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Poétisation d'un univers chaotique

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par Assia Benzetta
Université Mentouri - Master 2 Analyse du discours 2014
  

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Conclusion

Le déracinement, les origines ambigües et le mal identitaire, sont les principaux motifs qui vont faire resurgir une parole poétique qui ne va pas sans violence traduite par le pouvoir des mots. Ce pouvoir des mots apparaît d'abord dans la structure du récit autant dans l'aspect formel que thématique.

Sur le plan idéologique et politique, Maryse Condé exprime un grand intérêt pour le socialisme et le communisme qui semblent plus proches des préoccupations du Tiers Monde. Cela a été marqué par les congrès des intellectuels noirs, perçu comme un nouveau départ pour l'Homme post colonisé.

Le phénomène de la renaissance militante de la culture noire est le thème récurent dans En attendant la montée des eaux. Il est question d'une véritable prise de conscience chez l'auteure qui affirme une volonté de s'émanciper de la littérature française et de la littérature occidentale. Les trois thèmes essentiels de ce roman relève de la dénonciation des abus colonial, la contestation des systèmes coloniales, l'expression de la révolte culturelle et la revendication de l'identité nègre.

Néanmoins, la thématique de la violence est encore présente, puisque l'indépendance ne signifie pas règlement de toutes les questions en suspens et la rupture avec les puissances occidentales n'est pas consommée. Les coups d'états répétitifs, les élections truquées déstabilisent l'ensemble des projets socioéconomiques qui plongent les pays dans des guerres intestines. Par conséquent, de nombreux Etats s'enlisent dans la pauvreté qui souvent oppose les ethnies entre elles.

Ainsi la violence est très présente dans ce récit. On parle alors de « désenchantement et de désillusion » selon les termes de Jaques Chevrier170(*), une littérature marquée par l'échec des idées de démocratie face à la montée de la tyrannie du despotisme et des Etas gouvernés par les régimes armée.

Cette sévère réalité a pour conséquence l'expression d'un grand pessimisme chez Maryse Condé, qui dénonce les abus politiques, la décadence de l'homme noir et les conditions sociales dégradantes.

C'est dans cette perspective qu'émergent En attendant la montée des eaux où, la fiction témoigne des drames sociopolitiques, qui relèvent directement des agressions politiques des Etats minoritaires comme la nouvelle matière romanesque qui plonge l'écrivain dans l'engagement et la dénonciation des violences politiques.

L'étude des mythes de l'univers Condéen est introduit dans sa fiction, la dynamique de son récit s'avère une quête permanente du sens, tant l'auteure est préoccupée par le devenir du monde et de l'Homme. Maryse Condé révèle son attachement à l'imaginaire antillais, mais également aux mythes de la Bible. Elle trouve le sens de son univers dans les mythes du cataclysme évoqués dans En attendant la montée des eaux. Elle évoque dans ce récit, autant les mythes de la tradition antillaise que celle de la tradition juive et catholique.

Cette présence mythologique dans l'univers fictif est une tentative de signification du monde réel à travers le symbolisme antillais qui apparaît également comme une épistémologie africaine revendiquée par les intellectuels et les écrivains contemporains.

En attendant la montée des eaux ne manque pas d'exagération et de déformation du réel pour le rendre plus terrifiant ou pour créer une distanciation pour l'esthétique du carnavalesque.

En effet, En attendant la montée des eaux est un titre très révélateur qui inscrit d'emblée la problématique du texte à savoir la destruction et la reconstruction, la mort et la renaissance et enfin la violence et l'amour. Ce titre en plus d'être thématique et rhématique, est aussi symbolique jouant sur cette entité paradoxale vie/mort exprimée dans tous les lieux du texte. Et c'est à partir de ces données que peut se lire l'oeuvre de Maryse Condé et plus particulièrement En attendant la monté des eaux où l'identité antillaise est exprimé à travers un incessant recours aux mythes fondateurs des origines bafouées par des siècles d'esclavagisme et d'intolérances.

La parole mythique et celle biblique rend donc compte de toute la violence de l'Histoire au travers de l'épisode du Déluge, le plaçant dans un contexte actuel pour cerner la réalité vécue du moment présent de l'auteure.

Maryse Condé, celle qui a vécu dans le monde entier, définit son identité : « Je crois que je ne serai jamais rien d'autre qu'une Guadeloupéenne. Une Guadeloupéenne à ma manière, qui parle peu créole, qui réside en partie à New York, qui a visité le monde... Mais au fond de moi, le lieu qui a fait ce que je suis, mes parents, mes souvenirs d'enfance, ont créé quelque chose que ne pourrai jamais modifier. J'aime la Guadeloupe, le pays, la nature, les sons, les images. Je mourrai guadeloupéenne. Une Guadeloupéenne indépendantiste »171(*)

Le peuple antillais qui souffre d'un manque de mythe, n'avait pas un ancêtre fondateur, si ce n'était le vaisseau négrier, parti promptement de la terre des aïeux en chavirant le cordon ombilical qui nouait les identités. Maryse Condé, imagine tout naturellement d'autres croyances, rites, pensées, faisant du texte le reflet d'une mythologie profondément littéraire, et de la littérature antillaise l'arme que renouvelle, refait et remodèle parfaitement le genre romanesque.

En attendant la montée des eaux, contient des récits, qui racontent des histoires non pas sacrées mais profanes, et des événements déroulés antérieurement dans le temps originel, colonial, antillais et contemporain. Chaque période dévoile dans le roman des structures mythologiques qui apparaissent à l'intérieur d'une création littéraire inspirée du contexte historique. Cette recréation traduit l'affrontement fantasmatique entre structures légendaires et structures littéraires qui expriment les peurs primordiales des communautés créoles.

La position de Maryse Condé sur l'art créole semble ambigüe : elle refuse d'être située dans le mouvement de la créolité, conteste l'appellation « écrivaine antillaise », et rejette le communautarisme qui aliène les individus et les étrangers à eux-mêmes. C'est-à-dire qu'ils soient humains: « être antillais, finalement, je ne sas toujours pas très bien ce que cela veut dire ; est ce qu'un écrivain ne pourrait pas être constamment errant, constamment à la recherche d'autres hommes ? Est-ce qui appartient à l'écrivain, ce n'est pas seulement la littérature, c'est-à-dire quelque chose qui n'a pas de frontières »172(*).

Les combats, que mène Maryse Condé, visent à dessiner son identité de femme guadeloupéenne. Cette dernière choisit de prendre une part active au sein de l'évolution de son pays. Elle prend en main sa destinée en s'appropriant la parole.

La thématique de la violence dans En attendant la montée des eaux, confère une portée philosophique qui, à travers l'omniprésence du religieux et des mythes fondateurs, rapproche l'oeuvre du domaine métaphysique. Ainsi, le premier constat qu'on peut faire est que ce roman appartient au domaine idéologique. Sa lecture doit définir la fiction comme le résultat d'une réflexion sur la condition humaine qui aboutit à l'engagement de l'auteur dans la défense des idées et des mémoires des peuples issus de la colonisation.

Le racisme dans l'espace sociopolitique où se négocient la vie et la mort comme représentation à la fois réaliste et symbolique de l'Autre le Guide. Ce dernier est l'opposition à ce désir « de conservation du moi » (Babakar), sa cohabitation avec l'élément maternel (Thécla) et ses mythes est conflictuelle. Il est la substance mortifère incarnée par le pouvoir dictatorial, il est aussi la langue de l'Autre qui risque d'absorber le moi dans des symboles qui lui sont étrangers. Donc, l'Autre est l'élément à maîtriser dans l'écriture pour permettre l'affirmation d'un moi complexe défini dans l'être postcolonial.

Ainsi, écrire la violence c'est dire le Guide et les douleurs qu'il a imposées dans son histoire propre. Le roman vacille entre le refuge dans « le principe du maternel » à travers l'évocation des langues, des mythes et de la pensée religieuse contre ce pouvoir qui n'est en réalité que la continuité des formes d'injustice coloniales perpétrées et pérennisées par un Etat postcolonial qui singe les violences de l'ancienne colonie. L'écriture dans la langue de l'Autre génère une oeuvre hétéroclite marquée par une audace qui consiste à inscrire ses valeurs dans le discours littéraire.

En attendant la montée des eaux invite à redéfinir l'image de la femme qui n'a trop souvent été valorisée qu'à travers la maternité, d'où la glorification du mythe du poto mitan. Aussi, tout en luttant contre le pouvoir dominant masculin voire colonial, le personnage féminin refuse d'être cantonné au rôle de mère. Elle réclame le droit de disposer librement de son corps en ayant une maîtrise sur sa fécondité, et en imposant des restrictions à l'homme. De fait, dans notre corpus, on retrouve une représentation de la femme belle, instruite et libre telle que Thécla ou encore Estrella.

L'auteure présente deux genres de femmes différentes afin de montrer que l'identité féminine n'est pas interdépendante de la maternité. Et c'est le message voulu à travers Anaïs qui a été adopté par Babakar qui n'a aucun lien parental avec elle.

De plus, cela confirme la quête identitaire des femmes qui veulent détruire le « poto mitanisme ». Une telle ambivalence de la représentation permet de comprendre l'évolution de la condition féminine au sein de la littérature guadeloupéenne contemporaine.

Maryse Condé met en scène des personnages féminins qui prennent conscience de leur héritage culturel. Cela guide leurs revendications pour une société plus équitable.

À travers En attendant la montée des eaux, Maryse Condé propose des solutions afin de déconstruire les codes coloniaux en mettant en scène des personnages avec des prises de positions radicales. Peut-être que l'auteure propose aussi de dépasser les réminiscences de l'Histoire et avec elles, le post colonialisme?

* 170Titulaire de la chaire d'Etudes franco-phones à la Sorbonne et directeur du Centre international d'Etudes francophones de la Sorbonne, il a été notamment consultant de l'UNESCO auprès de l'Ecole Normale Supérieure de Bamako. Fortement impliqué dans la promotion des littératures francophones, il est directeur de la collection "Mondes noirs poche" chez Hatier et de la collection "Archipels littéraires" aux éditions Moreux. Il est également responsable du jury du Grand Prix littéraire d'Afrique noire. Williams Sassine, écrivain de la marginalité (GREF, 1996).

* 171Net Guadeloupe 1ère - Maryse Condé : "Je crois que je ne serai jamais ... guadeloupe.la1ere.fr/2012/11/06/interview-de-maryse-conde-943.htmlý consulté le 19 2 2014 à 23 h 29.

* 172Condé, Maryse, Notes sur un retour au pays natal, conjonction : revue franco-haïtienne. N°178, supplément 1987, pp.7-23.

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