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Poétisation d'un univers chaotique

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par Assia Benzetta
Université Mentouri - Master 2 Analyse du discours 2014
  

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I.1.b. Complémentarité du titre avec le texte

Dans la perspective d'un théâtre cruel, d'une métaphysique de l'attente, une interminable attente sur fond de tragédie, l'opérateur temporel « En attendant » dénote un futur qui n'est pas précis. Ce même opérateur sur le plan connotatif renvoie à l'avenir dans son sens large. Vers la fin du roman, le narrateur n'explique pas la position des trois personnages (Babakar, Fouad et Anaïs), mais il la laisse dans le flou. Une fin ouverte, inachevée qui explique une identité en crise qui se traduit par la métaphore biblique du déluge.

Par ailleurs, il est à déceler également une exploitation extrême des traits prosodiques, de la polysémie et de la symbolique des mots. La séduction d'un titre varie d'un auteur à un autre selon ses objectifs, son talent, les époques et le type de lectorat visé. Cette forme d'attraction peut se faire aussi bien au niveau du contenu qu'à celui de la forme. En ce qui concerne notre auteure, elle a choisi de renforcer cette séduction en jouant avec les mots. Nous remarquons l'ambiguïté produite par la signification connotative du titre cela dit, le titre En attendant la montée des eaux réunit deux signifiés prenant une valeur oxymorique : la vie et la mort, d'où sa polysémie.

Le titre aussi a une valeur métaphorique, c'est-à-dire qu'il résume le contenu du roman d'une façon symbolique. Leo Hoek propose, pour ce genre de titre présumant le sujet, l'appellation titre subjectal19(*). En effet, l'expression En attendant la montée des eaux est polysémique et cela se confirme à la lecture du roman. Babakar se présente dès les premières pages du roman, seul sans parents ni proche ni ami, un homme qui a une vision noire du monde, sans objectif précis. Il a perdu le goût de vivre :

« Pendant son sommeil, il avait vu sa mère, souriante, radieuse, ses yeux de bleuet lumineux et rafraîchis comme si, au milieu du désordre des éléments, elle apportait un rameau d'olivier. Elle venait lui signifier que les pages noires de deuil étaient tournées et que se dessinait enfin la promesse du bonheur », écrit le narrateur, p.12.

Le narrateur peint également la solitude et l'amertume qui caractérisent la vie de Babakar et qui se reflète dans tout ce qui l'entour :

« Les maisons s'expriment à leur manière. Celle-là parlait de solitude et d'exclusion. Dans la cuisine, il se versa un verre de lait qu'il but trop hâtivement, en se salissant le menton. Il ne touchait jamais à l'alcool, non par souci de religion, mais parce que cela lui donnait des aigreurs qui ajoutaient au goût déjà si mauvais de sa vie », p.13.

On peut interpréter aussi le breuvage du lait et les goutes qui salissent le menton de Babakar comme un retour vers l'enfance et la dépendance, exprimant le besoin d'une protection maternelle. Le substitut de ce sentiment est traduit dans l'image d'Anaïs la petite fille sauvée et le narrateur donne une lueur d'espoir à cette vie morne :

« Voilà que son enfant si vainement cherchée lui était rendue. C'était là le miracle que sa mère, rayonnante, était venue lui prédire en songe ! Son âme entonna un Magnificat, digne de Jean-Sébastien Bach. Lui qui n'avait pas prié depuis des années, dont le coeur était comme mort, était tenté de se prosterner pour remercier le Tout-Puissant », écrit-il, p.21.

Le malheur de Babakar est ainsi transformé en bonheur: « Le noeud depuis si longtemps noué serré dans sa poitrine se défaisait et le bonheur l'envahissait. Il embrassa le bébé impulsivement », dit-il, p.22.

Ainsi, le titre En attendant la montée des eaux et le texte du roman sont harmonieusement complémentaires, « l'un annonce, l'autre explique, développe un énoncé programmé jusqu'à reproduire parfois en conclusion son titre, comme mot de la fin, et clé de son texte »20(*). En effet ce titre est présent au début, au cours et même à la fin du récit, il oriente et programme l'acte de lecture. Autrement dit ce titre En attendant la montée des eaux remplit une fonction conative en fonctionnant comme « embrayeur et modulateur de lecture »21(*) .

En attendant la montée des eaux remplit son rôle « d'accroche » et c'est sans doute ce qui lui a valu la vente d'énormes exemplaires et le tour du monde en étant traduit en plusieurs langues.

Outre la formulation originale de En attendant la montée des eaux il y a d'autres facteurs qui ont contribué à son succès et à sa diffusion -entre autres le thème d'actualité, de la vie sociale actuelle des Antillais en France, et des minoritaires dans le monde- cela dit, le choix d'un titre est primordial dans une oeuvre. On a vu comment Maryse Condé annonce à la fois le contenu du récit et le cheminement de l'écriture. Le titre « apparaît donc comme l'un des éléments constitutifs de la grammaire du texte, et aussi de sa didactique : il enseigne à lire le texte»22(*).

Le titre ne doit pas tout dire, ne doit jamais exprimer complètement l'information qu'il est supposé divulguer. Au contraire, le titre doit jouer le rôle de point d'interrogation à l'énoncé littéraire qui lui sert de réplique. Le titre perd alors sa valeur d'incipit puisqu'il est lié à l'allusion qui suit. Le texte n'est que produit du titre et le titre bien plus qu'un énonciateur devient un conducteur de texte, ce que J. Derrida à joliment appelé archonte23(*).

Dans son ouvrage sur l'angoisse et la peur, l'essayiste polonaise Stanislav Drvota mentionne que l'homme qui ressent l'angoisse « n'affronte pas l'objet menaçant, ne peut pas le localiser dans le lieu ni dans le temps, l'éliminer ou l'éviter»24(*). Nous complétons cette définition par la suivante:

L'angoisse signifie « l'inquiétude intense, liée à une situation d'attente, de doute, de solitude et qui fait pressentir des malheurs ou des souffrances graves devant lesquels on se sent impuissant»25(*).

De plus, dans son atlas sur la psychologie, Hellmuth Benesch précise que l'angoisse peut être causée, à part le doute et la solitude, également par la perte de la sécurité, le pressentiment d'un danger, l'incertitude de l'avenir, le désespoir, etc.26(*).

Dans le sous-titre qui suit, on étudiera l'attente entre intimisme et angoisse, qui a caractérisé la préoccupation primordiale de tous les personnages dans En attendant la montée des eaux.

* 19Selon Leo Hoek il y a deux types de titre: « le titre subjectal, qui désigne le sujet du texte (...) et le titre objectal, qui désigne le texte en tant qu'objet, c'est-à-dire en tant qu'appartenant à une classe donnée de récits, exemples Aventures de.., Révélation sur.., Histoire de etc. ».

* 20 Achour, Christiane -Chaulet . Ouvrages, directions d'ouvrages et revues -christianeachour.net/ouvrages. Consulté le 12 Janvier 2014 à 13h.

* 21 www.memoireonline.com. aventure-scripturale-coeur-autofiction-kiffe-kiffe-demain,faiza-guene3.html. Consulté le 20 Janvier 2014 à 23h 55.

* 22 Achour, Christiane. Bekkat, Amina. Op. cit, p.173.

* 23 Contribution à la titrologie romanesque: variations sur le titre ... - Résultats Google Recherche de Livres.books.google.fr. Serge Bokobza - ý1986 - 150 pages. Consulté le 04 Décembre 2013 à 13h 09.

* 24 Drvota, Stanislav. L'anxiété et la peur, Praha, Avicenum. 1971, p.7.

* 25Disponible sur : http://www.cnrtl.fr/definition/angoisse. Consultation : le 29 janvier 2011.

* 26Benesch, Hellmuth. Encyklopedický atlas psychologie, Praha: Lidové noviny, 2001. p.471.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote