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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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2.1. Présence continue, longue traine, trace 2.1.1. L'effet longue traine

La présence continue permet d'assurer l'effet longue traine, c'est-à-dire le phénomène constaté sur le web qui veut que l'« addition du nombre de pages vues des articles peu consultés est supérieur à l'addition de l'audience des articles populaires. » (Van Cranenbroeck,2012) En d'autres termes, sur la proportion de l'ensemble des articles présents sur une plateforme, ce ne sont pas les plus populaires qui vont être créateurs du plus grand stock d'attention ; c'est à l'inverse le cumul des articles peu populaires qui va être créateur du plus gros stock. En même temps, par l'omniprésence des signes passeurs, l'article peu lus entraine le passage vers d'autres articles du territoire. C'est parce qu'un lecteur d'un article, même appartenant à une proportion faible dans l'ensemble, va aller sur le territoire une fois qu'il va découvrir ensuite la possibilité de découvrir d'autres articles de ce même territoire.

L'effet longue traine change le rapport à la valeur. Comme le note Anderson (2004), « suddenly, popularity no longer has a monopoly on profitability » : ce n'est plus la popularité qui est créatrice unique du stock d'attention, mais la présence continue. Sans contrainte de matérialité, chaque écriture sur le média en ligne se compare sur la même échelle : sans contrainte de nombre de signes, de nombre de pages, un pure-player n'est plus nécessairement porté par la recherche d'un « hit », c'est-à-dire d'un article populaire : même si ces articles se doivent toujours d'exister, il faut produire le plus possible, afin de s'assurer que, même si peu lus, les articles en bout de queue de la longue traine assurent tout de même un stock d'attention41. De plus, le numérique réduisant drastiquement les coûts de production, l'important devient de produire, et un nombre de lectures quasi-nulle a un impact lui aussi quasi-nul sur les coûts globaux du média. En d'autres termes, même un article non lu ou presque est justifié, puisque représentant des coûts de production qui peuvent être quasi nuls eux aussi.

C'est par la Ñ relative42 Ñ absence de matérialité que la production de masse permettant la présence continue est possible. L'évanouissement des contraintes physiques de production et d'accès à l'information a rendu possible cet effet longue-traine dans le stock attentionnel médiatique ; les médias peuvent agréger une audience spatialement dispersée (Anderson,2004), l'important n'est plus d'arriver à concentrer ses écrits pour toucher une audience localisée, mais

41 « With no shelf space to pay for and, in the case of purely digital services, no manufacturing costs and hardly any distribution fees, a miss sold is just another sale, with the same margins as a hit. A hit and a miss are on equal economic footing, both just entries in a database called up on demand, both equally worthy of being carried. » (Anderson,2004)

42 Il existe bien sûr des contraintes à l'écriture en ligne, principalement temporelles : le temps d'écriture ne peut pas être multiplié à l'infini. La différence de l'écriture en ligne est qu'une page, et ipso facto un article, n'est plus contraint par un nombre de signes avant d'atteindre sa fin. En même temps, un quotidien papier s'étend sur un nombre précis de pages et d'articles. À l'inverse, le nombre d'articles par jour pouvant s'écrire sur un pure-player n'est pas contraint par un cadre matériel : les limites sont temporelles, et sur du contenu, mais le nombre reste virtuellement infini.

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plutôt qu'une audience, même dispersée, existe, et puisse potentiellement et à tout moment actualiser des articles du territoire43.

Pour illustrer cet effet longue traine sur PP, prenons le corpus total des articles écrits sur PP, soit 2279 articles. L'ensemble des lectures représente 5.343.780 lectures, sur une période s'étalant sur deux ans et demi. Le nombre de lectures médian est de 1283, c'est-à-dire que 50 % des articles ont plus de 1283 lectures, et 50 % moins. En comparaison, la moyenne du nombre de lectures est de 2345 lectures. La moitié du total de lecture est de 2.671.890. Si l'on applique la méthode utilisée pour les corpus précédents44, nous constatons que les articles de rang 1 à 1984 représentent moins de lectures (2.669.469 lectures, soit 49,95% du nombre de lectures total) que les articles de rang 1985 à 2279, qui représentent à eux seul 50,04% du nombre total de lectures (2.674.311 lectures). En d'autres termes, les 295 articles les plus lus de la plateforme agrègent à eux seuls autant de lectures que les 1984 articles les moins lus. En pourcentage, cela représente une captation de l'attention par 13% des articles les plus lus à la même hauteur de captation que les 87% d'articles les moins lus.

Maintenant, prenons l'exemple de l'ensemble des quinze articles écrits par un narrateur (ici un pigiste), sur une période s'étalant du 10.06.2014 au 20.03.2014, avec des chiffres relevés le 13.05.2014. La répartition du nombre de lectures, par ordre décroissant, se faisant comme ceci (la répartition temporelle du nombre de lecture se découpe évidemment différemment, mais n'est pas pertinente ici) :

20438 / 9377 / 6827 / 3317 / 3296 / 3273 / 2897 / 2787 / 2168 / 1881 / 1734 / 1572 / 1394 / 1272 / 1223

On constate donc que l'article de rang 1 Ñ celui qui a donc été le plus lu Ñ, l'a été deux fois plus que l'article du rang 2. La moyenne du nombre de lectures sur ces articles est de 4230,4. Ce que l'on constate à la lecture de ces chiffres est que malgré un nombre important de lectures sur l'article le plus lu Ñ deux fois plus que l'article de rang 2, trois fois plus que l'article de rang 3 et 20 fois plus que l'article de rang 15 Ñ, le cumul des articles de rang 2 à 15 est plus important que l'article de rang 1. Dans cette répartition, 3 articles sont au dessus de cette moyenne, et 12 en dessous, ces trois articles cumulent d'ailleurs plus de la moitié du nombre de lecture. Il faut donc cumuler les trois premiers rangs du classement pour dépasser 50 % des lectures, alors que le deuxième et le troisième rangs représente, en proportion, moins de la moitié et moins d'un tiers du nombre de lecture du rang 1.

Cette répartition démontre bien l'effet longue traine : l'article le plus lu, article phare de cette quinzaine, représente à lui tout seul de entre 2 à 20 fois le reste des articles pris individuellement. Pourtant, bien que représentant un nombre de lecture conséquemment supérieur, l'article phare n'atteint pas un nombre de lectures supérieur au reste du corpus des articles choisis. Les deux plus gros articles ne l'atteignent d'ailleurs pas non plus.

43 « it has, in short, broken the tyranny of physical space. What matters is not where customers are, or even how many of them are seeking a particular title, but only that some number of them exist, anywhere. » (Anderson,2004)

44 Nous ne détaillerons pas ici l'arborescence du nombre de lectures des 2279 articles de la plateforme.

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Si l'on prend quinze articles répartis sur une durée plus courte, i.e. représentant 2 jours de publication (le 12/05 et le 13/05, corpus pris à 18h22 le 13/05), la répartition du nombre de lectures sur cette période se fait comme ceci :

4879 / 2768 / 2178 / 2119 / 2069 / 1621 / 1064 / 765 / 464 / 414 / 387 / 97 / 74 / 51 / 5

La faible densité des derniers rangs s'explique par une non publication des articles sur les RSN au moment du relevé des corpus. Dans ce corpus, l'article phare, le plus lu (de rang 1), atteint un nombre de lectures environ deux fois supérieur à l'article de rang deux. La moyenne du nombre de lectures est de 1265,7, et 6 articles sont au dessus, 9 en dessous. Tout comme la quinzaine précédemment sélectionnée, le premier article, même combiné au second, n'atteint pas des niveaux de lecture supérieurs au nombre du reste, bien que pourtant dans des proportions comparativement importantes. Si l'on considère qu'un article complète son premier cycle de lecture une fois envoyé en push sur les RSN (ici donc jusqu'au rang 11), nous pouvons constater que le nombre de lectures du rang 1 est plus de 12 fois supérieur au nombre de lectures du rang 11.

Ce que l'on peut retirer de ces trois sélections, c'est une tendance semblable. Bien que les chiffres diffèrent, il est important de constater un modèle qui se dessine dans les deux cas : sur une quinzaine, il faut trois articles (20 %) d'articles phare pour atteindre des niveaux plus ou moins supérieur aux 80 % restants, Ñ i.e. 80 % de posts à lecture faible apportent autant d'audience que les 20 % les plus hauts : 50 % du stock attentionnel se concentrent sur 20 % des écrits, alors que 80 % se concentrent sur les 50 % restants45. Ces deux quinzaines choisies sont d'autant plus représentatives qu'elles coupent le corpus de deux manières distinctes : le premier choisit un corpus d'articles sur une temporalité longue (9 mois), mais avec un seul narrateur, alors que le second sélectionne une quinzaine d'articles dans une temporalité courte (2 jours), et rédigés par des narrateurs différents. On voit malgré ces différences une même tendance se dégager. La tendance se dégage encore plus lorsque l'on choisit de regarder sur le long terme. Sur deux ans de corpus, nous nous trouvons devant une répartition 10 % / 90 % : la moitié du stock attentionnel (i.e. du nombre de lectures) est captée par 10 % seulement des articles, alors que le reste se réparti sur les 90 % restants.

Ainsi la présence continue assure-t-elle cet effet longue traine : c'est par la répétition d'articles moins populaires entrecoupés d'articles très lus que le média va s'assurer un stock attentionnel. La présence continue, c'est la répétition d'écrits peu lus mais récurrents qui entrainent la moitié de l'audience de lecture. Stratégiquement, le média ne peut s'engager dans un choix unique d'article estimés à forte audience. D'abord parce que l'audience est imprédictible, mais aussi parce que tous les articles sont interdépendants : ce sont les faibles lectures qui permettent de concentrer des mouvements vers les articles à forte valeur-lecture, en même temps que les articles à forte valeur-lecture assurent une assise symbolique permettant d'assurer la lecture du diffus des articles à faible valeur-lecture ; une tendance d'autant plus renforcée par le peu de coût de production d'un article :

45 Il est bien sûr impossible d'atteindre ces chiffres de manière exacte. Nous donnons ici une approximation illustrant l'ordre de grandeur.

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produire plus n'engendre pas des coûts matériels de production qui augmentent en conséquence.

Cet effet longue traine est également assuré par le caractère de trace qu'acquiert l'écriture sur le net : tous les articles, bien qu'existant dans des temporalités distantes, continuent d'augmenter l'audience, doucement, en bout de queue, presque de manière souterraine. Avec le papier, l'audience devait s'assurer sur une quantité d'articles périssables, limités, disparaissants ; avec le numérique, l'audience globale du site peut continuer à augmenter quelle que soit la distance qui sépare de l'écriture de l'article : si tous les articles d'un pure-player sont lus durant un mois, ne serait-ce qu'une fois, une part d'audience se crée, sans qu'aucune action ne soit faite sur ces articles. Si l'on prend l'exemple de PP, possédant plus de 2 000 articles (chiffre qui plus est en constante augmentation). Si chaque article est lu ne serait-ce qu'une fois par mois, l'audience globale en valeur-lecture augmente de 24 000 lectures en une année. Or c'est en assurant la présence continue au présent que l'on assure la pérennité de la croissance de la valeur-lecture des articles passés. En d'autres termes, le statut de trace des écrits est créateur d'un stock virtuel de lecture toujours grandissant46.

46 Un exemple de cette continuelle augmentation du stock attentionnel est donné dans la partie immédiatement suivante de ce travail.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard