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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

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Sommaire

INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE : L'ambivalence du principe

Chapitre I : La protection des ouvrages publics Chapitre II : L'affectation des droits des administrés

DEUXIEME PARTIE : L'adaptation du principe

Chapitre I : Les limites du principe Chapitre II : L'infléchissement du principe

CONCLUSION

INTRODUCTION

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Introduction

« Le droit administratif a été trop longtemps enfermé dans une idéologie inégalitaire. L'administration dans la conception classique est placée sur un piédestal par rapport aux personnes privées »1. Les rapports qui s'établissent entre l'administration et les administrés ne sont pas placés sous le signe de l'égalité juridique. Contrairement au droit civil, qui vise des personnes qui sont en principes égales et indépendantes, le droit administratif est un droit inégalitaire, dans lequel l'administration, garante de l'intérêt général, dispose de prérogatives de puissance publique.

L'administration dispose, au nom de l'intérêt général, de certains privilèges par rapport aux particuliers. Son action ainsi que ses propres biens font l'objet d'une protection particulière. A ce titre, l'ouvrage public se trouve protégé par le principe d'intangibilité qui ne manque pas d'avoir des conséquences sur le droit de propriété des personnes concernées.

Notion difficilement saisissable par le droit (I), l'ouvrage public est soumis à un régime de protection particulier de l'intangibilité (II). Par une application soutenue de cette règle protectrice du bien public, l'ouvrage public a assurément vu son autonomie se renforcer et son importance se développer (III).

I. La notion d'intangibilité de l'ouvrage public

Exprimer à travers l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas »2, le principe d'intangibilité fait partie intégrante d'un

1 Ch. DEBBASCH, « Le droit administratif, droit dérogatoire au droit commun ? », in Droit administratif, Mél. R.CHAPUS, Montchrestien, Paris, 1992, p. 128.

2 CE., 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudiére, S., 1854, II, 113. Il est à noter que seule la jurisprudence a forgé et appliqué le principe de l'intangibilité des ouvrages publics, qu'aucun texte ne formule. En fait, Selon ledit principe, le juge ne peut ordonner ni la destruction, ni le déplacement, ni la modification de l'ouvrage public mal planté. Cette attitude es t la conséquence de l'adage « ouvrage

2

Introduction

régime particulièrement favorable aux ouvrages publics. Dépendance du domaine public3, l'ouvrage public obéit au régime de ce dernier4 et bénéficie de la protection la plus rigoureuse de l'intangibilité puisque les particuliers ne peuvent obtenir la démolition, le déplacement, la modification de l'ouvrage mal planté5 quelque soit le bien fondé de leur droit. L'intangibilité constitue la « qualité de ce qui est intangible » et le terme intangible s'adresse à une chose à laquelle « il est interdit de porter atteinte » 6. Le principe d'intangibilité permet d'éviter toutes les mesures, de quelque nature que ce soit, qui entraîneraient une atteinte à l'intégrité ou au fonctionnement normal de l'ouvrage public.

Mais qu'est ce que signifie ouvrage public ?

L'ouvrage public7 est un immeuble aménagé à un intérêt général8. De ce fait, la notion d'ouvrage public repose sur l'application de deux critères, l'un matériel et l'autre organique9.

public mal planté ne se détruit pas ». L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : la règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, § 14.

3 R. CAPITANT, « La double notion de travail public », RDP, 1929, p. 522 ; J-M. AUBY, « L'ouvrage public, le régime juridique », CJEG, 1962, p. 6.

4 Les ouvrages publics appartenant au domaine public sont aussi protégés par les règles régissant le domaine public. Dans ce cas l'ouvrage public est inaliénable, règle selon laquelle les dépendances du domaine public ne peuvent être cédées à des tiers avant d'avoir fait l'objet d'une mesure de déclassement, et imprescriptible, règle selon laquelle les personnes publiques ne peuvent être dépossédées, à leur insu, de certaines dépendances de leur domaine public ; absence de droit de prescrire. N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1696.

5 M-P. MAITRE, « Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999, n° 232, p. 5.

6 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2éme éd., p. 566.

7 La définition d'ouvrage public n'est inscrit dans aucun texte législatif ni en Tunisie ni ailleurs, et ne peut être dégagée qu'à partir d'un examen de l'abondante jurisprudence intervenue en la matière.

8 R. CMAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., 2001, p. 568 ; Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens : domaine, travaux, expropriation, Armand Colin, 5ème éd., p. 223; M. GUYOMAR, Concl. sur TC, 12 avril 2010, Electricité réseau distribution de France c/ Michel, « Ouvrage public et service public de l'électricité », RFDA, mai- juin 2010, p. 553 ; S. PIERRÈ-CAPS, « La notion d'ouvrages publics tendances de la jurisprudence récente », RDP, n° 6, novembre- décembre 1938, p. 1672.

9 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai- juin 2010, p. 562.

3

Introduction

La notion d'ouvrage public renvoie tout d'abord à des éléments concrets tenant à sa nature matérielle qui regroupe trois éléments. Il s'agit de caractère immobilier de l'ouvrage, l'aménagement particulier dont celui-ci a fait l'objet, enfin son affectation d'intérêt général.

1- Un ouvrage public est avant tout un immeuble. Seul un bien

immobilier est susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public. Selon le professeur René CHAPUS, « il n'ya d'ouvrage public qu'immobilier »10. L'immeuble, c'est-à-dire, « toute chose fixe qu'on ne peut pas déplacer sans dommages »11, peut avoir la qualité d'ouvrage public ou par nature, ou par leur destination.

L'ouvrage public peut être un immeuble par nature. Il peut prendre la forme d'un fonds de terre, d'un bâtiment ou d'une plante tant qu'elle n'est pas détachée du sol12. Les installations13 et canalisations14 qui font partie intégrante du fonds ou du bâtiment auxquels elles sont attachées que les récoltes pendantes par les racines et les fruits non encore cueillis peuvent être qualifiés comme des ouvrages publics15.

L'ouvrage public est immobilier aussi par destination. Par ailleurs, le matériel et les autres objets que le propriétaire du fonds a placés pour le service de l'exploitation de ce fonds16 prennent cette qualification. De

10 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.1, Montchrestien, Paris, 11ème éd., 1999, p. 466.

11 Article 3 du CDR.

12 Article 5 du CDR.

13 TA., arrêt n° 16781 du 28 avril 2000, héritiers Najoua Gadour c/ la commune de Zermdine, Rec. p. 140.

14 TA., arrêt n° 21896 du 26 janvier 2000, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de l'agriculture c/ Neji Mhiri et autres, Rec. p. 281.

15 « Les récoltes pendantes par les racines et les fruits non encore cueillis sont également immeubles. Dès que les épis sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils deviennent meubles ». Article 7 du CDR.

16 Article 9 du CDR

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Introduction

même, les objets mobiliers17 peuvent prendre la qualification d'ouvrage public lorsqu'elles constituent des éléments accessoires non dissociables d'un ensemble plus vaste qui est incontestablement un ouvrage public18.

Toutefois, cette condition, qui s'applique quelle que soit l'importance de l'ouvrage, est parfois entendue extensivement. La théorie de l'ensemble technique conduit à un élargissement non négligeable de la notion de l'ouvrage public19. Certaines installations complexes, composées d'éléments immobiliers et mobiliers présentant entre eux un lien fonctionnel, sont considérées globalement comme des ouvrages publics20.

2- Le bien immeuble, doit être nécessairement le résultat d'un

travail de l'homme. La qualification d'ouvrage public est réservée aux seuls biens immobiliers qui ont fait l'objet d'une opération d'aménagement21. Le terme même d'ouvrage public implique que l'immeuble soit, selon la formule consacrée, oeuvré, c'est-à-dire qu'il soit nécessairement « le fruit du travail de l'homme »22. Les ouvrages restés dans leur état naturel ne peuvent pas être des ouvrages publics. Le conseil d'Etat français a refusé la qualification d'ouvrage public pour

17 TA., arrêt n° 21817 du 15 mai 1998, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de la santé publique c/ Mohsen Mabrouk, Rec. p. 342 ; TA., arrêt n° 599, rendu le 12 mars 1990, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de télécommunication c/ Monji Ben Khodhr Balghouthi, inédit.

18 B. STIRN, Concl. sur CE., 15 février 1989, Dechaume, RFDA, 1990, p. 231.

19 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la notion d'ouvrage public », AIDA, 5 juillet 2005, p. 1378.

20 J. DUFAU, Droit des travaux publics, Presses Universitaires de France, p. 85.

21 J. DUFAU, Droit des travaux publics, Presses Universitaires de France, p. 88.

22 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 210.

Introduction

une piste de ski en elle-même non aménagée23. En revanche, constitue un ouvrage public une piste de ski comportant des aménagements24.

3- Un ouvrage ne peut avoir le caractère d'un ouvrage public

que s'il est affecté à un intérêt général25, qu'il s'agisse d'affectation à l'usage direct du public ou d'affectation aux besoins d'un service public26. L'affectation à l'intérêt général justifie le régime juridique particulier qui est appliqué à l'ouvrage public et la situation qui lui est faite par rapport aux ouvrages privés27.

Le juge administratif28 a considéré qu'un immeuble ne peut être qualifié comme ouvrage public que s'il est affecté à satisfaire un intérêt général29. En revanche, il a refusé la qualification d'ouvrage public à un mur dans la mesure où il n'est pas affecté pour satisfaire un intérêt général30.

Si les trois conditions, le caractère immobilière, l'aménagement et l'affectation à l'intérêt général, constituant l'élément matériel, sont qualifiées par la doctrine d'«éléments constants de la définition »31

23 CE., 12 décembre 1986, Rebora, CJEG, J, 1987, p. 601.

24 CE., 27 juin 1986, Grospiron, CJEG, J, 1987, p. 564 ; CE., 13 février 1987, Viéville, CJEG, C, p. 321.

25 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., n° 680.

26 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Le droit administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003, p. 210.

27 J-M. AUBY, « L'ouvrage public », CJEG, 1961, p. 535.

28 TA., affaire n° 33162 du 1 juillet 2001, chef des contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de la santé publique et le ministère du domaine de l'Etat et des affaires foncières c/ Hechima Dchich et autres, inédit.

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29

30 TA., arrêt n° 21707 du 10 avril 1998, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de la santé publique c/ Mohamed Mansri et autres, Rec., p. 220.

31 R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2, Montchrestien, 15ème éd., n° 677.

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Introduction

d'ouvrage public, l'élément organique, qui renvoie au propriétaire du bien32 est plus incertain. Est-ce qu'un ouvrage public peut appartenir à une personne privée sans pour autant perdre sa qualité d'ouvrage public ?

Pour le juge administratif, un immeuble ne peut être qualifié d'ouvrage public que s'il est à la propriété de l'Etat ou d'une autre personne publique33. Or, cet élément ne constitue pas une condition indispensable à la qualification d'ouvrage public. Les ouvrages publics n'appartiennent pas nécessairement à des personnes publiques.

L'extension d'un régime de droit public à un ouvrage appartenant à une personne privée recouvre deux hypothèses34. La première est celle de l'application de la théorie de l'accessoire35. En effet, la qualité d'ouvrage public peut être attribuée à un ouvrage appartenant dans les biens d'une personne privée est incorporé matériellement à une personne publique dont il devient une dépendance36. La seconde est celle de l'affectation à l'intérêt général qui parait impliquer l'application du régime de l'ouvrage public37.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon