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Média, support, temporalité : le cas des pure-players de presse.

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par Colin FAY
Université Rennes 2 - Master Information et Communication 2014
  

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2.2. Présence continue et interaction

2.2.1. La place des RSN

Bien que les premiers pionniers du net réfléchissaient à un fonctionnement inspiré du modèle du rhizome, d'une navigation dans laquelle « n'importe quel point peut-être connecté à un autre » (Deleuze & Guattari, 1980:13)56, le web tend à largement revenir vers un modèle hiérarchique, dans lequel un type d'espaces est devenu le centre névralgique de la galvanisation des mouvements de lecture. Ce point névralgique, pour un pure-player, ce sont les RSN57. L'écriture sur les RSN est devenue indispensable, faisant majoritairement le lien entre le monde de l'écrit et le monde du lecteur. Cette dynamique se constate sur PP : si nous prenons en exemple un article, trente minutes après avoir été publié sur le Facebook, va voir son nombre de lecture multiplié par 5 comparées aux vues qu'il avait eu en étant seulement sur le site en 48h. En 24 heures après la publication sur les RSN, ce chiffre de lectures se sera multiplié par 15, pour ensuite augmenter dans le rythme qu'il avait pris au début, le retour au rythme initial s'exposant à certaines variables techniques de la plateforme : atteindre le classement article le plus lu peut par exemple faire varier le temps de retour au rythme normal, ou un nouveau signe passeur renvoyant vers un article peut faire augmenter à nouveau le nombre de lectures du second, temporairement puisque relatif à la courbe du premier.

S'axant dans « l'actualité », dans la rapidité de l'écrit en chassant un autre, l'effet longue traine se transporte à la temporalité : il faut impulser un mouvement initial de lecture fort, pour ensuite diluer le reste des lectures à travers le temps. Ce mouvement initial, c'est le RSN, et l'interaction qui l'accompagne, qui va l'impulser. D'autres procédés plus traditionnels existent également, comme l'envoi d'une newsletter, qui est à l'origine d'une tendance similaire ; sans se répéter exactement dans ses proportions, l'interaction se dispense dans la même dynamique : c'est en envoyant un écrit en push vers le lecteur qu'on impulse l'explosion rapide du nombre de lectures. Cet envoi en push, caractéristique des RSN, est l'écrit qui impulse ce pic : sur PP, nous pouvons constater qu'indépendamment de la distance temporelle qui existe entre la publication d'un article sur la plateforme et son push sur un RSN, c'est toujours au moment du push que le pic de lectures par heure est

56 L'origine du terme du fonctionnement du web comme hypertexte, attribuée à Vannervar Bush, puis plus tard Ted Nelson, se résume dans le concept du rhizome. Lorsque Kevin Kelly, du magazine Wired, rencontre Ted Nelson en 1984, celui-ci rapporte : « He was certain that every document in the world should be a footnote to some other document, and computers could make the links between them visible and permanent. » voir http://archive.wired.com/wired/archive/13.08/tech_pr.html

Dans cette conception, le web n'a pas de centre, pas de hiérarchie.

57 Ce qu'écrivait Scoble R., auteur américain, sur son blog en 2011 : « the new world is you just open up Facebook and everything you care about will be streaming down the screen. » Il note également dans cet article la tendance de Facebook à amener les médias à l'usager, et non les usagers aux médias.

N. Carlson rapporte en février 2014 sur businessinsider.com une conversation avec une de ses sources chez Facebook : « Two years ago, no one really got their news from Facebook. Now, they do. Every publisher on the planet from CNN to Buzzfeed to the New York Times is producing content they hope readers will find and share through the Facebook News Feed. »

Également « Là où je devais aller à la trace, c'est elle, désormais, qui vient à moi. (É) Le monde vient à moi en temps réel, sur mon écran (É). » (Debray,1991:217)

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atteint, quel que soit la distance entre l'écrit plateforme et l'écrit RSN. Si l'on choisit un autre texte que celui de l'exemple ci-dessus, article dont l'écrit sur le RSN s'est trouvé placé 4 jours après l'écrit sur la plateforme, nous pouvons constater que la tendance suit le même schéma ; un schéma dont les chiffres ne se répètent pas nécessairement de manière exact, mais où la forme de la courbe est semblable, prouvant la place qu'ont pris les RSN en tant que points névralgiques d'impulsion de lectures, que ces lectures soient visites uniques et retours ou initiations d'un parcours de lecture au sein du territoire.

Sur les RSN s'inscrivent les signes qui font le lien entre le monde de l'écriture de l'article et le monde du lecteur. Ce sont d'abord des lieux de virtualisation et de glissements, puisqu'ils ont pour objectif de virtualiser par signe passeur le texte, inscrivant un désir d'en faire actualiser sa lecture ; ce sont en même temps des lieux d'actions : sur ces écrits agissent les lecteurs, d'abord en actualisant l'écrit sur leur support mais aussi en écrivant, commentant et débatant. La visibilité est dépendante des interactions qu'ont les lecteurs avec l'écrit. Particulièrement sur Facebook, cas particulier où la visibilité d'une écriture dépend d'un algorithme jouant du nombre d'actions que cette écriture a engendrées. Il en va de même sur Twitter, la visibilité étant moins dépendante d'un algorithme, même si ce sont toujours les actions autour de l'écrit qui assurent l'ampleur de la lecture, et donc l'ampleur de la rencontre du monde du lecteur : l'inscription de l'écriture sur les RSN dans sa propre écriture (par retweet, par citation ou par post direct) est ce qui assure la visibilité maximale, la publicisation de l'article.

Le nombre de lectures, la captation des parcours d'attention, dépend du RSN, ou de manière plus large de l'envoi d'écrits vers le lecteur, passif devant ses fils d'actualités auto-rafraichis. Le RSN étant dépendant des interactions, la captation d'attention passe ipso facto par l'interaction. Cette dernière devient centrale dans l'économie de l'attention. En effet, comme le soulignait Debray (1991:135) : « quand vous avez à retenir l'attention de quelqu'un sur un problème donné, vous avez trois façons de procéder : une mauvaise, qui est la mise en mots, une meilleure, qui est la mise en scène, une excellente, qui est la mise en interaction. » Au delà du simple nombre de lectures, l'interaction retient d'une manière unique l'attention. L'interaction avec la page est mouvement d'actualisation, geste actif de construction de parcours en même temps que production de territoire. L'interaction sur les RSN, plus loin que d'être un geste de déplacement, est une actualisation d'un texte, une production d'écriture, de trace, un balisage du territoire dont les frontières se déplacent en même temps que le lecteur. En effet, toute interaction sur un RSN laisse une trace d'usage qui s'affiche au reste du réseau, en ce sens que « depuis l'hypertexte, toute lecture est un acte d'écriture. » (Lévy,2007:15-16) Aimer une publication sur Facebook ou la commenter Ñ en d'autres termes interagir Ñ, c'est laisser un écrit à destination de ses contacts. Plus loin qu'une simple passivité de lecture, le RSN se déploie dans une ontologie qui incite à une interaction qui lance un mouvement de lecture mais aussi d'écriture, mouvements qui tous deux étendent le territoire du média par une construction active des lecteurs Ñ lecteurs qui rendent les frontières du média fluctuantes de manière extrême, tournant le territoire vers un diffus indiscernable.

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Ainsi donc le lecteur devient-il créateur de la cartographie du territoire. Bien plus loin que de simplement le parcourir, il en devient le co-constructeur de deux manières ; d'abords en en virtualisant des points d'entrée, plaçant des lignes de départ de parcours de lecture, mais aussi en écrivant au sein même des pages-écrans.

La première situation se rencontre dans le partage d'un écrit par le lecteur. Se manifestent des signes comme sur Facebook : « a partagé la photo de PP », le plus simple « a aimé la photo / le post de PP », ou sur Twitter par un retweet. Cette écriture est également impulsée par les boutons de partage comme ceux que l'on retrouve sur les articles de PP : « j'aime » ou « tweet » ou « share », le premier donnant naissance à un « X a aimé un article », avec un résumé et une photo, le second donnant un titre, un lien et via @PP, le dernier à un post sur Google +58. La seconde situation est l'écriture directe dans le territoire. Celle-ci se manifeste par les commentaires, que ceux-ci soient sur les RSN, d'autant plus omniprésents que PP choisit d'intégrer au bas de ses commentaires un module de commentaires proposant de passer par le profil Facebook du lecteur pour commenter.

De cette écriture automatisée se réduit la temporalité de la suggestion, du bouche-à-oreille, nouvelle forme de reprise en main. Un seul clic sur un bouton laisse un écrit virtuel proposé à la vue de ses contacts sous la forme d'un point d'entrée dans un parcours de lecture. C'est une virtualisation hyper-accélérée et entièrement automatisée qui a lieu par l'interaction : d'un clic de quelques secondes le lecteur redéfinit les balises du territoire, ciblant ses contacts en offrant une possibilité de convergence vers le média. Les échelles de suggestions se démultiplient : le numérique rend capable de suggérer à un nombre de points du réseau et dans un temps minime la convergence vers un territoire, dans des temporalités et des points de résonance dépassant les échelles matérielles autres. En même temps ce sont des échelles de suggestions fragiles, soumises à des algorithmes définissant la visibilité, en même temps que dépendantes à la fois du média et de ses lecteurs : la diffusion d'un texte ne se cadre pas dans le support, il est donc difficile de prévoir une réception d'audience, sachant qu'elle fluctue en fonction des actions humaines. Un nombre d'abonnés sur papier peut permettre de prévoir un nombre de lecteurs approximatifs à qui sera diffusé le texte. Sur un RSN, face à la quantité et à la complexité des affichages, tant au niveau de l'interaction que du nombre existant de narrateurs différents (i.e. les autres médias mais aussi les autres lecteurs / narrateurs, les deux se mêlant sur le fil de manière semblable), le nombre de lectures peut fluctuer de manière complexe et imprévisible, indépendamment des changements éventuels qui pourraient exister dans l'organisation médiatique.

58 Ces boutons ont changé avec la mise à jour, étant maintenant « Partager » « Tweeter » et « Partager », respectivement pour Facebook, Twitter et Google +.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984