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Acheteur production et hors-production: vers un même profil de compétences ?

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par Frédéric Faligot
BEM (Kedge) - Master en Management 2014
  

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Conclusion de la partie 2:

Il n'existe pas de définition universelle de la fonction achats. Cependant, les diverses définitions récentes qui lui ont été attribué l'ont amené à se séparer de la fonction approvisionnements en raison de l'évolution de l'environnement de l'entreprise, lui donnant ainsi un poids stratégique. La fonction achats suit un processus précis et son périmètre d'activités s'est élargi de la définition du besoin en interne à l'évaluation de la performance fournisseurs. L'acheteur n'intervient plus seulement sur l'acte d'achats mais aussi sur le travail en amont et en aval. Enfin, plusieurs classifications des achats sont possibles.

Après avoir étudié comment la fonction achats est passée d'une « sous-fonction » à une fonction administrative puis stratégique, ainsi que son positionnement dans l'organisation, il convient de voir comment le rôle de l'acheteur se matérialise aujourd'hui dans le processus organisationnel de l'entreprise, et les compétences qu'il doit détenir pour remplir ce nouveau rôle. Cependant, il est intéressant de se focaliser dans un premier temps sur les travaux réalisés concernant la notion de compétence et ses enjeux, afin de mieux comprendre en quoi et comment les rôles et profils de l'acheteur évoluent.

III- LA NOTION DE « COMPETENCE »

En une dizaine d'années, le concept de compétence s'est considérablement développé, notamment dans le domaine professionnel pour l'orientation et la gestion des ressources humaines, mais aussi en psychologie. Les ressources humaines s'appuient de plus en plus sur des outils tels que les bilans de compétence pour l'orientation de carrière des employés dans un environnement en perpétuelle évolution.

3.1 Définition de la compétence

La notion de compétence est complexe à définir. En effet, le terme ne peut se suffire à lui-même et il est nécessaire de prendre en compte les variables contextuelles et temporelles dans lequel il s'inscrit (Le Clainche, 2008). Il existe ainsi une multitude de définitions possibles. En 1974, Katz distingue trois types de compétences : les compétences conceptuelles, techniques et humaines. Il distingue ainsi trois composantes des compétences qui sont repris par la plupart des auteurs s'étant penchés sur le sujet depuis. Il s'agit du savoir, du savoir-faire

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et du savoir-être. En 1984, Montmollin rappelle que l'identification des salariés d'une entreprise se structure autour d'une profession. Il définit ainsi les compétences comme les connaissances, les savoir-faire, les types de raisonnements et les habilités mises en oeuvre pour réaliser une tâche spécifique. En 1995, Samurcay et Pastre définissent le sujet en fonction des situations de travail et distinguent les compétences finalisées (classes de tâches déterminées), les compétences opérationnelles (compétence pour une action donnée) et les compétences apprises (lors d'une formation ou d'une activité). En 1995, Le Bortef décrit la compétence comme « la mobilisation ou l'activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnés ». Il distingue ainsi six types de compétences : les savoirs théoriques (comprendre, interpréter), les savoir procéduraux (savoir comment procéder), les savoir-faire procéduraux (savoir procéder), expérientiels (savoir y faire), sociaux (savoir se comporter) et cognitifs (savoir raisonner, traiter l'information). Ainsi, selon Le Bortef, la compétence ne se réduit pas à un savoir et un savoir-faire mais elle doit s'appliquer dans un acte donné. En 1996, Tardif assimile la compétence à « un système de connaissances, déclaratives (le quoi) ainsi que conditionnelles (le quand et le pourquoi) et procédurales (le comment), organisées en schémas opératoires et qui permettent, à l'intérieur d'une famille de situations, non seulement l'identification de problèmes, mais également leur résolution par une action efficace. » Tardif prend alors une approche systémique du concept de compétence. Enfin Guillevic (1991) et Perrenoud (2001) mentionnent la notion de ressources pour décrire les compétences. Guillevic les définit comme « un ensemble de ressources disponibles pour faire face à une situation nouvelle dans le travail ». Les ressources permettent de s'adapter à un environnement donné. Perrenoud (2001) va plus loin en décrivant ces ressources comme des ressources cognitives telles que les savoirs, les capacités mais aussi d'autres ressources comme les valeurs, les normes, les attitudes, le rapport au savoir, à l'action, à l'autre et au pouvoir. Defélix (2003) reprend cette notion de ressources en définissant la compétence comme « une combinaison de ressources, dans une situation donnée, rendant capable de.. ». Les ressources sont ainsi diverses et variées et la compétence s'inscrit toujours dans un contexte, une situation. En 2002, Aubret amène la nécessité d'avoir un caractère pérenne dans la compétence en la définissant comme « une capacité répétée et reconnue ». Il s'agit ainsi de vouloir mesurer une performance.

Enfin, le concept de compétences basé sur le triptyque savoir, savoir-faire, savoir-être est un concept français qui s'oppose aux approches anglo-saxonne et germanique bien que des concordances puissent s'établir (Le Deist, 2009).

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Il existe ainsi une multitude de définitions concernant le terme de compétence. Cependant, les auteurs s'accordent à dire que la compétence est un ensemble de ressources que l'on peut regrouper en savoir, savoir-faire, savoir-être s'appliquant à un contexte, une situation donnée. Il y a l'approche savoirs, capacités, attitudes et l'approche respect d'une démarche ou d'un processus (Le Clainche, 2008).

3.2 Les compétences organisationnelles au service de la stratégie d'entreprise

En 1980, Porter décrit une vision stratégique de l'entreprise en la positionnant vis-à-vis de sa concurrence. Il élargit ce concept de concurrence en mettant en évidence cinq forces s'exerçant sur l'entreprise : le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits ou services de substitution, la menace d'entrants potentiels sur le marché et l'intensité de la rivalité entre les concurrents. En 1985, il apporte une vision plus interne de la stratégie de l'entreprise vis-à-vis de la concurrence en décrivant le concept de chaîne de valeur ajoutée, essentielle pour exister dans un environnement concurrentiel. Dans le même temps, de nombreux auteurs comme Wernefelt (1984) et Barney (1986) adoptent une approche différente de la stratégie d'entreprise, se basant sur ses ressources. Selon ces auteurs, le succès d'une entreprise ne dépend pas seulement de son positionnement vis-à-vis de la concurrence mais de la façon dont elle mobilise les ressources qu'elle a à disposition pour offrir le meilleur service au client (Durand, 2000). L'avantage concurrentiel est ainsi présenté comme la valorisation des ressources de l'entreprise. Cette approche évolue ensuite vers une approche théorique de connaissances puis une émergence de la notion de compétences qui regroupe ressources et connaissances étendues.

Amit et Schoemaker (1993) notent que les entreprises sont dotées d'un différentiel de ressources et d'actifs et que la distinction des capacités organisationnelles est créatrice d'avantage concurrentiel. Pour avoir cet avantage concurrentiel, la compétence doit remplir six conditions : avoir de la valeur, être rare, être inimitable, être durable, ne pas avoir de substitut et déboucher sur un résultat. La notion de compétence clé émerge de cette réflexion. Prahalad et Hamel (1990) affirment que les compétences clés d'une entreprise, qui lui donnent un avantage concurrentiel, sont les compétences intangibles. Celles-ci se définissent comme les compétences qui ne peuvent être imitées, reproduites par d'autres entreprises et qui sont ainsi un facteur de différenciation. Ces compétences clés se retrouvent à la fois dans les ressources et dans les processus mais également dans la culture de l'entreprise.

Ainsi, ces différents auteurs mettent en exergue la différenciation d'une entreprise par ses

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compétences clés qui lui donnent un avantage concurrentiel. Il s'agit d'une approche « bottom-up » qui consiste à partir des compétences pour définir la stratégie de l'entreprise (Le Boulaire et alii, 2008).

3.3 De l'approche « bottom-up » à l'approche « top-down »

La gestion des compétences et la stratégie d'entreprise sont interdépendantes. Comme décrit précédemment, la théorie des ressources autrement baptisée « Resourced Based View » indique que la stratégie d'entreprises découle des compétences présentes dans l'entreprise (approche « bottom-up ») et non pas du couple marché-produit. Il s'agit ainsi de développer une capacité d'adaptation aux évolutions à long terme. Cependant, ce processus peut être inversé. Dans ce cas, c'est la stratégie d'entreprise qui détermine les compétences exigées pour remplir les objectifs fixés : il s'agit de l'approche « top-down » (Le Boulaire et alii, 2008). Cette approche a des répercussions sur la gestion des ressources humaines puisque celle-ci est ainsi en support de la stratégie d'entreprise. Le but est ainsi de déterminer les compétences nécessaires au positionnement stratégique visé par l'entreprise.

3.4 De la compétence organisationnelle à la compétence individuelle

Sont mentionnés précédemment les liens existant entre compétence et stratégie. De nombreux auteurs ont mis en avant la nécessité de développer des compétences en interne, compétences clés amenant l'entreprise à avoir un avantage concurrentiel. En fait ces différents auteurs ont décrit la compétence générale d'une entreprise autrement dit sa compétence organisationnelle : elle se matérialise notamment par ses ressources qu'elles soient humaines, financières, techniques ainsi que ses processus.

Des chercheurs se sont penchés sur le concept de compétence collective à partir des années 1990 et les avis divergent. Il y a cependant des points communs entre les différentes recherches. Par exemple, ils s'accordent pour dire que les membres d'une équipe possèdent des connaissances et des référentiels opératoires communs à travers un langage opératoire et une vision commune (Michaux et alii, 2005). Ils sont également unanimes pour affirmer que la compétence collective n'est pas la somme des compétences individuelles.

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Hormis ce point commun, les visions du concept de compétence collective sont cependant diverses et variées. Wittorski (1994) et Amherht et alii, (2000) parlent d'une approche dynamique où les individus travaillent ensemble dans un but commun. Dubois et Retour (1999) parlent de pratiques similaires pour les employés ayant la même tâche et dont la coordination est rare et ponctuelle. Au delà de cet exemple, les avis des auteurs divergent sur le concept.

A partir des différents travaux réalisés, Krohmer (2003) propose une définition de la compétence collective : il s'agit d'un « ensemble de savoirs et savoir-faire d'un collectif de travail issu de l'interaction entre ses membres et mis en oeuvre pour faire face à une situation de travail ».

Il est cependant difficile d'établir un lien clair entre compétences individuelles, compétences collectives et compétences organisationnelles. Bien que Dejoux (2000) relève l'agrégation de compétences individuelles en compétences collectives puis organisationnelles, le passage de compétences individuelles en compétences collectives est davantage la conséquence d'une approche systémique qui repose sur la synergie de compétences individuelles.

3.5 Une approche systémique des niveaux de compétence

En 2009, Rouby et Thomas reprennent l'ensemble des écrits sur le sujet de compétence et résument les liens entre stratégie d'entreprise, compétences individuelles, collectives et stratégiques. Leur synthèse se matérialise par un schéma représentatif de la gestion stratégique des compétences (figure 8).

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Figure 8: Solution de Gestion Stratégique des Compétences (Rouby et Thomas, 2009)

Sont retrouvés sur ce schéma les trois niveaux de compétences : individuelles (C.I.), collectives, (C.C.) et stratégiques (C.S., autrement dites compétences organisationnelles ou encore compétences clés-.

On retrouve également l'approche « bottom-up » où la stratégie est déterminée en fonction des divers niveaux de compétences : Rouby et Thomas parlent alors de stratégie émergente. L'approche « top-down » où la stratégie détermine les compétences à acquérir est également matérialisée : les auteurs parlent alors de stratégie délibérée.

Rouby et Thomas amènent cependant une nouveauté en expliquant que le système suit un processus cyclique en six étapes, où la stratégie émergente s'inscrit dans le présent tandis que la stratégie délibérée est davantage orientée vers le futur. Le processus décrit est le suivant :

- Etape 1 : identification et valorisation des compétences collectives : les compétences collectives sont identifiées par les chefs d'équipe qui valorise les ressources, processus et actions menées dans une optique de redéploiement, de réorganisation

- Etape 2 : identification des compétences stratégiques : émergence par l'agrégation des compétences collectives, des compétences clés de l'entreprise

- Etape 3 : définition des compétences stratégiques clés futures : confrontation des compétences détenues avec l'évolution du marché afin d'en dégager les compétences clés à développer

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- Etape 4 : identification des compétences collectives : orientation des politiques de développement des équipes (management d'équipe)

- Etape 5 : Gestion Prévisionnelle des Compétences Individuelles : déclinaison des compétences collectives sur l'individu. Identification des formations à mener pour être en phase avec les compétences collectives nécessaires, recrutement de nouveaux collaborateurs selon les compétences collectives et stratégiques

- Etape 6 : Valorisation des compétences individuelles : exploitation des compétences individuelles au sein de processus collectifs créateurs de valeur, développement du parcours professionnel en fonction des évolutions stratégiques de l'entreprise

Cette approche systémique qui suit un processus en six étapes permet de dégager les liens existants entre stratégie d'entreprise et compétences nécessaires aux différents niveaux.

3.6 Le concept de « compétence » décliné aux achats

Les différents travaux d'études réalisés sur la notion de compétence ont principalement été effectués dans l'optique d'améliorer les processus de gestion des ressources humaines. Par cette approche théorique, le lien entre stratégie d'entreprise, compétences organisationnelles, collectives et individuelles est établi. L'objectif est ainsi de faire le lien entre cette approche théorique et son adaptation aux achats.

Dans la première partie, la naissance et l'évolution de la fonction achats a été abordée. L'évolution de l'environnement avec notamment le choc pétrolier de 1973 amène les entreprises à vouloir développer une nouvelle compétence stratégique pour rester concurrentiel sur son marché : savoir réduire ses coûts. C'est pourquoi, cette nouvelle compétence clé se décline en compétence collective avec une fonction achats prenant de l'importance dans l'entreprise et dans les compétences individuelles nécessaires : savoir négocier. Une génération de « cost-killer » apparaît ainsi. Puis les évolutions de l'environnement à partir des années 1990 ont pour conséquence un changement de stratégie des entreprises. Des nouvelles compétences collectives sont ainsi exigées en ce qui concerne la fonction achats. Le rôle de l'acheteur évolue pour s'adapter aux changements vécus par le monde de l'entreprise.

Les nouveaux rôles de la fonction achats nécessitent alors de nouvelles compétences au niveau individuel de la part de l'acheteur, afin de s'adapter aux décisions stratégiques de

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l'entreprise. Ces nouvelles compétences individuelles requises doivent ainsi être établies en fonction de l'orientation des politiques d'achat et dépendent aussi des processus et des objectifs fixés par la fonction.

C'est pourquoi, dans une quatrième partie, les nouveaux rôles de l'acheteur sont étudiés. Dans une cinquième partie, le focus est établi sur les nouvelles compétences que doit posséder l'acheteur (compétences individuelles) pour s'adapter à ces nouveaux rôles.

IV- L'ACHETEUR : UN ROLE TRANSVERSAL ET COLLABORATIF 4.1 L'acheteur : un « Business Partner » créateur de valeur

4.1.1 L'acheteur : Une légitimité à faire valoir en interne

Il existe de nombreux stéréotypes négatifs concernant le rôle de l'acheteur du point de vue des autres services de l'entreprise. Considéré comme « un fouineur » réprimandant le travail réalisé par ses collègues, l'acheteur a longtemps souffert d'un manque de reconnaissance en interne. Son rôle a été souvent limité à la négociation et à la gestion des approvisionnements, tâches considérées comme faciles par ses pairs et il est difficile de convaincre les autres fonctions de l'évolution de sa position. Son apport est ainsi dévalorisé, jugé marginal voir inutile, les interlocuteurs en interne « n'attendant rien de lui » (Sebti et alii, 2010). Si on en revient au processus achats, on remarque que l'image retenue de son champ d'intervention est sa mission initiale d'acte d'achats. Sa perception varie d'un service à un autre et il existe un décalage entre son rôle connu (rôle défini par l'acheteur) et son rôle admis (rôle attribué à l'acheteur par les autres fonctions de l'entreprise) (Association CESA Achats, 2004).

De plus, comme il a été décrit dans la première partie, la fonction achats a pris de l'importance à partir du moment où les entreprises ont donné de l'importance à la réduction des coûts à la suite du choc pétrolier de 1973. Le rôle unique des acheteurs était ainsi d'étirer les coûts vers le bas ce qui lui a valu l'image de « cost-killer » qui lui reste collée à la peau. Ensuite, lorsque le périmètre de la fonction achats s'est élargi au marketing achats et aux achats hors production, les clients internes ont interprété cela comme une perte de pouvoir car on leur a retiré une de leurs activités préférées : la gestion de la relation fournisseurs. La

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vexation s'accompagne d'un frein à l'acceptation des propositions des acheteurs qui ont la possibilité de remettre en question certaines relations historiques et amicales tissées autrefois par les clients internes avec leurs fournisseurs.

Ainsi, c'est à l'acheteur de savoir se vendre en interne, de communiquer et convaincre ses interlocuteurs de sa valeur ajoutée.

4.1.2 L'acheteur : un chef d'orchestre des processus internes

Bien que l'acheteur doive savoir se vendre pour affirmer sa légitimité dans certaines entreprises, l'augmentation de la pression concurrentielle de l'entreprise fait émerger de nouvelles attentes de la part de ses collaborateurs au niveau de la création de valeur (Ducasse et alii, 2002). En étant une fonction à part entière, elle libère les autres fonctions de certaines tâches dont elles n'ont pas la pleine maîtrise, leur permettant de se consacrer à leur coeur d'activité (Cracco et alii, 2011).

De plus, la nécessité pour l'entreprise de se positionner au niveau du marché, en vendant un produit ou service répondant aux besoins des consommateurs, incite chaque fonction de l'entreprise à se donner des objectifs de valeur ajoutée dans leur propre processus. C'est pourquoi, il est nécessaire pour les achats de bien comprendre les besoins, les contraintes et objectifs financiers de chaque fonction pour acheter de façon pertinente. Il doit ainsi connaître les opportunités et contraintes logistiques, juridiques, financières, de production etc. ce qui lui donne un rôle transversal au sein de l'entreprise.

Mais au delà de la transversalité, l'acheteur a un véritable rôle de « Business Partner ». Il doit identifier les besoins et traduire les attentes de ses collaborateurs en les rendant lisibles et compréhensibles pour le fournisseur (Sebti et alii, 2010). Il les assiste ainsi dans la définition de leurs besoins, en travaillant communément dans l'instauration d'une relation de service (Calais, 2009). Cette collaboration nécessite que l'acheteur soit intégré en amont dès la définition du besoin (Ducasse et Hogne, 2002).

Cependant, la véritable valeur ajoutée de l'acheteur est son rôle d'expert. En effet, c'est par sa connaissance du marché, sa maîtrise de la relation fournisseur, son expertise technique qu'il peut proposer des solutions innovantes pour réduire les coûts et être initiateur dans la démarche d'achat. Il devient ainsi un leader de la relation interne, un véritable chef d'orchestre qui coordonne les activités et anime les débats. C'est pourquoi le métier

d'acheteur projet tend à se substituer à l'acheteur produit s'accompagnant de « la mise en commun des ressources, risques et profits » (Allal-Cherif et alii, 2010). En 2002, Martin confirme cette tendance en déclarant : « nous passons d'une approche en termes de minimisation des coûts et de normalisation des informations échangées à une logique très proche du pilotage projet ». Afin d'être force de proposition, c'est à l'acheteur de s'aligner sur la stratégie business des autres fonctions pour proposer des innovations en cohérence avec les objectifs de chaque service. (Cracco et alii, 2011).

Ainsi, le rôle de l'acheteur ne se cantonne plus au simple acte des achats. Il pilote les relations en interne et doit comprendre la stratégie de l'entreprise afin d'adopter une stratégie fournisseurs. Sa charge de travail opérationnelle a donc considérablement diminué au profit du travail stratégique comme le matérialise Ducasse et Hogne (figure 9).

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Figure 9: Charge de travail des acheteurs (Ducasse et Hogne, 2002)

L'optimisation de sa relation avec les fournisseurs, à l'aide notamment des nouvelles technologies de l'information, lui permet aussi de se consacrer davantage à des tâches stratégiques.

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4.2 L'acheteur : un manager de la collaboration fournisseur

Le sourcing, l'évaluation des performances, la négociation, la contractualisation et l'audit sont les activités de l'acheteur qui caractérisent la relation de l'acheteur avec ses fournisseurs dans le processus achats (Calais, 2009).

« Exiger, surveiller, punir », c'est le rôle que l'on a longtemps attribué à l'acheteur vis-à-vis de la relation avec ses fournisseurs. En effet l'acheteur « cost-killer » avait pour seul objectif d'acheter à bas coût. Cela se traduisait ainsi par une pression permanente infligée au fournisseur. Cette vision de relation à court terme tend à disparaître aujourd'hui (Cracco et alii, 2012).

L'internationalisation et l'externalisation des activités de l'entreprise ont des répercussions sur les relations acheteur-fournisseur en créant de nouvelles opportunités, de nouveaux risques. Cela complexifie le rôle de l'acheteur rendant cette relation plus stratégique et nécessitant plus de temps (Ducasse et Hogne, 2002). Lorsque les entreprises décident d'acheter plutôt que de faire (« make or buy »), elles déportent la création de valeur de l'interne vers l'externe (Cracco et alii, 2012). Cela n'est pas sans risque puisque l'entreprise est amenée à confier une partie de son savoir-faire et devient davantage transparente vis-à-vis de ses enjeux stratégiques. Ces variables amènent les achats à privilégier des relations de partenariat durable avec les fournisseurs, au détriment de relations à court terme.

Dès 1988, Johnson et Lawrence déclaraient que les relations avec les fournisseurs devenaient « plus proches et meilleures ». La volonté d'entretenir des partenariats stratégiques a pour conséquence la rationalisation du portefeuille fournisseurs en éliminant les fournisseurs peu créateurs de valeur pour l'entreprise. Dans une enquête récente réalisée par « the Institute of Supply Management » où plus de deux mille acheteurs ont été interrogés, 82% d'entre eux déclarent avoir une meilleure relation avec leurs fournisseurs et 70% des acheteurs affirment avoir réduit le nombre de fournisseurs dans leur base de données, ce qui confirme cette tendance.

La relation se base dans un premier temps sur l'innovation et le développement de solutions adaptées aux besoins actuels et futurs des clients finaux dans un climat de confiance. Il s'agit ainsi de collaborer afin d'établir une synergie entre les acteurs. Le concept d' « entreprise étendue » est né de ces partenariats stratégiques et processus d'externalisation. Cette notion assimile l'ensemble des parties prenantes en une seule entité dont le but est la réalisation de projets communs. Les fournisseurs sont ainsi amenés à intégrer la Supply Chain de

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l'entreprise (Calais, 2009). Les acheteurs sont ainsi prêts à soutenir les fournisseurs de rang 2,3 ou 4 notamment en termes logistiques ou en management de risque. Dans le sens opposé, il n'est pas rare de voir un acheteur ayant un bureau à sa disposition chez le fournisseur. La collaboration entre l'acheteur et ses fournisseurs prend également tout son sens avec l'émergence de la notion de « développement durable » amenant l'acheteur à être créateur de valeur durable (Allal-Chérif et alii, 2010).

Ensuite, les nouvelles technologies de l'information et le développement des systèmes d'information sont un support stratégique utile au management des ressources externes. Bien qu'ils permettent, dans un premier temps, à l'acheteur de passer moins de temps sur les achats simples grâce à l'automatisation des tâches rébarbatives, les nouveaux outils permettent de partager des informations avec les fournisseurs (informations logistiques, appels d'offres, roadmaps etc.). Ils favorisent aussi la recherche de nouveaux partenaires sur les places de marché dans le cadre du sourcing.

Enfin, l'internationalisation et la croissance du nombre de fusions-acquisitions amènent l'acheteur à se retrouver en face de fournisseurs puissants. Il est ainsi important pour l'acheteur de savoir se vendre auprès du fournisseur, de réaliser du lobbying afin de donner envie au fournisseur de mener des projets de co-développement et de réaliser des investissements importants pour mener à bien ces projets (Cracco et alii, 2012).

En tant qu'interface entre l'entreprise et ses fournisseurs, l'acheteur est un collaborateur à la fois sur le plan interne et externe. Pour résumer « l'acheteur doit simultanément développer le dialogue avec les autres membres de son entreprise en pratiquant un marketing interne, et mener des actions auprès des fournisseurs en développant un marketing externe » (Fenneteau, 1992)

4.3 L'externalisation des achats

Comme décrit précédemment, les entreprises se recentrant sur leur coeur de métier externalisent un bon nombre d'activités. De plus, l'acheteur est devenu un acteur stratégique dans sa collaboration à la fois en interne et externe. Il convient donc de gagner du temps sur les achats non complexes. Au delà du gain de temps procuré par les technologies de l'information, certaines entreprises vont plus loin en externalisant elle-même la fonction

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achats. En 2000, l'externalisation de la compétence achats restait néanmoins marginale, ne représentant que 4% du montant des achats (Andersen, 2002).

La théorie des coûts de transaction (Williamson, 1985) indique qu'une entreprise est amenée à externaliser lorsque le différentiel coût de production interne et prix d'achat du marché, additionné au différentiel coût de coordination interne et coût de transaction, est positif. Les coûts de transaction sont les coûts induits par l'externalisation c'est-à-dire coûts de fonctionnement et d'organisation (ex post) et le coût en aval de l'activité externalisée (ex ante).

En 1999, Calvi reprend la théorie de Williamson en l'adaptant à l'activité achats. Il met en évidence le fait que lorsque l'externalisation s'applique, elle concerne essentiellement les achats non stratégiques c'est-à-dire des produits ayant peu de complexité technologique et dont l'environnement fournisseur est très concurrentiel (Calvi, 1999).

De plus, si on se réfère à la classification ABC et au principe de Pareto selon lequel 20% du volume d'achats représente 80% du montant dépensé, on peut dire que l'externalisation concerne la classe C, c'est-à-dire les achats représentant un grand nombre de produits ou de services dans l'entreprise, mais dont la valeur est faible. Ainsi, ils représentent un coût administratif lourd en raison de la dispersion des commandes sur un grand nombre de fournisseurs. Ces achats de classe C sont souvent assimilés aux achats hors production, car le montant de ces achats est faible comparé aux achats de production mais le nombre de fournisseurs est important, en raison de la diversité des produits et services. Il convient cependant d'être vigilant, de nombreux auteurs limitant la définition des achats hors production aux achats de frais généraux.

L'externalisation des achats non stratégiques se développe notamment grâce à l'évolution des nouvelles technologies d'information et de communication, dont la création de places de marché dédiées. Les achats externalisés bénéficient également de la création de centrales d'achats qui jouent sur l'effet volume pour obtenir des prix attractifs (DESMA, recherche collective, 2002). Cependant, l'évolution de l'offre et l'émergence de compétences spécifiques d'expertise sur certains domaines en externe, peuvent amener les entreprises à externaliser une portion de leurs achats stratégiques (DESMA, recherche collective, 2002).

Pour conclure, l'externalisation des achats renforce le caractère stratégique de l'acheteur en lui dégageant du temps pour se consacrer aux achats à plus forte valeur ajoutée. Elle accentue également son rôle de collaborateur avec le fournisseur en se penchant sur la définition des besoins, sur la recherche d'innovation, au détriment de la négociation et de l'aspect administratif (Usine Nouvelle, 2004).

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4.4 Un rôle stratégique encore immature

Le rôle stratégique de l'acheteur reste néanmoins encore à faire valoir au sein des entreprises. Il existe des disparités de maturité du service achats en fonction des entreprises et des secteurs d'activité, mais la majorité des structures n'a pas encore atteint un niveau optimal.

En effet, les acheteurs ont encore peu de pouvoir décisionnaire concernant la stratégie de l'entreprise. En effet, d'après une étude du cabinet CGI Business Consulting réalisée en 2013 auprès d'acheteurs, « seulement 20 % des répondants déclarent contribuer réellement à la définition de la stratégie de leur entreprise ». Une enquête du cabinet de conseil Demos en 2008 montre que 44% des acheteurs considèrent leur service comme une fonction support classique. Ensuite, les auteurs de l'étude du cabinet CGI Business Consulting déclarent que « Près de 80% de la fonction Achats est encore objectivée sur des problématiques de Qualité-Coûts-Délais ». Un des facteurs clés montrant les limites de la fonction achats dans le pouvoir décisionnaire, est que bien que « dans le monde, 53 % des directeurs achats appartiennent au codir, 70 % des acheteurs ne sont pas cités dans la stratégie de leur entreprise en France » (Fenoll, 2013)

Ensuite, sur le plan interne, les nouveaux rôles de l'acheteur demeurent difficiles à mettre en avant. Il y a notamment une limite culturelle, l'acheteur étant toujours considéré comme un bon négociateur (Cracco, 2013). Il doit ainsi toujours lutter en interne pour faire valoriser sa profession.

Enfin, la crise économique a fait resurgir l'obsession de réduction de coûts. Ainsi, 54% des acheteurs déclarent qu'il s'agit de leur priorité alors que seulement 18% répondent que la priorité est la définition des besoins en amont (enquête CGI Business Consulting, 2013). Les initiatives ou projets trop coûteux sont directement mis à l'écart. De plus, le danger est de retrouver le profil du « cost-killer » mettant pression sur ses fournisseurs au risque de les voir disparaître. Cependant, au lieu de faire un retour en arrière, cette crise est au final une opportunité pour réaliser un bond en avant et mettre la fonction achats en lumière. Il s'agit d'une opportunité pour revoir les bonnes pratiques, valoriser la fonction et se frayer un chemin pour reconnaître le statut de l'acheteur, en jouant un rôle dans la stratégie des entreprises.

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