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Les opérations de maintien de la paix de l'ONU et les droits de l'homme

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par Christian Brice NTSAMA BALLA
Université de Yaounde II - Diplôme d'Etudes Approfondies 2013
  

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B- Le mandat de protection des groupes vulnérables

L'adoption de nombreuses résolutions thématiques96par le CS, démontre que cet organe est sensible à la condition humaine pendant les conflits armés. Dans ces résolutions, le CS reconnaît l'existence dans les populations affectées par la guerre de groupes qualifiés de « vulnérables »97. Il s'agit précisément des femmes et des enfants. Les OMP ont donc pour mission de protéger les femmes (1), des enfants (2), des réfugiés et déplacés (3).

95 RES/CS/1925 (2010), par 12

96 Ces résolutions portent sur les thématiques suivantes : les enfants et les situations de conflits armés ; la protection des civils pendant les conflits armés ; les femmes la paix et la sécurité.

97 Résolution 1265 (1999) du 17 Septembre 1999, par 13

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1- La protection des femmes au coeur des mandats des OMP

L'expérience des conflits montre que les femmes sont les plus touchées par les conséquences de la guerre. Dans les conflits Africains, les chiffres concernant les violences exercées à l'encontre des femmes sont accablants. En RDC, les statistiques révélant les violences sexuelles exercées à l'encontre des femmes de 1998 à 2003 faisaient état de 100 000 victimes98. Au lendemain du génocide rwandais, le Rapporteur spécial des droits de l'homme en tenant compte d'une marge d'erreur, avançait le chiffre de 250 000 à 500 000 viols. Pendant les conflits, les femmes sont victimes du fait d'être des femmes. Elles ne fuient pas souvent pendant les conflits armés, pensant que leur condition leur vaudra de la considération de la part des belligérants. Malheureusement, ces derniers les considèrent comme un instrument de la guerre99 . Même s'il n'existe aucune convention entièrement consacrée à la protection des femmes pendant les conflits armés, celles-ci bénéficient néanmoins de la protection des dispositions éparses de droit international humanitaire. L'article 27 (2) de la 4ème Convention de Genève stipule que « les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, notamment les traitements inhumains et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et toute atteinte à la pudeur ». L'article 4 du 2ème Protocole additionnel aux conventions de Genève reprend sensiblement les dispositions de cet article. C'est dans le but de renforcer les dispositions du droit international humanitaire que le CS, a depuis les années 2000 adopté des résolutions thématiques sur la protection des droits de l'homme en période de conflits armés. Bien que ces résolutions n'aient pas de force contraignante, elles constituent des « succédanés des conventions internationales »100. Dans ces résolutions le CS se dit favorable à l'inscription dans les mandats des OMP, des mesures spéciales en faveur de la protection des groupes vulnérables dont les femmes101. Ainsi, depuis le début des années 2000, les OMP ont pour mission dans leur mandat, la protection des femmes contre les violences liées aux conflits armés. Dans les conflits Burundais, Ivoirien et congolais, les OMP ont eu pour mandat de protéger les femmes. Le mandat de protection des femmes peut s'exprimer de deux façons. Soit il est demandé

98 Cahn (N), « beyond retribution and impunity: responding to the war crimes of sexual violence» in standfor journal of civil rights and civil liberties, vol 1, 1, 2005, p.217

99 Lindsey (CH), « Les femmes et la guerre- vue d'ensemble de la question, RICR, Septembre 2000

100 Ternicet (J), « Le Conseil de sécurité et la sécurité humaine », dans J-F Rioux, La sécurité humaine : une nouvelle conception des relations internationales, L'harmattan, Paris, 2001, p.19

101 S/RES/1265 (1999), 17 Septembre 1999

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aux OMP de prêter une attention particulière aux femmes et aux filles ou aux groupes vulnérables ; soit il est demandé aux OMP de protéger les civils contre les violences sexuelles et sexistes. Bien entendu, les résolutions du CS ne mentionnent pas expressément « droits de la femme ». Mais on comprend que toutes ces tâches renvoient à la protection des droits de la femme et par ricochet aux droits de l'homme. Dans la Conférence de Vienne de 1993, il est mentionné que « les violations des droits fondamentaux de la femme dans les situations de conflits armés contreviennent aux principes fondateurs des droits de la personne humaine et du droit humanitaire ». Lorsque le CS confie le mandat de protection des femmes aux OMP, il s'agit implicitement de la protection des droits de l'homme. Cette mission est d'autant plus importante qu'elle exige des OMP une retenue dans leur comportement. À travers la politique de tolérance zéro instituée au sein des Nations Unies, les OMP ne sont pas épargnées de représailles en cas d'exploitation et d'abus sexuels commis par eux. Le CS confie également des tâches aux OMP en ce qui concerne les enfants.

2- La protection des enfants comme mission des OMP

Les enfants sont la catégorie la plus vulnérable des conflits armés. Non seulement ils sont nombreux à être déplacés ou séparés de leur famille, mais à cause de leur vulnérabilité, ils sont enrôlés dans les forces armées102. L'utilisation des enfants fait partie de la machine de guerre de nombreux pays. En période de conflits armés les enfants sont exploités économiquement et sexuellement, et leur éducation est fragilisée en raison des difficultés à maintenir le système éducatif en période de conflits103

En période de conflit les enfants bénéficient d'une protection issue à la fois du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme. La quatrième convention de Genève (1949) dispose que l'enfant a le droit d'être protégé des atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle ( article 3). En plus de cette convention, l'article 4 du Protocole additionnel n°2 de 1977 accorde également une protection aux enfants, en tant que membres de la population civile.

En matière de droits de l'homme, la convention qui protège le mieux l'enfance en période de conflit, est la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1989 sur le droit

102 Alfredson (L), « enfants, déplacement et sécurité humaine », Forum du désarmement, 2002 p.19

103 Tribune libre, « l'éducation des enfants en période de conflits armés »

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des enfants. Cette convention protège les enfants contre la torture, les peines et les traitements cruels inhumains et dégradants. Elle impose aux parties aux conflits de respecter et de faire respecter les règles de droit international humanitaire qui leur sont applicables et dont la protection s'étend aux enfants. Ces différentes conventions présentent la détermination de la communauté internationale à soulager et à empêcher les souffrances des enfants dans les conflits armés104. Sensible à la condition humaine dans les conflits armés, le CS s'est saisi de la problématique des enfants. Ainsi, dans sa résolution thématique intitulée « les enfants et les situations de conflits armés », le CS condamne le fait de prendre les enfants pour cibles et se dit préoccupé par les dommages causés aux enfants. Il s'engage à incorporer la protection des enfants dans les mandats des OMP. Dans plusieurs OMP, le CS a fait de la protection des enfants une tâche pour les Casques bleus. À côté des femmes et des enfants, les OMP ont pour mission de protéger d'autres personnes vulnérables que sont les réfugiés et les personnes déplacées.

3- Le mandat de protection des réfugiés et déplacés

En Afrique, la survenance des conflits armés a pour conséquence directe l'augmentation du nombre de réfugiés et de déplacés105. Ces deux catégories de personnes sont classées parmi les personnes vulnérables et nécessitent une protection particulière en raison non seulement des risques de santé qu'elles courent, mais aussi parce qu'elles « constituent des groupes à risque en tant que cible et enjeu militaire »106 . Ainsi, les OMP ont pour mission de protéger les personnes réfugiées et déplacées contre les attaques des groupes armés. L'attention accordée aux déplacés et réfugiés varie en fonction du conflit, car le nombre de ces catégories de personnes n'est pas le même dans tous les pays en conflit. C'est pour cette raison que pour certaines missions, la protection des réfugiés et déplacés est un élément central du mandat ; tandis que pour d'autres, cette tâche occupe une place secondaire.

La protection des réfugiés et de déplacés a occupé une place centrale dans le mandat de la MINURCAT en raison du nombre important de déplacés et réfugiés causé

104 Ayissi (A), « Protéger les enfants dans les conflits armés : concrétiser les engagements pris », les enfants et la sécurité, forum du désarmement, 2002, p.7

105Boongui Efonda Efolote, « L'instabilité politique : cause majeur de l'afflux des réfugiés en Afrique », Mouvements et Enjeux Sociaux, Revue de la chaire dynamique sociale, no 003, janvier-février 2002, p 4 106 Laliberté (D), « Crises humanitaires, santé des réfugiés et des déplacés : un cadre analytique », Migrations internationales et vulnérabilités, REMI, vol 23, no 3, 2007, p. 8

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par le conflit soudanais. Ces derniers ont été chiffrés à deux millions et ont trouvé refuge à l'est du Tchad et au nord-est de la République centrafricaine. Dans la résolution 1778 (2007) créant la MINURCAT, le Conseil de sécurité lui prescrit comme mandat, la sécurisation et à la protection des réfugiés et des personnes déplacées au plus fort de la crise sous régionale amplifiée par le conflit du Darfour (Soudan).

Dans d'autres missions, la protection des réfugiés et des personnes déplacées a été insérée dans les mandats, mais à titre secondaire. Au Libéria par exemple, la MINUL a eu pour mandat lors de sa mission de « contribuer à l'action internationale visant à défendre et à promouvoir les droits de l'homme au Libéria, en privilégiant les groupes vulnérables, notamment les réfugiés, les réfugiés rapatriés et les déplacés rentrant chez eux »107.

Au Soudan, la MINUS a également eu comme mandat la protection des personnes déplacées et réfugiées dans les mêmes termes que la MINUL au Libéria108. Nous constatons à partir de ces exemples que les OMP ont pour mission de protéger les réfugiés et les personnes déplacées.

L'attribution de la mission de protection des droits de l'homme aux OMP confirme la prise en compte des exigences de protection des droits de l'homme dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Mais elle n'est pas la seule, car les OMP ont également l'obligation de se soumettre aux normes relatives au droit international des droits de l'homme et au droit humanitaire.

SECTION 2 : LA SOUMISSION DES OMP AUX NORMES RELATIVES AU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME ET AU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Le cadre normatif des OMP de l'ONU assure la protection des droits de l'homme en soumettant ces opérations au respect des normes du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Nous montrerons d'abord comment en tant que agents de l'Onu, les OMP doivent respecter les droits de l'homme et le droit

107 S/RES/1509 du 19 septembre 2003, La situation au Libéria

108 Voir S/RES/ 1590 du 24 mars 2005, La situation au Soudan

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international humanitaire (paragraphe 1). Ensuite, nous montrerons comment cette obligation découle de leur situation d'acteur aux conflits (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : LE RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME ET DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PAR LES OMP EN TANT QUE AGENTS DE L'ONU

L'article 29 de la Charte des Nations Unies donne le pouvoir au CS de créer des organes subsidiaires. En tant que organes subsidiaires du Conseil de sécurité, les OMP ont la qualité d'agent de l'ONU. La Cour Internationale de Justice qualifie d'agents de l'ONU, « quiconque, fonctionnaire rémunéré ou non, a été chargé par un organe de l'organisation d'exercer ou aider à exercer l'une des fonctions de celle-ci. Bref, toute personne par qui l'organisation agit »109. En tant qu'agents de l'ONU, les opérations de maintien de la paix doivent naturellement se conformer aux normes secrétées par l'organisation. Ainsi les OMP sont tenues de respecter le droit international des droits de l'homme en vertu de la Charte des Nations Unies (A), et le droit international humanitaire en vertu de la circulaire du Secrétaire Général des Nations Unies sur le respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies (B).

A- Le respect des droits de l'homme par les OMP en vertu de la Charte des Nations Unies

La lecture de la Charte des Nations Unies permet de constater que les droits de l'homme y apparaissent comme norme substantielle (1). Ce qui contraint les OMP au respect des droits de l'homme. En plus, la charte en tant que acte constitutif de l'organisation contraint les OMP dans leur situation d'agents de l'ONU, à son respect (2).

109 Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du 11 Avril 1949, CIJ, Recueil, 1949, p.177

1-

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De part son contenu : les droits de l'homme comme norme substantielle dans la Charte

L'ONU proclame la foi dans les droits fondamentaux de la personne humaine, la dignité, et la valeur de la personne humaine110. Cette foi proclamée dans les droits de l'homme érige ceux-ci en valeur fondamentale de l'ONU. La Charte présente les droits de l'homme comme un moyen d'atteindre les buts de l'organisation qui fondent la raison d'être de celle-ci. Par exemple, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous est un gage de réalisation de la coopération internationale111. L'introduction des droits de l'homme dans le chapitre relatif aux buts de l'ONU, donne à ceux-ci le caractère de « norme substantielle »112. La Charte des Nations Unies met en évidence le lien existant entre le respect des droits de l'homme et la paix ; et comme nous pouvons le constater dans l'ordre international, les violations massives des droits de l'homme constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales. Les droits de l'homme sont de ce fait un canal privilégié par lequel la communauté internationale pourra atteindre son objectif de paix perpétuelle, mais à condition que ceux-ci soient pleinement respectés. Tel est le défi de tous les peuples et des civilisations du monde actuel. Dans les situations de conflit où elles sont appelées à se déployer pour maintenir la paix, imposer la paix, rétablir la paix ou consolider la paix, les OMP doivent respecter les droits de l'homme, puisque ceux-ci s'imposent comme un « instrument de la stratégie de l'ONU pour la paix »113. Les OMP doivent se soumettre aux normes relatives aux droits de l'homme en vertu de la Charte des Nations Unies, parce que celle-ci leur est opposable comme l'acte constitutif de l'organisation.

2- De part sa forme : la Charte comme acte constitutif de l'ONU

L'article 55 de la charte de l'ONU dispose que : « en vue de créer des conditions de stabilité et de bien être nécessaire pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront : le respect effectif des

110 Préambule de la Charte des Nations Unies

111 Article 1 paragraphe 3 de la charte

112Dupuy (P-M), « L'unité de l'ordre juridique international », RCADI, 2000, p.237

113 Mutoy Mubiala, Le système de protection des droits de l'homme de l'ONU à l'aube du XXIe siècle, Presses de l'UCAC, 2002, p.10

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droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».

Quant à l'article 56, il dispose que « les membres de l'organisation s'engagent en vue d'atteindre les buts énoncés à l'article 55 à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'organisation ». Une lecture d'ensemble de ces deux dispositions impose aux États membres et à l'organisation elle-même, l'obligation de respecter et de promouvoir les droits de l'homme et les libertés fondamentales114.

Le CS quant à lui, a l'obligation selon l'article 24 de la Charte d'agir conformément aux buts et aux principes des Nations Unies dans l'accomplissement de ses devoirs. Les OMP étant des créatures du Conseil de sécurité, ce dernier leur transmet en les créant l'obligation de respecter les droits de l'homme. Cette obligation est donc forte à l'égard des OMP, car elles sont liées par leur créateur à la charte des Nations Unies, qui constitue la norme suprême de l'organisation115. La Charte s'impose au Conseil de sécurité et en vertu d'elle, toutes les actions entreprises par lui doivent se conformer aux valeurs de celle-ci, au rang desquelles figurent en bonne place les droits de l'homme. Comme le mentionne si bien un auteur, « le Conseil de sécurité doit respecter dans son action coercitive de maintien de la paix, les droits de l'homme (non impératifs), inscrits dans les instruments de base de protection des droits de l'homme édifiés dans le cadre de l'ONU, à moins que cela ne soit incompatible avec l'objectif poursuivi de sauvegarde de la paix. Il est lié par une obligation conditionnée de respect des droits de l'homme, garantis par les principaux instruments internationaux de garantie de ces droits. Cette obligation est issue d'une application du principe générale de bonne foi de la charte des Nations unies »116. Les OMP étant la matérialisation de la mise en oeuvre de l'action coercitive de maintien de la paix du CS, c'est donc à travers elles que se concrétise l'obligation du Conseil de sécurité de respecter les droits de l'homme. Les OMP ont donc l'obligation de respecter les droits de l'homme en vertu du lien de filiation qui les rattache au Conseil de sécurité.

114 Voir l'article 55 alinéa c, Marie (J-B) et Questiaux (N), in La charte des Nations Unies, commentaire article par article, Paris, Economica, 1985, p.885

115 Chevallier-Govers (C), « actes constitutifs et constitutions », RGDIP, 2001-2

116 Couzigou (I), « Le Conseil de sécurité doit-il respecter les droits de l'homme dans son action coercitive de maintien de la paix ? », RQDI, p.134

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D'un autre point de vue l'obligation de respecter les droits de l'homme s'impose aux OMP pour des raisons de cohérence et de logique. En effet, les opérations de maintien de la paix sont issues d'une interprétation dynamique de la Charte des Nations Unies ; car elles n'avaient pas été inscrites dans ce document. En raison de la cohérence et de la logique, les OMP doivent se soumettre au texte normatif qui fonde leur existence. C'est également en raison de cette qualité d'agents de l'ONU que les OMP ont l'obligation de respecter le droit international humanitaire.

B- Le respect du droit international humanitaire en vertu de la circulaire du SGNU du 6 août 1999

Le débat sur l'applicabilité du droit international humanitaire aux forces des Nations Unies est un débat houleux. La relation ONU-droit international humanitaire se caractérise par trois tendances qui se manifestent par des logiques de « refus », de « tentative d'absorption », et de « concertation et de complémentarité »117. L'ONU a été longtemps fermée au débat sur l'application du droit international humanitaire à ses forces. Il s'agissait pour les Nations Unies d'une question de logique, car en instituant un ordre juridique basé sur le rejet de l'usage de la force, il apparaissait illogique de mettre sur pied ou d'admettre des règles régissant les hostilités. L'ONU a dû revoir sa position en raison de la diversification des tâches des forces de maintien de la paix. Dans leur déploiement, les forces de l'ONU n'utilisent plus la force seulement en cas de légitime défense, mais aussi pour mettre en oeuvre leurs mandats. L'usage de la force est devenu plus adapté pour la mise en oeuvre par les OMP de leurs mandats. Ainsi la circulaire du Secrétaire Général des Nations Unies en date du 6 août 1999 marque une étape décisive dans l'application du droit international humanitaire aux forces des Nations Unies, à partir de son contenu (1), et de sa portée (2).

1- L'apport significatif de la circulaire de part son contenu

Avant la promulgation de la circulaire de l'ancien SGNU Kofi Annan, sur le respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies, ce droit s'appliquait à ces forces à partir de dispositions éparses et de moindre effet. Dans le

117 Condorelli (L), La Rosa (A-M), Sherrer (S), (sous la direction de), « introduction », in Les Nations Unies et le droit international humanitaire, Actes du colloque international à l'occasion du 50e anniversaire de l'ONU ; Genève, édition pedone, 1995, p.57

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modèle d'accord entre l'ONU et les États qui fournissent le personnel et les équipements aux OMP, il est fait mention du droit international humanitaire ; ainsi, le point 10 sur l'applicabilité des conventions internationales stipule que l'opération de maintien de la paix « observe et respecte les principes et l'esprit des conventions générales applicables à la conduite du personnel militaire ». Le texte fait mention des 4 conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels de 1977, ainsi que de la convention de l'UNESCO du 14 mai 1954 sur la protection des biens culturels en période de conflits armés. La quasi-totalité des accords sur les statuts des forces ont intégré cette mention. L'article 7 de l'accord passé avec le gouvernement rwandais sur la MINUAR dispose que sans préjudice du mandat de la MINUAR et de son statut international, l'ONU veillera à ce que la MINUAR mène ses opérations dans le respect le plus strict des principes et de l'esprit des conventions générales applicables à la conduite du personnel militaire ;

La circulaire de 1999 marque un tournant décisif, car elle manifeste la prise de conscience par l'ONU de la nécessité de soumettre ses forces aux normes relatives au droit humanitaire. À partir de son contenu, la circulaire est d'un apport considérable. Elle s'applique aux forces des Nations Unies, qu'elles soient des opérations de maintien de la paix ou de contrainte, et dans la mesure où elles participent aux combats, dans des situations de conflits armés118. La circulaire ne tient pas compte de la dichotomie qui existe entre conflits armés internationaux et conflits armés non internationaux. Elle intègre la réalité des conflits mixtes qui sont des conflits auxquels participent les forces d'une organisation universelle ou régionale, ou d'une coalition d'États d'une part et des entités non Étatiques d'autre part ; et dont la caractéristique est leur déroulement à intérieur des États119. De plus, la circulaire intègre les règles de droit international humanitaire existantes120. L'autre apport important de ce texte est la clarification de la responsabilité des Casques bleus. Il fait de l'ONU, le responsable général du commandement et du bon ordre des OMP, tandis que les États ont chacun en ce qui les concerne, l'obligation de réprimer l'infraction de leurs soldats engagés dans les missions

118 Circulaire du Secrétaire Général : Respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies, 6 août 1999, article 1

119 Aguirre (M), « L'émergence d'un nouveau monde », op.ci, p.10

120 Condorelli (L), « Les progrès du droit international humanitaire et la circulaire du secrétaire général des Nations Unies du 6 août 1999 », in Boisson De Chazournes, Laurences and gowlland- Debbas, Verra (eds), The intenational legal system in quest of equity and universality, Netherlands, Liber Amicorum, Georges Abi- Saab, 2001, p.4999

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de paix121. L'article 7 de la circulaire du SGNU reprend la Clause de Martens qui exige que les civils et les personnes hors de combat soient traités en toute circonstance avec humanité. Ce même article contient également l'obligation pour les OMP de respecter les droits intangibles que sont le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique, le droit de ne pas être torturé, de ne pas subir des traitements cruels et dégradants, ainsi que toute forme de violence sexuelle.

Nous pouvons constater comment à travers la circulaire du SGNU, les OMP doivent se soumettre au droit international humanitaire. Cette obligation est renforcée en raison de la portée de ce document.

2- La portée de la circulaire

Si la circulaire du SGNU marque un tournant décisif par son contenu, la question de sa portée juridique se pose. Surtout que la Charte des Nations Unies ne donne pas au Secrétaire Général le pouvoir de légiférer. En tant que plus haut fonctionnaire de l'organisation, le SGNU peut prendre des mesures visant le comportement des agents de l'ONU. Si la circulaire n'est donc pas contraignante vis-à-vis des États122, la réalité est autre en ce qui concerne les OMP, qui sont dans un lien de subordination vis-à-vis du SGNU. La circulaire constitue un acte administratif pris par le plus haut fonctionnaire de l'organisation dans l'exercice de ses fonctions. Elle est de ce fait contraignante vis-à-vis des OMP123. L'intervention du SGNU à travers cette circulaire permet de clarifier un pan des OMP jusque-là flou, et est une voie de contournement de phénomène conventionnel. En cas de pareil vide juridique, « donner l'ordre de respecter le droit international humanitaire aux forces placées sous son commandement, et préciser ce que cela signifie doit être défini non pas en tant que simple devoir ou faculté, mais plutôt en tant que devoir du Secrétaire Général »124.

La circulaire du SGNU permet donc de cristalliser l'application du droit international humanitaire aux forces des Nations Unies. Si cet instrument s'applique à ces

121 Lire les articles 3 et 4 de la circulaire

122 Ryniker (A), « Respect du droit international humanitaire par les forces des Nations Unies. Quelques commentaires à propos de la circulaire du 6 août 1999 » RICR 836, p.804

123 David (E), Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 205

124 Benvenuti (P), « Le respect du droit international humanitaire », RGDIP, Paris, Pedone, 2001/2, p. 358359

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forces en tant qu'agent de l'ONU, il faut dire que les OMP ont l'obligation de respecter le droit international des droits de l'homme et le droit humanitaire en tant que acteurs aux conflits.

PARAGRAPHE 2 : LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PAR LES OMP EN TANT QUE ACTEURS AUX CONFLITS

En tant que acteurs dans les conflits, les OMP doivent se soumettre aux différentes règles de droit qui régissent les situations dans lesquelles elles interviennent. Selon l'article 2 de la résolution de l'Institut de Droit International du 25 aout 1999, « toutes les parties aux conflits armés auxquelles prennent part des entités non étatiques, indépendamment de leur statut juridique, de même que les Nations Unies et les Organisations régionales et autres organisations compétentes, ont l'obligation de respecter le droit international humanitaire de même que les droits fondamentaux de l'homme. L'application des principes et des règles pertinents n'affectent pas le statut juridique des parties au conflit et ne dépend de la reconnaissance de belligérance ou de statut d'insurgés »125. Aux termes de l'article 1 de cette résolution, les OMP sont considérées comme des entités non étatiques et se voient appliquer le Droit humanitaire. Les OMP doivent donc se soumettre aux normes de droit humanitaire en vertu du droit coutumier (A), et en vertu des normes jus cogens et des obligations erga omnes (B).

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo