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Poétisation d'un univers chaotique

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par Assia Benzetta
Université Mentouri - Master 2 Analyse du discours 2014
  

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I. Premier chapitre : Poétique de la violence

I.1. De la signification du titre

De l'ensemble paratextuel, nous avons choisi l'étude du titre et cela pour l'importance que joue l'approche titrologique dans notre recherche. C'est le premier intermédiaire entre l'oeuvre et le lecteur.

Signe de la transformation en marchandise d'un ouvrage, le titre a plusieurs fonctions, dessinant un horizon d'attente et permettant l'appréhension du texte.

I.1.a. Fonctions du titre

La titrologie5(*) est un outil très important dans l'approche des oeuvres littéraires. Le titre est d'abord « ce signe par lequel le livre s'ouvre : la question romanesque se trouve dès lors posée, l'horizon de lecture désigné, la réponse promise. Dès le titre l'ignorance et l'exigence de son résorbèrent simultanément s'imposent. L'activité de lecture, ce désir de savoir ce qui se désigne dès l'abord comme manque à savoir et possibilité de le connaître (donc avec intérêt), est lancée.6(*)

Selon la formule d'Antoine Furetière : «un beau titre est le vrai proxénète d'un livre»7(*). Pour Genette, il peut remplir jusqu'à quatre fonctions. Il peut désigner le roman et permettre son identification. Il peut décrire son contenu et servir, comme le dit Umberto Eco8(*)de clef interprétative. Il peut avoir une fonction connotative, c'est-à-dire être interprété suivant des références culturelles ou stylistiques (style propre à un auteur, parodie, référence historique...). La dernière fonction est dite séductive, lorsque le titre pousse à l'achat, ce qui sera perçu plus ou moins positivement suivant la subtilité de la formule.

À travers notre analyse, nous tenterons de découvrir ce que ce titre a d'aussi exceptionnel pour valoir une renommée et un prix international. L'impact de ce titre sur le lecteur serait-il dû au fait qu'il soit surprenant? fascinant? choquant? ou enchanteur? Nous allons découvrir aussi quel rapport a ce titre avec le mythe, la religion, et la société antillaise.

La relation titre/réception est primordiale : « Le titre est souvent choisi en fonction d'une attente supposée du public, pour les raisons de marketing (...) il se produit un feed-back idéologique entre le titre et le public»9(*). Ainsi, pour qu'un titre accroche, il doit jouer auprès du lecteur le rôle d'un séducteur et fonctionner de fait comme un texte publicitaire. Claude Duchet10(*) le définit comme: «  un message codé en situation de marché : il résulte de la rencontre d'un énoncé romanesque et d'un énoncé publicitaire ; en lui se croisent nécessairement littérarité et socialité : il parle de l'oeuvre en termes de discours social mais le discours social en terme de roman » pense-t-il.

Tout comme un texte publicitaire, le titre a pour rôle de mettre en valeur l'ouvrage et de séduire un public, et dans cette perspective il est évident qu'il peut réunir ces fonctions : la fonction référentielle (il doit Informer), la fonction conative (il doit impliquer le lecteur) et la fonction poétique (il doit susciter l'intérêt ou l'admiration).

« Toutefois le rôle du titre d'une oeuvre littéraire ne peut se limiter aux qualités demandées à une publicité car il est "amorce et partie d'un objet esthétique ». 2Ainsi, il est une équation équilibrée entre «les lois du marché et le vouloir-dire de l'écrivain»11(*). Le titre est également considéré comme emballage et « incipit romanesque »12(*) Emballage car « il promet savoir et plaisir » constituant ainsi un « acte de parole performatif ». Il est incipit romanesque en tant que premier élément introduisant le texte.

En outre, le titre peut assumer deux fonctions principales : « mnésique » quand il sollicite le savoir antérieur (le déjà familier) du lecteur ; de « rupture » quand il s'affiche comme nouveau et original. Si dans le premier cas, le titre cherche à atteindre un public précis ou, comme l'écrit C. Duchet «sélectionne son public», dans le deuxième, le but est plutôt de se faire de nouveaux admirateurs.

À travers une lecture analytique, une démonstration du fonctionnement du titre dans l'oeuvre de Maryse Condé va être très utile.

Dans le cas présent, le rôle du titre En attendant la montée des eaux est complexe et, par conséquent, on doit examiner sa fonction par rapport aux idées du roman, en essayant d'étudier la stratégie mise en place par le titre pour reproduire indirectement le texte du roman.

En divisant notre titre en deux parties : « En attendant » et « la montée des eaux », il faut noter que la première partie « En attendant » a été déjà utilisée par Maryse Condé dans son célèbre roman En attendant le bonheur13(*).

De même, l'écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma a intitulé un de ses romans En attendant le vote des bêtes sauvage14(*). Sans oublier l'oeuvre de Proust  En attendant Albertine15(*).

Donc nous pouvons remarquer la sensibilité de cet intitulé par les auteurs post colonialistes en plus pour un lecteur habitué, cela incite à vouloir découvrir ce qu'apportera Maryse Condé de nouveau à travers le roman.

En effet, avec le titre En attendant la montée des eaux nous sommes en présence d'un énoncé connotatif. Cependant l'originalité de ce titre réside au niveau de sa structure, il serait alors intéressant de l'approcher aussi bien sur le plan morphosyntaxique que sémantique où il « requiert une véritable analyse de discours, comme préalable à son interprétation idéologique et esthétique ».16(*)

La signification du syntagme En attendant la montée des eaux  implique l'attente ou la patience. En effet, l'incipit du roman informe que Babakar est seul, sans parents ni amis, isolé du monde et aspire à quelque chose. En outre, la fonction communicative du narrateur vient compléter cette information en témoignant que : « voilà que son enfant si vainement cherchée lui était rendu», p18. Cette enfant lui donne l'espérance d'un futur plus beau que le présent.

En tenant compte de l'appartenance religieuse chrétienne de Maryse Condé, (d'après ses récits autobiographiques), en plus de la connotation frappante du titre qui plonge dans le mythe diluvien, le lecteur est transporté dans un univers Biblique et imaginaire.

Le titre pris dans le sens de En attendant la montée des eaux fonctionne sur une condition d'opérateur psychologique car il renvoie à un état d'âme: le pessimisme et l'optimisme. « En attendant » est un opérateur temporel, suivi du syntagme nominal « la montée des eaux ». Remarquons que le lecteur n'a pas eu sa part d'explication par ce titre. Il s'attend à une suite explicative, pour que son idée s'éclaircisse.

Dans la Bible, l'eau vacille entre le pessimisme et l'optimisme, entre la vie et la mort, elle symbolise la fin du monde et la rupture de Dieu et l'homme, en même temps, elle renvoie à l'alliance de Dieu avec l'homme et la renaissance.

Ainsi l'eau est à la fois fatale, dangereuse, pleine de souffrances et, en même temps, porteuse de changement et de bonheur : «Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre il y aura de l'angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots, les hommes rendant l'âme de terreur dans l'attente de ce qui surviendra pour la terre ; car les puissances des cieux seront ébranlées ».17(*)

Cet extrait de la Bible donne une image claire des souffrances qui seront causées par la colère de Dieu. Dans l'extrait qui suit : « La patience de Christ s'est pleinement manifestée dans ses souffrances et c'est dans ce domaine que nous sommes aussi exhortés à être patients. Le laboureur attend le précieux fruit de la terre, prenant patience à son égard, jusqu'à ce qu'il ait reçu les pluies de la première et de l'arrière-saison »18(*) , la patience est recommandée en prenant l'exemple du Christ.

Dans En attendant la montée des eaux, le narrateur évoque, d'un coté l'impatience par opposition à l'attente, et d'un autre coté, le feu par opposition à l'eau : voire la vie et la mort. Donc on remarque une antithèse manifestée au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture.

Le déluge, l'histoire biblique de l'Arche de Noé est la version la plus connue du mythe où Dieu, furieux, détruit et nettoie le monde par l'eau ou le feu. Dans de nombreuses mythologies, le monde à l'état primaire consiste en un grand et seul océan. Par le déluge, le monde sera renvoyé à sa condition originelle. Le repeuplement nécessite souvent quelques ingénieux moyens surtout lorsque peu d'individus survivent.

La plupart des mythologies décrivent la fin du monde. Elles en prédisent aussi la fin, au cours de laquelle les supports qui tenaient le ciel céderont, à moins que le monde ne soit consumé par le feu ou submergé par le déluge. À cet effet, de nombreuses sociétés accomplissent différents rituels complexes et annuels au profit du  renouveau du monde, comme c'est le cas du sacrifice de la cosmogonie Bambara.

Partant de ces données, la structure du titre En attendant la montée des eaux comporte différents opérateurs : un opérateur spatial qui est la localité de cette eau, un opérateur objectal qui est les eaux, et un opérateur évènementiel qui est la montée des eaux qui causent l'étouffement et la mort, en plus d'un operateur temporel qui est l'attente.

Nous nous demanderons en quoi cette éternelle attente, en dépit de l'aspect des trois personnages solitaires exilés, renvoie le lecteur à une dimension absurde et tragique de l'existence humaine ?

* 5 Hoek, Léo H. La marque du titre : dispositifs sémiotiques d'une pratique textuelle. Paris: Mouton, 1981.

* 6 Goldenstein, J-P. Entrées en littérature. Paris : Hachette, 1990, p68.

* 7 Grivel, Charles. Production de l'intérêt romanesque. Paris-La Haye : Mouton, 1973. p173. Cité dans Seuils de Genette. Paris : Seuil, 2002.

* 8 Eco, Umberto. Le Nom de la rose. Paris : Grasset, 1982.

* 9 Mitterrand, Henri. Les titres dans les romans de Guy des Cars. Paris : Nathan, 1979. p. 92.

* 10 Duchet, Claude. Éléments de titrologie romanesque. Paris : Broché, 2001.

* 11 Achour, Christiane. Bekkat, Amina. Clefs pour la lecture des récits, Convergences critiques II. Alger : Tell, 2002, p.71.

* 12 Hoek, Léo H. Op. cit. p.7.

* 13 Condé, Maryse. En attendant le bonheur. Hérémakhonon. Paris: Union générale d'édition, 1976.

* 14Kourouma, Ahmadou. En attendant le vote des bêtes sauvages. Paris : Seuil1998.

* 15 Proust, Marcel.  En attendant Albertine. Paris: Gallimard, 1925.

* 16 Mitterrand, Henri. Op. cit p.8.

* 17 Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc - Chapitres : 21. 25. 26.

* 18 Lettre de saint Jacques Apôtre - Chapitre 5, verset 7.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein