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Les croyances traditionnelles des Tege Alima et le christianisme (1880-1960)

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par Louis Praxistèle Nganga
Université Marien Ngouabi de Brazzaville - Maîtrise 2013
  

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CHAPITRE III : DEFINITION DES CONCEPTS

I-  Les croyances traditionnelles Tégué

D'après le dictionnaire, le petit Larousse 2001, le mot croyance est un mot qui se définit comme le fait de croire à une vérité ou à l'existence de quelque chose. C'est faire confiance à un être plus puissant, surnaturel.

Une autre source33(*), définit la croyance comme avoir foi à l'existence d'un être (ou d'un principe) supérieur réglant la destinée du monde en général et de chaque individu en particulier.

Il existe dans le monde tégué un grand nombre de croyances donc de systèmes de pratiques résultant chacun d'une conception particulière de la divinité et unissant ses adeptes : exemple : le Djobi, l'Ongala, l'Andoukou, etc.

 

-La tradition

D'origine latine traditio de tradere (livrer), la tradition se définit comme étant la transmission des doctrines, des légendes, de coutumes sur une longue période. Elle constitue un lien entre le présent et le passé et se transmet ainsi de génération en génération d'une façon orale ou écrite. L'ensemble de ces témoignages oraux ou écrits à savoir légende, mémoire, chronique, intéressent l'historien.

Les croyances et pratiques religieuses traditionnelles occupent une place très importante dans la société traditionnelle tégué Alima surtout dans les villages où la vie moderne est moins influente. D'emblée, avant l'arrivée des missionnaires, c'est-à-dire, avant que les missionnaire pénètrent le sol congolais pour annoncer la Bonne Nouvelle de Dieu, le monde tégué avais ces croyances et pratiques religieuses dites traditionnelles34(*).Aux centre de ces pratiques religieuses figurent le Ndjobi, le Culte des Ancêtres, l'Ongala, l'Andoukou, etc, c'est sur quoi nous essayerons d'aborder. 

 

1-  Le Ndjobi

En raison de sa dimension ésotérique voire sécrète, l'histoire du Ndjobi est difficile à relater exhaustivement. Certaines sources expliquent les origines du Ndjobi par la déliquescence des premières sociétés initiatiques et sécrètes35(*). Pour d'autres par contre, le Ndjobi fut la réponse des colonisés Mberé, Tégué à l'administration  coloniale et religieuse36(*).C'est pour cette raison que sa création était un secret en raison des pressions coloniales et missionnaires.

D'origine Mberé et le Djobi est importé en pays tégué Alima qui en ont fait une tradition religieuse. L'initiation au Ndjobi est très sélective. La décision, le choix et l'obligation sont les trois critères d'initiation. La discrimination des femmes et des jeunes gens jugés immatures était la conséquence de la rigidité des lois du Ndjobi. Dans le Ndjobi moderne, l'initiation est une adhésion libre et constitue pour l'adhérent l'affirmation d'une charge  sociale. Le respect des principes est strict. Par contre, l'adhésion peut avoir un caractère obligatoire si les causes d'une agression ne trouvent pas d'explications précises.

Dans ces sociétés secrètes, l'initiation des femmes n'est pas autorisée. En effet, la femme est considérée comme « dangereuse »37(*), car jugée détentrice des puissances nuisibles. C'est ainsi qu'elle n'est pas acceptée dans cette caste des initiés. Selon eux, elle possède des pouvoirs d'anéantissements certains. Sur le fait, Martin ALIHANGA38(*) (1976), souligne deux raisons fondamentales du refus des femmes dans ces sociétés secrètes :

- La symbolique des menstrues dans les pratiques rituelles et le rôle des femmes dans les sociétés agraires et matrilinéaires.    

- La non admission des femmes se rapporte à la volonté des hommes afin de prouver leur virilité par les faits surnaturels et culturels et de préserver cette force remarquable. 

En cas d'interdit par la femme, la règle de remplacement est appliquée. La femme est remplacée par son fils, « la tante par son neveu, la soeur par son frère quel que soit son âge39(*).

Dans cette tradition religieuse, la vie humaine est sacrée et respectée. Ce principe s'oppose au sacrifice humain, aux attaques contre l'intégrité de l'individu. Il repose sur la protection surnaturelle de la contrée tege. Par contre, ce même principe vise à anéantir sans merci le déviant. Deux principes sont observables pour le respect de la vie humaine.

-L'égalité de tous, devant le Ndjobi et la rigueur de la sanction du déviant.

-Ainsi, un homicide et une atteinte à l'intégrité de l'homme sont passibles de mort40(*).

- La neutralité du Ndjobi

Contrairement à la vengeance qui solutionne un homicide volontaire par une « violence institutionnalisée », la neutralité harmonise les attitudes entre les initiés et les non initiés. La neutralité au sein du Ndjobi comporte les concepts suivants : la sentence, l'impartialité dans l'évolution des cas sociaux et des attitudes humaines, et surtout au prorata de la punition. Elle se présente dans cette perspective comme une assurance de supériorité surnaturelle. Elle établit aussi la règle de l'égalité entre les personnes sans discrimination devant le Ndjobi. Sa responsabilité sociale place en évidence l'intérêt de l'assistance mutuelle entre les membres d'un clan et leur fonction dans la maîtrise de l'unité sociale. Voilà pourquoi l'individualisme est considéré comme un mal social qui ne peut pas s'harmoniser avec la culture tege ou africaine de façon générale. La responsabilité sociale provient de la solidarité entre les membres d'un lignage dans toutes les peines de l'existence. A titre d'exemple, un homme remplace une femme pour une initiation au Ndjobi.

Tout comme les autres religions ou pratiques, le Ndjobi est doté d'un ensemble de préceptes, d'interdits, de précautions et de sanctions circonscrivant le champ de son usage par les types de rapports entre l'initié et le néophyte. Le Ndjobi a ses interdits et se base sur des commandements qui se présentent de la manière suivante :

1- Tu n'auras pas d'autres « pouvoirs » à côté du Ndjobi

2- Tu ne prononceras pas le nom du Ndjobi en vain, si non des conséquences graves et immédiates s'en suivent.

3- Honore tes parents.

4- Tu ne tueras point, ni par sorcellerie, ni par coup de sagaie.

5- Tu ne commettras point d'adultère.

6- Tu ne connaitras point ta femme en brousse sur le sol.

7- Tu ne déroberas point.

8- Tu ne maudiras pas ton prochain.

9- Tu ne mentiras point.

10- Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain, ni sa femme, ni son abri41(*).

Ces commandements sont complétés par quelques observances : il est interdit à un non-initié de manger la viande sacrifiée par le Ndjobi, excepté celle du cabri42(*).

Ces commandements sont ils un simple calque des règles bibliques ! Étaient-ils présents dans les sociétés tégué précoloniales ? Est-il que le bien et le mal étaient bien ressentis dans les traditions culturelles tégué? La civilisation Tégué était marquée par les vertus et les vices. L'existence des bons et des mauvais dans cette société est une preuve non négligeable ; la justice tégué en fait foi.

Selon W. RAPONDA, Dieu est considéré par la population Ndjobiste comme l'unique Etre et Suprême, Grand architecte de l'univers, Créateur et Maître de toutes les choses. Ils situent Dieu en dehors de ce que l'on appelle habituellement le monde visible et invisible des humains. Sur un plan totalement différent de celui des esprits et infiniment plus élevé43(*).Dieu est le contenant suprême alors que les esprits ne sont que des contenus. Dieu est une réalité aussi indiscutable que sa propre existence. Mais une réalité que nul n'aurait l'idée d'anthropomorphiser. C'est la loi éternelle régissant tous les phénomènes de l'univers44(*).

Les Ndjobistes Tégué ne s'adressent qu'aux ancêtres qui sont les intermédiaires entre Dieu et les hommes. Dans la langue tégué, il ya un terme spécial pour désigner Dieu : Ndzami. Ce dernier n'est jamais responsable d'un malheur. On ne lui rend pas culte parce qu'il n'a pas besoin d'offrandes des hommes. Il possède tout et est le maître de l'univers : du ciel et de la terre45(*).

Les Tégués honorent les esprits des Ancêtres pour obtenir leur faveur et se mettre à l'abri de leurs « mauvais coups ». Ils considèrent que c'est Ndzami qui charge ces esprits de pourvoir aux besoins particuliers des humains ; ils pensent que l'intervention de Dieu est partout sous-jacente à tout acte de culte rendu aux âmes désincarnées. Les Ancêtres intercèdent auprès des divinités au profit des hommes. Selon B.NANTEL, ils sont :

Les fondateurs des institutions et les protecteurs de la société46(*)

- L'attrait du Ndjobi

Des gens déboussolés et avides de protection sont souvent attirés par la renommée de la puissance du Ndjobi et de la beauté de sa danse nocturne et ses chansons. C''est un moyen pour eux de se faire admirer en dansant afin de gagner une certaine renommée. Des gens y adhèrent pour être soignés de toutes les maladies et pour protéger leur vie contre les sorciers. Ils sont attirés aussi par la sécurité et le pouvoir que procure le Ndjobi face aux mauvais esprits.

Par ailleurs, L'accueil chaleureux, le courage des initiés, les guérisons réalisées par la société attirent beaucoup de familles. Si l'on veut connaître le responsable des décès dans la famille, les membres éprouvés consultent le Ndjobi, afin. Et si le présumé coupable infirme le verdict, la grande messe est dite par les grands initiés contre cet inconnu, porteur de malheur.

Le Ndjobi concerne autant la socialisation, la lutte contre la sorcellerie, le contrôle social que le règlement  des conflits, les relations entre les individus. Il existe d'autres pratiques traditionnelles et religieuses très proches sinon identiques au Ndjobi. Il s'agit de : Ongala, Ngaabie, Bounigui, Andoukou. Elles sont toutes d'origine forestière et c'est dans les forêts que sont placés leurs lieux de culte. Ces lieux sont appelés par les Tégué  Kouyi ou Nkobe.

La situation géographique de ces lieux cultuels par rapport au village est symbolique et révélatrice du rôle que leur confère le système institutionnel tégué. En effet les lieux cultuels sont toujours situés en dehors du village à 800m ou 2km dans un bosquet ou dans la forêt. Cette distance avec le coeur du village donne l'impression d'une institution exclusivement dangereuse et sectaire, renforçant son caractère ésotérique. Elle lui confère surtout un caractère transcendant comme si les sociétés initiatiques et secrètes étaient des créations divines. D'où une certaine appréhension de ces lieux cultuels, même inusités, de la part des non-initiés.

Ces Engaa essoula (pratiques forestières) dont certaines sont inaccessibles aux femmes et jeunes (Andoukou, Bounigui) de par la rigidité de leurs lois, réglementent la vie des Tege47(*). Cette rigidité assure à la fois protection et représailles. Les biens de Nga  Ndjobi ou autres sont piégés. Ils ne peuvent faire l'objet d'une utilisation quelconque sans l'autorisation du propriétaire. Des habits aux biens matériels, voire la femme, tout est piégé. L'infortuné peut tomber malade. Et l'on peut le reconnaître par le ballonnement de son ventre, l'enflure de ses pieds. Le traitement se fait grâce aux plantes de la forêt et au sacrifice du cabri pour le Ndjobi et le poulet pour les autres.   

- Le culte des ancêtres

Le culte est l'ensemble des cérémonies par lesquelles les fidèles d'une religion déterminée rendent hommage à Dieu et, éventuellement aux Saints. Ici en pays tege, l'hommage aux ancêtres est caractérisé par les offrandes qui leur sont destinées. Il assure la communion permanente avec les esprits ancestraux et permet de maîtriser, de consolider les liens du clan dans le système lignager. Cet hommage aux ancêtres est rendu dans plusieurs domaines de la vie du tégué alima. Il est rendu par les vivants aux ancêtres défunts par des rites appropriés et parfois par des sacrifices : libation, dépôt de vin, des habits derrières les maisons ou sur les tombes.

A ce propos R. LUNEAU écrit :

Presque partout en brousse africaine, on ne boit jamais de vin de palme ou de bière de mil sans verser quelques gouttes à terre pour les défunts, on n'évite de jeter de l'eau chaude sur le sol de la case pour ne pas brûler les âmes des défunts favorables48(*).

Il convient de signaler que certains rites accomplis, comme libations sont des symboles de solidarité, de communion, de souvenir, de respect envers les aïeux, mais aussi un moyen de se procurer une fortune  auprès d'eux. L'oubli des ancêtres peut avoir des conséquences néfastes  dans la vie ordinaire du tege. Malheur, malchance, infécondité, insuccès dans les affaires peuvent affectés l'oublieux. Chaque famille ou clan à traditionnellement des personnes pour  accomplir ces rites.

Selon les besoins de chacun ou de la contrée, ces cultes permettent aux vivants d'obtenir toutes sortes de grâces. Dans ces pays tégué, l'assemblée générale dite Omouoni Kemouoni était un moment favorable pour demander aux ancêtres les belles récoltes, la bonne floraison des arbres fruitiers ou des belles saisons de chenilles.

Les ancêtres peuvent, parfois, par le canal d'un `'voyant'' du village nécessiter aux vivants ce dont ils ont besoins. Le non observation d'une telle demande où d'offrir un tel sacrifice peut entrainer à des conséquences négatives. Et l'on peut assister à des cas d'envoûtement, de stérilité ou de grandes épidémies qui s'abattent sur la contrée.

Certains auteurs ont vu dans ce culte, des analogies avec les dévotions envers les saints. C'est ainsi que les ancêtres sont considérés comme les « Saints de nos famille »49(*).

 

Le Pape Benoît XVI a lui aussi comparé ce culte des ancêtres au culte des saints :

 

L'Eglise Catholique, souligne a beaucoup de choses en commun avec les religions traditionnelles africaines. Disons que le culte des ancêtres trouve sa réponse dans la communion des saints, dans le purgatoire. Les saints ne sont pas seulement canonisés, ce sont tous nos morts50(*).

Autant les prénoms des chrétiens sont des saints, les noms des Tégué sont de leurs ancêtres. Le lien est très étroit entre les vivants tégué et les morts qui sont à la fois leurs intercesseurs, protecteurs et Anges gardiens. C'est ainsi que le culte n'est rendue qu'aux ancêtres qui ont eu une vie exemplaire sur cette terre. Ils méritent de l'être vénérés et d'être considérer comme des morts - vivants. Un sorcier ne peut pas faire partie de la catégorie des ancêtres, tandis qu'un bon Nganga, Ngâa (féticheur ou guérisseur) est invoqué pour solliciter ses services salutaires.

 

Le fétichisme

Le mot fétiche vient du portugais feitiço ou fetisso qui signifie « artificiel » par extension « sortilège » étant lui-même issu du latin facticus qui a donné le mot français factice. En fait le terme feitiço désigne en portugais le fétiche l'envoûtement, le sortilège. C'est de la même famille qu'appartiennent feiticisme qui signifie fétichisme, et feicista qui désigne ainsi l'ensemble des croyances des pays du sud Sahara51(*).

Amadou Hampate Ba, lors de la rencontre internationale de Bouake (Côte-d'Ivoire) sur les religions traditionnelles africaines a dit ce qui suit :

 

Les diverses formes de croyances des africains au sud de Sahara ont été dénommées par des missionnaires des confessions révélées ou parades sociologues et des ethnologues occidentaux, de totémisme, fétichisme, paganisme voire polythéisme. Ces qualifications de plus en plus décadentes sont remplacées par un substantif plus propre et c'est l'animisme52(*).

Le féticheur dans la société traditionnelle joue un rôle important. Il est à la fois prêtre et médecin. Comme prêtre, il joue d'intercesseur auprès des ancêtres afin d'obtenir quelques grâces. En réalité le féticheur a plusieurs rôles :

- D'abord celui d'intercéder auprès des ancêtres afin d'obtenir pour les vivants une faveur quelconque ou la réponse à un problème.

- Ensuite celui de soigner ou de guérir une personne malade ou de la délivrer des envoûtements et mauvais sorts.

- En outre celui de détecter l'avenir des individus et celui de désigner le coupable (le  causeur du mal) en cas de malheur dans une famille ou dans un village.

Comme médecin, il soigne et guérit certains maux à base des éléments  naturels (plantes, herbes...). C'est un homme doué d'un certain savoir. C'est pour ces multiples raisons que le prêtre est appelé dans la mentalité   populaire congolaise Nganga Nzambe, (le guérisseur de Dieu). Autrement dit, celui qui agit au nom de Dieu. Cette distinction a pour but de différencier (le ministère de Christ) du simple Nganga (féticheur) ou prêtre traditionnel53(*).

 

A ce propos, L. Ngomo Okitembo écrit : 

 Dans un univers aussi religieux que le notre, peuple d'ancêtres et d'esprits, où les hommes dans leurs multiples tourments, cherchent  des solutions concrètes, l'image du prêtre guérisseur, exorciste, rencontre une attente impatiente de la population54(*).

Ces Nganga étaient beaucoup fréquentés. Les Tégué Alima, très croyants ont une considération très distinguée de ces Ngâa. Le Tégué ne meurt pas de bonne mort, c'est une croyance absolue. Sa mort s'explique toujours par les pratiques d'un sorcier. C'est pour ces raisons que la fréquentation de ces Ngâa était très régulière.

On y allait soit pour se consoler d'un mal, pour se soulager des différents problèmes de la vie, (songes, malheur) ou pour se soigner. C'était la religion la plus répandue en pays tégué et ils croyaient fortement. Le Tege assailli dans son village par de nombreuses maladies, l'abandonne sous prétexte que ses ennemis lui ont fait l'Ongâa (le fétiche).Tous les problèmes de la nature sinon de l'univers y trouvent leurs explications dans cette religion. C'est ainsi qu'on y rencontrait plusieurs spécialistes dans des domaines  divers (la pluie, la chasse, la pêche...).

Ils sont très vénérés et occupent une place de choix dans cette société. Ils pouvaient être consultés à domicile, comme se déplacés dans des lointains villages sous invitation des populations concernées. Plus près de nous, dans les années 1958, un certain Alphonse appelé par les indigènes de l'alima Tsaka-tsaka avait acquis une grande renommée pour ses pratiques de protection des villages.

- La sorcellerie

Quelques mots sur la sorcellerie pour montrer la diversité de la culture tégué. Elle se définit comme  le pouvoir supposé de mettre en oeuvre des puissances occultes, notamment en usant les maléfices, les sortilèges.

La sorcellerie, Oloho en tege alima, signifie aussi mauvaise foi. Elle est considérée dans la société comme une déviance et un danger social. Pour le Tégué Alima, le sorcier, est un homme en apparence semblable aux autres mais secrètement doté de pouvoirs extrahumains et responsable de malheurs qui frappent ses proches.

C'est un phénomène répandu auquel les indigènes tégué y croient fermement, malgré l'incroyance des blancs missionnaires. Cette pratique magique peut se faire tant durant le jour que la nuit. Appelé sorcier, il  a deux rôles dans la tradition religieuse tégué :

- « Il protège les hommes et le village contre tout danger de terre, des eaux, de l'air dont il devient désormais le maître »55(*).

- « Il guérit plus qu'il ne tue ».

On devient sorcier soit par initiation, soit par transmission héréditaire. Les  sorciers sont généralement les mauvais féticheurs au sens négatif du terme parce qu'ils sont craints. 

- L'Onkira

L'Onkira vient de Nkira, le génie des eaux. Ainsi se définit-elle comme étant la croyance à ce  génie. Elle  est aussi, la pratique traditionnelle tégué du culte rendu aux jumeaux. L'onkira, culte du génie des eaux ou des ancêtres .Ces deux pratiques sont très répandues dans le monde tégué et restent encore très vivaces de nos jours malgré la présence de plusieurs églises à tradition occidentale.

De certaines sources56(*), la tradition onkira est très ancienne et serait de souche téké. Elle aurait pu atteindre les Tégué Alima par le canal des peuples Baboma et Antsi - Ntseyi eux aussi téké. Comment se pratiquait son culte et comment devenait - on adeptes ?

Comme plusieurs pratiques ancestrales tégué, l'onkira est constituée des lois et mystères liées aux respects des ancêtres.

L'adhésion ici n'est pas volontaire. Elle est le plus souvent la conséquence d'une forte maladie qui secoue l'individu. Se débattant dans la recherche de sa guérison, l'intéressé bénéficie du secours de ses ancêtres qui non contents de la probable mort prématurée de leur parent, réagissent en détournant cette maladie en onkira.

Le `'malade'' devient très agité, parfois comparable au malade mental, poussant des cris semblable aux aboiements des chiens. Il rentre en transe et autour de lui apparait l'ectoplasme grâce à la quelle les Esprits peuvent se manifester en lui.

Il se refuge dans sa case et creuse un trou assez profond dans lequel il séjournera pendant plusieurs semaines voire des mois.

Dans cet état, on dit vulgairement qu'il est rentré dans Oloumou. Son langage se déforme et l'expression devient plus compliquée. Il s'exprime dans un langage plus proche du Baboma. Le Nga Nkekira, c'est comme ça qu'on l'appelle, il s'habille de tissus de raphia orné de la tête aux pieds des morceaux de tissus rouges vifs attachés autour.

Dans la majorité des cas, il devient un voyant. De par cette position, il est très consulté pour connaître l'origine de certains phénomènes malsains. Dans ce culte, on trouve plus de femmes que des hommes. Les hommes qui pratiquent ce culte sont soit des guérisseurs ou des grands joueurs du Gombi cithare traditionnelle, très utilisé dans la danse d'onkira. Le malade ayant passé plusieurs semaines dans cet d'isolement, est libéré après avoir remplis toutes les conditions. Il arrive que certaines espèces de cauris d'origine maritime soient enlevées du sous - sol du malade. Les origines de ces cauris sont attribuées aux ancêtres et au génie des eaux. C'est là une des formes pour devenir adepte ou malade de l'onkira. L'on peut devenir aussi adepte de l'onkira par déperdition dans la forêt pendant plusieurs jours et rentré ensuite à la maison dans un état de transe avant de rentrer dans l'oloumou57(*).

L'onkira est aussi, le rituel réservé à la célébration des jumeaux. En pays tégué, la naissance des jumeaux passe pour un bonheur mais un bonheur redouté. Leur entretien est entouré de plusieurs cérémonies. Ils sont appelés aussi Ayara (pluriel) et Yara (singulier) et leur culte Oyara58(*). Aussitôt arrivés au monde, l'on se contente de construire un enclos spécial, où les jumeaux seront parqués jusqu'à ce qu'ils sachent marcher.

Durant tout ce temps, le respect strict de plusieurs lois tant naturelles qu'humaines est observé par les parents et les autres individus. Par exemple, quand on parle aux jumeaux, il faut s'adresser aux deux, ou alors, si l'on veut d'un, il faut demander des excuses à l'autre. Pas de cadeau à un seul des deux, jamais un habit différent jusqu'à l'âge de 15 ans. Les parents des jumeaux sont très respectés dans la société. Ce sont les Tara Ayara (pères des jumeaux) et Ngou Ayara (mères des jumeaux). La danse de célébration du rituel des jumeaux s'appelle Oyara. Cette danse est considérée comme la mère de toutes les danses. Et c'est elle qui a donné naissance à la célèbre danse tégué Olama, au village Mvagui dans le district d'Okoyo.

Le caractère sacré des jumeaux, son culte s'est considérablement manifesté par la multitude des naissances observées. Cet état de considération a abouti à la constitution d'une confrère mixte pour faire face aux problèmes posés par les jumeaux à savoir, la maîtrise de certains aspects liés à leur vécu comme l'interprétation des rêves, la phytothérapie inhérente aux maladies qui leur sont attribués (maladies des yeux, des jambes), leur pouvoir magique (protection des parents, grands donateurs des biens).

Ainsi se constitue progressivement toute institution des connaisseurs de l'onkira tégué auquel appartenaient les jumeaux et leurs parents. Aussi naquit dans cette vénération des jumeaux, un calendrier et l'attribution des noms. Okwoyo et leur jour. Tous ceux qui appartenaient à l'onkira, cette nouvelle confrérie devaient observer un repos obligatoire. Rien est absolument rien ne devrait s'exécuter sous peine d'attirer des méchancetés ou des malchances cruelles.

Bien que supprimé par les missionnaires chrétiens au profit de dimanche jour de Dieu, ce jour Okwoyo est resté très vivace dans la tradition tégué auquel s'ajoutait le véritable jour de repos pour tous Odoua.

L'attribution des noms on la part de ceux - ci permet de les distinguer des autres, de reconnaître le premier né qui est Nkoumou et Mpea le second. Celui qui suit les jumeaux dans l'ordre de naissance est appelé Ndzilla.

II-  Le monothéisme

Créateur et le pilier du monde. Il domine sur tout. Dieu est donc à la fois « transcendant » et « immanent ».Contrairement au polythéisme, le monothéisme est la doctrine qui n'admet qu'un seul Dieu. La société tégué alima traditionnelle est fondée sur une vision particulière : Dieu est essentiellement Esprit. Il est le

Le Tégué Alima appelle Dieu par le terme Nzami59(*). Il est au dessus de tout. Sous lui il y a les esprits ; d'abord ceux des ancêtres, puis des divinités, ensuite les puissances mystiques agents de la sorcellerie, la magie. Enfin il y a des charmes, les gris-gris, les amulettes, les talismans. Dans ce monde, l'homme appartient à la société et pour cela participe aux croyances, cérémonies et rituelles ; car c'est dans cette communion collective que le Tégué trouve son refuge.

Le Tégué Alima reconnaît certes Nzami, le Dieu supérieur, mais dans ses pratiques, ses rituels, il émet plus l'accent sur les esprits des ancêtres, les divinités, les puissances mystérieuses, les génies (Nkira, déesse des eaux et des montagnes). Pour cette raison, son monothéisme paraît difficilement perceptible.

1-  Le Christianisme

Le christianisme, comme nous l'enseigne l'histoire, c'est une religion qui se fonde sur la personne et l'enseignement de Jésus Christ. Le christianisme se base donc sur la révélation divine inaugurée par l'ancien testament et pleinement manifestée dans l'enseignement (la bonne nouvelle) de Jésus Christ, Fils de Dieu et sauveur du monde. Progressivement, le christianisme élabore une foi commune centrée sur la trinité, l'incarnation et la rédemption. Agité par de nombreuses crises doctrinales aux IVe - Ve siècle, il connu de profondes divisions. Les Eglises orientales (XIe siècle) puis protestantes (XVIe siècle) se détachèrent de l'Eglise romaine. Le XXe siècle est marqué par des tentatives d'union des chrétiens dit (oecuménisme).Cette religion planétaire n'a pas épargné les terres africaines.

 

- Les débuts du christianisme au Congo

Les débuts du christianisme ou mieux de l'évangélisation au Congo remonte au XVème siècle jusqu'à la première moitie du XVIIIème siècle pour la première phase .C'est l'époque des premières contacts entre le royaume kongo et le monde occidental. C'est au cours de cette époque que l'Evangile est annoncé par les premiers missionnaires dans les contrées situées le long de la cote Atlantique et Indienne. Ces années n'étaient que des tentatives d'évangélisation et non l'évangélisation proprement dite. La période qui va de 1880 à 1960 qui marque le début et la fin de la colonisation est l'époque dite de l'évangélisation du Congo. A cela nous commencerons par l'évangélisation du royaume kongo ensuite du Congo.

- Evangélisation du royaume Kongo

Lé royaume Kongo fut fondé par Nimi Lukeni, le premier roi historiquement connu du royaume. La célébrité de ce grand royaume atteint son apogée avec la pénétration portugaise au XVe siècle. Mais le royaume s'était déjà constitué autour du XIIIe siècle selon les informations données par certains historiens60(*).

D'autres ; par contre ; situent la fondation du royaume vers la deuxième moitié du XIVe siècle. En dépit de ces contradictions le royaume Kongo est le plus connu de tous les royaumes des pays du sud Sahara. Le royaume Kongo qui avait pour capitale Mbandza Kongo avait pour chef Mani Kongo. Le royaume était bien organisé, bien structuré. Il était divisé en six provinces à savoir : Mpemba, Mbata,Soyo, Mbamba, Nsundi,  Mpangu. Chaque province avait à sa tête un chef, représentant du Mani kongo. Le roi dans sa cour avait un gouvernement61(*).

Le royaume comprenait l'espace de trois pays actuels issus de la conférence de Berlin (1884 - 1885) : le Congo Brazzaville, le Congo belge (la RDC) et le Congo portugais (l'Angola). Il se situait sue les deux rives du fleuve Congo : au nord par une ligne joignant le Kongo au Stanley pool et le long de la vallée Kouilou Niari, au sud par la rivière Kwango, à l'ouest par l'océan Atlantique, autrement dit une longue façade maritime vers laquelle se dirigeront les voies de troc et de la traite.

En 1482(1483) le navigateur portugais Diego Cao découvrait l'embouchure du Congo ouvrant ainsi le chemin aux missionnaires dans ce vaste champ jusqu'à l'inconnu du reste du monde. Dès 1480, la caravane portugaise remontait le fleuve Congo avec une forte équipe, mais aussi de missionnaires. Cette descente portugaise coïncide ainsi avec le début et la première phase de l'évangélisation dans cette partie littorale située au bord de l'océan Atlantique que formait le royaume Kongo. Ace propos, G. Balandier rapporte :

Sous l'impulsion de Jean II du Portugal, une véritable expédition missionnaire fut organisée au cours de l'année 1490, huit ans après la découverte. Elle embarqua le 19 décembre sous le commandement de Gonsalves de Sousa. . Cette expédition elle comprenait des missionnaires-prêtres, séculiers, moines franciscains ou dominicains, chanoines de Saint Jean l'Evangéliste, des soldats en armes, des paysans et des artisans, maçons et charpentiers pourvu de leurs outils et quelques femmes. Elle devait renforcer une implantation qui n'était que ponctuelle mais qui avait suffi à apprendre aux portugais « que le commerce avec les kongolais était fort avantageux62(*).

Le premier résultat de cette évangélisation c'est la conversion du roi Nzinga Nkuwu, cinquième successeur de Nimi Lukeni. Après son baptême, il prit le nom de Joao 1er (Jean I) en souvenir de son homologue portugais. Son entourage fut aussi baptisé. Mais bien avant Nzinga Nkuwu le gouverneur de Soyo était le premier à s'ouvrir au Christianisme. Cette ouverture du roi Nzinga Nkuwu (Joao I) aux missionnaires favorisa l'implantation du christianisme. Il fut largement répandu dans ce royaume. Cette conversion fut très courte car en peu de temps le roi avait repris ses fétiches puis abandonné la religion. Cela était dû aux problèmes internes que connaissait le royaume.

Après la mort du roi Nzinga Nkuwu, son fils Afonso s'empare du pouvoir après une guerre avec son frère Mpanzu NZinga.Sous le règne d'Afonso, le royaume fut aussi évangélisé (1506 - 1543). Il fut le vrai roi le plus chrétien des rois Kongo. Pendant son règne plusieurs jeunes furent envoyés à l'étranger pour étudier. Malheureusement cette évangélisation fut de courte durée car interrompue par la traite négrière.

2- Evangélisation du Congo Français et des pays Alima

Les premières traces de cette évangélisation remontent à la fin du 19ème siècle à Loango. En 1865, la mission fut confiée aux Pères du Saint Esprit. Jusqu'en 1881, la religion n'était présente qu'à Loango et dont R.P. Carrie avait juridiction sans limite vers l'intérieur du pays, avec pour ambition la fondation de plusieurs missions catholiques.

En 1883, la mission de Linzolo fut fondée et l'année 1886 marquait la date l'érection du Vicariat apostolique du Bas-Congo qui, en 1907, prit le nom de Loango et celui du Haut Congo avec Mgr Augouard comme premier titulaire. Le vicariat du Haut Congo fut modifié sous le nom de l'Oubangui le 15 janvier 1894.Le 8 mai 1909, le nord du Haut Congo se détacha et prit le nom de la Préfecture apostolique de l'Oubangui Chari.

Le 21 juin 1922, le vicariat apostolique du Congo devint le vicariat apostolique de Brazzaville. En 1949, le vicariat de Loango prit le nom de vicariat apostolique de Pointe Noire et le 21 décembre 1950, le vicariat de Fort Rousset fut crée. Le 19 septembre 1955, les nouvelles appellations prirent corps à savoir les Diocèses de  Pointe Noire et de Fort Rousset.

A la tête de l'Archidiocèse de Brazzaville se succédèrent des personnalités religieuses comme :

Monseigneur Prosper AUGOUARD   1890 - 1921

Monseigneur Firmin Guichard             1922 - 1935

Monseigneur   BIECHY                        1936 - 1954

Monseigneur Michel BERNARAL        1954 - 1955

Monseigneur Théophile MBEMBA  de 1961........63(*)

Dès les débuts, l'oeuvre de l'évangélisation fut très efficace et le nombre des catholiques et catéchumènes croissait chaque année.

Année

Catholiques

Catéchumènes

  Prêtres

   Frères

 Soeurs

  1895

  1905

  1910

  1920

  1930

  1940

   650

  2093

   3948

  9788

 36628

 79600

    -

   2500

   4122

  12088

  12071

  12582

    10

    22

    16

    23

    22

    29 + 2

     5

    14

    10

    10

    10 + 4

     -

    4

    7

    7

   12

   23

    -

         Source : Les spiritains au Congo

       

           

Quelques références de la création des églises

Dans le Diocèse de Fort Rousse, elle comprenait en 1950, les préfectures de l'Alima-Lefini, la Likouala-Mossaka, la Sangha et la Likouala.  Ce tableau montre la croissance des adeptes, prêtres, frères et soeurs.

Année

Catholique

Catéchumènes

   Prêtres

    Frères

     Soeurs

   E

  A

  E

  A

  E

  A

1951

1955

1960

33182

47216

50129

   5114

   7676

   6058

13

21

24

02

02

06

03

03

09

03

02

01

06

12

19

 -

 01

02

 Source : Idem

En 1930, à côté de 10 Frères Européens, on comptait 4 Frères Africains.

En 1940, on notait la présence de 2 Prêtres Africains.

-       E= Européen

-       A= Africain

 

- L'expansion dans le Congo Alima

Le long de l'alima et sur sa rive gauche se sont développées d'illustres églises catholiques  dont l'oeuvre réalisée reste encore très vivaces. De notre Dame de Lekety à St François Xavier de Boundji, on compte  près de 90 km et de cette dernière à Ste Radegonde près de 110km.

Toutes ces missions se situeraient à 450 km de l'évêché de Brazzaville au sud, à 250 km de Saint Louis de Liranga à l'Est, à 180 km de la mission de Franceville au Gabon à l'Ouest Au nord celle de Ouesso, est située presque à égale distance de Brazzaville.

- Fondation des trois missions de l'Alima

La religion fut l'un des meilleurs instruments utilisés par les Européens pour pacifier le Congo Français. Ce fut dans  cette perspective que les dernières années du 19è siècle furent marquées dans l'Alima par la fondation de trois missions catholiques à savoir, celle de Lekety, Boundji et Sainte Radegonde.

-  La mission de Lekety

Après l'évacuation des postes de Dielé et Lekety par l'administration française, postes qu'ils avaient crées en 1882 et 1883 ; le 27 juin 1897, monseigneur AUGOUARD accompagné de P. QUINAKA, F. ELIE et 17 travailleurs partirent de Brazzaville pour Lekety. En 1897, sur les ruines de l'ancien poste de Lekety, Monseigneur AUGOUARD fonda l'Eglise Notre Dame de Lekety. Il obtint de l'administration française, l'utilisation du matériel de l'ancien poste de Dielé. Quelques instants après, l'influence de l'église se fut sentir par le  rapprochement de certains indigènes. Ce rapprochement permis de former quelques catéchistes afin d'agrandir la communauté chrétienne.

Plus tard on assiste à l'arrivée des soeurs franciscaines missionnaires de Marie, en vue de la formation des jeunes filles. Malgré quelques difficultés, la christianisation de la contrée prit corps, des bords de l'Alima jusqu'aux terres Tégués et Mbeti d'Ewo. Cette propagation de l'évangile en pays tege se singularisa aussi par la création de la mission catholique de Franceville le 14 octobre 1897. De 1899 à 1906. La mission Sacré Coeur de Franceville fut placée sous la juridiction de Monseigneur AUGOUARD pour des raisons pratiques d'accès et de ravitaillement par l'Alima et Lekety.  Elle sera appelée quelques temps plus tard Saint Hilaire.

- La mission de Sainte Radegonde

En 1899, après la débâcle du bateau Léon XIII, les missionnaires de Bolobo prêtèrent à Monseigneur Augouard le bateau LE PEACE. Il lui permit de continuer sa mission dans la basse Alima. Une tornade l'obligea à s'arrêter à  Tsambitso. U ne mission est créée en ces lieux le 15 janvier 1899 et qui prit le nom de Ste Radegonde.

-  La mission de Boundji

Par deux fois, le projet d'installation d'une mission à Boundji échoua. Il fallu attendre le 6 janvier 1900 quand les révérends pères Colombet, Manger, le frère Stanislas, débarquèrent en ces lieux, et après négociation, avec les chefs locaux obtinrent le site de la future mission. Elle connu sa réalisation grâce à la générosité d'un prêtre canadien qui avait fait un don de 75000 frs. L'implantation de ces églises, favorisa l'épanouissement du christianisme dans cette région. Cette gloire de l'évangile sur ces terres est l'oeuvre des catholiques car les autres doctrines comme le Kimbanguisme, le Salutisme et le Protestantisme étaient confrontés à plusieurs difficultés.

L'évangélisation de l'Alima voire des Tégués Alima s'inscrit donc dans le cadre de l'expansion de la civilisation coloniale par l'évangélisation. Dans cette étude de l'évangélisation des Tégué Alima, les trois missions nous intéressent car plusieurs Tégué Alima ont été baptisés à Boundji et par conséquent ont eu des contacts permanents avec les Chrétiens de Ste Radegonde surtout après sa fermeture en mars 1911.

 

Quelques références des missions des pays de l'Alima

Nom de la Mission

Date de Fondation

Fondateurs

Notre Dame de Lekety

27 juin 1897

Mgr Augouard

St François Xavier de Boundji

6 janvier 1900

Mgr Augouard

Ste Radegonde de Tsambitso

15 janvier 1899

Mgr Augouard

St Jean Marie Vianney d'Ewo

Octobre 1956

Père Raymond Grymonpré

St Georges d'Okoyo

1978  

Père Jules Ernoult

 

Source : Les Spiritains au Congo

 

III- Les difficultés rencontrées

Une mission d'une telle envergure ne pouvait être réalisée sans difficultés. Ainsi les premières difficultés furent celles liées au climat.

- L'âpreté du climat :

Les difficultés d'adaptation au climat fut un grand handicap. Elle eut pour conséquence directe l'état de santé aléatoire de plusieurs missionnaires. Dans les années 1902 et 1903, les premiers prêtres succombèrent presque tous. De ce fait, la mission de Boundji fut même fermée en 1903, puis recouverte le 30 septembre 1904. A propos, le père Manger avait dit qu'il considérait la mission St François Xavier comme le pénitencier de l'Alima et qu'il serait désolé qu'elle en devînt le cimetière64(*). Cette diminution des effectifs des missionnaires aboutit dans les années suivantes, celles de 1911 à la fermeture de l'Eglise Ste Radegonde Tsambitso.

- Hostilités des populations :

Dès les premières heures d'évangélisation, la réticence des populations indigènes était perceptible.

- Les nobles (Nkoumou)

  Ces grands de la société traditionnelle ont trouvé en cette période Européenne, une forme de déstabilisation de leur culture ancestrale. A Lekety, le Mwene (Nkoumou) d'Oyanaga menaça de sortilèges les missionnaires de cette église. Cette mission Notre DAME de Lekety, située non loin des terres des grands résistants comme Opandi, Apili ; Nkabi ne connu pas une tranquillité profonde que celle de Boundji.

Si le climat était le véritable adversaire des missionnaires ; les maladies tropicale pour l'ennemi de leur santé, ces grands traditionnels gardiens du culte des ancêtres étaient leur obstacle pour l'évangélisation des pays Tege65(*).

- Le Peuple

Toujours obéissant aux notables, les indigènes de l'Alima ne laissèrent pas le champ libre à l'Eglise de se développer à sa guise. Dans les années 1900, on signale déjà qu'a la mission de Boundji, les indigènes incendièrent les cases des travailleurs de la mission et le frère Stanislas fut obligé de tirer des coups de fusils pour se dégager. A Lekety, outre le refus des Tegué de ravitailler la mission en vivres, ils poussèrent leur opposition jusqu'a interdire leurs enfants de fréquenter l'église. Face à cet état d'esprit qu'affichèrent les Tegué, certains missionnaires se résolurent d'adopter comme attitude de quitter les lieux.

Cette réticence s'expliquait aussi par les souvenirs des mauvais traitements de la période d'occupation des postes de Dielé et Lekety. Mais au-delà de toutes les tracasseries l'église chrétienne s'implanta en pays Tege et vécu même si l'attachement au culte ancestral ne s'était pas totalement ébranlé.

A ce propos, le départ de certains grands prêtres donna l'occasion à la plupart des chrétiens de revenir sur le culte des ancêtres. Ainsi il fallu alors qu'un éphémère prophète de passage, du nom de Tsaka-Tsaka Alphonse exigea que les villageois se défassent de leurs fétiches pour que les prêtres mesurent l'emprise de ces pratiques sur ces populations.

- L'oeuvre des missionnaires

Dans une nature ingrate, au milieu d'une population indigène plus ou moins hostile à l'oeuvre d'évangélisation, les missionnaires de l'Alima commencèrent leur pénible existence. D'une façon générale, l'action de l'Eglise en direction de la population concernait tant des vieux que les jeunes. Mais peu à peu l'action s'orienta vers les jeunes. Dans cette optique, les missionnaires créèrent en 1904 la première école de l'Alima à Lekety qui dès ses débuts compta 66 enfants. En novembre 1905 celle de Boundji ouvrit  ses portes.

Apprendre à connaître autrui, c'est faire un pas dans sa direction. Dans cette volonté de marquer ce pas, le révérend Père BELZIC commença en 1905 la rédaction du catéchisme en langue Tegué. Toujours dans ce souci de coexistence de civilisation, une autre préoccupation s'imposa celle des mariages chrétiens. C'est ainsi que fut créée à Boundji une oeuvre de filles forte de 15 pensionnaires contre 46 garçons en 1905.En février 1912, cette oeuvre connu une évolution significative. Elle comptabilisait 96 filles contre 92 garçons. La mission Notre Dame de Lekety ne suivit l'exemple que trois ans plus tard, grâce aux deux jeunes filles Mbochi rachetées par la mission et autour duquel ; se groupaient les jeunes Tegué, filles des chrétiens. Les résultats obtenus en 1909 plaçaient la mission de Boundji toujours en avance.

En 1920, on comptait 334 enfants à Boundji contre 157 à Lekety. De l'installation des postes des catéchumènes en brousse ; elle commença dès les années 1904. Mais elle prit de l'ampleur courant les années 1913.

 

Chapitre IV : LES RELIGIONS TEGE ALIMA FACE AU CHRISTIANISME

 

1 : Le peuple Tégué Alima et le Christianisme        

Les relations des peuples Tégué Alima et les missionnaires qui ont apporté le christianisme, furent aux départs très difficiles. Un peuple enraciné dans sa tradition ancestrale, trouve dans cette nouvelle religion qu'est le christianisme, une pratique qui les éloignerait de leurs traditions et pratiques ancestrales. Ainsi les premiers missionnaires furent confrontés à plusieurs  problèmes. Au-delà leur caractère hospitalier, le Tégué n'a pas adhéré facilement au christianisme66(*). Il fallait une méthodologie missionnaire afin de ramener le Tégué à la connaissance du christianisme.

- Méthodologie des missionnaires

Le contact avec les chefs locaux était le passage obligé de tous les missionnaires. Pour s'installer sur un territoire ou pour avoir l'autorisation d'ouvrir une mission, les missionnaires une fois arrivés dans un village, cherchaient à prendre d'abord contact avec les autorités locales c'est-à-dire les MFumu. La rencontre commençait par le dialogue et la précision du but  de leur mission. Pour être bien accueillis ou pour  gagner leur confiance les missionnaires apportaient des cadeaux. C'était l'un des moyens adoptés pour acquérir un espace et s'installer. Ces présents étaient exigés par les chefs. Ils étaient composés des étoffes, de sel, de fusils et souvent accompagnés d'une bonne somme d'argent. C'est après cette étape de négociations ou de corruption que les missionnaires avaient l'autorisation de choisir un terrain pour l'emplacement de leur mission afin de commencer leur évangélisation. C'est le cas lors de l'ouverture de la mission de Boundji quand le Diata avec son à bord Monseigneur Augouard accostait le 10 janvier 1900 à Otsese, petit village d'un Likouba nommé Ofemba.

- A Lekety par contre, les missionnaires bénéficièrent des terres déjà négociées par les administrateurs.

- Ce rapprochement des chefs locaux favorise l'ouverture des écoles et l'éducation des enfants tégué Alima67(*).

2- Le Christianisme et les valeurs ancestrales

La société traditionnelle avait ses valeurs qui régissaient la vie des membres de la communauté. Parmi ces valeurs l'on peut citer la solidarité, l'hospitalité, le respect de la personne mais surtout du plus âgé ou de l'ancien, la résolution des conflits (la justice ou la correction fraternelle appelée), le respect de la vie, l'amour de la progéniture et bien d'autres valeurs comme le respect du sacré, la piété et la crainte de Dieu. Ces valeurs considérées comme pré requis favorisèrent dans une certaine mesure l'insertion du christianisme et l'établissement des missionnaires dans le monde Tégué. Les blancs missionnaires avaient trouvé dans ces valeurs un terrain favorable pour jeter le grain de l'évangile. Au coeur de l'évangéliste, l'on trouve plus ou moins ces mêmes valeurs (et bien d'autres) mais avec un sens qui va au bien au-delà du naturel et revêt un sens surnaturel.68(*)

Jean Paul II dans l'exhortation apostolique Ecclésia in Africa reconnaissait que :

L'Afrique est dotée d'une vaste gamme de valeurs culturelles et qualités inestimables qu'elle peut offrir aux églises et toute l'humanité.69(*)

Il a continué en soulignant quelques unes de ces valeurs dont, le sens du sacré et le sens religieux, le rôle de la famille, la génération des ancêtres, le respect des anciens, la solidarité de la vie communautaire. Parlant par exemple du respect de l'ancien et de la valeur de la solidarité, Jean Paul II précise :

Les Africains manifestent leur respect pour la vie jusqu'à terme naturel et, au sein de la famille, ils gardent une place aux anciens et aux parents70(*)

Puis il ajoute :

Les cultures africaines ont un sens aigu de la solidarité et de la vie communautaire. On ne conçoit pas en Afrique une fête sans partage avec tout le village. De fait, la vie communautaire dans les sociétés africaines est une expression de la famille élargie. C'est avec un ardent désir que je prie et demande des prières pour que l'Afrique préserve toujours ce précieux héritage culturel et pour qu'elle ne succombe jamais à la tentation de l'individualisme, si étranger à ses meilleures traditions.71(*)

Cependant avec l'oeuvre missionnaire, on voit apparaitre des valeurs religieuses fondées bien évidemment sur l'évangile. A partir de cette rencontre, les valeurs traditionnelles vont assumer un sens nouveau, sans doute plus riche et plus profond, car au centre elles acquièrent une dimension christologique, c'est-à-dire, le nom du Christ qui est donné comme exemple et modèle.

En effet, bien avant l'arrivée des missionnaires, les êtres enracinés dans la tradition avaient le respect de ces valeurs, ils avaient la notion de l'hospitalité ou de la solidarité d'après ce que véhicule l'enseignement des ancêtres mais avec l'avènement de l'évangile ces valeurs vont être vécues au nom de Jésus. Les choses ne sont plus faites par simple philanthropie ou par loi naturelle mais par la charité chrétienne révélée par Jésus-Christ dans l'évangile. En un mot, ces valeurs traditionnelles seront transformées petit à petit par le message du Christ centre de toute initiative missionnaire. Ainsi les Tégué convertis au christianisme rencontrent d'autres valeurs comparables aux premiers mais avec une nouvelle connotation, ils vivront selon ces valeurs en les conformant à l'enseignement de l'évangile et à ses exigences.

Comme le Christianisme, les religions Tégués ont aussi au dessus de tout un Dieu créateur de tout ce qui vit dans le monde. C'est l'intouchable, car il est le sacré, il est tout. Il n'a pas besoin des hommes pour être Dieu. Le Tégué n'est pas polythéiste mais plutôt monothéiste. Il croit en seul Dieu. Le culte aux ancêtres, aux génies et aux autres sont les canaux par lesquels émettent en direction du créateur.

3- Impact du Christianisme sur la religion traditionnelle Tégué Alima.

3.1- Le changement de vie et de mentalité

A première vue, l'implantation du christianisme au Congo en général, dans l'Alima tégué en particulier, a apporté aussi de grands changements dans la manière de vivre des Tégué, cela peut se vérifier sur tous les plans. En effet, à travers l'évangélisation c'était aussi la culture occidentale qui faisait son entrée, entrainant ainsi, un nouveau style de vie, disons tout simplement un style de vie de manière occidentale : socialement ; spirituellement. Cet « affrontement culturel » engendra généralement la perte de certaines réalités liées à sa propre culture, religion et du coup de son identité. C'est ainsi que l'ordre socioreligieux préétabli sera bouleversé, sinon changé par l'apport ou l'influence de la nouvelle culture, religion apportée par les missionnaires.

Les jeunes tégué qui ont fréquenté les écoles missionnaires ont vécu ce choc de culture de religion. En eux cohabitaient dorénavant deux types de culture à savoir la culture locale ancestrale et celle nouvelle des missionnaires. D'où un nouveau style de vie qui s'instaure chez les nouvelles générations qui, à force de vivre avec les missionnaires, vont devenir « les petits blancs à la peau noire ». Cet aspect est bien souligné dans le roman de Cheik Hamadou Kane72(*). De son côté F. SUTTON écrit :

Même là où l'on s'efforçait d'enseigner la doctrine chrétienne dans les langues africaines, l'accent était mis sur les normes de comportement et de moralité du monde européen.73(*)

3.2- La diminution de la polygamie et l'émergence de la monogamie

Le deuxième élément qui faire voire l'impact du christianisme sur la religion traditionnelle est bel et bien celui de l'émergence de la monogamie (fruit du mariage chrétien) et du coup la diminution de la polygamie. En effet, la polygamie, nous l'avons constaté, fait partie des éléments essentiels de la société et la religion traditionnelle. Elle est signe de puissance, d'autorité et de richesse chez les Tégué Alima. Cependant avec l'implantation du christianisme, la monogamie sera exigée des adeptes de la religion catholique. Autrement dit, ne peut recevoir les sacrements ou ne peut devenir chrétien que celui qui est marié ou se marier à une seule femme.

Pour le polygame, la condition était de renoncer à d'autres épouses pour n'en conserver qu'une seule (la première). Les missionnaires de l'époque, comme ceux de nos jours, restent fidèles à l'enseignement et la doctrine de l'église sur le mariage, conçu comme l'union de deux conjoints. C'est ainsi qu'à force d'insister et d'inculquer aux néo chrétiens les valeurs matrimoniales chrétiennes que la culture de la polygamie a disparu petit à petit au profit de la monogamie surtout dans les milieux catholiques.

La monogamie, nous devons le dire, est une nouveauté dans la culture congolaise en général, Tégué en particulier. Un homme dans la société traditionnelle où avant l'arrivée du christianisme ne pouvait se limiter à une seule femme, sauf quelques rares exceptions. La grandeur d'un homme se mesurait par la pluralité des femmes. Le fait de voire un Tégué se marier avec une femme religieusement c'est une véritable conversion.

3.3- La disparition du culte des ancêtres et de certains rites

Le troisième élément justifiant l'impact significatif du christianisme sur la religion traditionnelle Tégué Alima est la disparition du culte des ancêtres et de certains rites traditionnels. En effet, un constat général nous pousse à dire avec conviction qu'avec l'évangélisation, certains éléments de la religion traditionnelle ont disparu et disparaissent petit à petit au profit de la nouvelle religion catholique. Sur ce, Jean-Michel ELELAGHE écrit :

Le christianisme se présente comme une machine implacable pour la destruction de la religion traditionnelle et des assises philosophiques de la société (...) Dans les écoles, on apprend aux jeunes à mépriser les pratiques sauvages de leurs parents et de leurs ancêtres. L'administration et la mission conjuguent leurs efforts pour la destruction des organisations politico-militaires et du culte des ancêtres, les missionnaires sur leur terrain s'attaquent plus spécialement à ce dernier.74(*)

Dans cette situation nouvelle, de nombreux chrétiens ayant connu le Christ comme sauveur, n'accordent plus assez d'importance au culte des ancêtres. Ils connaissent Jésus fils de Dieu et développent en eux de multiples dévotions envers les saints. Les chrétiens s'adressent directement au Christ dans leur prière et témoignent par eux-mêmes de l'efficacité de leur prière.

Cependant, dans une autre vision des choses où mieux dans une vision théologique plus profonde (de la théologie africaine proprement parlant), Jésus est considéré comme (ancêtre et ainé) dit François Kabaselé ; il est l'ancêtre par excellence, « le proto-ancêtre » ou « l'ancêtre primordial ». Bref, Jésus est considéré comme l'unique médiateur auprès du père éternel, il est la porte du salut et est lui-même le salut.

A ce propos un théologien africain Nkongol Wa Mbiye affirme :

Jésus Christ est donc au dessus de tous les esprits. Il est notre esprit (ancêtre) à nous par ce que nous sommes (...) le grand esprit (ancêtre) reste toujours le Christ, l'enfant de Dieu mort et ressuscité. Il est le premier né d'entre les morts.75(*)

En outre, les nganga ou féticheurs de la religion traditionnelle sont de moins en moins fréquentés, ils ont perdu, pour ainsi dire leurs clientèles. Le nouveau chrétien s'adresse à Jésus et trouve en lui les grâces dont il a besoin. Il fréquente l'église et par nécessité se confie au prêtre. Dans cette optique, certains rites traditionnels comme les libations, le sacrifice de tels ou tels animaux aux profits des anciens sont accomplis encore par une petite minorité non chrétienne, mais de moins en moins.

3.4- Les prénoms chrétiens chez les tégué alima

Nous le disions, l'évangélisation dans ses débuts s'intéressaient tant aux âgés qu'aux jeunes. Mais au fil des temps l'oeuvre s'orienta majoritairement vers la jeunesse appelée les Enfants que les vieux tégué aimaient affectueusement aux `'LESSAFA''. Cette oeuvre prit surtout de l'ampleur avec l'installation de catéchistes en milieu rural et qui attira énormément les enfants de ces centres des catéchumènes installés quelques fois à plusieurs dizaines de kilomètres de la mission de lékéty ou de Boundji partirent ces dits Enfants pour le baptême à la paroisse. A ce propos, le Révérend Père JEANJEAN en 1934, écrivait

Nous avons des groupements de chrétiens qui sont à 200km de la mission.76(*)

Le chiffre des catéchumènes instruits à Boundji indique de flux puis le reflux du développement de la mission.

Ainsi en 1920 : 452 ;

1940 : 946 ;

1950 : 785 catéchumènes77(*).

Toute cette grande oeuvre s'achèverait par des baptêmes symbolisé par l'obtention d'un prénom. A son arrivée à Boundji, le Père Raymond GRYMOMPRE, rapporte la manière curieuse dont en 1947, se faisait l'attribution des prénoms chrétiens au moment des séries des baptêmes. Le père suivait la liste des noms des saints tels qu'ils se présentaient par ordre alphabétique. Si la série précédente des baptêmes s'était arrêtée à Privat, le premier de la nouvelle série s'appellerait Prosper. Puis on suivait : Quentin, Raoul, Rigobert... jusqu'à Zozimo, puis on recommençait par Abraham.

De retour dans son village d'origine, ces enfants devenus chrétiens par baptême et portent un prénom chrétien qu'arborait leur chapelet au cou, constituèrent une sorte de nouveau monde. Ils ne s'appelaient que par leur prénom : Louis, Emmanuel, Damase, Philippe, Fidele, Mathieu... De part leur vie communautaire à la mission, ils gagnèrent en comportement positif. Ils devenaient très gentils, modérés, tolérants, certains tombèrent même dans une bondieuserie extrême. Ils se distinguèrent des autres enfants non baptisés et seront pour la plupart attirés par ce fait à la vie moderne. Et c'est dans cette jeunesse que naquirent les prénoms maçons, cuisiniers, charpentiers et autres de la contrée tégué.

3.5-La création des deuxièmes cimetières

L'impact de l'évangélisation fut très considérable chez les tégué alima. Certes elle ne détruisit pas totalement les valeurs ancestrales mais il s'établit une sorte de dualité dans la vie, les comportements de ses populations. Ainsi vivant dans les mêmes villages, on assista a une cohabitation de la culture. Si dans les grands centres, on assista à la création des villages ou quartiers chrétiens, le cas de Saint Benoît de Boundji, dans les petits villages cependant la cohabitation étant maintenu. L'on pouvait voir un chrétien construire sa demeure à côté d'un païen mais les comportements, les modes de vie et de conception étant sensiblement différentes. Cette différence du mode de vie de ces communautés était très sensible. Elle ne concevait plus la vie de la même manière. La conception du monde se différenciait. Aussi, la manière de voir la vie après la mort n'était plus la même. Pour le chrétien, il fallait respecter les dix commandements de Dieu pour prétendre avoir accès au Paradis. De cette différence de conception et de vie, les chrétiens des villages, à l'image des grands centres, créèrent leur cimetière. Ne pourrait être inhumé dans celui - ci qu'un chrétien. A Mvagui au village de mon grand père dans le district d'Okoyo, le cimetière d'Ossimba fut exclusivement réservé aux chrétiens et celui de Nkoua aux païens.

3.6- La création des villages chrétiens

Avec l'installation des missionnaires sur les bords de l'alima avec la création des églises de Lekety ; Boundji et de Sainte Radegonde, naquit évidement une nouvelle civilisation. La civilisation chrétienne soit donc corps avec toutes modifications sociale qui s'en suivrent. Les baptêmes et les mariages des religieux donnèrent naissance à une nouvelle stratification sociale. On se retrouve ainsi en présence de deux types de trois types de mariages ; le mariage traditionnel le plus ancien, le mariage à l'Etat civile avec l'administration coloniale et enfin le mariage religieux avec les missionnaires. Ces nouvelles couches sociales, aux comportements et idéaux différents tentèrent de cohabiter mais dans une méfiance prudente. Les uns s'enracinant dans leurs sources ancestrales et évitant d'être engloutis par les nouvelles cultures. Les autres s'étant métamorphosés à la culture occidentale dite moderne évitant eux aussi de retomber dans une sorte de vie rétrograde. A la mission de Boundji, dans le souci de préserver les ménages issus des premiers mariages célébrés en 1906 et 1908, les missionnaires décidèrent de créer un village chrétien. Le père Prat chargea ainsi le père JEANJEAN en 1909 d'installer ce petit village chrétien et qui prit le nom de Saint Benoît. Ce village hébergera donc les ménages chrétiens qui après leur baptêmes et mariages ne repartirent plus dans leurs anciens villages. Regorgeant à la fois les ménages chrétiens et les ouvriers, il fut le premier village à payer l'impôt de capitation. A Lekety fut presque identique. Lekety fut un village presque exclusivement chrétien. Il a reçu les enfants en provenance des villages lointains des districts d'Ewo et Mbama. De ces villages chrétiens, l'on se pose la question suivante : pourquoi s'appelleraient - ils Ebongo ? On retrouve ce nom Ebongo dans ces quartiers chrétiens de Saint Benoît (Boundji), à Lekety, à Lekana et à Makoua ? Serait - il une création géographique des missionnaires afin de différencier les quartiers, villages chrétiens aux quartiers non chrétiens.

3.7-Les revers de la foi ardente du Tégué

Nous le disions plus haut, le tégué est très pieux. Les questionnements sur son environnement trouvent des réponses dans Dieu le Créateur à travers ses génies qu'il a placés près de Lui pour faire le trait d'union. Avec la présence des missionnaires catholiques, le tégué une fois converti, observait scrupuleusement la conduite religieuse catholique. Il parcourait des dizaines de kilomètres pour se rendre au centre religieux lors des grandes cérémonies afin de respecter ses engagements. Cette foi ardente de tégué lui a valu quelques fois des grandes peines voire des sacrifices suprêmes de la part de ses voisins restés incrédules ou de l'administration coloniale. Plusieurs cas de mauvais traitements furent enregistrés pendant cette période. Certains administrateurs coloniaux ne regardaient pas d'un bon oeil les habitants du village chrétien de Saint Benoît, en partie parce que ce beau village extra - coutumier faisait honneur aux méthodes missionnaires. Ces habitants, se prévalant aussi de leur situation particulière refusaient aussi à l'administration les prestations en travail et en nature exigées de l'ensemble des congolais. Le cas le plus flagrant fut celui du chrétien AKIAKO, tégué alima de la famille ODEBI au village Mvagui, neveu de NKOULA qui s'était installé à OLONGONE à quelques encablures de Saint Benoît. En octobre 1927, les pères missionnaires rapportent, qu'un administrateur nommé BEGOU avait fait emmener à la prison de Fort Rousset un chrétien AKYEAKE de son vrai nom AKIAKO, du village OLONGONE travaillant comme chasseur par la mission.

Pour simple motif de foi, en allant saluer Monseigneur de passage à la mission plutôt que de participer aux prestations officielles requises ce jour là pour son village, ce chrétien paya sa vie. Comme ce chrétien refusait de chasser pour cet administrateur, il fut frapper mortellement et perdait sa vie. Ces genres de situations furent très nombreuses surtout vis-à-vis du leurs propres frères tégué. Le refus catégorique de revenir aux pratiques ancestrales aboutit aux nombreux cas fâcheux. Seule la foi gardaient ces chrétiens, les préservaient pour ce départ mérité au paradis.

3.8- La présence d'un nouvel habitat

L'oeuvre bienfaisante de l'église catholique fut très éloquente. Elle perceptible, non seulement au niveau des changements des mentalités avec l'introduction des oeuvres scolaires mais aussi à travers la modernisation des structures de base comme l'habitat. L'église avait concouru énormément à l'installation des nouveaux villages avec des maisons ou des cases alignées. Bien avant l'arrivée des missionnaires, les tégué vivaient dans des jadis dont la seule issue d'entrée et de sortie n'était que la porte. Les matériaux de construction étaient issus de la forêt et de la savane. La paille et les feuilles du palmier Bambou constituaient les principales pièces pour couvrir les murs et les toits. La case comprenait deux pièces un selon et une chambre à coucher. Une cloison séparait les deux pièces. Ces habitations n'avaient pas de fenêtres. Le manque des fenêtres s'expliquait semble t-il par la peur des sorciers et surtout des animaux féroces qui favorisaient rage en pays tégué. L'inquiétude était toujours grande malgré les pièges tendus pour empêcher les crimes de ces carnivores. Il fallu attendre les années 1927 pour que suite au voyage pédestre du Père JEANJEAN de Boundji à Brazzaville, l'on assiste à la première maison en pisé à Boundji. Ce fut en effet, un certain OFIA Alexandre de Boundji qui eut l'étrenne de cette oeuvre dans le secteur. Après avoir observé et copié le modèle de maison en pisé chez les Batéké de Brazzaville, Monsieur Alexandre en ramena les schémas et en construisais une, une fois arrivé à Boundji. Et l'on rapporte que la curiosité fut grande autant que la moquerie. Pourquoi n'est - il pas mort et doit - il dans la terre disaient certains ? Et quelle mouche maçonne répliquant d'autre! Est-il l'histoire de la petite case en pise fer son chemin et peu à peu les braves chrétiens MBOCHI et TEGUE l'adoptèrent. Cette nouvelle maison eut le mérite d'être plus précieuse avec plus d'ouverture la rendant plus airée. La petite maison en pise, l'objet d'hier de l'émaillerie devint ainsi l'ancêtre d'un nouvel habitat, plus conforme et commode, adapte à la vie moderne. La mobilier en bois, l'oeuvre des chrétiens devenus menuisiers trouvera aux fumées des foyers Tégué dont la braise ne s'éteignait point.

4- L'inculturation

L'inculturation de l'évangile reste un défi pour le christianisme en Afrique en général, au Congo en particulier précisément dans le pays tégué alima. On ne peut plus à nos jours parler de l'évangélisation ou du christianisme sans associer ce concept clé et incontournable.

Il est écrit à cet effet dans l'instrumentum laboris du Synode des Evêques d'Afrique :

Les Eglises particulière constatent que le défi de l'inculturation est plus que jamais crucial pour nos sociétés africaines dont les cultures sont menacées.78(*)

L'inculturation est pour ainsi dire la clé ou le passage obligé de l'annonce de l'évangile dans le monde en général et en terre congolaise en particulier. L'instrumentum laboris ajoute :

L'Eglise ne peut former d'authentique chrétiens qu'en prenant sérieusement en main l'enracinement culturel du message évangélique.79(*)

En effet, les congolais, les tégué ne doivent plus accueillir le christianisme comme une dynamite ou une bombe qui vient détruire leur patrimoine culturel. Mais comme un des leurs biens plus encore comme un hôte qu'on accueille pour perfectionner leur culture, les christianiser et les rendre plus humains. Comme disaient les Evêques du Congo en 1972 :

Nos Eglises soeurs d'occident nous ont apporté l'évangile qui est parole de Dieu pour tous les hommes. Cet évangile a pris racine chez nous et maintenant il germe et il fructifie à partir de nous-mêmes. Il ne détruit pas les valeurs propres de notre peuple mais leur donne une dimension et un sens nouveau... nous pouvons donc être authentiquement congolais et chrétiens.80(*)

Le champ de l'inculturation est très vaste dans l'expansion du christianisme. En dehors de l'évangile, elle intervient aussi sur la liturgie. L'accent doit être sur la célébration de la messe des cultes en langues locales. En outre l'usage des instruments traditionnels comme le tam-tam, le Ngongi, enrichissent la liturgie. Tous ces éléments rendent belle la célébration et contribuent à une plus grande participation. De même, l'insertion de la danse dans une célébration liturgique est un élément important. Ainsi que la pastorale, doit prendre en compte les réalités actuelles des peuples. Mais sur le plan théologique, un grand effort est encore à faire car une réflexion théologique basée sur la culture congolaise en générale et tégué en particulier s'avère nécessaire à l'heure actuelle. Extérieurement, les églises en pays tégué donne une impression de persévérance et de fidélité, particulièrement à travers des pratiques culturelles. Les dimanches et les jours de fête rassemblent énormément les adeptes et la participation est active et dynamique. Dans les années 60, cette attitude était observable particulièrement dans les grands centres religieux de Lekety et Boundji. Dans les villages cet engouement devenait au fil de temps moindre. Est - il que les écoles catholiques installées dans quelques villages, servaient encore de creuset pour l'église. Certes, outre ces jeunes écoliers catéchumènes on assistait peu au mouvement des foules vers ces grands centres religieux, mais la dynamique restait très forte dans ces centres de Boundji et Lekety. Mais au delà des rassemblements liturgiques et paraliturgiques que reste-t-il des comportements évangéliques au coeur de la vie sociale, familiale et conjugale ? Les missionnaires encourage t-ils les chrétiens à oeuvrer pour une société plus juste et plus fraternelle ? Consacrent-ils seulement le gros de leur temps au bon fonctionnement des structures et pratiques établies ? Le Pape Jean Paul II, lors de sa première visite au Cameroun, avait fait éloge des missionnaires du passé qui apportèrent la foi avec une `'sincérité et une générosité que personne ne peut mettre en doute'', message qu'ils `'ont forcement présenté dans le langage qui était leur'', et cela, `'c'est déjà une grâce inouïe''. Et c'est à vous, laïcs et prêtres africains, qu'il appartient maintenant de faire que cette graine produise un fruit original, authentiquement africain ; de permettre au levain de faire lever toute la pâte chez vous. C'est tout l'enjeu de la seconde évangélisation qui est entre vos mains. Ces fruits représentent une nouvelle richesse pour notre pays comme pour l'église entière qui atteint de grand coeur pour être toujours catholique.

* 33 R. GOYENDZI : La société initiatique Ndjobi, dynamique et implication socio - politique au Congo 1972 - 1992, p. 47.

* 34 J .Itoua, les Mbosi au Congo : Peuple et civilisation, L'Harmattan, Paris 2007,p.108

* 35L'Abbé Beaudoin, Le Ndjobi et attitude chrétienne

* 36Idem

* 37Mbou Elise Enquête orale n° 8 le 23/12/2012

* 38 M. Alihanga, Structures communautaires traditionnelles et perspectives coopératives dans la société Altogoveenne, Thèse pour le doctorat d'anthropologie, Université Pontificale grégorienne, Rome, Italie 1976.

* 39 R. Goyendzi, op. cit., p. 121.

* 40 R. Goyendzi, op. cit., p. 23.

* 41L'Abbé Beaudoin le Ndjobi et attitude chrétienne, op. Cite. p. 78.

* 42Salemo André Enquête orale n° 10.le 15/11/2012

* 43W. Raponda, André et Sillans, Roger, (1962), Rites et croyances des peuples du Gabon, Paris, Présence africaine, 377pages

* 44Idem s

* 45D'où les formule : Ndzami a ntsiè, Ndzami a youlou.

* 46 B. Nantel, Afrique, les mots clés, Paris, 1992, p .200.

* 47L'Abbé Beaudoin le Ndjobi et attitude chrétienne, op. Cité. p. 89.

* 48L.V. THOMAS et R.LUNEAU, La terre africaine et ses religions, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 104.

* 49Benoît XVI, L'observatore Romano du jeudi 19.3.2009, voyage au Cameroun et en Angola, p.12

* 50Idem.

* 51 L. Boka Dimpassi, « Les ancêtres médiateurs », in TELEMA n°83 - 84 juillet - décembre, 3-4 /1995 p. 55-61

* 52A. Hampate BA, « Animisme en savane africaine » in AA.V.V les religions africaines traditionnelles, éditions du Seuil, Paris, 1965, p. 33.

* 53 C. Kinata, La formation du clergé indigène au Congo français 1875 - 1960, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 61.

* 54 L. Ngomo Okitembo, L'image du prêtre africain. Le cas du Zaïre, Maîtrise de théologie, Strasbourg, 1989 p. 23 -24.

* 55 Mbou Elise Enquête orale n°8. le 23/12/2012

* 56 NGANGA Moïse enquete orale no3. le 20 /09 /2012

* 57 Nganga Moïse, enquete orale n03 le 20 /09 /2012

* 58Idem.

* 59Cf. Abbé Armand Brice Ibombo Implantation du christianisme au Congo-Brazzaville et son impact sur la société traditionnelle De la plantatio ecclesiae a la nouvelle évangélisation (1883 -1955)

* 60Idem.

* 61 Ibidem.

* 62 Selon une formule de Pigafeta. In G. Balandier, La vie quotidienne au royaume du Kongo du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1965, p. 29.

* 63 Le père JEANJEAN, missionnaire au Congo, par Michel Legrain Paris, Hatier, 1980

* 64 Salemon Andre enquête orale n° 10.Le 12/12/2012

* 65J. Enould, Les Spiritains au Congode 1865 à nos jours

* 66J. Ernould Les Spiritains au Congo de 1865 à nos jours

* 67Idem

* 68 Jn PAUL II, Exhortation apostolique Ecclesia in Africa n.42

* 69 Idem.n.43

* 70 Ibidem.

* 71 Idem

* 72 C. hamidou kane, l'aventure ambigüe, Paris, julliard ,1961

* 73 J. Coleman, education and the marking of modern nation. In education and political development, Princeton University, Press, Princeton,1965,p.65

* 74 Cf. Genèse 2,24

* 75 J.M. ElElaghe Cité par l'abbé Beaudoin

* 76 Michel LEGRAIN Le père JEANJEAN missionnaire au Congo

* 77 Idem

* 78 « Synode des évêques II assemblée spéciale pour l'Afrique.

* 79 Idem

* 80 Conférence des évêques du Congo 1983

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