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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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1.2. Logique de parcours

1.2.1. Construire un récit

Comme l'écrit Graham Green, « une histoire n'a ni début ni fin, on choisit arbitrairement un moment dans une expérience pour regarder vers le passé ou le futur. » (cité dans Fogel & Patino,2005:41) L'histoire, ou plus précisément le récit, est l'élément qui va structurer le parcours, porteur du symbolisme structurant la logique du mouvement, bornant son début, guidant son cours et pointant sa fin. C'est parce qu'il s'accorde à la logique d'un récit qu'un lecteur va avancer dans son parcours, ou y mettre fin s'il ne s'y accorde plus. Cette logique d'intrigue, par laquelle « nous re-configurons notre expérience temporelle confuse, informe, et, à la limite, muette » (Ricoeur,1983:12), est l'actualisation concordante par la lecture d'une logique portant le déplacement, « l'invention de l'ordre » (ibid:79), le tracé d'une ligne créant l'intelligible au sein de l'épisodique, créer l'unité dans le discontinu : suivre un récit.

Nombreuses sont les définitions et les approches du récit, tant sur le plan de l'étude narrative que de l'approche des organisations. Ricoeur (1983:9-10) le définit comme « l'invention d'une intrigue qui est une oeuvre de synthèse de l'hétérogène, (...) une nouvelle congruence dans l'agencement des incidents, (...qui) prend ensemble et intègre dans une histoire entière et complète les événements multiples et dispersés et ainsi schématise la signification intelligible qui s'attache au récit comme un tout.» Le récit est ainsi une composition symbolique, significative, qui permet de rendre appréhensible le disparate de l'action humaine, une activité mimétique de représentation symbolique de l'action. Le récit est un arrangement qui va « réduire le désordre de l'événement en constituant autour de lui une matrice d'intelligibilité. » (Arcquembourg,1996:33) Il est une construction active, fluctuante, d'un système de représentation rendant intelligible le disparate des événements, et ayant un caractère profondément pragmatique : un récit n'est récit que s'il est actualisé par la lecture, et en retour, le récit influence l'action, en tant qu'il est abductifs, c'est-à-dire à la source de « constru(ction) des hypothèses nouvelles » (Lorino,2005:208). Le récit, en tant qu'il est logique guidant le déplacement, est créateur d'horizon d'attente, et influence la construction du sens, guidant les mouvements de déplacements, les décisions de guidage du parcours.

La place du récit dans un média est centrale. L'activité centrale d'un media de presse est la création d'un contenu écrit : il est récit rapporté, en ce sens qu'un article, ou un écrit plus général, est cette production symbolique permettant de rendre préhensible aux lecteurs une action humaine, un événement qui se situe en dehors de la portée de leur sens. C'est par cette configuration symbolique de l'action humaine que scripteurs et les lecteurs saisissent ce qui n'est pas à leur portée. Le média de presse est une création continuelle de récits, incluant et s'incluant dans des polyphonies de récits : un article Ñ et par extension tout écrit Ñ est un récit en soi, mais il se manifeste comme portée par d'autres lignes de récits plus grandes que lui, qui le dépassent temporellement, structurellement, et spatialement.

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Selon Barthes (1966), il existe deux formes de rapport entre les unités d'un récit : la conséquence et la consécution. La consécution correspond à une suite dans la temporalité, sans forcément que deux unités qui se suivent ne possèdent de rapport logique l'un avec l'autre. La conséquence, quant à elle, signifie qu'une unité s'enchaine après une autre indépendamment de la temporalité des deux unités. En d'autres termes, il s'agit, respectivement, « du temps et de la logique » (Barthes, 1966 : 12). Pour une captation de l'attention, l'optimal est d'arriver à structurer une lecture suivant un parcours déplaçant la consécution au parcours et imposant la conséquence au récit. Toute suite d'actions est consécution, puisqu'elles se suivent dans le temps, la lecture étant suite d'actions, elle revêt un caractère consécutif. Mais ces actions de déplacements peuvent être profusion de lignes, de parcours abrégés, de bifurcations et de départs. En effet, « une temporalité interne et structurée par les déplacements continus se met en place pour nécessiter une forme de recherche infinie, tout comme le besoin de la construction d'archives liant les contenus disponibles en réseau et leurs usages » (Doueihi, 2010:62) En d'autre terme, un parcours peut se construire de manière illogique, mettant à la suite des épisodes qui n'ont aucun lien, voir qui se contredisent logiquement.

Le récit est la création symbolique qui va permettre la mise en place de la consécution et de la conséquence. De par sa nature même, tout parcours est consécution, peut importe la logique qui le porte : tout parcours est passage d'une unité à une autre, l'une après l'autre, donc temporellement consécutive. Le coeur du récit numérique est de garder la consécution du parcours, c'est-à-dire la suite d'épisode les uns après les autres, mais en lui faisant suivre une conséquence Ñ i.e. une logique Ñ au niveau du récit. En d'autre terme, il est nécessaire pour le récit de s'axer sur un avancement par conséquence, venant se fixer sur le parcours qui est fondamentalement consécution. Ainsi, la captation de l'attention par le récit passe par cette application de la consécution au parcours et de la conséquence au récit, récit qui doit suivre une logique pour pouvoir être suivi.

Pour le média captant l'attention il s'agit, en disloquant la temporalité des différentes unités, d'amener le parcours à travers une intrigue passant dans divers épisodes s'enchainant logiquement, laissant les signes passeurs dicter une logique de conséquence dans laquelle s'axera le parcours. Il faut créer du rapport logique, qu'importe les temporalités réelles. Cette logique, c'est le récit. « Par sa structure même, le récit institut une confusion entre la consécution et la conséquence, le temps et la (É) logique. » (Barthes,1966:12)

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