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L'art du jeu vidéo

( Télécharger le fichier original )
par William Vasseur
Université Rennes 2 Haute Bretagne - Master 2 Aires Anglophones 2013
  

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A. Une industrie à deux vitesses

Les joueurs ne sont pas tous des adolescents. La moyenne d'âge d'un joueur est d'environ 35 ans. 11 D'où un certain décalage entre le média et ses consommateurs qui semblent évoluer plus vite que lui. Le fait est que l'industrie du jeu vidéo vend énormément dits « à la Mario » (entendez par-là des jeux qui sont basés sur les mêmes principes qu'il y a quinze ou vingt ans). Mais puisque cela se vend, pourquoi prendre le risque de changer ? Comme l'écrivait très justement Daniel Ichbiah en 2004, il semblerait que le temps soit « davantage aux recettes établies ».12 En ce début 2013, la situation semble inchangée. L'industrie du jeu vidéo a naturellement comme objectif principal la croissance de son volume de vente et l'augmentation de son chiffre d'affaires. Le mercantilisme des éditeurs (tels qu'Activision, Electronic Arts, Ubisoft, etc.) n'est plus à démontrer. Activision est particulièrement critiqué pour fermer de nombreux studios tout en faisant d'énormes profits. Un trait que l'éditeur partage avec de nombreuses grandes entreprises. Activision est aussi l'éditeur de la licence à succès Call of Duty qui a battu tous les records de ventes sur plusieurs années consécutives.13 L'industrie du jeu vidéo devrait générer 60 milliards d'euros en 2013 et 79 milliards en 2016.14

De manière globale, il semble bien que l'industrie ait de beaux jours devant elle. Mais à l'échelle d'un éditeur ou d'un studio, la production de jeux vidéo n'est pas sans risque, et la concurrence est rude. À titre d'exemple, THQ, pourtant éditeur de licences à succès telles que Warhammer 40.000 et Company of Heroes, a fermé ses portes en décembre 2012. Bien qu'il affichait un chiffre d'affaires de 899,10 millions de dollars en 2010, THQ était déficitaire.15 Les éditeurs gèrent des millions de dollars, et l'avenir de l'entreprise toute entière peut se jouer sur le financement d'un seul jeu. Ce fut le cas de Sega qui a édité Shenmue, un jeu révolutionnaire pour son époque et très apprécié de la critique, mais qui s'est avéré être un gouffre financier qui joua un rôle non-négligeable dans la chute de l'ancien constructeur japonais. Electronic Arts a aussi pris un risque avec Mirrorøs Edge, un jeu mélangeant action

11 www.afjv.com. Le jeu vidéo en Fance en 2011 : élément clés. Édition du 19/10/11.

12 Daniel ICHBIAH. La saga des jeux vidéo: de Pong à Lara Croft. Vuibert, Paris, 2004, p XX.

13 Call of Duty Modern Warfare 3 a atteint le milliard de dollars de recette en seize jours, soit une journée de moins que le film Avatar de James Cameron. www.jeuxvideo.com. Un milliard de recettes pour COD : Modern Warfare 3. 12/12/2011.

14 www.afjv.com. Le marché mondial des jeux vidéo. Édition du 19/02/2013.

15 www.gamescharts.fr. Année fiscale 2010-2011 : THQ. Oscar LEMAIRE. 07/05/2011.

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et plateforme à la première personne (ce genre de jeu se jouant habituellement à la troisième personne).16 Malgré une critique très positive, le titre ne rencontra pas le succès commercial escompté. Comme le dit Tom Chatfield, faire un hit est un art, pas une science.17 Même si un jeu reprend les mécaniques d'une licence à succès, rien ne garantit que lui aussi rencontre le même succès. Le journaliste Bertrand Amar explique « qu'il n'y a plus de place dans ce marché pour les jeux moyens, déjà un jeu tout simplement bon n'a aucune chance d'être rentable ».18

Les jeux dits « triple-A » (AAA) sont des produits très complexes et très onéreux à produire (de l'ordre de dizaines de millions de dollars). On comprend mieux la réticence des éditeurs à s'impliquer dans des projets trop ambitieux ou novateurs. Ceci explique pourquoi ils sont si enclins à exploiter au maximum des licences déjà établies,19 et pourquoi des licences comme Call of Duty comportent plus d'une dizaine de titres. D'où un sentiment d'éternel recommencement pour certains consommateurs. Beaucoup de titres se ressemblent, dans le fond comme dans la forme : jeux de voitures, jeux de guerres, jeux de sports, etc. Pour le game designer David Cage, « les suites tuent la créativité et l'innovation ».20

Lorsque les éditeurs financent les studios de développement, il semble naturel qu'ils aient leur mot à dire sur la direction que prend le jeu. Jesse Schell explique que faire de bons jeux est difficile,21 et les contraintes sont nombreuses, surtout sous contrat avec un éditeur. Les développeurs ont souvent du mal à garder un esprit ouvert et n'ont pas le temps de rechercher de nouvelles techniques. « Ils restent concentrés et font le boulot » sans essayer d'innover, la tâche étant déjà suffisamment ardue.22 Le documentaire Indie Game: the Movie montre bien à quel point les développeurs peuvent être stressés et éprouvés par leur travail. Et même s'il s'avère que ces derniers veulent parfois essayer quelque chose d'innovant, rien ne garantit qu'ils le puissent. Aleski Briclot, directeur artistique chez Dontnod Entertainment (Remember Me), parle de « bataille à monnaie » avec l'éditeur.23 Plus il y a d'enjeux et plus

16 La vue à la première personne met la caméra au niveau des yeux de l'avatar, le joueur ne voit souvent que ses mains tenants une arme. La vue à la troisième personne place généralement la caméra derrière l'avatar, le joueur voit son avatar en entier.

17 Tom CHATFIELD. Why games are the 21st Century's Most Serious Business. London, Virgin Books, p. 214.

18 Le Débat de Game One du 21/03/2012

19 T. CHATFIELD, op. cit., p. 214.

20 www.jeuxvideo.com. David Cage : "Les suites tuent la créativité". 11/01/2013.

21 Jesse SCHELL. The Art of Game Design: A book of lenses. CRC Press, p. Xxii.

22 Ibid., p. XXVII.

23 Aleski BRICLOT. Le débat de Game One spécial Paris Games Week. 18min.

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l'éditeur essaye de limiter les risques. Souvent les développeurs doivent se battre pour des idées originales. Dans son livre LøArt du game design, Jesse Schell consacre trois chapitres entiers à la gestion de la relation entre le game designer et le client (éditeur ou autre).

Depuis quelques années, on voit apparaître une autre scène du jeu vidéo : celle des studios dits « indépendants » et des jeux d'auteurs. Lorsque Gabe Newell, PDG du studio Valve24, a créé son service Steam (une plateforme de vente jeux vidéo et de logiciels en ligne) sur ordinateur en 2002, il offrit pour la première fois une voie de distribution dite « dématérialisée », qui pouvait se substituer à celle des éditeurs. En effet, les petits développeurs pouvaient distribuer leurs jeux directement sur la plateforme de Newell sans avoir recours au réseau de vente des éditeurs. Avec Steam, les petites équipes de développeurs n'avaient plus à s'embarrasser des objectifs mercantiles des éditeurs, et pouvaient prendre plus de risques et proposer des choses plus originales et/ou personnelles. Il n'aura pas fallu longtemps pour que d'autres plateformes similaires voient le jour, comme le Xbox Live de Microsoft (2002), ou le PlayStation Network (PSN) de Sony (2006).

Si les studios gagnent en indépendance en se passant d'éditeurs, ils perdent en financement. L'éditeur est au jeu vidéo ce que le producteur est au cinéma. Si Internet permet de se passer de son réseau de distribution, le développement d'un jeu a toujours un coût. Il semble peu probable qu'un studio de développement seul puisse trouver les ressources suffisantes pour faire un jeu dit triple-A, ces blockbusters qui coûtent plusieurs millions de dollars et qui nécessitent des dizaines, voire des centaines, de personnes sur plusieurs années de développement. Les studios indépendants sont souvent de petites équipes, allant d'une seule à cinq personnes en moyenne, et qui s'autofinancent.25 Évidemment, il y a peu de chance qu'une banque prête 120 millions de dollars (le coût de production de Grand Theft Auto IV) à un petit studio. Ils doivent souvent se cantonner à de plus humbles ambitions ne coûtant que 50 ou 100 mille dollars en développement.26

Cela étant, un autre mode de financement a émergé ces dernières années : le financement participatif. Le plus connu est le site Kickstarter qui permet à n'importe qui d'y présenter un projet (jeu vidéo ou autre) que les gens peuvent choisir de soutenir

24 Valve Corporation est à la base un studio de développement dont Gabe Newell est le co-fondateur et le directeur.

25 Emmanuel FORSANS (AFJV) Le débat de Game One spécial Paris Games Week

26 Certains jeux indépendants ont tout de même coûté plus d'un millions de dollars en développement.

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financièrement. Un joueur peut, par exemple, financer un jeu à hauteur de 15 euros et recevoir sa copie du jeu lorsqu'il sera terminé, huit mois plus tard. Tim Schafer, célèbre game designer connu pour son humour décapant, a proposé sur Kickstarter un projet de jeu d'aventure (un genre qui a connu son âge d'or dans les années 90). L'objectif était de solliciter 400 000 dollars en un mois pour financer son projet. Il récolta 1.3 million de dollars en moins de vingt-quatre heures.27 Bien que l'on soit encore loin du prix d'un Grand Theft Auto IV, cela a permis à Tim Schafer de faire son jeu comme bon le lui semblait, et même plus que ce qui était initialement prévu. Via Kickstarter, ce sont des millions de dollars investis dans la production de jeu vidéo, et ce sans intermédiaire entre le consommateur et le producteur. Mais Tim Schafer avait une arme que peu de studios ont : sa célébrité. Il est une véritable personnalité dans le monde du jeu vidéo, ce qui aide considérablement à faire parler de ses productions. Les petits studios indépendants rencontrent plus de difficultés à faire connaître leur travail, notamment parce qu'ils n'ont pas accès à la force marketing des grands éditeurs. Selon certains analystes, Bioshock Infinite aurait coûté environ 100 millions de dollars de développement, et autant en marketing.28

L'année 2013 devrait marquer l'Histoire avec l'apparition de deux nouvelles consoles de salon : la « Ouya » et la « Steam box ». La première est née d'un projet Kickstarter. Elle a la particularité de fonctionner sous le système d'exploitation Android (très utilisé en téléphonie mobile). La seconde serait en fait « un label accordé par Valve pour les constructeurs le désirant, »29 si la console respecte certains critères. Le principal de ces critères étant que « les Steam box devront être équipées de Linux. » En attendant la version de Valve, une première Steam box, la « Piston » est annoncée pour l'été 2013 par le constructeur Xi3.30 Ces deux consoles ont pour particularité d'être basées sur des systèmes d'exploitation open source,31 et ne nécessitent donc pas de kits de développement. Pour les autres consoles en effet, les développeurs sont obligés d'acheter ces kits aux constructeurs (Nintendo, Sony, et Microsoft). Cela représente à la fois un coût (ces kits peuvent coûter plusieurs milliers de

27 venturebeat.com. Double Fine's Tim Schafer on Kickstarter success: It can happen again (interview). Stefanie FOGEL, 21/02/2012.

28 www.jeuxvideo.fr. Un budget d'environ 200 millions de dollars pour Bioshock Infinite ?. Nerces, 22/03/2013.

29 www.tomsguide.fr. Dossier Console, 10 consoles de jeux vidéo qui vont déchainer les passions. Geoffroy HUSSON, 14/02/2013.

30 www.tomsguide.fr. Steambox: le premier modèle en précommande à 900 dollars. Geoffroy HUSSON, 11/03/2013.

31 Les logiciels open source sont libres de droit d'auteur ou de copyrights, n'importe qui peut les utiliser gratuitement et même les modifier à volonté.

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dollars), mais aussi une contrainte technique : les développeurs doivent apprendre à travailler avec. Pour un jeu multiplateforme, cela implique un kit par plateforme, des compétences spécifiques pour chacun d'eux, et plus de temps pour adapter le jeu sur chaque plateforme. C'est l'une des raisons pour lesquelles les jeux sortant en fin de vie d'une console sont de meilleure qualité que ceux sortant à ses débuts : les développeurs se sont habitués à travailler avec ces kits. Pour faciliter le développement sur sa prochaine machine, Sony a décidé que le hardware (les composants) de la PlayStation 4 serait proche de celui des ordinateurs. Comme le souligne David Cage, cela permettra de « perdre moins de temps à essayer de faire marcher les choses et plus à en créer ».32 La remarque serait, a priori, aussi valide pour la Ouya ou la Steam box. Pour Edmund McMillen et Tommy Refenes (Super Meat Boy) l'accessibilité des plateformes est importante pour les développeurs:

Les frais globaux pour développer juste sur consoles sont fous ! Ça ne coûte rien de développer pour Steam si vous possédez déjà un ordinateur. Quand vous regardez la PlayStation, la Xbox ou Nintendo vous devez acheter à des centaines de dollars des dev kits et payer pour la certification et payer pour les tests et payer pour la localisation.

Vous devez faire ce genre de choses et à la fin vous vous dites : J'aurais pu développer sur d'autres plateformes, cela aurait été plus facile.33

Pour Nicholas Lovell, un analyste de l'industrie, les consoles dites « propriétaires » (comprendre par cette dénomination, les consoles de grands constructeurs) vivent leurs dernières années. Selon lui, il serait inévitable que le monde ouvert (l'open-source) prenne le dessus sur le monde fermé.34 Les grands constructeurs que sont Sony, Nintendo et Microsoft sont aussi de grands éditeurs ayant le contrôle d'importantes licences. Mais pourront-ils empêcher les autres éditeurs (tels que Ubisoft, Activision, Electronic Arts) de sortir des jeux sur ces nouvelles plateformes open-source ? Il est peu probable que ces éditeurs se privent d'une part de marché en ne développant pas pour ces plateformes, surtout si cela n'implique pas d'investissements supplémentaires. Le dilemme pour les constructeurs est le suivant : garder les licences exclusives afin de promouvoir la vente de leurs consoles s'exposant ainsi au danger de ne pas vendre assez de ces jeux exclusifs ; ou développer ces jeux sur plusieurs consoles afin de rentabiliser le coût de développement, au risque de vendre moins de consoles. Il semblerait que certaines licences, comme les franchises Mario et Pokémon, ne soient pas près de voir le jour sur d'autres consoles que celles de Nintendo. Sans oublier que seuls les

32 www.gameblog.fr. PS4 : notre interview vidéo de David Cage (Heavy Rain, Beyond). 21/12/2013.

33 www.gameblog.fr. La Team Meast se fiche de la Next-Gen. AntoineV_007, 13/03/2013.

34 T. CHATFIELD, op. cit., p. 215-216.

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grands éditeurs (dont font partie les constructeurs) peuvent s'offrir des jeux triple-A. Pour reprendre l'exemple de Grand Theft Auto IV, non seulement il aura fallu investir 120 millions de dollars, mais ce jeu aura nécessité une équipe de 550 personnes sur trois ans et demi de développement (et presque 1000 personnes en comptant les acteurs et autres professionnels pour les voix et la motion capture).35

Les studios ne sont pas tous obligés de choisir entre les sentiers bétonnés des blockbusters, financés à coups de millions de dollars par un éditeur, et le chemin de l'indépendance, où la créativité n'est bridée que par les limites budgétaires. Certains éditeurs financent des studios sans influencer la direction que prend le jeu. C'était le cas de Sony avec thatgamecompany. Ce studio est à l'origine de titres parmi les plus novateurs des dix dernières années (Flower, Journey) qui ont révélé au public une facette méconnue du média. D'autres licences comme Tomb Raider, The Sims, et Pokémon ont rencontré un franc succès. Pourtant, ils déplaisaient à certains « spécialistes » envoyés par les éditeurs, car ils trouvaient ces jeux trop novateurs et donc trop risqués.36

Au final, les « jeux indépendants » se réfèrent aussi bien aux productions de studios financièrement indépendants, qu'aux productions de studios tels que thatgamecompany, qui sont certes financés par un éditeur mais gardent leur liberté et indépendance créatrice. Pour Markus « Notch » Personn (créateur de Minecraft) les studios indépendants sont composés de gens qui font des jeux pour le plaisir de les faire (l'objectif principal n'étant pas forcément la vente) ou afin d'exploiter le potentiel artistique du média. Il déplore que « beaucoup de gros studios fassent des jeux pour faire de l'argent ».37

Éric Viennot, auteur et Directeur de Création chez Lexis Numérique, pense que l'un des problèmes de l'industrie est qu'il n'y a pas d'intermédiaire entre les jeux triple-A et les petits jeux indépendants.38 Selon Émmanuel Forsans il y aurait un mode de financement à trouver, autre que celui des éditeurs, pour permettre la conception de jeux indépendants plus ambitieux, à l'image du financement du cinéma en France.39 Hideo Kojima (créateur de la série Metal Gear Solid) envisagerait le modèle du « jeu épisodique » « afin d'alléger les coûts

35 T. CHATFIELD, op. cit., p. 29.

36 D. ICHBIAH, op. cit., p. XXI. Cela représente entre cent et cinq cents fois l'effectif d'un petit studio indépendant !

37 Markus PERSONN. Minecraft : The Story of Mojang 2 Player Production, à 28:30min.

38 Le débat de Game one spécial Paris Games Week

39 Idem.

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de développements des jeux triple-A sur console next-gen ».40 L'idée consiste à diviser le jeu en chapitres. La recette des ventes du premier chapitre servirait à financer le développement des chapitres suivants, cela donnerait plus de flexibilité aux développeurs. En cas d'échec commercial, cela permettrait de limiter les pertes. En cas de succès, cela pourrait mener à faire plus de chapitres que ce qui était initialement prévu.

Un autre mode de financement que l'on rencontre de plus en plus est celui du modèle économique dit « free to play ».41 Pour le studio (ou l'éditeur), cela consiste à proposer son jeu gratuitement. Le jeu est financé par la publicité (comme certain jeux sur Facebook ou sur navigateur Internet) ; ou bien en proposant des améliorations payantes. Cela peut aller de l'achat d'une meilleure arme, en passant par l'acquisition d'un skin (l'apparence de votre avatar42), jusqu'à un meilleur tracteur pour votre ferme virtuelle ! Ce modèle économique a permis à certains jeux de rencontrer un large public. C'est le cas de League of Legends devenu un pilier du sport électronique, avec plus de 32 millions de joueurs à travers le monde.43 L'ensemble de ce jeu est gratuit, mais il requiert un long temps de jeu afin de gagner des points pour débloquer certains éléments, comme de personnages (héros). Pour gagner du temps, il est possible d'acheter des points.

Le free to play est aussi un excellent moyen pour un jeu en « fin de vie » de retrouver un second souffle (comme un MMORPG 44 normalement basé sur un système d'abonnement), ou simplement une roue de secours pour un jeu qui ne rencontre pas un succès suffisant avec le modèle économique classique.

On voit que l'industrie est en mutation constante et que sa situation est aujourd'hui très différente de celle d'il y a dix, vingt ou trente ans. Tom Bissell relate sa rencontre avec un développeur indépendant qui allait bientôt distribuer son jeu sur le Xbox Live. D'après cette personne, la meilleure voie économique pour l'industrie est bien celle de petites équipes de développement qui sortent de petits jeux fun. Le coût excessif des jeux triple-A serait la raison

40 www.jeuxvideo.fr. Kojima envisage le modèle du "jeu épisodique" pour les consoles next-gen. Benoit, 12/03/2013. À noter que certains studios comme Telltale utilisent déjà ce système.

41 Aussi appelé F2P ou « freemium ».

42 Le personnage que vous dirigez dans un jeu.

43 www.polygon.com. League of Legends boasts impressive stats: more than 70 million registered, 32 million active players. Tracey LIEN, 09/12/2012.

44 MMORPG: en anglais Massively multiplayer online role-playing game soit jeu de rôle en ligne massivement multijoueurs.

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pour laquelle de nombreux éditeurs n'arrivent plus à faire de profits. « La focalisation sur des titres si exorbitants est, selon lui, mauvaise pour l'industrie ».45 Pour David Cage :

La réponse aux problèmes de l'industrie pourrait venir des jeux indépendants. Je le sais. Le développement des jeux indépendants est passionnant, intéressant et risqué. Les

développeurs de jeux indépendants sont des pionniers, et nous avons besoin désespérément de pionniers.46

Il est vrai que la production de jeux triple-A peut être risquée. Mais beaucoup des meilleures expériences vidéo-ludiques proviennent de jeux triple-A. Mais un jeu AAA, même s'il aura coûté des millions de dollars, ne sera pas nécessairement bon.

Grâce à l'émergence des studios indépendants, c'est toute une nouvelle facette de l'industrie qui s'éveille. Ces développeurs doivent redoubler de créativité pour pallier le fait qu'ils n'ont pas les moyens des plus grosses productions.

Qui pourrait prédire à quoi ressemblera l'industrie dans cinq ou dix ans ? Les éditeurs sont souvent frileux lorsqu'il s'agit d'innover. Mais le succès rencontré par certains jeux précurseurs pourrait pousser les éditeurs à donner plus de liberté aux studios. Quant à notre façon de consommer les jeux, elle est en pleine mutation. Le support physique (le disque) est de moins en moins nécessaire et les voies de distributions passent de plus en plus par Internet. L'éditeur n'a plus un rôle aussi important qu'avant. Selon Cliff Bleszinski,47 l'industrie du jeu vidéo est dans « une période charnière ». Tout semble aller très vite, « entre les smartphones, les tablettes, la scène indépendante et le cloud gaming, les éditeurs ne savent À visiblement À plus où donner de la tête ».48 Les consoles semblent perdre du terrain faces aux nouvelles plateformes. Selon une étude de la Game Developers Conference, 58% des développeurs prévoient leurs prochains jeux sur smartphones ou tablettes.49 Cela signifie-t-il que le marché risque d'être orienté vers les jeux casual à l'avenir ? Les jeux sur smartphones et tablettes sont souvent de « petits jeux ». Pour le producteur de Battlefield Ben Cousins, « c'est l'anarchie là-bas, et ces grandes entreprises ont du mal à orienter leur navire de guerre ».50 Pour le meilleur ou pour le pire, l'industrie est en pleine évolution. Le jeu vidéo n'a pas

45 Tom BISSELL. Extra lives: why video games matter. Vintage Books, New York, 2011, p. 74. Citant ce mystérieux développeur: The concentration on hideously expensive titles, he said, was Øwrong for the industry'.

46 www.gameblog.fr. David Cage: "Les développeurs de jeux indépendants sont des pionniers." AntoineV_007, 08/03/2013.

47 Game-designer étant à l'origine des Gears of War et de certains jeux de la franchise Unreal.

48 www.jeuxvideo.fr. EA : "C'est l'anarchie° dans l'industrie. Kevin, 27/03/2013.

49 www.gdconf.com. GDC State of Industry research exposes major trends ahead of March show. 28/02/2013.

50 www.bloomber.com. Anarchy Roils Games Market as Talent Migrates to Mobile. Cliff EDWARDS, 05/03/2013.

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encore dévoilé tout son potentiel, mais si la façon de produire se « casualise », cela risque d'avoir un impact négatif sur les jeux eux-mêmes.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire