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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

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Chapitre II :

L'affectation des droits des administrés

La découverte par le juge d'une finalité d'intérêt général peut justifier, sous certaines conditions, qu'il soit dérogé à certains principes fondamentaux qui font partie des droits des administrés. La conciliation entre le respect de ces principes et la finalité de l'intérêt général que doit procéder le juge.

L'une des fonctions les plus importantes de l'intangibilité des ouvrages publics dans la jurisprudence administrative est de limiter, au nom des finalités supérieures qu'elle représente, l'exercice de certains droits, au nombre desquels on peut ranger notamment le droit de propriété (Section 1), et le droit à la légalité (Section 2).

Section 1 : L'atteinte au droit de propriété

Lorsqu'un ouvrage public est édifié sur un terrain appartenant à un particulier, c'est avant tout le droit de propriété privée qui est bafoué142. Certains auteurs affirment que le principe d'intangibilité est une « négation »143, voire une « désagrégation »144 du droit de propriété. La règle « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » « paralyse »145 le droit de propriété. Un tel droit est alors mis en balance avec d'autres

142 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1686.

143 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p 1.

144 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété : La règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p 1.

145 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété: La règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 5.

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Première partie : L'ambivalence du principe

droits ou des intérêts publics et il en ressort « banalisé », « bousculé », réduit à « un droit constitutionnel de second rang »146.

Les atteintes au droit de propriété, souvent justifiés et justiciables par l'intérêt général, se sont multipliées dans un nature contrasté (§ 1). Ainsi, lorsqu'un ouvrage public avait été édifié de manière régulière ou non sur un terrain privé, le propriétaire de ce terrain pouvait seulement obtenir une indemnité et ne peut, en aucune manière, faire expulser l'administration de sa propriété (§ 2).

§ 1 : La nature de la violation du droit de propriété

La nature de la violation du droit de propriété se distingue, à travers la jurisprudence du TA, entre deux situations radicalement différentes. La première concerne le cas où l'administration porte atteinte légitime à la propriété privée agissant dans le cadre légal et réglementée (A). La seconde concerne le cas où l'administration porte atteinte à la propriété privée, en dehors du cadre légal de l'intervention administrative (B).

A. La légalité de l'action de l'administration

A l'occasion de l'exécution d'activités d'intérêt général, l'administration dispose d'un ensemble de prérogatives de puissance publique qui se traduisent par le recours à des procédés de limitation au droit de propriété. Il s'agit essentiellement de l'expropriation pour cause d'utilité publique (1), mais également de l'occupation temporaire (2).

1. L'expropriation pour cause d'utilité publique

Une des techniques qui autorisent la puissance publique à porter atteinte au droit de propriété, l'expropriation pour cause d'utilité

146 J-F. LACIIAUME et II. PAULIAT, « Le droit de propriété est-il encore un droit fondamental ? », in Droit et politique à la croisée des cultures, Mél. offerts à Philippe ARDANT, LGDJ, p. 374.

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Première partie : L'ambivalence du principe

publique peut être définie comme étant la procédure par laquelle une autorité publique contrainte une personne privée à céder, à une personne publique, la propriété d'un immeuble en raison de l'utilité publique de l'opération147.

L'expropriation pour cause d'utilité publique constitue une atteinte au droit de la propriété en tant que tel. Les prérogatives des propriétaires sont sans cesse rognées à la fois en ce qui concerne, l'usus, fructus, et l'abusus. Il y a dépossession totale ou atteinte généralisée à tous les éléments du droit de propriété. Le droit de propriété est alors vidé de son contenu.

Or, l'article 9 de la loi du 14 avril 2003148 a donné de garanties aux expropriés en offrant la possibilité de demander la rétrocession chaque fois que « dans un délai de cinq ans à partir de la date du décret d'expropriation, les immeubles expropriés n'ont pas été utilisés pour la réalisation des travaux d'utilité publique mentionnés dans le décret d'expropriation ».

Cet article permet d'effectuer un contrôle plus étendu sur le bien fondé de la mesure d'expropriation149. Une analyse de la jurisprudence du TA ne peut que confirmer ce choix. Ainsi, dans un arrêt datant du 1983, le juge administratif a ordonné la rétrocession de l'immeuble exproprié, puisqu'il a constaté que l'immeuble exproprié n'a pas été utilisé dans le sens indiqué dans le décret d'expropriation150.

147 S. GILBERT, « L'expropriation pour cause d'utilité publique », AJDA, février 2010, p. 113 ; C. LAVIALLE, « Expropriation et dépossession », RFDA, n° 6, novembre-décembre 2001, p. 1998.

148 Loi n°2003-26, modifiant et complétant la loi n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JORT, 18 avril 2003, p. 1033.

149 F. BEN HAMMED, « L'expropriation pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du tribunal administratif » in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 471.

150 TA., arrêt n° 258 du 14 juillet 1983, Ali Slema c/ la commune de Monastir, Rec., p. 291.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Toutefois, la rétrocession demeure difficile à obtenir si l'administration a édifié un ouvrage public sur le bien exproprié151. Le rejet de la demande de rétrocession est motivé par le principe de l'intangibilité des ouvrages publics152. En effet, en présence d'un tel principe, « le droit à la rétrocession n'existera plus, ne pourra plus exister »153.

Il semble que le juge administratif réduit la solution du litige à la seule indemnité d'éviction en s'abritant derrière le principe de l'intangibilité des ouvrages publics. C'est ainsi que le juge administratif a affirmé qu'« attendu que (...) l'immeuble litigieux a été intégré dans des ouvrages publics, ce qui empêche sa rétrocession à ses propriétaires et transforme leurs droits réels en un droit à une indemnité »154.

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9

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151 N. MEKACHER, « Le Tribunal administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques, 19931994, p. 104.

152 TA., App, Aff. n° 21908 du 10 mars 2003, le Chef du Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministère de l'Intérieur c/ la Commission Régionale de Solidarité du Gouvernorat de Tunis, Rec. 2003, p. 313.

1888 27

TA., arrêt n° 18261 du 1er mars 2002, société Asfic Herneksen et Larson c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère d'équipement et d'habitat, inédit.

"

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153 L. DI QUAL, « Une manifestation de la désagrégation du droit de propriété: La règle «ouvrage public mal planté ne se détruit pas» », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 4.

154 TA., appel, aff. n° 81 du 27 avril 1978, Chef du Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministre de l'Economie c/ Hadj Sadok Ben Mokhtar et autres, Rec. 1978, p. 77.

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Première partie : L'ambivalence du principe

De même, si l'ouvrage public est irrégulièrement édifié, la rétrocession de l'immeuble serait impossible. Dans une affaire récente155, le juge administratif a considéré que « la prise de possession, par l'administration, du bien d'autrui, même si elle est irrégulière, rend impossible sa restitution du moment qu'un ouvrage public y a été édifié »156.

2. L'occupation temporaire

La limitation opérée dans le temps en matière d'occupation temporaire est importante. Elle fait partie de l'essence même de l'occupation temporaire157. Néanmoins, contrairement au droit français158, le décret relatif à l'occupation temporaire n'a limité l'administration par aucun délai159. La question qui se pose à cet égard est de savoir si le bénéficiaire de l'occupation temporaire peut-il construire des ouvrages publics permanents sur la propriété occupée ?

155 TA., appel, aff. n° 21908 du 10 mars 2003, Le Chef du Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministère de l'Intérieur c/ La Commission Régionale de Solidarité du Gouvernorat de Tunis, Rec. 2003, p. 313.

156

1888 27

157 Le droit d'occupation temporaire est « une prérogative dont dispose l'exécutant du travail public et qui lui permet d'occuper temporairement un terrain appartenant à un particulier, soit pour y déposer des outillages, soit pour en extraire des matériaux nécessaires à son travail, soit pour procéder à des études préliminaires». A. DE LAUBADERE, J-C. VENEZIA et Y. GAUDEMET, Traité de droit administratif, T.2, Paris, 10éme éd., 1992, p. 509.

158 D'après la loi du 29 décembre 1892 relative à l'occupation temporaire, cette durée ne peut pas excéder 5 ans renouvelables une seule fois.

159 L'article 8 du décret du 20 août 1888 dispose qu'« après l'achèvement des travaux, et s ils doivent durer plusieurs années (...) ». JORT du 23 août 1888, p. 2.

Première partie : L'ambivalence du principe

Une réponse négative s'impose, car l'occupation serait de ce fait permanente et non plus provisoire160. Seule l'expropriation peut légalement permettre de le faire. Cependant, au niveau jurisprudentiel, un examen de quelques arrêts rendus par le TA tunisien démontre que le bénéficiaire de l'occupation temporaire peut procéder à la construction d'un ouvrage public sur le terrain occupé provisoirement161.

En revanche, soucieux de soumettre l'administration au droit et protéger le justiciable contre les abus éventuels, le juge de l'excès de pouvoir, dans une autre espèce162, a annulé l'acte autorisant l'occupation temporaire par l'administration du terrain du requérant. Le TA a considéré que même si les travaux de creusement d'un puits présentent des travaux occasionnels qui nécessitent une occupation temporaire du terrain litigieux, le but de ces travaux étant l'édification d'un ouvrage public peut se transformer en occupation définitive. Dans ce cas, l'administration aurait dû suivre les procédures de l'expropriation pour cause d'utilité publique163.

160 M. LAKHDHAR, « La protection de la propriété privée immobilière par le Tribunal Administratif », RTD, 1983, p. 273.

161 TA., arrêt n° 840 du 8 juin 1992, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de l'équipement et d'habitat c/ Abdelaziz Ben Amar Jouida, inédit.

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162 TA., arrêt, n° 15164 du 24 novembre 1999, Massoud Ben Ahmed Boubakri c/ ministère de l'agriculture, inédit.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Malgré le fait que l'administration dispose du procédé légal cela ne l'a pas empêché de procéder à des dépossessions dans des conditions d'illégalité164.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984