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La protection pénale des suspects et des personnes poursuivies

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par Samba Baba N'DIAYE
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Master Droit Privé Général 2013
  

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PARAGRAPHE 1 : LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA PRATIQUE:

La conciliation textuelle entre protection des libertés individuelles et les nécessités de la justice apparaît donc dans la pratique comme brisée. Les moyens mis en place par le législateur pour limiter le recours à la détention provisoire se révèlent insuffisants. On peut déduire de cela que le système juridique mis en place est à présent lacunaire et flou.

De plus, il est aisé de remarquer que dans la plupart des cas, les détentions sont prononcées, voire exécutées au détriment des libertés individuelles (A). On peut se poser la question, comment et pourquoi la mise en détention provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique abusivement usitée (B).

A. La conciliation brisée au détriment des libertés individuelles:

Ce pouvoir est voulu restreint par le législateur. Mais au vu de l'imprécision des textes, même si les conditions d'application sont déterminées, les notions qu'elles recouvrent sont floues, ce qui donne au juge, un pouvoir d'interprétation.

Le flou caractérise le système dès lors que les normes ne sont pas déterminables, leurs règles supérieures étant elles-mêmes affectées d'ambiguïté et d'imprécision. Le flou se constate dans les textes relatifs à la détention provisoire.

Ainsi, P. CHAMBON met en exergue la lacune suivante : celle concernant la gravité des indices nécessaires au placement en détention. Si cette condition n'est pas prévue par les textes, il n'en demeure pas moins qu'elle est nécessaire à la mise en oeuvre de la détention provisoire, condition prétorienne mais également floue. Qu'entend-t-on précisément par seuil de gravité ?

Le juge d'instruction se contente en pratique d'indiquer « attendu que les faits sont graves ; attendu que le prévenu est de mauvaise moralité et a déjà été condamné ». Ces éléments isolés sont pourtant insuffisants pour motiver un placement en détention provisoire. Que le fait poursuivi soit grave n'implique pas que la personne mise en examen l'ait commis ; il en est de même si le juge d'instruction se contente d'indiquer que la personne mise en examen a mauvaise réputation. Il faut des indices suffisamment graves pour la désigner comme auteur de l'infraction. Il est donc à révéler que la lacune et le flou propres à cette condition sont d'autant plus critiquables que dans les autres cas le degré de gravité des indices sont précisés.

Un autre exemple illustre parfaitement le flou des textes : la notion d'ordre public causé par l'infraction (article 123 du C.P.P). Ce motif est le plus discuté. On pourrait même songer à sa suppression en matière correctionnelle. La raison en est de ce qu'il n'a pas de consistance claire et que ses limites sont particulièrement floues. Ce qui permet au magistrat instructeur une utilisation abusive. Il est en effet possible de considérer que toute infraction trouble plus ou moins l'ordre public du fait même de sa réalisation et qu'il convient de préserver cet ordre par une mesure de détention. Mais, la détention provisoire étant considérée comme une mesure d'exception, elle doit être décidée en considération d'un juste équilibre entre deux impératifs :

D'abord le respect de la liberté individuelle,

Ensuite la nécessité de la recherche de la vérité judiciaire.

En faisant référence à l'ordre public, la détention ou la prolongation d'une détention ne doit pas être motivée par le critère de l'ordre public sauf en matière criminelle et pour les délits punis de moins de dix ans d'emprisonnement. Le critère de trouble à l'ordre public ne peut justifier la détention que s'il s'agit d'un trouble exceptionnel et persistant, résultant de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé.

Or, il est de règle par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, qui exige par application stricte du texte, que le juge expose en quoi l'ordre public est troublé par les faits objectifs du dossier.

Une autre lacune concerne celle du contrôle judiciaire, qui n'impose pas au juge qui use de la privation de liberté à montrer dans son ordonnance en quoi cette mesure est insuffisante101(*).

Ayant ainsi constaté que le législateur recourt assez facilement à la technique du placement en détention provisoire, sa mise en application par les interprètes du droit est inquiétante.

En ce qui concerne l'interprétation du juge, il est nécessairement amené à faire subir à la norme large une certaine interprétation qui la rapproche de la norme la plus concrète. Le rapprochement de la norme générale et du fait concret se réalise nécessairement par la perception subjective du juge. A ce propos, on peut évoquer un risque d'arbitraire.

En tout état de cause, le juge ne peut que prendre le soin d'adapter l'interprétation des règles au résultat social recherché. En cherchant à éviter des solutions manifestement déraisonnables ou iniques, le juge apprécie selon la justice et l'intérêt général. Pour éviter ce risque d'arbitraire, de nombreuses théories ont été élaborées sur le pouvoir d'interprétation des juges.

Ce pouvoir d'interprétation des juges a fait l'objet de nombreuses controverses, les théories de l'interprétation oscillant entre la primauté donnée au souci de fidélité à l'égard du législateur et celui d'adaptation aux besoins sociaux du moment.

A l'origine, selon l'idéologie de la décision « déterminée », les mesures prises par le juge sont le résultat d'opérations à caractère logique ou mécanique. C'est la position du formalisme juridique. Les estimations du juge n'existent pas ou ne jouent pas de rôle dans la prise de décision ; les règles appliquées forment un système complet et suffisent pour prendre des décisions et le juge n'est que, selon Montesquieu, «la bouche qui prononce les paroles de la loi ».

La liberté des justiciables est ainsi garantie par le principe de la séparation des pouvoirs. « Les tribunaux ne peuvent s'immiscer dans l'exercice du pouvoir législatif ». Ou encore « il est défendu au juge de se prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises ».

Diverses écoles ont prôné cette idéologie : l'école de l'exégèse, le positivisme juridique.

Ensuite, l'idéologie de la libre décision judiciaire naît comme une critique radicale à l'idéologie précédente et exprime les tendances anti-formalistes. L'application du droit est basée sur les estimations des juges et les textes ne peuvent pas la déterminer : le juge doit faire une libre recherche des sources de sa décision par-delà le droit positif et peut décider non seulement praeter legem mais aussi contra legem.

L'idéologie de la décision légale et rationnelle est basée sur l'analyse des caractères du raisonnement judiciaire, de la législation et du système de droit. C'est l'esprit actuel du C.P.P français : ni décision mécanique, ni liberté non contrôlée.

En effet, compte tenu du flou de certains textes, les juges ont un large pouvoir d'appréciation, ce qui signifie surtout que même l'usage des exceptions est voulu comme restreint dans les textes. Mais dans la pratique, ces organes peuvent en abuser. Il faut préciser tout de même que les abus relatifs à la détention provisoire ne sont pas seulement dus à la souplesse des textes mais aussi aux échecs législatifs. En effet la volonté du législateur était de réduire le nombre des placements en détention. Mais à présent, le nombre des détentions provisoires est encore considérable en car, « la détention provisoire concerne en réalité plus du tiers de ceux qui sont sous les verrous »102(*)

Cependant, il est logique de penser et d'espérer un impact de la part du législateur sur le nombre actuel des détentions, car désormais, dans le cas français, la mesure nécessite deux juges ; il y a de fortes chances que la procédure, se trouvant ainsi quelque peu alourdie et ralentie, dissuade la mise en détention103(*). Depuis le 12 juillet 1996, « la réforme Badinter, qui a obligé le juge d'instruction à réorganiser un débat contradictoire avant tout placement en détention, semble avoir été bénéfique : depuis son adoption, la part des prévenus est tombée de 52% à 40% » à nos jours.

Malgré les réformes104(*) et les tentatives d'assouplissement de la détention, il n'en demeure pas moins, que son usage est parfois excessif (B).

B. L'usage excessif de la détention provisoire :

Malgré des conditions d'application nombreuses, le flou de certaines notions et l'insuffisance des réformes permettent un usage excessif de la détention provisoire en raison de son apport efficace à la justice. Le recours excessif de cette mesure est pernicieux car attentatoire aux libertés individuelles. S'il est compréhensible que le juge y recourt dans un souci d'efficacité de la justice, ceci ne doit pas entraîner le mépris systématique des droits individuels : la conciliation entre ces deux impératifs constitutionnels devrait être, malgré tout, respectée. On peut se poser la question, comment et pourquoi la mise en détention provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique abusivement usitée et que cet abus manque de sanctions.

La population carcérale est en augmentation croissante en France105(*). Ces dernières années, elle a doublé en France. Elle atteignait 59 197 personnes le 1er mars 2006, dont 19 368 prévenus (détenus en attente d'un jugement définitif)106(*). Le nombre de mineurs détenus est de 658, ce qui représente 1,1% des détenus. Les raisons de cet accroissement sont entre autre :

1) l'allongement des peines prononcées : entre 2002 et 2005, la durée moyenne de la détention a doublé ;

2) le nombre de libérations conditionnelles a seulement augmenté et passe de 5013 au 1er avril 2002 à 5866 au 1er avril 2005;

3) un recours trop important de la détention provisoire : 35% des détenus sont des prévenus, donc présumés innocents, le placement en détention semble souvent utilisé comme un moyen de pression, dans le seul objectif de conduire le prévenu à passer aux aveux, selon l'Observatoire Internationale des Prisons et l'administration pénitentiaire;

4) la détention de personnes qui ne devraient pas être en prison : des étrangers détenus pour motifs administratifs (des sans-papiers), les toxicomanes, parfois de simples consommateurs ou de personnes ayant « dealé » pour acheter leur dose personnelle etc. Des mesures appropriées peuvent être prises à chacun de ces cas pour éviter des procédures inutiles et souvent onéreuses.

Au Mali, en Septembre 2007, la prison centrale de Bamako prévue pour 400 prisonniers en hébergeait 1.668, dont 1.092 en détention provisoire. La prison de Sikasso conçue pour accueillir 50 prisonniers en détenait 615 dont 209 en détention provisoire. Dans l'ensemble du pays, les prisons des huit régions et de la capitale hébergeaient 5.817 prisonniers dont 2.522 en détention provisoire107(*). Par ailleurs, l'alimentation y était insuffisante, si tant qu'elle soit disponible, et les installations médicales et sanitaires étaient médiocres, posant de graves risques de santé.

Si la détention doit être théoriquement subie dans des conditions moins difficiles que l'emprisonnement prononcé à titre de peine, cette théorie est cependant inexacte en pratique. On constate avec aisance le surpeuplement pénitentiaire qui frappe tout particulièrement les maisons d'arrêt, ce qui interdit en pratique le respect des règles prévues par la loi.

Au regard de ces constatations, on observe que les textes qui régissent la détention provisoire sont vagues, entraînant un usage parfois illimité du placement en détention.

Pour pallier cet usage, les mesures alternatives doivent être prises, applicables aux détenus non dangereux et non récidivistes en fonction de l'infraction commise.

La détention ne doit pas entraver la réinsertion et la réadaptation sociale du mis en examen. Un détenu en attente de jugement doit se sentir et doit demeurer un citoyen pour respecter la présomption d'innocence. En outre, des mesures adéquates doivent être envisagées pour les détenus mineurs, les jeunes de moins de 21 ans. L'insertion sociale et professionnelle doit être une priorité, à défaut, la prison peut rendre plus dangereux qu'on ne peut l'imaginer. La détention doit correspondre à une nécessité réelle et non une simple utilité. Tous les abus et les excès doivent être sanctionnés.

Le juge d'instruction n'agit pas sans contrôle, mais malgré les recours qui peuvent paralyser sa décision, les abus relatifs à la détention provisoire demeurent. Ainsi, la détention apparaît comme une mesure grave puisqu'elle entraîne l'incarcération d'une personne dont la culpabilité n'est pas certaine, et fait peser sur lui un discrédit parfois injustifié. Mais il convient qu'une mesure aussi grave ne soit jamais décidée à la légère, ou par routine108(*). Cependant, en France, la loi du 15 juin 2000, voulant mieux encadrer le pouvoir conféré au juge d'instruction pour procéder à une mise en examen et mieux garantir la présomption d'innocence, les parlementaires ont tout mis en oeuvre pour que le J.I ne recourt à la mise en examen que lorsque celle-ci est justifiée109(*).A cette fin, ils ont, à l'instigation des sénateurs, réformé la mise en examen en réaménageant les conditions et la procédure de sa mise en oeuvre.

En revanche, malgré un contrôle insuffisant des acteurs de la détention provisoire, il n'en demeure pas moins que des sanctions peuvent être prises à l'encontre des décisions édictées par ces acteurs en la matière.

Ainsi, la sanction la plus radicale et la plus essentielle est la censure de la décision et même de la procédure obtenue par voie d'appel. Une ordonnance du J.L.D ou du juge d'instruction n'acquiert le caractère définitif que si elle n'a pas fait l'objet d'une voie de recours.

Les ordonnances de placement en détention, de prolongation, de refus de mise en liberté, de mise en liberté sous contrôle judiciaire peuvent être frappées d'appel, par la personne mise en examen ou son avocat dès notification de la décision. De même, le M.P qui est partie au procès a un droit d'appel sur toutes les ordonnances du juge d'instruction ou du J.L.D en la matière110(*). Mais malgré l'appel interjeté, la décision du juge en matière de détention est immédiatement exécutoire, ce qui implique que l'appel n'a pas d'effet suspensif111(*).

Quant à la chambre de l'instruction (ou chambre d'accusation), elle examine le bien-fondé de la décision frappée d'appel et vérifie la régularité de la procédure de placement ou du maintien en détention provisoire, autrement dit la régularité du titre de détention. Elle confirme ou infirme l'ordonnance du J.L.D ou du juge d'instruction selon les cas.

Faute pour la chambre de l'instruction de statuer sur les moyens régulièrement soulevés dans le mémoire déposé par le mis en examen ou son avocat et les réquisitions formulées par le M.P, sa décision peut se voir sanctionnée par la Cour de cassation. Les décisions de la chambre de l'instruction sont donc susceptibles de pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Pour pouvoir exercer ce recours, il est nécessaire que les parties aient connaissance de la décision de la chambre de l'instruction, celle-ci étant notifiée par lettre recommandée dans les trois jours aux avocats du mis en examen et des parties civiles et, dans le même délai, au P.G. En règle générale, le délai du pourvoi et le pourvoi lui-même sont suspensifs jusqu'à la décision de la Cour de cassation. Le contentieux de la détention provisoire échappe à cette règle. Ainsi, la chambre de l'instruction qui décide de maintenir le mis en examen en détention est immédiatement exécutoire nonobstant pourvoi en cassation. On se demande jusqu'ici, pourquoi une telle mesure à l'encontre du mis en examen ? Cela ne peut être qu'une violation de la présomption d'innocence.

La Cour de cassation dispose de trois mois à compter de la réception du dossier pour statuer, faute de quoi le mis en examen est mis d'office en liberté. La Cour peut soit rejeter le pourvoi, ce qui implique que la chambre de l'instruction avait respecté les conditions prescrites par la loi, soit dans le cas contraire casser la décision et renvoyer le dossier à une autre chambre de l'instruction qui aura à statuer à nouveau. Le mis en examen peut demander à tout moment de la procédure une réduction de la durée de la détention provisoire.

Au regard de tout ce qui précède, il est nécessaire d'indiquer qu'à côté de ces garanties procédurales accordées aux suspects et aux personnes poursuivies, il existe des grands principes qui, en plus d'être érigés en droits fondamentaux, sont des principes généraux du droit et protègent l'individu dans le procès pénal. Ainsi dans notre deuxième partie, il s'agira d'analyser le principe de la présomption d'innocence et les droits de la défense, qui ne sont pas de simples garanties procédurales, mais existent et sont reconnus tout au long de la procédure, depuis la garde à vue jusqu'à la décision définitif de la juridiction de jugement.

Mais il existe un système réparateur pour des cas de détention provisoire indue (Paragraphe 2).

* 101 Art. 139 du C.P.P malien.

* 102 Au Mali, 2.522 détenus sur 5.817 prisonniers au 28 Septembre 2007.

* 103 M. David, La détention provisoire, mémoire de DEA, défense nationale de l'université de Lille 2, 2000/2001, p. 49.

* 104 Française notamment avec la loi du 15 Juin 2000, car au Mali la dernière réforme du C.P.P n'a pas encore envisagé de mesures concrètes permettant la réduction des prisonniers détenus.

* 105 Au 1er octobre 2005, la proportion de prévenus dans l'ensemble de la population pénitentiaire était de 36,1%. Au 1er janvier 2002, cette proportion était de 33,2%.

* 106 Chiffres de l'administration pénitentiaire française de 2005.

* 107 Soit environ 52% de la population carcérale étaient en détention provisoire au Mali.

* 108 J. C. Soyer, Manuel Droit Pénal et procédure pénale, 11e éd., E.J.A., 1994, p. 332.

* 109 Rapport de M. C. JOLIBOIS au nom de la Commission des lois du Sénat, n°419 (1998-1999).

* 110 Art. 185, al. 1er du C.P.P français ; et Art. 131, al. 1er du C.P.P malien.

* 111 Art. 131, al 2 du C.P.P malien.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera