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Poétisation d'un univers chaotique

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par Assia Benzetta
Université Mentouri - Master 2 Analyse du discours 2014
  

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III.3.b. Relation femme/pouvoir

Tout enjeu de pouvoir dans la fiction est à saisir dans le jeu d'opposition entre l'élément mâle incarnant l'autorité et l'élément femelle dominé165(*). La personnalité du Guide est en opposition parfaite avec celle de la femme. Le personnage féminin est doté de facultés intellectuelles matures et d'une aptitude à organiser sa défense. La femme subit le pouvoir phallique mais elle a la capacité physique et intellectuelle de déjouer l'autorité mâle. Au pouvoir mâle, la femme oppose un pouvoir « femelle » par un phénomène de castration réelle ou symbolique qui libère.

Dans l'univers fictif le phallus, organe sexuel de procréation, si on se fie au cadre fictionnel, est subverti pour prendre la fonction d'une véritable arme de pouvoir et d'agression dont la violence d'usage définit la puissance et l'efficacité. Par conséquent, l'opposition au pouvoir est souvent conduite par les femmes qui usent de leur sexe dans un rapport où le Guide est rendu impuissant à la fois sexuellement et politiquement. La castration apparaît alors comme la fin d'une domination mâle et l'émergence d'un pouvoir féminin. Dans un univers politique dominé par l'élément masculin, quelle peut être la place de la femme ?

Le narrateur dit : « Les femmes sont le détail de notre histoire », p.166.

Les trois amis ont été victimes de L'amour : l'amour de Movar pour Reinette dont la mort la lui a arrachée ainsi que les amourettes de Babakar pour plusieurs femmes qui ont toutes étaient enlevées par la mort: maman, Carmen la coiffeuse, Irena l'ex maitresse de Hassan, les deux soeurs Reinette et Estrella Ovide, Azelia sa femme défunte et Jahira la soeur de Movar. On remarque qu'aucun amour n'a survécu. .Babakar n'a pas pu aimer une autre femme que sa mère, p.93.

Quand a Hassan, il a fait les cent coups avec divers femmes et enfin, il se marie avec une femme chrétienne. La fête organisée pour ce mariage constitue une antithèse flagrante entre deux religions, deux cultures, deux rives (le nord et le sud du Mali) et surtout deus niveaux sociales.

A l'évidence, le personnage féminin ne fait pas office de figuration, elle arrive quand même à exercer une autorité d'une autre nature sur l'homme de pouvoir. Nous tenons à expliquer, le pouvoir de la femme comme une opposition non moins violente à un système politique mâle. Pour ce faire, deux identités féminines sont mises en avant : l'image de mère castratrice et l'image de la femme charnelle. Les deux figures participent à la résistance. Face à elles, le Guide est castré et perd ses attributs phalliques donc son pouvoir ainsi que l'affirme Daniel Delas : L'effigie centrale de la société postcoloniale, c'est bien, comme le dit Achille Mbembe, la verge en érection (Mbembe, 2000 : XXII et XXIX), mais celle-ci vit dans la terreur de se voir voler sa virilité par la vulve de la femme, source potentielle d'un autre corps et d'une autre vie166(*). Cette condition structure la relation amoureuse qui réduit le président à l'identité de l'enfant obéissant. Dans En attendant la montée des eaux Babakar a aimé plusieurs femmes en commençant par sa maman pendant son enfance.

La passion amoureuse comme sentiment d'aliénation puis et la castration comme une perte de son autorité politique.167(*).

L'amour est l'une des armes dont dispose le personnage féminin pour s'opposer au pouvoir mâle168(*). Le sentiment amoureux perd le mâle dans une folie qui dérègle ses moyens ce qui permet à l'entité féminine de prendre le contrôle de son pouvoir. L'homme est alors l'instrument de la femme qui en use pour ses fins propres mais après bien des péripéties. Dans la relation d'amour entre l'homme et la femme, l'amour n'est jamais consommé. La femme met son amant à l'épreuve de l'attente. Le désir de l'homme pour la femme est maintenu afin de conférer à cette dernière une autorité sur l'homme. Dans cette relation, la femme aimée absorbe l'homme, elle l'assujettit et le condamne à lui obéir.

L'amour inassouvi, parce que non partagé et instrumentalisé, plonge le mâle dans la démesure et dans la folie des souverains mégalomanes : l'amour de Fouad pour Cuca qui le rejette après qu'il l'est demandé au mariage 

Le cas de Babakar avec Reinette Ovide parce qu'elle était déjà morte. Et avec Estrella Ovide qui l'a complètement ignoré. Ainsi d'une façon flagrante le cas de Fouad avec Cuca, la prostituée, qui a refusé de l'épouser.

Toujours sous le contrôle de son amante, L'Espèce d'homme construit un camp gigantesque de la taille d'un pays, ne sorte de goulag tropical où il enferme l'ensemble de ses opposants. Ces lieux de déportation sont démesurés, ils ressemblent aux espaces d'incarcération gigantesques devenus mythiques tels les camps de concentration. Toute décision politique est ici dictée et voulue par la femme. Le mâle n'est finalement qu'un exécutant. 

L'autorité politique est d'abord une affaire sexuelle, une capacité de l'homme à agir sur le corps de la femme169(*). Ainsi, le désir sexuel se confond avec le désir de gouverner ce qui fait que la domination de la femme par l'homme est assimilée à la domination politique. Le pouvoir est bien légitimé par la virilité comme nous l'avons énoncé mais il est également un moyen utilisé pour satisfaire les désirs sexuels. Dans certains cas, la course au pouvoir a comme finalité l'accès à la jouissance sexuelle. Plus l'homme multipliera ses conquêtes, plus il sera assuré dans sa puissance. Le narrateur écrit qu'Hassan: « il éprouvait un besoin constant du corps des filles, les couchant par deux ou trois à la fois dans son lit », p .98.

La rivalité politique s'exerce également dans la conquête « amoureuse ». C'est pourquoi le tyran castre son rival pour l'empêcher d'avoir « accès à toutes les jambes des femmes », selon l'expression du dictateur Lopez : Le roman décrit la condition de l'homme moderne. Il montre la source d'aliénation et de perte de soi que constituent «la peur » et la tentation permanente de la violence dans un monde d'hostilité où l'individu est devenu une « bête brute » qui agit par pure pulsion et instinct. L'auteure affirme que l'homme qu'il décrit est semblable à une bête traquée, dans cette mesure, il est conditionné par la violence. Le narrateur décrit le viole de la fille de la lingère : « de nos jours, on l'aurait appelé pédophile », p.40. Babakar est l'opposé d'Hassan, p.98. Ce dernier collectionne les femmes sans les aimer mais Babakar n'a aimé et n'aime qu'une seule femme: « si ma mère avait vécu plus longtemps, toute mon existence, j'en suis sûr, aurait été différente (...) qu'aucun homme, aucune femme n'a jamais pu remplir », p.93. Sa mère c'est son pays.

* 165 Mythes et violence dans l'oeuvre de Sony Labou Tansi. Op. cit, p.22.

* 166Delas, Daniel. Métastases du discours postcolonial in Xavier Garnier et Papa Samba Diop, Sony Labou Tansi à l'oeuvre. Paris : L'Harmattan, 2007. p71.

* 167Devesa, Jean Michel. Sony Labou Tansi, Ecrivain de la honte et des rives magiques du Kongo, 1996 Paris : L'Harmattan, 2008.

* 168 Selon l'étude de Jean Michel Devésa, qu'il en faite, le sentiment amoureux est dominé par une force aliénante : l'être qui aime est dévoré par son aimé dans « une relation exempte de morale» qui, selon lui, tirerait ses sources « d'une conception animiste des systèmes des choses et des êtres » : Dans son oeuvre Maryse Condé ne cesse de clamer qu'il existe dans l'Amour une terrible potentialité d'éparpillement et de dissolution (...) En fait dans tous ses textes, elle a essayé d'actualiser sa culture, de la ressusciter et de la rendre à nouveau parlante c'est-à dire efficiente. (...) Sa conception des rapports entre les individus était marquée au sceau de la tradition Bambara qui calque ses modèles sur une conception animiste des systèmes des choses et des êtres. Exempt de morale, parce qu'il s'agirait alors d'un sens et d'une signification apportés par les hommes, ce qu'il faut bien appeler le mysticisme Bambara cherche à rendre le fonctionnement même de la nature et à manifester la logique même de la vie.

* 169 Mythes et violence dans l'oeuvre de Sony Labou Tansi. Op. cit, p.22.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille