WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales: facteurs explicatifs, modes opératoires et impact sur les artistes-musiciens à  Yaoundé

( Télécharger le fichier original )
par Joel Christian NKENG à NKENG
Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Sociologie 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II.2.2- Distribution des oeuvres musicales contrefaisantes

La distribution des oeuvres musicales contrefaisantes obéit à une organisation minutieuse et précise. Cela en raison du fait que les distributeurs ont la pleine connaissance du fait qu'ils opèrent dans l'illégalité.

a)- Organisation de la filière de distribution

Les réseaux de distribution sont constitués des grossistes, les détaillants ou vendeurs ambulants des CD, des ``téléchargeurs'' qui sont à des points fixes. Les grossistes achètent les CD et DVD dès qu'ils sont débarqués du Port. Ils organisent la distribution à travers les principales villes où la demande est assez importante. C'est auprès d'eux que les détaillants viennent s'approvisionner. Ceux-ci à leur tour marchent à travers les principales artères des villes et autres lieux publics, ou étalent leurs marchandises sur les trottoirs. Certains n'hésitent pas à aller jusque dans les recoins des villages enclavés.

Leurs clients se recrutent parmi toutes les couches de la population. Hautes autorités de la Républiques, forces de l'ordre, hommes d'Affaires, ménagères, élèves et étudiants et tout autre mélomane consomment avec insatiabilité les oeuvres de contrefaçon. Les commerçants qui s'investissent dans ce trafic font à coup sûr des bonnes affaires. Certains artistes, ne pouvant pas supporter de voir vilipender leur travail de créativité abattu pendant des années, se retrouvent parfois à faire des rixes avec des petits revendeurs.

b- La distribution des supports physiques pirates

Adossés à la rambarde qui jouxte l'enceinte de la SNI, quelques vendeurs de CD et DVD surveillent les alentours faisant mine de ne rien vendre, pendant que des clients fouillent dans des grands sacs en plastique posés entre leurs pieds, à la recherche des albums de leurs artistes-musiciens préférés. D'autres sont alignés le long des murs de magasins du centre commercial, et s'activent à héler les passants en leur proposant les albums de musique les plus récents. Ainsi, on peut par exemple entre des phrases telles que : « Ma chérie, j'ai le dernier Lady Ponce », « Grand-frère, on vous donne quoi là ?», « Le père, il y a des anciens succès », « Boss, il y a les musiques des responsables ici », etc. Les phases permettant d'approcher le client sont fonction de l'âge, du sexe ou de la tenue arborée par le client. Les produits sont étalés soit sur des nappes, soit sur des cartons qu'ils nouent ou plient rapidement et emportent dès que l'alerte signalant l'arrivée des agents de la Communauté urbaine est donnée.

Photo 6 : Distribution des CD pirates au Photo 7 : Distribution des CD pirates au

quartier Briqueterie à Yaoundé Centre commercial de Yaoundé

Source : Nos enquêtes sur le terrain.

Ce sont là quelques unes des astuces adoptées par les vendeurs de CD et DVD pirates pour continuer d'écouler leurs marchandises. Ils sont sur le qui-vive, craignant de subir à tout moment les assauts de ces agents de la Communauté urbaine, car les visites surprises de ceux-ci sont régulières. Ici, la méfiance est de rigueur. On se méfie même de certains clients qui pourraient être des espions de la Communauté urbaine. Il faut donc toujours être vigilant et aux aguets. Chaque passage d'un homme en tenue créé la panique chez les vendeurs. Depuis qu'ils ont été déguerpis, tous les vendeurs de supports musicaux pirates sont désormais soumis à cet exercice difficile. Ils se débrouillent, chacun à son niveau, pour continuer à écouler leur marchandise. Ce qui signifie que la vente des CD et DVD au centre ville de Yaoundé se fait essentiellement de manière ambulante et à la criée. Dans les quartiers, certains pirates dressent des hangars de fortune, construits essentiellement avec du matériel provisoire, le long des trottoirs pour accoster facilement les passants à qui ils proposent les dernières sorties musicales de l'heure.

Photo 8 : Un hangar dressé par un pirate au quartier Ngoa-Ekelle à Yaoundé

Source : Nos enquêtes sur le terrain.

Ces vendeurs ambulants ont leur marchandise sur eux et généralement en petite quantité, afin de se déplacer facilement à travers les artères de la ville. On les voit déambuler dans tous les sens, des sacs au dos et des CD ou DVD à la main. C'est dire que la distribution des oeuvres musicales pirates n'est pas une tâche facile. Elle se fait même dans la nuit. Cela peut être justifié par les propos de ces jeunes débrouillards, notamment lorsqu'ils reprennent presque tous de manière redondante, les mêmes expressions telles que : « le dehors est dur », « le dehors a les dents », « c'est caillou », « c'est fort », « c'est mauvais », « c'est dur », « on supporte », « on se bat », on va faire comment ? », « On se défend », « on se débrouille », etc. Selon MANGA LEBONGO, si ces verbes et expressions « sont hérités en droite ligne du vocabulaire militaire »132(*), il faut surtout dire qu'ils :

Sont devenus une véritable transcription symbolique dans la mesure où ils exposent, d'une manière schématique, et en le résumant, le vivre-au-monde-concret d'une frange importante de la jeunesse urbaine camerounaise dans un tournant de leur existence où subsister est une gageure quotidienne.133(*)

Certains clients sont également désemparés par cette nouvelle physionomie du commerce des supports musicaux de contrefaçon et ont souvent de la peine à trouver facilement les CD et DVD de leur choix. C'est ce qui justifie par exemple cette plainte d'un acheteur de CD : ``Avant le déguerpissement, il était beaucoup plus facile d'acheter des CD, car les vendeurs avaient des points fixes de vente. Depuis qu'il y a la répression, nous ne savons plus exactement où sont nos amis pirates''. D'autres vendeurs préfèrent venir vendre aux premières heures de la matinée, généralement avant huit heures, ou alors en fin de journée, jusqu'à une heure assez avancée de la nuit. Pour Jean NGOUFO, un vendeur des oeuvres musicales contrefaisantes au centre ville de Yaoundé : « A cette heure là, les contrôleurs de la communauté urbaine sont généralement partis. Nous profitons de ce moment pour écouler paisiblement nos produits afin de trouver un peu d'argent pour la ration du lendemain ». Cette activité met en lumière un processus d'innovation par lequel les acteurs du secteur informel adoptent des nouvelles manières d'inventer leur quotidien fragilisé par la crise économique. Ils déploient des « arts de faire » pour faire face à cette crise. De simple alternative au chômage, cette activité est devenue un métier définitif pour certains qui la pratique depuis une vingtaine d'année, et qui n'entendent plus faire autre chose, en dépit des multiples risques qu'ils encourent chaque jour : accident de circulation, erreurs de comptabilité entrainant un manque à gagner, intempéries, agressions, bastonnades par des propriétaires d'oeuvres musicales vendues, etc.

Au moment où nous commencions notre enquête sur le terrain, le marché central de Yaoundé s'est révélé comme étant le lieu par excellence de la vente des CD et DVD de contrefaçon. C'est dans le hall du dernier étage de ce marché que les grossistes stockaient leurs produits nuitamment débarqués dans de gros cartons. Les détaillants des CD et DVD pirates se ravitaillaient dès les premières heures de la journée. C'est également au marché central que les des graveurs de grande capacité (communément appelés Turbo ou Pondeuse) étaient vendus à 300 000 francs l'unité, aux personnes désirant se lancer dans la production en masse des CD de contrefaçon.

c- Des points fixes de téléchargement

Le téléchargement des sons et sonneries, lui, se fait à ciel ouvert. Les pirates n'ont pas besoin de se cacher. Ils opèrent en toute quiétude, laissant croire que leur activité est légale. Une pancarte suffit pour informer le client qu'il peut faire télécharger des musiques de son choix à cet endroit précis. Ce dernier n'a plus qu'à se rapprocher de son distributeur, afin de savoir dans un premier temps si la musique qu'il désire est disponible, et dans un deuxième, pour débattre du prix en fonction du nombre de chansons qu'il voudrait faire télécharger. Pour télécharger les sons, il faut généralement débourser entre 50 et 100 francs, et la somme de 150 ou 200 francs pour la vidéo.

DEUXIEME PARTIE

FACTEURS EXPLICATIFS ET IMPACT DE LA PIRATERIE

DES OEUVRES MUSICALES AU CAMEROUN

* 132. MANGA LEBONGO, Jean Marcellin, « Jeunesse urbaine camerounaise, créativité sociale et contestation politique. Analyse de quelques modes d'expression et d'action d'une catégorie sociale », Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du DEA en Sociologie, Décembre 2009, p.66.

* 133. Idem.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe