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Poétisation d'un univers chaotique

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par Assia Benzetta
Université Mentouri - Master 2 Analyse du discours 2014
  

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III.1.b. Théories féministes

Hernandèz affirme que :

« La littérature qui s'est développée aux Antilles depuis la colonisation jaillit d'une source située au centre d'une société patriarcale. L'écriture des femmes, leur voix et leur parole, restent marginalisées et, par conséquent, interprétées par un système patriarcal»115(*).

Cette auteure poursuit en disant que :

  « Ce n'est qu'à partir des années70 que l'on reconnaît enfin les contributions des femmes dans ce domaine. C'est peut-être à cause de l'évolution d'une société traditionnelle et agricole vers l'industrialisation. Les personnages masculins se voient forcés à céder leur place de protagonistes aux femmes »116(*).

Par conséquent, le post colonialisme a longtemps été la chasse gardée de l'homme, à l'image de la littérature, comme le confirme Sara Mills117(*).

Effectivement, ces dernières amènent à s'interroger sur « les rapports sociaux de sexe» qui se basent sur une «identité sexuée, fondée sur des différences : réelles ou perçues, entre les sexes, constitutives des rapports sociaux et inscrite dans des rapports de pouvoir»118(*).

Le colonialisme exerce sa domination en ayant recours à des métaphores sexuelles.119(*) Ces allégories qui comparent le corps soumis de la femme au territoire à conquérir sont énoncées dans le but d'un assujettissement, et montrent la vision que le colonialisme a de la femme120(*).

Dans un cadre postcolonial, les femmes sont sensibles à toutes les représentations de domination car elles ont souvent été victimes d'oppression, tout comme l'ensemble des colonisés dépossédés de leur identité par un processus de domptage. Par conséquent, les théories féministes luttent en faveur de l'émancipation féminine en mettant en valeur ce qui est passé sous silence. De fait, elles réfutent l'institution dominée par le patriarcat121(*).

En ce qui concerne la littérature antillaise, celle-ci évoque la sexualité féminine souvent bafouée en contestant la question du genre qui cloisonne la femme dans le rôle de pilier de la famille. Le féminisme antillais s'attaque aux archétypes du personnage féminin qui vit sa sexualité uniquement dans le but de procréer. D'ailleurs, la figure féminine n'est valorisée que par le biais de la maternité. C'est la raison pour laquelle, «à travers toute l'oralité antillaise se trouve magnifiée la Mère, porteuse de dons, dispensatrice de bien »122(*) La femme élève souvent seule une ribambelle d'enfants souvent de pères différents. Son unique source de bonheur vient de sa progéniture. Or, il y a des femmes qui refusent d'enfanter, voire qui ne désirent pas entretenir de relation sentimentale avec un homme c'est le cas de Cuca et d'Estrella dans En attendant la montée des eaux. Il faut dire que l'image que reflète la littérature de la figure masculine n'est pas des plus reluisantes123(*).

Ceci pourrait concourir à expliquer la présence de femmes qui refusent l'image de la mère tant valorisée aux Antilles : on admettra que ce refus de la maternité n'est pas le fruit du hasard. Avec ensemble, les femmes écrivains venues d'horizons si divers s'insurgent donc contre les images véhiculées par l'oralité et qui imprègnent si puissamment toute la société.

Depuis des générations, les femmes aux Antilles assument une multiplicité de rôles, assurent l'entretien et l'éducation de leur nichée au détriment de leurs joies personnelles. Même dans les cas où il s'agit de couples de type occidental, légitimement unis et monogamiques, l'enfant demeure l'affaire de la mère, le père se consacrant à des activités toutes extérieures124(*). Ces prises de position correspondent au renversement de l'ordre établi. De façon générale, et cela s'applique à notre corpus, « les figures maternelles ne manquent pas de complexité et illustrent toute une gamme d'attitudes. Certaines pourraient mériter le qualificatif de dénaturées »125(*).

Aussi, l'image monolithique d'un type de femme s'effondre, comme l'affirme Selon Hemandèz :  

La nouvelle image de la femme lutte contre cette ancienne représentation dominante, limitative et paternaliste (...). On assiste à une nouvelle attitude face aux rôles féminins imposés par la société, surtout face à la maternité (...). Ce que 1 'on aperçoit à travers la nouvelle littérature antillaise c'est un désir de créer un personnage féminin plus authentique. Il faut éviter que la femme soit "écrasée sous les clichés126(*).

C'est pour cela que les écrivains antillais contemporains proclament la diversité comme étant le seul synonyme de la nouvelle condition féminine. En même temps que le récit antillais s'occupe des stéréotypes féminins, les écrivains y insèrent des éléments nouveaux qui pourront aider à la transformation des attitudes au sujet de la condition féminine aux Antilles127(*). Pour que l'évolution de la condition féminine en Guadeloupe puisse avoir lieu, il faut que l'homme puisse également changer d'attitude vis-à-vis de la femme, mais cela s'avère difficile vu que la relation homme-femme semble conditionnée par le passé.

En effet, tout comme la femme, l'homme antillais est conditionné par une lourde histoire. A l'époque de l'esclavage, l'homme blanc voyant en lui un rival potentiel s'est acharné à le détruire. Il lui a interdit la femme blanche, mais aussi il lui a enlevé sa compagne naturelle dont il a fait bien souvent un jouet, un objet sexuel. Frustré, dépossédé, l'Antillais s'est réfugié dans des attitudes d'irresponsabilité qui ont survécu à l'évolution politique des Iles. Les reproches dont on l'accable, doivent toujours être situés dans une perspective plus large et éclairés du rappel de la condition socioéconomique des Antilles. Les romancières n'ont pas manqué à travers leurs écrits de se faire l'écho d'une vision assez pessimiste des mâles de leur pays128(*).

Les bommes semblent peu enclins au changement. Du coup, les pères occupent souvent un rôle de figuration. Le poids du passé et la main de l'ancien colon sont encore palpables (les Antillais présentent cela à travers les carnavals annuels). C'est une explication qui est couramment avancée afin d'expliquer l'attitude irresponsable de l'homme antillais. Néanmoins, l'étude de Thomas remet en question les images conventionnelles de la « strong woman » et du « weak man » qui dominent dans la littérature antillaise, ce qui nous conduira à voir la façon dont se manifeste la subversion129(*). C'est un pied de nez à l'héritage colonial! De plus, « les rapports familiaux de type occidental (mariage monogamique, famille nucléaire ...) n'existent qu'au sein de la petite bourgeoisie urbaine et le monde rural possède ses règles et pratiques. Étant donné ce caractère irrégulier des relations mari/amant/ épouse/compagne, les conflits de type freudien entre les pères et les filles n'apparaissent guère»130(*).

En conséquence, la tradition issue de l'esclavage est remise en question et, avec elle, les places de la femme et de l'homme. Dans un contexte postcolonial, «la littérature féminine a un contenu social (...). Elle se situe au coeur des préoccupations de l'ensemble de la société».131(*)

Par ailleurs, il faut garder à l'esprit la spécificité du féminisme dans les espaces postcoloniaux, comme le stipule Kadiatu Kanneth quand elle parle de «Black and ''Third World" feminism »132(*). Dans le cas de la Guadeloupe, nous parlerons de féminisme antillais. Tout comme la littérature coloniale était une arme utilisée afin de légitimer l'impérialisme, les théories féministes dans un enviror1ement postcolonial permettent de critiquer 1'héritage datant du colonialisme. Le féminisme apparaît comme un des outils auxquels la littérature a recours pour contester l'ordre établi133(*).

L'écriture féminine postcoloniale n'a émergé que récemment, pour des raisons évidentes. Dans les Antilles dites françaises, elle se développe vers les années 50. En effet, la majorité de la population n'a pas accès à l'éducation, encore moins les femmes. De fait, la femme a accumulé des décennies de retard par rapport à l'homme. Aussi, les écrivaines de Guadeloupe n'ont investi l'écriture que depuis peu de temps. Ainsi Maryse Condé qui, dans ses écrits, relie la Caraïbe et l'Afrique, terre originelle des ancêtres esclaves, symbole d'un passé nié par le colonialisme.

De nombreux romans caribéens des années 80 confirment que les antillaises continuent, de nos jours, à subir le joug colonial. De plus, parmi leurs compatriotes, elles sont en proie à des formes particulièrement pénibles de la servitude féminine. Aussi « (...). Leurs romans (...) tentent de bien saisir la quête identitaire de leurs héroïnes à la fois en tant que femmes individuelles et en tant que membres d'un peuple antillais. Les auteurs de ces textes essaient de tracer la prise de conscience de certaines femmes tout autant que de donner la preuve de la force courageuse des Antillaises en général (Rüme)134(*) ».

De plus, depuis longtemps, l'étude de la littérature antillaise reconnaît la quête d'identité comme faisant partie de la problématique d'aliénation qui concerne les auteurs de cette région. Pour les femmes, cette quête se présente double, en tant qu'Antillaises et en tant que femmes : « (...) La femme antillaise écrivain est doublement marronne: son évasion est le marronnage littéraire de tout Antillais qui écrit, augmenté du marronnage féminin, celui de toute femme qui entre en littérature dans un tel contexte, en osant braver les 28 interdits liés à sa condition de femme, en combattant les préjugés et les idées reçues dans sa communauté »135(*). (Hemandèz).

De façon générale, l'écriture féminine, quel que soit le pays antillais où elle est pratiquée, présente des préoccupations particulières136(*). L'auteure poursuit en affirmant que cette écriture parle des préoccupations féminines immédiates en mettant l'accent sur le fait d'être femme dans cette région du monde137(*).

C'est pour cela que la figure féminine est souvent métaphorisée, prostituée ou violée à l'image de la terre conquise. Ces images militantes sont en soit méprisantes autant que l'exaltation exclusive de la figure maternelle. Les écrivains n'échappent donc pas à un a priori conservateur et patriarcal, même quand leurs textes sont par ailleurs des textes de résistance (Bardolph)138(*).

De fait, l'émancipation de la femme passe par la solidarité féminine puisque chaque écrit non seulement place les femmes au centre du texte (dans En attendant la montée des eaux, le nombre des femmes est plus élevé que celui des hommes), mais encore présente des solutions de rechange aux rôles qui leur sont réservés selon le modèle patriarcal. Ces solutions de rechange comportent toutes une préoccupation pour les autres femmes, qu'il s'agisse d'amitié concrète ou idéale, de solidarité ou de mise en dialogue avec l'autre.

Maryse Condé décrit la condition féminine antillaise en insistant sur la Littéralité : compréhension des femmes vis-à-vis des problèmes masculins: Femmes toujours prêtes à couvrir la faute du male, a pardonner les outrages, accepter coups et insultes. Femmes prenant l'homme comme un grand enfant, répondant à tous ses caprices, acceptant tous ses abus. (Ecrire p293). C'est le cas de Fouad qui a engrossé Myriam et n'a pensé au mariage qu'après l'avoir engrossé. « Le malheur de la femme, c'est qu'elle doit avancer des preuves de sa maternité. Pendant neuf mois, elle doit exhiber son ventre, visible à tous. La supériorité de l'homme est qu'il est maître de sa semence et la plante là où il veut », p.20. Peut-on dire que la femme est victime d'être femme ?

* 115 Hernandez, Teresita. L'importance de l'expression orale dans Ti Jean L'horizon et Pluie et vent sur Télumée miracle. Revue francophone, vol. VIII, N°2 Lafayette, Louisiane, 1999, p. 42.

* 116 Ibid.

* 117 Feminist Postcolonial Theory: A Reader: Reina Lewis, Sara Mills ...www.amazon.com/Feminist-Postcolonial-Theory-A.../0415942756. Consulté le 09 Janvier 2014 à 14h.

* 118 Le Dictionnaire du Littéraire: Amazon.fr: Alain Viala, Paul Aron ...www.amazon.fr/Le-Dictionnaire-Littéraire-Alain.../Consulté le 03février 2014 à 15h 20.

* 119 The colonial and imperial context was one which was sexually coded and redolent with sexual meanings; the exotic is a particular example of the way in which the colonial context is imbued with sexual fantasy. [ ... ] Even the colonial landscape was represented as a compliant female body - a virgin territory opening itself up to imperial penetration (Mills, 1998, p. 100-101). Consulté le 12 Janvier 2014 à 13h 15.

* 120 C'est ce qui pousse Mills à déclarer: « "controlling women's sexuality, exalting maternity and breeding a virile race of empire-builders were widely perceived as the paramount means for controlling the health and wealth of the male imperial body politics"» (1998, p. 1 02). Consulté le 18 Janvier 2014 à 18h.

* 121 Feminism is not simply an additive explanatory mode! Along side other political theories. To centralise women's experiences of sexuality, work and the family inevitably challenges traditional frameworks of knowledge. Feminism incorporates diverse ideas which share three major perceptions: that gender is a social construction which oppresses women more than men; that patriarchy shapes this construction; and that women's experiential knowledge is a basis for a future non-sexist society. These assumptions inform femînism 's double agenda: the task of critique (attacking gender stereotypes) and the task of construction (Humm, 1998, p.194 ). Consulté le 22 Mars 2014 à 12h 20.

* 122 Condé, Maryse. La parole des femmes. Op.cit. 221.

* 123 The good husbands and lovers of the Caribbean are also too often silent and invisible: the creative literature at present available for young women to read about with stereotypical attitudes towards women, depicting them as victims of male violence or the other ways as losers or marginal figures (Savory Fide, 1990, p. 290).

* 124 A présent, bien des femmes · n'en peuvent plus et cette révolte sourde qui n'ose s'exprimer, se perçoit à travers ces écrits contemporains (Condé, 1979, p. 45). Résultats Google Recherche de livres. Consulté le 09 Avril 2013 à 13h 14.

* 125 Condé, Maryse. La parole des femmes. Op.cit. p.554.

* 126 Le caractère subversif de la femme antillaise dans un contexte ... - Résultats Google Recherche de Livres

* 127 Ibid. p. 44. Consulté le 14 janvier 2014 à 16h.

* 128 Ibid. p. 36.

* 129 Thomas, R Murray examines educational research as a series of simple and complex questions. Corwin Press, Mar 14, 2003. p. 1128.

* 130 Condé, 1979, p. 37. Dans Caractère subversif de la femme antillaise. Mémoire présenté par Emeline Pierre. Juin 2007. Consulté le 14 Juillet 2013 à 19h 18.

* 131 Ibid. p. 39.

* 132Ibid. p. 93.

* 133 What feminism teaches you is that literary/ critical languages, like any others, are not simply technologies of communication but intensely caught up in gender value judgments. (... ) Feminism involved in new literary practices rather than simply in metaphors are trying to understand the wider meanings of change. (Humm, 1998, p. 207).

* 134 Caractère subversive de la femme antillaise. Op. cit.p.235.

* 135 Ibid. p.42.

* 136En effet, d'après Marie-Denis Shelton, « feminine writings tend to explore conflicts and mutilations that characterize the being-in-the-world of women in the Caribbean » (1990, p. 347).

* 137 « One of the most pervasive them es in the Caribbean novels written by women is the problematic of feminine exclusion and dispossession » (1990, p. 347-348). Resultants recherches sur Google. Consulté le 28 Février 2014 à 22h.

* 138Mais les auteures veulent renverser cette tendance, de telle sorte que « some works in Caribbean feminine expression can be viewed as breaking the chain of alienation. They propose images of women who find a voice to claim a parce! of power over reality and destin y » (Shelton, 1990, p. 354). De même, « women writers in the Caribbean have been involved in an active interrogation of reality, past and present. The ir preoccupations and the ir response are diverse. [ ... ] Caribbean women's fiction is not solely centered on the self. It is structured on the multiple contractions and potential ities within Caribbean societies » (Shelton, 1990, p. 3 56).

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera