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Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales: facteurs explicatifs, modes opératoires et impact sur les artistes-musiciens à  Yaoundé

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par Joel Christian NKENG à NKENG
Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Sociologie 2010
  

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V.4.2.3 - L'observation-participation

Expérimentée par les ethnologues et anthropologues, l'observation-participation, selon l'expression de GRAWITZ, M., 75(*) requiert une plus grande implication ou un séjour prolongé du chercheur chez ceux auprès de qui il enquête, afin de gagner leur confiance, au point de s'intégrer dans leur groupe, de se faire oublier en tant qu'observateur, mais en restant présent en tant qu'individu. L'observation a lieu sinon « de l'intérieur », au sens strict, du moins au plus près de ceux qui la vivent et en interaction permanente avec eux. Il se frotte à la réalité étudiée en chair et en os. Le but ici étant de gagner la confiance des hommes, de se faire adopter par eux, de faire admettre sa présence comme naturelle et d'acquérir « un rapport de familiarité avec l'objet »76(*) d'étude. A la vérité : « les techniques d'observation se rapprochent finalement du travail ethnographique qui requiert une longue familiarité avec le terrain, la prise de notes, l'attention à l'imprévu, la constitution d'une grille d'observation afin de classer les données »77(*).

Cette technique s'est avérée utile pour cette étude, dans la mesure où la piraterie des oeuvres musicales reste un phénomène qui comporte une face cachée, invisible, latente qu'il convient de découvrir. Cette réalité est d'autant plus complexe et fuyante qu'elle paraît, pour la familiarité de ses pratiques, s'ouvrir à l'enquêteur qui risque d'être abusé et qui se laisse trop souvent enfermer dans la collecte d'éléments superficiels ou secondaires. Et pour parvenir à bien cerner la piraterie, il était nécessaire de « s'immerger dans le groupe que l'on veut étudier »78(*), dans le monde de la rue, afin de voir, écouter et partager ce que les différents acteurs de la piraterie des oeuvres musicales vivent, car : « Il est clair en effet que si -sous le prétexte de l'objectivité - on veut observer une institution, un groupe ou une communauté en lui demeurant extérieur, on risque de laisser échapper des informations essentielles »79(*). Ainsi, nous avons partagé le vécu quotidien des pirates ou contrefacteurs des oeuvres musicales, afin de mieux saisir les aspects cachés et les plus complexes de leur activité. L'observation-participation, autrement appelée observation participante, n'a duré que sept mois en raison des contraintes de temps, et s'est déroulée entre mars et octobre 2009. Nous avons dû nous passer pour vendeur de CD originaux et CD contrefaisants à la fois, grâce à un espace obtenu en face de la SNI80(*) par le canal d'un ami, lui-même vendeur de CD de contrefaçon. Cette présence permanente en ces lieux avait pour but d'essayer de comprendre qui sont les acteurs de la piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales, quelles sont les raisons du choix de cette activité, quelle est leur géographie ethnique, quels sont les modes opératoires de leur activité, quelles sont leurs moyens et leurs conditions de ravitaillement en supports musicaux, les conditions d'obtention d'un emplacement au centre ville, les retombées de l'activité, la gestion des bénéfices issus de leur activité, les difficultés rencontrées dans l'exercice de leur activité, etc. En outre, cette position de vendeur de CD nous a grandement ouvert les portes des grossistes qui opèrent dans un autre cadre qui, lui, requiert la plus stricte discrétion. Par là, nous sommes parvenus à saisir les méandres de ce phénomène « en profondeur », pour reprendre GURVITCH ; et surtout de déceler des contradictions et des écarts entre ce que l'on dit sur l'activité et ce qui se passe dans la réalité. En d'autres termes, cette technique a permis de « cerner la réalité formalisée et la réalité expériencée »81(*).

En somme, l'observation-participation nous a permis de recueillir des données ou des informations essentielles, permettant de comprendre le quotidien des pirates et leur activité, et surtout de donner du crédit à l'affirmation selon laquelle : « Rien ne peut remplacer un contact direct de l'enquêteur avec son terrain, et aucune autre technique n'est capable de suggérer autant d'idées nouvelles »82(*).

V.4.3 - Les entretiens

Le terme ``entretien'' semble représenter en français la traduction la plus littérale du mot anglo-saxon interview. Ce procédé d'investigation scientifique utilisant un processus de communication verbale pour recueillir des informations83(*), a été présenté par BLANCHET et al., comme mettant face à face : « (...) deux personnes, un interviewer et un interviewé, conduit et enregistré par l'interviewer ; ce dernier ayant pour objectif de favoriser la production d'un discours linéaire de l'interviewé sur un thème défini dans le cadre d'une recherche »84(*). Cette technique de collecte des données qualitatives, encore appelée « conversation avec but »85(*), est d'une pertinence avérée, car elle permet au chercheur d'accéder à de nombreuses informations nécessaires à la recherche. Elle est donc appropriée pour la production des données discursives et permet l'approfondissement d'un domaine d'étude86(*), comme le soulignent GHIGLIONE, R. et MATALON, B. Pour mener un entretien (suivant ses différentes modalités : entretien libre ou non directif ; semi directif ; directif ou standardisé), le chercheur se munit généralement d'un guide d'entretien qui est une liste des questions ou des thèmes qui doivent nécessairement être abordés, soit spontanément parce que l'enquêté parle de lui-même, ou alors sur la demande de l'enquêteur.

Dans le cadre de notre étude, nous avons fait recours simultanément aux entretiens non directifs suivis d'une phase semi-directive, avec les pirates, les producteurs et les distributeurs, les consommateurs d'oeuvres musicales pirates, les responsables de la société de gestion des droits d'auteur et des droits voisins, les forces du maintien de l'ordre, les hommes de loi (Magistrat, Avocat et Huissier de justice), les responsables du ministère de la culture, les membres des comités mis sur pied pour lutter contre la piraterie des oeuvres musicales, ainsi que les artistes musiciens qui nous ont fait partager leur quotidien fragilisé par la piraterie de leurs oeuvres musicales.

* 75. GRAWITZ, M., op.cit., p.773.

* 76. GUIBERT, J. et JUMEL, G., op.cit., pp.92-94 ou encore DURAND, J.P, WEIL, R., op.cit., p.307.

* 77. DURAND, J.P. et WEIL, R., op.cit., p. 307.

* 78. MONTOUSSE, M., RENOUARD, G., 100 fiches pour comprendre la sociologie, Bréal, Rosny, [s.d], p.47.

* 79. BOUDON, R., Les méthodes en sociologie, (10e édition corrigée), Paris, PUF, 1995, p.13.

* 80. Société Nationale des Investissements, dont la direction générale est située en plein coeur du Centre commercial de la ville de Yaoundé, et précisément aux environs de la Poste centrale.

* 81. MIMCHE, H, « Du nomadisme à la sédentarisation : immigration, recompositions familiales et enjeux socio-démographique chez les mbororo des ``Grassfields'' du Cameroun », Thèse de Doctorat/Ph.D en sociologie, Université de Yaoundé I, 2007.

* 82. CAPLOW, T., op.cit., p.149.

* 83. GRAWITZ, M., op.cit, p.644.

* 84. BLANCHET, A., et al, « Interviewer », in Les techniques d'enquête en sciences sociales, Paris, Dunod, 1987, pp.81-126, p.85.

* 85. GRAWITZ, M., op.cit., p.84.

* 86. GHIGLIONE, R., MATALON, B., op.cit., p.60.

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