à un constat urgent de tout fait menacé de disparition et pouvant faire l'objet d'un litige administratif ».

256 TA., aff. n° 711336 du 1 avril 2010, Mohamed Najib El Bey, Jamil El Bey et Abdelraouf El Bey c/ l'office national d'assainissement, inédit ; TA., aff. n° 711375 du 10 juillet 2010, Samir Sghaier c/ Ministère d'équipements, d'habitat et d'aménagement territorial, inédit ; TA., aff. n° 7211, rendu le 10 février 1998, clinique Taoufik c/ ministère de l'intérieur, Rec., p. 46.

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arrêter les travaux publics, en particulier quand il s'agit de la création des ouvrages publics »257.

En France, le juge peut désormais s'appuyer sur la loi relative au référé devant les juridictions administratives, promulguée le 30 juin 2000 pour suspendre les travaux d'une construction irrégulière empiétant sur une propriété privée sur le fondement de leur illégalité258. Le justiciable a alors intérêt à se fonder sur l'article L. 521-2 du code de justice administrative259, afin de demander au juge la suspension des travaux. Une telle procédure, dite référé-injonction, constitue une innovation importante puisqu'elle permet au juge des référés d'adresser des injonctions à l'administration lorsqu'une liberté fondamentale est menacée par une décision ou des agissements de la personne publique260.

Section 2 : Les servitudes administratives

Prérogatives de puissance publique, les servitudes administratives ne font l'objet ni d'une définition légale ni d'un statut d'ensemble.

257 TA., aff. n° 711375 du 10 juillet 2010, Samir Sghaier c/ Ministère d'équipements, d'habitat et d'aménagement territorial, inédit.

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Voir aussi : TA., aff. n° 711336 du 1 avril 2010, Mohamed Najib El Bey, Jamil El Bey et Abdelraouf El Bey c/ l'office National d'assainissement, inédit

258 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.

259 « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice l'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

260 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.

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Généralement, les servitudes administratives sont définies comme des charges prises dans un but d'intérêt général sur une propriété privée261.

La servitude administrative s'analyse en une obligation des servitudes de ne pas faire262, des servitudes de faire263 et des servitudes de laisser faire264. Au sein de cette dernière catégorie, il existe trois types de servitudes de laisser faire265. A côté de l'obligation de donner accès à des tiers et l'obligation de subir l'exécution de certains travaux, ces servitudes peuvent comporter l'obligation de subir l'implantation de certains ouvrages266. C'est ainsi que, le propriétaire est « soumis aux servitudes en ce qui concerne l'installation, par l'Etat, de poteaux indicateurs, moyens de signalisation, travaux de mesure et de relèvement concernant les eaux »267.

Justifiées par l'intérêt général, les servitudes sont qualifiées d'ouvrage public puisqu'elles sont des immeubles résultant d'un aménagement et bénéficient alors de la règle de l'intangibilité.

261 M. PIQUEMAL, Droit des servitudes administratives. Les servitudes traditionnelles, Paris, Berger-Levrault, Collection « L'administration nouvelle », 1967, p. 17 ; M. PRIEUR et G.-C. HENRIOT, Servitudes de droit public et de droit privé, Editions du Moniteur, Collection « Actualité juridique », Paris, 1979, p. 33; M. SAYARI, Les servitudes administratives, Centre de Publication Universitaire, Tunis, 2007, p. 4.

262 La servitude in non faciendo. Cette servitude « comporte pour l'assujetti l'obligation de s'abstenir de l'exercice de certains de ses droits à l'égard du fonds ». J-M. AUBY, Servitudes administratives, JCA, Fasc. 390, 1952, n° 12.

263 Les servitudes in faciendo.

264 Les servitudes in patiendo. L'assujetti à cette servitude « est obligé de subir, sur son fonds, certains actes accomplis par des tiers auxquels son titre lui permettrait, normalement, de s'opposer ». J-M. AUBY, Servitudes administratives, JCA, Fasc. 390, 1952, n° 223.

265 Il existe trois catégories principales de servitudes de laisser faire. En premier lieu, ces servitudes peuvent comporter l'obligation de donner accès à des tiers. En second lieu, une propriété peut subir l'exécution de certains travaux et non seulement de simples passages. En troisième lieu, ces servitudes peuvent comporter l'obligation de subir l'implantation de certains ouvrages. M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 20052006, p. 46.

266 M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 51.

267 Article 47 du code des eaux.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Néanmoins, à la différence de l'expropriation qui a pour effet d'opérer le transfert forcé de la propriété d'un bien immeuble, la servitude administrative n'a pas pour effet le transfert de la propriété. Elle présente dés lors, une atteinte au principe de l'intangibilité de l'ouvrage public quant à ses effets (§ 1) et impose également un régime particulier d'indemnisation (§ 2).

§ 1 : La négation de transfert de la propriété

Les ouvrages publics réalisés sur une propriété privée dans le cadre de servitude administrative sont toujours protégés par le principe d'intangibilité. A ce titre, étant donné que, l'accès aux propriétés des particuliers et l'implantation des supports, par la STEG, rentre dans le cadre de la réalisation, par celle-ci, d'un service public consistant dans la distribution d'énergie268, le juge a eu l'occasion d'affirmer l'immunité absolue de cet ouvrage269.

Toutefois, l'implantation d'un ouvrage public dans le cadre d'une servitude administrative sur une propriété privée présente une limite au principe de l'intangibilité des ouvrages publics. Certes, à la différence de principe d'intangibilité qui fait disparaitre entièrement le droit de propriété, les servitudes administratives ne présentent pas une atteinte au

268 Voir par ex., TA., aff. n° 21816, appel, du 24 janvier 1997, STEG c/ M. Tlili, Rec., p. 60 ; TA., aff. n° 961, appel, du 29 juin 1992, STEG c/ Lazhar Saâdaoui, Rec., p. 327.

269 TA., arrêt n° 19519 du 29 mars 2003, Nejma Beltifa et héritiers Beltifa c/ STEG, inédit.

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Voir aussi : TA., arrêt n° 1/ 10110, du 6 février 2003, Khadija Chaati c/ STEG, inédit ; TA., arrêt n° 1261, appel, du 6 juin 1994, STEG c/ Chalbia Mansour, inédit ; TA., arrêt n° 1022, appel, du 10 mai 1993, STEG c/ Salah Elferhi, inédit.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

droit de la propriété dans son essence, mais elles présentent une restriction à ce droit270.

Jouir, user et disposer d'un bien immobilier, sont les attributs du droit de propriété qui doivent être exercés par son titulaire271. Or l'implantation d'un ouvrage public dans le cadre d'une servitude administrative sur une propriété privée ne prive le propriétaire que de droit d'user librement son immeuble. Elle ne le prive pas de son droit d'en jouir ou d'en disposer.

Ayant l'avantage de ne pas réaliser le transfert de propriété, « la servitude administrative met en sommeil, au profit de la collectivité publique, certains éléments de ce droit, non le droit lui-même. Elle n'équivaut pas à une expropriation même limitée »272. La servitude administrative ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir ou déplacer un ouvrage public273. Dans un arrêt datant de 2010274, le TA affirme que la servitude de passage des conduites d'eau, sur le terrain litigieux, dans un but d'intérêt publique, ne prive pas le propriétaire assujetti de son droit de propriété275.

270 TA., arrêt n° 22025 du 15 juillet 1998, STEG c/ Adel Ben Hadj Kammoun, inédit.

271 « La propriété confère à son titulaire le droit exclusif d'user de sa chose, d'en jouir et d'en disposer ». L'article 17 du CDR.

272 G. LIET-VEAUX, « Servitudes administratives, théorie générale », JCA, fasc. 390, p. 5.

273 C. MAUGÜÉ, Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, RFDA, 2003, p. 479.

274 TA., arrêt n° 1/13219 du 8 juin 2010, Bechir c/ SONEDE, Rec., p. 680.

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(...)

(...)

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La servitude administrative ne constitue qu'un démembrement de la propriété du bien grevé276. C'est pourquoi, le juge administratif a refusé d'accorder une indemnité de dépossession au propriétaire à cause de l'absence de transfert de propriété277, puisque l'établissement des supports de lignes d'énergie électrique sur la propriété privée ne fait perdre au propriétaire sa possession278.

»280.

En France279, l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 résume tout cela en disposant que la servitude « n'entraîne aucune dépossession ». Un auteur constatait que cet article peut servir comme fondement pour le juge qui « s'est permis d'ordonner la démolition des ouvrages publics de distribution d'énergie électrique édifiés en violation de la loi de 1906, et par le même de rejeter l'adage selon lequel "ouvrage public mal planté ne se détruit pas"

276 M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 173. C'est le cas par exemple pour les servitudes relatives à l'énergie électrique qui « constituent un droit, pour l'organisme chargé de la construction et d'un exploitation d'un ouvrage destiné à assurer un service public, d'utiliser des propriétés privées sans être obligé d'acquérir celle-ci. Elles confèrent à l'organisme bénéficiaire un droit d'usage sans transfert de propriété ». R. GINOCCHIO, Législation de l'électricité, Eyrolles, Paris, 1977, p. 72.

277 TA., aff. n° 389, appel, datée le 30 avril 1987, STEG c/ Hassan, Nouri, Abdelaziz, Abdelraouf et descendant hadj Hedi Walha, inédit.

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279 En France, une autre exception doit être signalée. Il s'agit, du cas des travaux mixtes pour lesquels le juge judiciaire se retrouve la compétence de porter atteinte à un ouvrage public. Cette exception ressort de la loi du 29 novembre 1952 relative aux travaux entrepris à la fois dans le domaine de la défense national et d'autres administrations civiles. Les articles 6 et 7 de la loi prévoient que, dans les cas où ces travaux sont exécutés dans des conditions irrégulières, les infractions sont constatées par des procès-verbaux notifiés aux intéressés, qui doivent rétablir l'ancien état des lieux dans le délai fixé par la notification. A défaut, le TA saisi par le préfet peut ordonner la suspension des travaux et le jugement définitif de condamnation, déterminer le délai pendant lequel le contrevenant sera tenu de rétablir à ses frais les lieux dans leur état primitif, faute de quoi il y sera procédé d'office par l'autorité militaire. S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité des ouvrages publics : réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 762.

280 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1656.

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§ 2 : L'indemnisation des servitudes administratives

Il est certain que l'existence d'un ouvrage public dans le cadre des servitudes administratives cause des dommages aux propriétaires. La question qui soulève l'existence de ces dommages est celle de l'indemnisation. « C'est probablement, un des problèmes les plus importants existant dans le droit des servitudes, puisqu'il permet de compenser les torts causés aux particuliers, mettant ainsi en lumière le constant compromis entre l'intérêt général et les intérêts particuliers »281.

La lecture des textes régissant les servitudes administratives, permet de constater la multiplicité des dispositions relatives à l'indemnisation. Cette diversité a généré une complexité non seulement au niveau du régime juridique de l'indemnisation (A) mais également au niveau de l'évaluation de l'indemnité (B).

A. Le régime juridique de l'indemnisation

Les lois régissant les servitudes administratives ont adoptés des positions divergentes, sur le problème de l'indemnisation des propriétaires282. On peut classer les textes relatifs aux servitudes administratives en trois catégories. Les textes qui prévoient l'indemnisation283, d'autres qui l'excluent284 et enfin les textes qui restent muette285.

281 M. PIQUEMAL, Droit des servitudes administratives. Les servitudes traditionnelles, Paris, Berger-Levrault, Collection « L'administration nouvelle », 1967, p. 156.

282 M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 341.

283 Telle est la position adoptée notamment par l'article 10 du décret beylical du 12 octobre 1887 qui disposait que « lorsque des supports ou attaches seront placés à l'exécution de murs ou façades, ou sur de toits ou terrasses, ou encore non clos, il ne sera dû au propriétaire d'autre indemnité que celle du préjudice résultant des travaux de construction de la ligne ou de son entretien ». Ainsi, en matière d'occupation temporaire pour les travaux publics, le décret beylical du 20 aout 1888 disposait dans son article 7 alinéa 1, que « l'entrepreneur peut occuper le terrain et y commencer les travaux

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Le recours à la voie juridictionnelle n'est pas obligatoire en matière d'indemnisation. De nombreux textes précisent d'ailleurs que le recours au juge n'a lieu qu'à défaut d'accord amiable286. En cas de désaccord entre les parties, l'intéressé peut saisir le juge compétent.

Aucun texte ne prévoit la compétence du juge administratif. Mais plusieurs textes ne désignent pas la juridiction compétente287 ou se contentent de confier l'indemnisation des servitudes administratives à « la juridiction compétente »288, aux « tribunaux compétents »289 ou, tout simplement, « aux tribunaux »290.

Découle du renvoi à la législation relative à l'expropriation291, l'indemnisation des servitudes administratives est la compétence de la juridiction judiciaire292. Le TA a été maintes fois réaffirmé cette règle293.

autorisés (...) tous les droits du propriétaire étant réservés en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ».

284 On peut citer en ce sens l'article 23 du CATU qui dispose que « les servitudes résultant des règlements d'urbanisme (...) ne donnent droit à aucune indemnité ». C'est le cas aussi de l'article 40 du code des eaux qui dispose que la servitude de franc bord « ne donne pas droit à une indemnité ».

285 P-S. DE BIEUSSES, « Le statut des aisances et des servitudes », AJDA n° 6, 20 juin 1992, p. 400. C'est le cas par exemple de la loi du 19 août 1998 relative aux chemins de fer qui ne contient aucune indication concernant l'indemnisation des assujettis aux diverses servitudes ferroviaires. M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 20052006, p. 343.

286 Voir par exemple : l'article 42 alinéa 2 de la loi du 7 mars 1986 portant refonte de la législation relative au domaine public routier de l'Etat ; l'article 45 alinéa 3 du Code des télécommunications.

287 Voir par ex ; Décret du 20 août 1888 relatif à l'occupation temporaire pour les travaux publics.

288 Article 45 alinéa 3 du code de télécommunications.

289 Article 48 du code des eaux dispose que « (...) Les dommages qui résultent des travaux sont fixes, à défaut d'accord amiable, par le tribunal compétent ».

290 Article 80 du code minier ; Article 86.1 alinéa 2 du code des hydrocarbures.

291 M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 394.

292 C'est ainsi, que l'article 30 alinéa 1 de la loi du 11 août 1976 (nouveau) dispose que « Les actions liées à l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'exception du recours pour excès du pouvoir, sont de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire avec ses différents degrés prévus au code de procédure civile et commerciale ». L'article 30 (nouveau) alinéa 1 de la loi du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que modifiée et complétée par la loi du 14 avril 2003, JORT, 18 avril 2003, p. 1032.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Toutefois, dans un arrêt datant du 2005, il a considéré que le juge compétent en matière d'indemnisation des servitudes administratives est le juge administratif294.

S'agissant de la question de la prescription de la demande d'indemnité, l'article 12 du décret de 12 octobre 1887 fixait ses délais à deux ans295 à partir de la date de fin de travaux. En contrepartie, le juge administratif adopte une solution favorable aux assujettis en appliquant, dans tous les cas, le délai de prescription de droit commun296, prévue par l'article 402 du COC297, à savoir du délai de quinze ans298.

B. L'évaluation de l'indemnité

Pour ouvrir droit à réparation, le dommage occasionné par les servitudes administratives doit présenter, en plus des caractères spécial et anormal, des caractères communs à tous les cas de responsabilité, à

293 TA., arrêt n° 1023, du 4 juillet 1994, STEG c/ Abdelwaheb Hermessi, inédit ; TA., appel, arrêt n° 26/ 1000 du 26 octobre 1992, STEG c/ Mohamed Saâdaoui, Rec., p. 363 ; TA., appel, arrêt n° 22141 du 15 juillet 1999, STEG c/ Jamel Hammami et autres, Rec., p. 461.

294 TA., arrêt n° 23513 du 22 janvier 2004, STEG c/ Hédi Bahri, inédit.

295 « Est prescrite par un délai de deux ans à compter du moment où cesse l'occupation ». La même solution se retrouve dans l'article 1 du décret du 19 mars 1905 fixant le délai de prescription de l'action en indemnité pour occupation temporaire de terrains.

296 M-S. BEN AÏSSA, « L'action relative à la responsabilité de l'administration devant le Tribunal administratif », in La réforme de la justice administratives, Actes de colloque organisé du 27 au 29 novembre 1996, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, Tunisie, C.P.U., 1996, p. 155 ; M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 412.

297 « Toutes les actions naissant d'une obligation sont prescrites par quinze ans, sauf les exceptions ci-après, et celles qui sont déterminées par la loi dans les cas particuliers ».

298 TA., arrêt n° 32103, rendu le 14 janvier 2002, STEG c/ Mohammed Tlili, inédit.

402

1887 12

402

1888 27

.

Voir aussi : TA., arrêt n° 21816, rendu le 24 janvier 1997, STEG c/ Mohammed Tlili, Rec., p. 61 ; TA., arrêt n° 21787, rendu le 29 janvier 1998, STEG c/ Sadok Bouhlel, inédit.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

s'avoir le caractère matériel et le caractère certain299. Une fois établie l'existence des divers critères de préjudice, le juge s'attelle à l'évaluation du montant de l'indemnité due à l'assujetti.

Le législateur vise, expressément, l'application des règles de procédures et de fond prévues par la législation relative à l'expropriation, au règlement des litiges relatifs à l'indemnisation des servitudes administratives en cause300. Dans ce sens les servitudes de visibilité au profit du domaine public routier de l'Etat « sera... fixée comme en matière d'expropriation »301. De même, l'indemnisation des servitudes de protection des parcs nationaux « sera réglée dans les conditions analogues à celles adoptées en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique »302.

Au niveau jurisprudentiel, le TA considère qu'il est lié par l'application des règles de fond relatives à l'évaluation des indemnités d'expropriation, lorsqu'il statue sur la réparation des conséquences dommageables des servitudes de passage des canalisations d'hydrocarbures. Ainsi, le juge administratif apprécie le dommage selon la nature de l'immeuble et l'usage auquel il était affecté à la date de l'exécution des travaux et par comparaison avec les prix pratiqués, dans la zone, pour les immeubles voisins303.

299 M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 371.

300 M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 376.

301 Article 42 alinéa 2 de la loi du 7 mars 1986 portant refonte de la législation relative au domaine public routier de l'Etat.

302 « Lorsque le territoire classé en "parc national" conformément à l'article 219 englobe des terrains privés ou terres collectives, l'indemnisation des propriétaires sera réglée dans les conditions analogues à celles adoptées en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ». Article 220 du Code forestier.

303 TA., appel, arrêt n° 22739, du 10 juillet 2002, STEG c/ Mohamed Bou Hlel, inédit.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Chapitre II :

L'infléchissement du principe

Si la règle de l'intangibilité de l'ouvrage public apparaît bel et bien désacralisée, elle n'en est pas moins véritablement préservée. Il semble toutefois que l'on assiste à une sorte de transformation de ce principe. En effet, d'« un principe absolu », on est passé à « un principe relatif »304.

La doctrine assistait à « la fin de plus d'un siècle et demi d'une jurisprudence bien implantée »305, à « une alternative possible » mais « restrictivement encadrée »306, ou encore à « la fin d'un dogme »307. Or, ces critiques pour le moins virulentes du principe d'intangibilité de l'ouvrage public semblent avoir trouvé un certain écho auprès des juridictions tant administratives que judiciaires. De même, l'évolution du contexte juridique spécifique, qui n'est pas propice à un maintien du principe tel qu'il existe aujourd'hui, affecte la rigidité du régime de protection de l'ouvrage public.

La paternité du mouvement de modernisation du principe d'intangibilité revient à l'ordre juridictionnel qui l'a initié à travers le juge judiciaire et le juge administratif (Section 1). Mieux encore,

304 M-P. MAÎTRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 12 ; C. MANSON, Note sous CE., sect., 14 octobre 2011, Cne de Valmeinier et syndicat mixte des Islettes, « Coup d'arrêt aux implantations irrégulières d'ouvrages publics ? », JCP A, n° 48, 28 novembre 2011, p. 2.

305 G. NOEL, « La démolition d'un ouvrage public mal implanté peut être ordonnée », JCP, 2003, n° 28, p. 1313.

306 J. CHARRET, S. DELIANCOURT, « Une victoire à la Pyrrhus du droit de propriété sur le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 6 juin 2003, n° 113, p. 20.

307 J. BOUGRAB, Note sous CE du 20 janvier 2003, « La relecture du principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 21 mai 2003, p. 5.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

l'émergence d'un certain environnement encourage la réflexion d'ensemble sur l'évolution du régime de protection de l'ouvrage public (Section 2).

Section 1 : Un infléchissement du principe opéré par le juge

L'extension démesurée des pouvoirs dont dispose l'administration et la faible réglementation juridique, laissent planer le doute sur la dégénération du pouvoir discrétionnaire en pouvoir arbitraire308. Face à cet accroissement accru des prérogatives de l'administration, le juge administratif et le juge judicaire sont enclins à renforcer leur contrôle et adapter leurs moyens de censure309.

La tendance qui se dessine a pour ambition d'offrir une lecture différente des conditions d'application du principe d'intangibilité en vue de les rendre compatibles avec certains modes actuels d'exercice de la puissance publique, lesquels suscitent par leur esprit et leurs méthodes une plus exigence de protection juridictionnelle du particulier310.

L'orientation jurisprudentielle s'exprime par l'affirmation d'un contrôle plus approfondi de l'action administrative plus attentive aux droits des particuliers (§ 1), et par la mise d'un contrôle plus pointu de l'intérêt général qui présume toute édification d'ouvrage public (§ 2).

308 G. TIMSIT, Gouverner ou juger, Blasons de la légalité, PUF, Paris, 1995, p. 2.

309 A. MESTRE, Le Conseil d'Etat protecteur des prérogatives de l'administration, LGDJ, Paris, 1974, p. 229.

310 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

§ 1 : D'un contrôle plus approfondi de l'action administrative (...)

Le pouvoir discrétionnaire est la condition première de toute administration, et en général, de la vie de l'Etat311. Cependant le pouvoir discrétionnaire ne signifie pas le pouvoir absolu exempt de tous types de contrôle. Mettre en oeuvre un contrôle de l'action administrative est incontournable afin d'assurer la sécurité juridique et éviter tous risques d'abus ou d'arbitraire. En réalité, « le respect du principe de légalité contribue à la légitimation de l'action administrative »312.

Le principe d'intangibilité fait l'objet d'une nette transformation qui démontre la volonté du juge administratif (A) et du juge judicaire (B) d'affirmer la prévalence du principe de légalité sur les irrégularités commises par l'administration.

A. L'évolution de la jurisprudence administrative

Face à un ouvrage public irrégulièrement implanté, le juge administratif, « gardien des droits individuels »313, était soucieux d'assurer une protection accrue des droits et libertés des citoyens à travers l'exercice d'un contrôle plus approfondi de la décision administrative.

Ainsi, dans une affaire datant du 2000314, le juge a ordonné la cessation du trouble de l'administration sur l'immeuble litigieux qui a été utilisé comme un centre forestier et de remettre les lieux en état avant

311 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., 2001, p. 1058.

312 J. CHEVALLIER, « La dimension symbolique du principe de légalité », RDP, 1990, p. 1664.

313 TA., aff. n° 325 du 14 avril 1981, Pierre Falcon et autres c/ Ministre de l'agriculture, Rec., p. 115.

314 TA., aff. n° 22155 du 20 février 2000, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture c/ l'office nationale d'hydrocarbures et héritiers Ahmed Manai, inédit.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

de les quitter. Le juge s'est basé sur le fait que l'interdiction de l'article 4 ne s'adresse qu'au juge judiciaire en tant que tel et sur l'illégalité de l'action de l'administration. Par conséquent, il a ordonné à l'administration de quitter les lieux315. Le TA a fait prévaloir, tacitement, la théorie de voie de fait sur le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public en raison de l'illégalité de l'action de l'administration.

Le contrôle juridictionnel de l'action administrative n'est que la contrepartie nécessaire d'un pouvoir aussi exorbitant au profit de l'administration316. Dans un Etat de droit, même lorsqu'une autorité administrative dispose d'un pouvoir discrétionnaire, l'administration n'est pas toute puissante et ne peut pas agir de manière arbitraire. L'intervention du juge dans ce cadre, vise à imposer à l'administration le respect des règles qui régissent l'exercice de ses pouvoirs et à contenir les privilèges dans les limites que leur assigne la règle de droit. Le recours au juge constitue pour l'administré un moyen de sauvegarder ses droits ou ses intérêts dans la mesure prévue par la règle de droit317.

Dans une affaire récente, le TA, a remis en cause le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public en raison de l'illégalité de l'action administrative. Le juge a considéré, à cet effet, que l'existence du terrain litigieux dans une région exposée aux vents levantins tout au long de l'année en raison de sa proximité de la mer peut causer la mort des

315

1888

27

.

.

"

316 G. BRAIBANT, Concl. sur CE., 2 novembre 1973, Société Librairie François Maspero, JCP, 1974, II, 17642.

317 M. LAKHDHAR, « Le droit à la légalité administrative », Etudes juridique, 1993-1994, p. 10.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

arbres ce qui fait que le boisement de ce terrain ne peut pas aboutir aux résultats voulus, qui est l'empêchement de la désertification de la région318. Le TA, en conséquence, dans cet arrêt a ordonné à l'administration de cesser ses troubles sur le terrain litigieux et d'en enlever les mains et enfin l'enlèvement des arbres plantés319.

B. L'évolution de la jurisprudence judiciaire

Les juridictions de l'ordre judicaire s'estiment compétentes pour ordonner la démolition d'un ouvrage public, qui aurait été construit sans respecter les règles de droit. L'examen de certains arrêts de la juridiction judiciaire, démontre que le juge judiciaire pour sa part n'a pas hésité à ordonner la démolition d'une école primaire en cours de construction320 ou un collège321.

Ainsi, dans espèce soumise à son examen en 1993322, le juge judiciaire a ordonné à l'administration de quitter un immeuble qu'elle a occupé en vue de l'utiliser comme une école nationale de sécurité nationale. Le juge judiciaire a même, d'une manière audacieuse, ordonné

318 TA., aff. n° 22656 du 25 février 2004, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture et des ressources hydrauliques c/ Ezzeddine Ettoumi, inédit.

(. )

319

320 T. cantonal de Tunis, arrêt n° 1307 du 10 juillet 1990, cité dans l'arrêt du TA. n° 1338 du 15 juillet 1994, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'éducation c/ Fatma Ataya, inédit.

321 T. cantonal de Tunis, arrêt n° 1904 du 16 décembre 1994, cité dans l'arrêt du TA. n° 2191 du 27 avril 1999, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'éducation c/ Hssan Elkhlifi, inédit.

322 T. de première instance de Tunis, arrêt n° 76309/9 du 9 juin 1993, cité dans l'arrêt du TA. n° 21906 du 10 mars 2000, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'intérieur c/ comité régionale de solidarité du gouvernera de Tunis, Rec., p. 314.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

la démolition d'un poteau électrique situé prés d'un immeuble privé323 et non pas sur la propriété elle-même.

En France, la cour de cassation a approfondi la brèche ouverte au sein de l'application du principe d'intangibilité en rejetant la théorie de l'expropriation indirecte324. Elle avait proclamé que « le transfert de propriété, non demandé par le propriétaire, ne peut intervenir qu'à la suite d'une procédure régulière d'expropriation »325. Elle reconnaît dés lors au juge judiciaire le pouvoir d'ordonner la démolition d'ouvrages publics construits dans des conditions qui révèlent une voie de fait326.

§ 2 : (...) Vers un contrôle plus exigeant de l'intérêt général

Dans le cadre de contrôle de l'intérêt général, l'examen de l'intérêt général s'effectuera certainement au regard d'intérêts complexes, qu'ils soient généraux ou particuliers, à l'instar de la théorie du bilan laquelle, en revanche, aboutit à un contrôle normal sur la déclaration d'utilité publique en matière d'expropriation327. Le principe bilan-coût-avantages, comme un principe général du droit, apporte aux administrés une garantie contre le pouvoir discrétionnaire de l'administration (A). Mais ses applications dans la jurisprudence récente dénaturent sa portée (B).

323 T. de première instance de Tunis, arrêt n° 12703/10 du 2 novembre 2000, cité dans l'arrêt du TA. n° 24072 du 21 mai 2004, STEG c/ Néji Stanbouli, inédit.

324 R. HOSTIOU, Note sous Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, AIDA, 1994, p. 329.

325 Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, AIDA, 1994, p. 339.

326 C. BOITEAU, Note sous Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, RFDA 1994, p. 329.

327 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1474.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

A. Le principe bilan-coût- avantages : garantie des administrés

L'idée de mettre en place la technique du bilan coûts-avantages est née de la jurisprudence328 en matière d'expropriation afin de mieux contrôler une procédure qui tendait à beaucoup se développer. Pour qu'une opération soit jugée d'utilité publique, ses inconvénients doivent être équilibrés par les avantages qu'on peut en attendre. L'utilité publique n'est donc plus appréciée in abstracto. « Une opération peut, par son objet, être d'utilité publique, mais en raison de ses modalités d'exécution ou de ses conséquences, ne plus l'être »329.

Une fois pris en compte les intérêts opposés, la démolition de l'ouvrage « ne sera légale que si elle est adéquatement proportionnée aux faits. C'est-à-dire par là même, que le caractère excessif de la décision emporte son illégalité »330. Le nouveau principe apporte de sérieuses garanties aux administrés331. Il a le mérite d'accroitre et de restaurer le rôle traditionnel du juge, gardien de la légalité et protecteur des libertés.

328 CE., Ass., 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville- Nouvelle Est », LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DEVOLVE (P.) et GENEVOIS (B), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 12éme éd., 1999, p. 639. Par la suite, cette jurisprudence s'est précisée et développée. D'abord dans un arrêt Société civile Sainte-Marie de l'Assomption, (CE., Ass., 20 octobre 1972, Rec., p. 657.) une déclaration d'utilité publique est annulée pour la première fois sur la base des principes du bilan coûts- avantages. Mais il faudra attendre vingt-cinq ans avant qu'une déclaration d'utilité publique préalable à la construction d'une autoroute soit annulée sur la base de la jurisprudence du bilan (CE., Ass., 28 mars 1997, Association contre le projet de l'autoroute transchablaisienne, concl., D. LINTON et note ROUVILLOIS, RFDA, 1997, p. 740.

329 Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens, Armand Colin, 6éme éd., 2001, p. 380.

330 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.1, Montchrestien, 15éme éd., 2001, n° 1264, p. 1074.

331 J-C. VITRY, « Le contrôle des opérations d'utilité publique », G.P, 1975, p. 23 ; J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan- Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges offertes a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 559 ; M. WALINE, Note sous CE., ass., 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du Logement c/ Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé, RDP, n° 2, 1972, p. 454.

Deuxième partie : L'adaptation du principe

En raison de la carence notoire du contrôle juridictionnel sur la légalité de l'utilité publique332, le juge administratif tunisien a procédé à un aménagement du principe de l'intangibilité des ouvrages publics, par l'introduction d'un nouveau contrôle du bilan, afin de protéger le droit de propriété. Ainsi dans l'affaire Ghuila333, le juge administratif a insisté sur l'idée d'équilibre entre l'intérêt général et les intérêts privés auxquels l'ouvrage public va porter atteinte. La destruction ne sera ordonnée qu'après vérification qu'elle n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général334.

La formule de l'arrêt apparaît comme une rupture avec la jurisprudence traditionnelle dans la mesure où elle fait référence à l'orientation récente du contentieux administratif. Sans doute, les termes employés par le TA dans son arrêt n'ont pas été choisi au hasard. Ils dénotent la ferme intention du juge de changer son orientation traditionnelle en faveur d'une autre moderne. Si l'on considère qu'une telle allusion n'est pas courante dans sa jurisprudence, il y a tout lieu de penser qu'il entend opérer un revirement qui ne manquera pas de caractériser pendant très longtemps le domaine de l'expropriation.

Sans abandonner le principe d'intangibilité, le TA a précisé les conditions et les limites de sa mise en oeuvre. Il ne s'agit pas d'«une démolition physique de l'ouvrage mais bien de la possibilité ou non, à

332 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan-Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mél. offertes a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 555.

333 TA., arrêt n° 1/ 17813 du 16 avril 2009, Khadija Ghuila c/ l'office national de l'assainissement, inédit.

334

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

travers cette démolition, de perturber ou de mettre fin à l'activité d'intérêt général que sert l'ouvrage public »335.

B. La portée du principe Bilan- coût- avantages

Par le biais de la théorie du bilan, aux avantages de l'ouvrage public sont confrontés ses inconvénients. C'est seulement si les seconds l'emportent sur les premiers que le bilan est négatif. Le juge ordonnera alors la démolition de l'ouvrage public. Le choix jurisprudentiel est garant de la protection de l'Etat de droit.

Toutefois, « il convient de ne pas se réjouir trop tôt de cette évolution jurisprudentielle »336. En effet, l'examen des décisions de justice en matière d'expropriation montre que le contrôle approfondi opéré par le juge n'aboutit que rarement à la destruction de l'ouvrage public. De plus, les annulations prononcées en application de la théorie du bilan concernant les projets de faible importance337 et non des opérations de grande envergure de portée nationale338.

De surcroît, le principe bilan- coût- avantages, s'il dote le juge d'une arme efficace pour protéger la légalité économique contre les abus de l'administration, s'avère d'un maniement délicat339. Il exige de ceux qui l'appliquent « circonspection et doigté, faute de quoi, il risque de

335 Y. GAUDEMET, « Bien public, bien commun », in Mél. en l'honneur de Etienne FATÔME, 2011, Dalloz, p. 160.

336 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p. 7.

337 A. BERNARD, Concl. sur CE., 26 Octobre 1973, Grassin, AJDA, 1974, p. 34. (Affaire relative à la construction d'un aérodrome)

338 A. BOCKEL, Note sous CE., 4 mai 1979, Département de la Savoie, AJDA 1979, p. 38 ; L. RICHER, Note sous CE., 4 mai 1979, Département de la Savoie, D. 1979, p. 538. (Affaire relative à la centrale nucléaire de Creys-Malville).

339 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan- Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges offertes a Marcel WALINE, Tome 2, Paris, juillet 1974, p. 562.

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transformer le juge en administrateur »340. Certes, la théorie du bilan semble constituer un moyen très poussé de contrôle du juge. Elle le conduit, « non seulement à exercer un contrôle normal sur les motifs de fait, mais à contrôler l'adéquation de la mesure administrative à ses motifs de fait, c'est-à-dire à substituer sa propre décision à celle de l'administration »341.

On peut estimer que « le principe d'intangibilité dans la forme qu'on lui connaissait semble disparaître mais pour renaître sous une forme qui tend à mieux s'accorder avec le principe de légalité »342. Toutefois, suite à un infléchissement engendré par l'environnement juridique, que l'atteinte au principe d'intangibilité de l'ouvrage public va se faire plus sensible.

Section 2 : Un infléchissement du principe engendré par l'environnement juridique

Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public est tempéré, non seulement en raison du mouvement inauguré par la jurisprudence, mais aussi sous le poids d'un contexte juridique spécifique343. Cet environnement réfractaire à une application infaillible de l'intangibilité se nourrit principalement de deux séries de facteurs. Le premier ressort de l'environnement juridique interne (§ 1) alors que le second est généré par l'environnement juridique européen (§ 2).

340 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan- Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges offertes a Marcel WALINE, Tome 2, Paris, juillet 1974, p. 562.

341 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe général du droit ? Le principe Bilan- Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges offerts à Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 560.

342 S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité des ouvrages publics : réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 764.

343 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1479.

Deuxième partie : L'adaptation du principe

§ 1 : L'environnement juridique interne

Bien que le principe de l'intangibilité des ouvrages publics ne repose pas sur des fondements susceptibles d'en soutenir sa pérennité, certains facteurs pourraient tenir lieu de fondement pour favoriser la possibilité de porter atteinte aux ouvrages publics. Il s'agit particulièrement du facteur législatif (A) et de l'irrésistible mouvement d'amélioration des droits des administrés (B).

A. Le facteur législatif

Si l'administration peut se prévaloir avec succès de la règle de l'intangibilité tant à l'égard du juge judiciaire que du juge administratif, la règle de non- injonction ne reste impérative que pour le juge judiciaire. D'ailleurs, aucun texte juridique n'impose au juge administratif de limiter ses pouvoirs à l'égard de l'administration.

En effet, l'article 3 du décret de 1888 désignait expressément et précisément les tribunaux concernés par la prohibition des injonctions, à savoir les « juridictions civiles »344. L'interdiction d'adresser des injonctions à l'administration est faite au juge judiciaire dans un contexte de séparation totale des ordres judiciaires et administratives et de renforcement général du TA345. Le juge administratif n'est pas alors concerné par cette interdiction.

De surcroît, l'article 3 de la loi organique n° 96-38 du 3 juin 1996, qui reprend les dispositions de l'article 3 dudit décret, prévoit que cette

344 L'article 3 du décret beylical du 27 novembre 1888, relatif au contentieux administratif, disposait qu'« il est interdit aux juridictions civiles d'ordonner, (...), toutes mesures dont l'effet serait d'entraver l'action de l'administration, (...) », JORT n° 13, 29 nov. 1888, p. 1.

345 H. MOUSSA, « L'exécution de la chose jugée et la réforme de la justice administrative en Tunisie », in La réforme de la justice administrative, colloque organisé du 27 au 29 novembre 1996, FSJPS, Centre de Publication Universitaire, 1997, p.110 ;

.67

2010

76

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

interdiction concerne uniquement « les tribunaux judiciaires »346. Il est même juridiquement légitime de penser que ce pouvoir lui est désormais implicitement et nécessairement reconnu, dans toute la mesure où il ne lui resterait pas interdit par le principe de séparation de la juridiction administrative et de l'administration.

Ledit article donnait en quelque sorte une base légale à la remise en cause du principe d'intangibilité de l'ouvrage public déjà amorcée par la jurisprudence. Il semble que le juge administratif, fort de ce pouvoir d'injonction, ait poursuivi le travail de désacralisation du principe d'intangibilité de l'ouvrage public.

Ces pouvoirs confiés au juge administratif, sont susceptibles d'avoir une influence sur la pérennité du principe d'intangibilité. C'est là une raison juridique qui pousse à reconnaître au juge administratif au moins le pouvoir d'ordonner les ouvrages irrégulièrement implantés. A ce titre, le TA dans un arrêt datant du 2000, a considéré que le juge administratif n'est concerné par l'interdiction du pouvoir d'injonction347.

La règle suivant laquelle « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » n'est que l'application du principe de prohibition des injonctions348. Cependant, sous l'influence de nouveau contexte international et avec la volonté d'assurer une plus grande égalité entre

346 L'article 3 de la loi organique n° 96-38 du 3 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le tribunal administratif et à la création d'un conseil des conflits de compétences, dispose que « Les tribunaux judiciaires ne peuvent connaître des demandes tendant à l'annulation des décisions administratives ou tendant à ordonner toutes mesures de nature à entraver l'action de l'administration ou la continuité du service public », JORT n° 47, du 11 juin 1996, p. 1143.

347 TA., appel, aff. n° 22656 du 25 février 2004, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture c/ Ezzeddine, Rec., p. 115.

1996

38

3

1888 27

348 G. VEDEL, Droit administrative, Manuel Thémis, 1961, p. 673 ; J. GOURDOU, « Les nouveaux pouvoirs du juge administratif en matière d'injonction et d'astreinte », RFDA, mars-avril 1996, p. 335.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

l'administration et l'administré ainsi qu'une meilleure protection de ce dernier, le législateur français est intervenu à plusieurs reprises349.

L'étude du droit comparé relève que la protection des droits des administrés et le respect de l'autorité de la chose jugée l'emportent sur le principe de la prohibition des injonctions à l'administration350. Les juridictions administratives sont désormais dotées du pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration et du pouvoir d'astreinte lorsque la chose jugée le nécessite351.

349 En France, la loi n° 95-125 du 8 février 1995, accorde de nouveaux pouvoirs au juge administratif en vue d'assurer l'exécution de ses décisions. L'article 38 de la loi insère dans le titre II du livre II de Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel un chapitre VIII nouveau, intitulé « l'exécution du jugement », comprenant trois articles L.8-2, L.8-3, L.8-4. Ainsi, afin de prévenir toute inexécution entêtée et de désobéissance obstinée à l'injonction adressée par la juridiction à l'une des parties au litige, le juge peut assortir son jugement d'une astreinte. J-P. LAY, « Faut-il mieux encadrer le pouvoir d'injonction du juge administratif ? », RDP, n° 5, 2004, p. 1358.

350 En droit italien, se sont développées des procédures particulièrement énergiques pour suppléer à la carence de l'administration dont les connues sont « les jugements d'obtempération » et « le commissaire aux actes » pour pallier la carence de l'administration défaillante. Ainsi, approuvés par le CE. les tribunaux administratifs régionaux peuvent adresser à l'administration des injonctions d'obéir par un jugement d'obtempération lorsque leurs jugements n'étaient pas exécutés spontanément par l'administration. De même, ils peuvent se substituer à l'administration. En effet, le juge administratif peut désigner un commissaire aux actes qui est chargé de prendre, au nom du C.E, les actes ou les opérations à effectuer que l'autorité administrative était tenue en application du jugement de se conformer à la chose jugée. J-P. COSTA, « L'exécution des décisions de justice», AJDA n° 1, 20 juin 1995, p. 232.

De même, l'Allemagne, qui pratique avec des nuances le système de dualité de juridiction, admet, devant les tribunaux administratifs, l'action tendant à l'émission d'un acte administratif (Verpflichtungsklage) ou au prononcé d'une injonction générale à l'administration (Leistungsklage). M. FORMONT, « Les pouvoirs d'injonction du juge administratif en Allemagne, Italie, Espagne et France. Convergences », RFDA, 2002, p. 558.

En Angleterre, le juge ordinaire n'hésite pas à imposer des obligations à l'administration, et le fonctionnaire récalcitrant risque de se rendre coupable de contempt of court. En revanche, il existe une vieille règle de la common law selon laquelle aucune mesure provisoire ne peut être ordonnée contre la Couronne, c'est-à-dire contre le gouvernement (en particulier pas de sursis à exécution). Et on sait que, lorsque l'application de cette règle du droit national heurte le principe de pleine efficacité du droit communautaire, la cour de justice de Luxembourg a jugé que le juge britannique devait écarter cette règle. P. LE MIRE, Note sous l'arrêt de la cour du 19 juin 1990, The Queen v/ Secretary State for Transport », AJDA, 1990, p. 832.

351 M-P. MAÎTRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 232, 1999, p. 5; F. MODERNE, « Etrangère au pouvoir du juge, l'injonction, pourquoi le serait-elle ? », RFDA 1990, p. 799.

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B. L'irrésistible mouvement d'amélioration des droits des administrés

Face « aux aspirations sociales d'une époque où le besoin de protection juridictionnelle ne cesse d'être plus ressenti [il est conforme] qu'un principe comme celui qui nous occupe soit remis en question »352. La remise en cause du principe de l'intangibilité de l'ouvrage public « ne fut pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Elle s'inscrit dans un mouvement de fond plus général visant à améliorer les droits des administrés face à l'administration »353 en délimitant « clairement à l'aune des droits des citoyens les prérogatives de la puissance publique qui s'est distinguée par ses excès dans certains domaines »354.

Elle implique que ce passage à une nouvelle configuration juridique est indissociable d'une série de mutations sociales plus globales, illustrant l'avènement dans les sociétés contemporaines d'un droit nouveau, un droit post moderne, qui serait radicalement différent du droit classique355. Ce droit classique qui a donné lieu à des principes tels que le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public a rompu avec des principes fondamentaux du droit. C'est ainsi que « le principe de légalité a été vidé d'une partie de sa substance, les lois se présentant de plus en plus comme des textes-cadre, laissant à l'administration le soin de définir les conditions de réalisation des objectifs fixés et lui donnant un très large pouvoir d'appréciation des situations concrètes »356.

352 R. CHAPUS, Droit administratif, Montchrestien, T.2, 15éme éd., 2001, p. 569.

353 C. LAVIALLE, Note sous OE., section, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 484.

354 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1490.

355 J. CHEVALLIER, « Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique », RDP, n° 3, 1998, p. 650.

356 J. CHEVALLIER, « Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique », RDP, n° 3, 1998, p. 650.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Comment, alors, eu égard à la hiérarchie des normes, un principe jurisprudentiel, certes enraciné dans le droit mais qui ne revêt au demeurant qu'une origine prétorienne, pourrait-il contrevenir aux principes élémentaires régissant le principe de légalité et le droit de la propriété357, « droit fondamental inhérent de l'être humain »358?

Avec le développement des principes de la légalité et la victoire progressive des droits de l'homme, la raison de l'Etat a reculé. Le juge administratif, chargé de veiller au respect de la légalité359 et de la bonne administration de la justice, est contraint à reconsidérer ses instruments de contrôle pour les adapter au contexte sociologique. Dans un Etat de droit, tout pouvoir doit être censuré. L'administration ne doit pas agir d'une manière manifestement déraisonnable360.

Aujourd'hui, le contexte juridique, social, politique et économique a été radicalement changé. Le nouveau contexte est caractérisé par « la montrée de l'individualisme corrélative des droits des administrés face aux pouvoirs publics »361. A cet égard, le principe d'intangibilité des

357 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633. L'article 14 de la constitution Tunisienne de 1959 disposait que « le droit de propriété est garanti. Il est exercé dans les limites prévues par la loi ». De même, l'article 41 de la nouvelle Constitution de la République tunisienne adoptée le 26 Janvier 2014 dispose que « le droit de propriété est garanti et ne peut lui être portée atteinte sauf dans les cas et avec les garanties prévues par la loi ».

358 TA., arrêt n° 312668 du 15 juillet 2013, héritières Mohamed Ben Zin c/ commune de Sousse, inédit.

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.

359 « Le recours pour excès du pouvoir vise à assurer, conformément aux lois et règlements en vigueur et aux principes généraux de droits, le respect de la légalité par les autorités exécutives ». L'article 5 de la loi du 1er juin 1972 relative au TA.

360 D. LABETOULLE, « Le pouvoir discrétionnaire en matière d'urbanisme et d'interventionnisme économique », in Cahiers de l'Institut française de Science Administratives, n° 16, Cujas, 1978, p. 33.

361 C. LAVIALLE, Note sous OE., sect., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 485.

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ouvrages publics n'a qu'à disparaître ou se reformuler pour satisfaire les exigences de ce nouveau contexte.

Le principe d'intangibilité des ouvrages publics n'en a pas moins besoin d'une reformulation, voire d'un rajeunissement. A cette condition qu'elle pourra à la fois mieux s'adapter aux enjeux économiques et sociaux contemporains, mieux s'harmoniser avec les valeurs de la modernité et mieux répondre aux droits des administrés.

§ 2 : L'environnement juridique européen

La CEDH a clairement manifesté sa volonté d'assurer une protection réelle et effective du droit de propriété, notamment dans le cadre des procédures d'expropriation362. En matière de protection du droit de propriété, l'apport des décisions de la CEDH implique à moyen terme des transformations de plus en plus visibles sur le statut d'immunité de l'ouvrage public. « L'ordre juridique européen dans lequel évolue le droit de propriété instaure un dynamisme appuyé à son profit, qui est en effet susceptible de fragiliser certains fondements ou principes traditionnels du droit interne, tel le principe de l'intangibilité »363. Cet état du droit, certainement stimulé par l'intérêt grandissant des justiciables à faire valoir des moyens tirés de la convention européenne364.

La protection du droit de propriété est assurée par un statut supra-étatique365. En effet, l'article premier du premier protocole additionnel à

362 M-P. MAITRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 8.

363 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1485.

364 R. ABRAHAM, « Les incidences de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sur le contentieux administratif français », RFDA, 1990, p. 1054.

365 F. SUDRE, « La protection du droit de propriété par la Cour Européenne des Droits de l'Homme », D, 1988, p. 71.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

la CESDH garantit le respect de la propriété privée366. La première condamnation d'un Etat sur ce fondement est intervenue en 1982 dans l'affaire Sporrong et Lönnroth367.

Les implications du droit européen sur le régime de protection de la propriété privée exigent une prise de conscience et un regard plus attentif du juge interne. Celui-ci est appelé à élargir le contrôle de proportionnalité dans ce domaine, qui s'exprime par la recherche d'un « juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits de l'individu »368.

La CEDH a manifesté une volonté d'assurer une protection réelle et effective du droit de propriété notamment en matière des procédures d'expropriation369. C'est ainsi que la cour a considéré que l'expropriation du fait est « incompatible avec le droit de propriétaire au respect de leur bien »370. Ce constat s'est confirmé dans une affaire mettant en cause la France et qui s'apparentait à une hypothèse d'expropriation indirecte371.

366 À cette fin, il prévoit que « toute personne physique ou morale a droit du respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».

367 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth, série A, vol. 52, p. 61 ; L. SERMET, « Le contrôle de la proportionnalité dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme : présentation générale », LPA, 5 mars 2009, n° 46, p. 26 ; A-F. ZATTARA-GROS, « Le contrôle de proportionnalité exercé par la CEDH en matière de droit de propriété », LPA, 5 mars 2009, n° 46, p. 32 ; F. SUDRE, « La protection du droit de propriété par la Cour Européenne des Droits de l'Homme », D, 1988, p. 74 ; M. FROMONT, « Le principe de proportionnalité », AJDA, juin 1995, p. 156.

368 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth, série A, vol. 52, p. 69.

369 Ainsi, l'article 6-1 de la CEDH fonde la nécessaire remise en cause du principe d'intangibilité sur la définition qui a été donnée au procès équitable par la cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme : « [elle] a établi dans un arrêt Hornsby c/ Grèce du 19 mars 1997, n° 18357/91, que le droit au procès équitable unifiait trois droit particuliers ; premièrement u droit accéder à un juge, deuxièment, un droit à un jugement respectant les garanties de procédures que sont l'équité, la publicité et la célérité et, enfin, un droit à l'exécution de ce jugement, ce dernier point constituant la novation de cet arrêt [...] ». S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité de l'ouvrage public : réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 765.

370 CEDH, 24 juin 1993, Papamichalopoulos, DA, 1993, n° 415 ; voir aussi CEDH, 21 février 1990, Hakansson et Sturesson, série A, n° 171.

371 R. HOSTIOU, Note sous CEDH, 21 février 1997, Guillemin c/ France, AJDA, 1977, p. 399.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

A cette occasion, l'Etat français fut pour la première fois condamné pour violation de certaines garanties relatives à la procédure d'expropriation372. En application de « ces dispositions supranationales », depuis quelques années, se dessine un mouvement jurisprudentiel interne, de plus en plus perceptible, qui tend à rendre les dispositions du droit interne en matière de privation de propriété compatibles avec les exigences de la CEDH.

« Ce contexte de contrainte supérieure atténue nécessairement la portée du principe d'intangibilité en lui ôtant son caractère irréversible. L'exigence que prône la jurisprudence européenne fait naître une nécessité, celle d'intégrer des principes de dimension européenne en droit interne »373. Par conséquent, la position du juge à l'égard de la protection de l'ouvrage public doit aujourd'hui se pilier aux effets de cet environnement juridique qui ne remet pas ouvertement en cause le régime de protection spécifique de l'ouvrage public, mais insiste sur la reconnaissance de certains droits, notamment celui de propriété374.

372 R. HOSTIOU, Note sous CEDH, 21 février 1997, Guillemin c/ France, article précité, p. 399.

373 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1489.

374 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1490.

CONCLUSION

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Conclusion

Faisant appel à des justifications manifestement ambigües, il est apparu, au fil des décisions jurisprudentielles, que le principe d'intangibilité, « principe dangereux »375, voire « choquant »376, était appelé à évoluer. Un auteur a ait conclu que de « ses fondements ambigus », le principe d'intangibilité ne peut pas « tirer une force juridique lui conférant une portée absolue »377. Pour continuer à exister et surtout se justifier, le principe est contraint de traverser une mutation.

S'il était besoin de plaider en faveur de l'intangibilité, force est de constater que le problème n'est pas dans le principe lui-même, mais bien plus dans son utilisation assez souvent abusive. La poursuite de l'intérêt général ne doit jamais dispenser l'administration de respecter le droit. Les actes administratifs justifiés par un tel intérêt n'en sont pas moins annulés par le juge lorsqu'ils sont, par ailleurs, irréguliers378.

Le contrôle juridictionnel de l'invocation du principe s'est perfectionné. Il est devenu plus subtil, ainsi qu'en témoigne l'accent mis, dans la jurisprudence, sur la confrontation impartiale des intérêts par application de la technique du bilan. Le juge est particulièrement attentif à garantir une conciliation rigoureuse entre les droits des individus et les exigences de l'intérêt général pour que celui-ci ne puisse jamais devenir un alibi à la mystérieuse raison d'Etat379.

375 P. DUEZ et G. DEBEYRE, Traité de droit administratif, 1952, p. 856.

376 J-P. GILLI, « L'intervention du juge des référés en matière d'expropriation irrégulière», JOP, 1957, I, n° 1364, p. 2.

377 J-P. MAUBLANC, Note sous OE, sect. 19 avril 1991, Epoux Denard et Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » », RFDA, 1992, p. 66.

378 M. RECIO, Note sous Cass. Civ, 30 avril 2003, Consorts X c/ Commune de Verdun-sur-Ariège, « Un palimpseste jurisprudentiel : le principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 230, 18 novembre 2003, p. 19.

379 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1482.

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Conclusion

Cependant, le principe d'intangibilité de l'ouvrage public n'en est pas pour autant abandonné. On peut raisonnablement parler d'une « tangibilité mesurée »380 de l'ouvrage public, d'un encadrement accru de celui-ci dans un souci de légalité et de protection du droit de propriété privée. L'évolution du principe semble plutôt se dessiner vers une tangibilité sous condition, en admettant la possibilité de toucher l'ouvrage, mais moyennant le respect d'effectuer un bilan coût-avantage.

Les principes fondateurs du droit, parmi lesquels le principe d'intangibilité, sont amenés à s'adapter progressivement avec les exigences de notre époque. Le droit administratif lui-même s'est orienté vers la protection des droits des administrés.

380 C. LAVIALLE, Note sur OE., sect., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 486.

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Annexes

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117

Table des Matières

Table des Matières

INTRODUCTION 1

I. La notion d'intangibilité de l'ouvrage public 1

II. L'autonomie de la notion d'ouvrage public 6

III. L'importance de l'intangibilité de l'ouvrage public 8

PREMIERE PARTIE : L'ambivalence du principe 11

Chapitre I : La protection des ouvrages publics 12

Section 1 : Une protection garantie dans sa modalité 13

§ 1 : Les limites à l'exercice du pouvoir d'injonction du juge

judiciaire 14

§ 2 : L'autolimitation du pouvoir d'injonction du juge

administratif 17

Section 2 : Une protection perfectible dans sa finalité 20

§ 1 : La préservation de l'intérêt général 21

A. Un fondement ambigu 22

B. Un fondement fragile 23

§ 2 : Les connexes finalités 24

A. La protection des deniers publics 25

B. La continuité des services publics 27

Chapitre II : L'affectation des droits des administrés 30

Section 1 : L'atteinte au droit de propriété 30

118

Table des Matières

§ 1 : La nature de la violation du droit de propriété 31

A. La légalité de l'action de l'administration 31

1. L'expropriation pour cause d'utilité publique 31

2. L'occupation temporaire 34

B. L'illégalité de l'action de l'administration 36

§ 2 : La réparation 37

A. La détermination du temps 38

B. La détermination de l'étendue de la réparation 39

Section 2 : L'atteinte à la légalité 40

§ 1 : L'illégalité sans l'annulation 41

A. La violation « autorisée » de la règle de droit 42

B. La possibilité de régulariser la violation de la règle de

droit 44

§ 2 : L'annulation sans l'exécution 45

DEUXIEME PARTIE : L'adaptation du principe 49

Chapitre I : Les limites du principe 50

Section 1 : Les ouvrages publics non achevés 50

§ 1 : Le sursis à exécution 51

§ 2 : Le recours en référés 54

A. Le juge judiciaire 55

B. Le juge administratif 56

Section 2 : Les servitudes administratives 57

§ 1 : La négation de transfert de la propriété 59

119

Table des Matières

§ 2 : L'indemnisation des servitudes administratives 62

A. Le régime juridique de l'indemnisation 62

B. L'évaluation de l'indemnité 64

Chapitre II : L'infléchissement du principe 66

Section 1 : Un infléchissement du principe opéré par le juge 67

§ 1 : D'un contrôle plus approfondi de l'action administrative

(...) 68

A. L'évolution de la jurisprudence administrative 68

B. L'évolution de la jurisprudence judiciaire 70

§ 2 : (...) Vers un contrôle plus exigeant de l'intérêt général 71

A. Le principe bilan-coût- avantages : garantie des

administrés 72

B. La portée du principe Bilan- coût- avantages 74

Section 2 : Un infléchissement du principe engendré par

l'environnement juridique 75

§ 1 : L'environnement juridique interne 76

A. Le facteur législatif 76

B. L'irrésistible mouvement d'amélioration des droits des

administrés 79

§ 2 : L'environnement juridique européen 81

CONCLUSION 84

BIBLIOGRAPHIE 86

ANNEXES 105

TABLE DES MATIERES 117






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