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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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1.1.3. Tension des signes passeurs

Nous voyons ainsi que la création de signes passeurs relève d'un mouvement de virtualisation, c'est-à-dire la mise en virtualité de matrices de parcours attentionnels. Cependant, ces mouvement de virtualisation que sont les signes passeurs révèlent des tensions dans les pratiques professionnelles.

Pour être optimalement efficaces, l'utilisation des signes passeurs nécessite une connaissance approfondie du territoire : alors qu'ils réduisent les temporalités à néant (pouvant faire appel à des points à distances temporelles entièrement différentes dans le même mouvement), ils doivent renvoyer de manière pertinente à un autre point du territoire, en même temps qu'ils doivent être maximalement présents. Il faut donc pour le scripteur avoir une connaissance approfondie du reste du territoire, ce qui peut se trouver complexe dans des organisations disloquées, ou employant des scripteurs ponctuels. Ce temps de création de signes passeurs chez les scripteurs ponctuels peut être relayé par un scripteur connaissant très bien le territoire (par exemple le rédacteur en chef, ou un journaliste fixe de longue date). Cependant, cette action prend du temps, un temps dont la valeur se doit d'être envisagée, puisque rajoutant de l'action de travail de secrétariat de rédaction à celui qui ajoute, sans que son nom n'apparaisse dans le résultat final. Cet ajout d'action, en plus de dissoudre la signature de l'ajoutant dans le texte du scripteur premier, est une activité professionnelle à la valeur difficilement quantifiable. Cette connaissance est également complexifiée par la recherche de l'instantané dans l'innovation : trouver d'autres points, construire des virtualités par signes passeurs nécessite du temps, du renvoi, de la lecture, et peut venir en tension avec la recherche de la rapidité. C'est une pratique, sur PP, effectuée par le rédacteur en chef, qui viendra ajouter des liens vers d'autres pages du territoire à la suite de l'écriture d'un pigiste.

Les signes passeurs peuvent également être une distraction à l'attention, un bruit dans le parcours. Pour exemple, l'encart publicitaire se revêt d'un paradoxe : alors qu'il est source de revenu monétaire, il peut être à l'origine d'une échappée de l'attention, et donc provoquer une perte de gain attentionnel, en détournant le parcours de lecture et en faisant quitter le territoire du média, actualisant un parcours qui se détourne de celui envisagé par le scripteur. On voit donc une tension se développer dans le signe passeur publicitaire : il faut capter l'attention dans le territoire pour livrer de l'audience publicitaire, mais en même temps la publicité est un détournement virtuel de l'attention. Le signe passeur en tant qu'il est trace d'usage peut revêtir la même dynamique : le lecteur, soudainement interpellé par une trace de passage, peut décider de quitter le territoire pour rejoindre l'autre territoire que ce signe virtualise.

Sur PP (qui ne possède pas d'encart publicitaire), la distraction peut venir d'un potentiel détour ne permettant pas la poursuite de lecture de l'article en question : un signe passeur en début d'article peut faire dévier le parcours du lecteur qui va actualiser une nouvelle page. Cependant, PP fait le choix de ne produire que des signes passeurs renvoyant à son propre territoire, ce qui permet de continuer à capter l'attention en son sein, même si le parcours suit une matrice de

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lecture non linéaire. Lorsque l'article en question aborde un sujet qui est extérieur à un sujet déjà traité dans PP, le texte ne contient pas de signe passeur, ou alors ke rend peu saillant.

Lors de la création du signe passeur, il est préférable d'écrire en pleine lettres le contenu de la page à laquelle on renvoie plutôt qu'un déictique, à cause des contraintes des moteurs de recherche : si une page B renvoie à une page A traitant de x, il est préférable de produire un signe passeur dans B contenant en plein explication le contenu de A, plutôt qu'user un déictique, afin d'optimiser les recherches dans les moteurs : cette pratique optimise les chances qu'un lecteur cherchant x dans un moteur ait en résultat la page A ou la page B, plutôt que seulement la A au cas où B ait usé d'un déictique. Pourtant, l'effet de lecture d'un déictique diffère d'une pleine écriture. De plus, une tension se trouve dans la reconnaissance par le lecteur : il faut que le signe passeur soit techniquement identifiable par le lecteur, et non pas sémantiquement. En d'autres termes, le moteur de recherche contraint à préférer une construction de saillance technique plutôt que de saillance sémantique. Les signes passeurs doivent ainsi trouver une forme qui soit assez saillante pour être reconnue, mais pas trop saillante pour ne pas être intrusive. Le signe passeur doit donc combiner avec justesse une saillance technique et une saillance sémantique : ils doivent faire sens en même temps qu'ils doivent être reconnus comme signes passeurs.

Enfin, malgré tous les dynamiques de construction du scripteur, le lecteur reste celui qui va avoir le dernier mot : c'est lui qui va ou non actualiser le parcours. Alors qu'avec le papier, il existe peu de possibilité de parcours territoriaux Ñ même relire plusieurs fois le même article, ou les articles dans le désordre, les pages de la fin au début ou aléatoirement reste un parcours à l'intérieur du territoire Ñ, et que les noeuds pour quitter le territoire ne sont pas contenu dans lui même. Le média numérique présente de manière lisse un nombre infini de matrices de parcours, et de signes passeurs faisant quitter le territoire tout autant que pouvant l'y garder. Ce sont ainsi des traces à double tranchant, pouvant si elles sont bien maitrisées servir la captation du parcours tout autant que le desservir si elles sont lésées.

De ce fait, d'une certaine manière, le parcours de lecture échappe au scripteur. À tous les scripteurs. Comme l'écrivait Barthes (1966 : 14) : « à cha(que) points, une alternative, donc une liberté de sens, est possible ». Cependant, la nature de ce choix a changé : avec le numérique, c'est le lecteur qui choisi la structuration du récit, le narrateur ne fait que lui proposer des choix. Par exemple, un narrateur se référant à un de ses écrits antérieurs propose au lecteur d'y accéder pour comprendre le récit présent. Il virtualise un récit, un parcours de lecture, laissant aux lecteurs la possibilité de l'actualiser ou non. Rien n'impose au lecteur d'y accéder3 1.

31 Autrement dit, « facteurs du texte, nous voyageons d'un bord à l'autre de l'espace du sens en nous aidant du système d'adressage et de pointeurs dont l'auteur, l'éditeur, le typographe l'ont balisé. Mais nous pouvons désobéir aux instructions, prendre des chemins de traverse, produire des plis interdits, nouer des réseaux secrets, clandestins, faire émerger d'autres géographies sémantiques. » (Lévy, 2007:11)

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams