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La compétence suisse selon l'art. 264m al. 1 cp et le rôle de l'entraide internationale en matière pénale dans ce contexte

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par Annalena Hellmüller
Université de Fribourg - Master en droit 2014
  

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3.1 Droit au juge naturel

Le droit au juge naturel est lié au principe de l'égalité devant la loi. Tous les citoyens d'une société doivent savoir selon quelles lois et quels critères ils seront jugés au cas où ils devraient répondre d'actes répréhensibles. Dans le même sens, ils doivent être au courant des sanctions qu'ils encourent. Le juge naturel est classiquement considéré comme le tribunal étant le mieux placé pour fournir ces garanties.

Henzelin fait état d'une série de différentes conceptions doctrinales de ce qu'implique le droit au juge naturel. Pour certains, il s'agit du juge compétent au lieu de domicile de l'auteur, pour d'autres c'est celui du lieu où l'acte a été commis. Il fait ainsi référence à Bartole (13131356), pour qui le juge naturel est le juge territorial, celui chargé d'appliquer le droit du locus delicti commissi. Il s'agit dans ce cas du principe de territorialité dans son sens classique64. Henzelin fait cependant remarquer que l'on peut considérer qu'un délinquant accepte le risque d'être inculpé selon les lois d'un pays dès le moment où il y met les pieds65, même si ces lois impliquent une compétence universelle.

Pour définir le juge naturel, les théoriciens sont historiquement partis de la personne de l'auteur. On considère ainsi que c'est le juge du domicile de celui-ci qui est le plus à même de juger des actes dans le respect des coutumes, de la culture et des moeurs du lieu de vie de celui qui les a commis66. Exception faite des auteurs mineurs, c'est aujourd'hui le principe de la territorialité qui s'est imposé comme principe de base dans l'ordre juridique suisse et il est généralement admis que le délinquant devrait être jugé à l'endroit où le crime a été commis. Cette tendance résulte de l'importance accordée à la victime en criminologie durant les dernières décennies.

Que le droit naturel soit celui du domicile de l'auteur ou celui du lieu de commission, la proximité géographique accordera au juge une position privilégiée dans le travail d'évaluation du cas. Pour ce qui est de la compétence universelle par contre, à savoir la compétence d'un Etat de juger des faits commis à l'étranger, par un étranger contre un étranger, le juge se trouve dans une situation où il lui manque des repères. La distance géographique et les différences culturelles peuvent rendre la tâche difficile au juge, qui aura a priori quelques difficultés à prendre pleinement connaissance du contexte et des circonstances. Pour Henzelin la qualité d'étranger d'un délinquant peut « le mettre dans une position d'infériorité ». En considérant la situation d'un prévenu selon la compétence universelle, il ajoute cependant que celui-ci n'est pas forcément plus mal loti que celui qui est poursuivi en vertu d'un autre principe d'extraterritorialité67.

Mis à part un éventuel manque de compréhension dû aux différences culturelles, le juge peut également souffrir, malgré lui, de préjugés ou d'idées préconçues à l'égard de l'accusé68. Ce genre de distorsion de vérité est évidemment susceptible de porter préjudice au responsable présumé, mais peut également nuire à une des fonctions de la sanction, à savoir la prévention

64 HENZELIN (2001), p. 212.

65 IDEM, p. 213.

66 IBIDEM.

67 HENZELIN (2001), p. 215.

68 IDEM, p. 213.

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spéciale69. Pour que celle-ci soit efficace il faut en effet que le jugement soit juste et acceptable pour les deux parties. Henzelin précise cependant que cette difficulté peut également apparaître en cas d'application de la compétence territoriale lorsqu'il s'agit de juger un ennemi du pouvoir (compétence réelle).

Il reste que la compétence universelle est généralement considérée comme une compétence subsidiaire et le choix se portera toujours a priori sur le juge du locus delicti commissi. Il est en effet indéniable que le jugement par un tribunal qui se trouve à des milliers de kilomètres de l'endroit où les actes incriminés ont été perpétrés cause dans tous les cas des problèmes particuliers qui sont souvent liés à un manque de connaissance des faits et des mentalités locales.

3.2 Pragmatisme

Le fait pour un tribunal de poursuivre des actes commis par un prévenu dans un contexte très spécifique, parfois dans un lieu géographique très éloigné, a des conséquences pour le déroulement de la phase d'instruction. Il est bien souvent difficile de réunir les preuves nécessaires et d'entendre des témoins dans des circonstances propices70.

De surcroît, ce travail peut être difficile non seulement à cause de la distance géographique et des différences de moeurs, mais également à cause d'un manque de collaboration de la part des autorités de l'Etat où les actes ont été commis. Ce sera notamment le cas lorsque le régime est encore en main des complices de l'acte punissable.

Cet obstacle peut, dans une certaine mesure du moins, être surmonté par la diligence et la conscience avec laquelle le tribunal mène son enquête. Lors de l'affaire Niyonteze, le tribunal militaire de Lausanne s'est déplacé in corpore au Rwanda pour mener une enquête préliminaire sur place71. Scrupuleux, il a fait un travail de fond, extrêmement fouillé. A l'inverse, lors du procès qui s'est récemment tenu à Paris contre Simbikangwa, rien de tel ; tous les témoins ont été déplacés à Paris et les connaissances du génocide fournies exclusivement par des experts.

Suite à une campagne menée par une coalition d'ONG, la Coalition suisse pour la Cour pénale internationale (CSCPI), le Ministère public peut aujourd'hui compter sur un Centre de compétence de Droit pénal international (CC V), instauré le 1er juillet 2012. Il emploie deux procureurs, deux collaboratrices juridiques et un collaborateur spécialisé à plein temps. Il peut également compter sur l'appui des enquêteurs de la PJF, spécialement formés72.

3.3 « Restorative justice »

Il y a également un facteur criminologique qui n'est pas négligeable, lié à l'effet curatif qu'un jugement peut avoir pour les victimes mais également pour la société dans son ensemble. Pour que le procès puisse connaître ces répercussions positives, il faut en général que la victime puisse avoir une part active dans la création de justice et qu'elle puisse suivre et vivre de près les phases de la procédure. Ce courant, connu sous le nom de la « restorative justice » ou la « justice

69 Empêchement de la récidive.

70 Histoire vivante, RTSR.

71 Claude Nicati, accusateur dans l'affaire Niyonteze, in : Histoire vivante (11 mars 2014).

72 MPC, p. 27.

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réparatrice » est né dans les années 1990 de l'idée que : « because crime hurts, justice should heal »73.

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