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Protection sociale et croissance économique au Cameroun

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par Jean Colbert Awomo Ndongo
Université de Yaoundé II-Cameroun - D.E.A en Sciences Economiques 2008
  

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SECTION II : PROTECTION SOCIALE - SANTE - PRODUCTIVITE DU

TRAVAIL

D'après l'OMS, la santé est « un état complet de bien-être physique, mental et social » : elle ne se réduit nullement, par conséquent, à l'absence de maladies ou d'infirmités. En insistant sur ce point, l'organisation internationale élargit considérablement le champ d'investigation. A l'évidence, ainsi perçue, la santé peut être affectée par des facteurs non strictement médicaux, comme les conditions de travail (OMS, 2000)19. Dès le 18ème siècle, des auteurs comme Bentham (1789) et Marx (1867) ont attiré l'attention du rôle de la santé sur le bien-être et la qualité de la force de travail.

La santé fait partie du capital humain au sens de Becker (1964)20. Une bonne santé améliore le bien-être de la nation, permet également de gagner des heures de travail et de la productivité, donc des points de PIB.

19 OMS (2000), Rapport sur la santé dans le monde 2000. Pour un système de santé plus performant, Juin.

20 Becker (1964), Human capital. BER, New York.

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II-1 : Couverture sociale, capital humain et productivité du travail

Le capital humain peut être défini comme l'ensemble des dispositions durables dont l'acquisition et la possession améliorent la productivité du travail. Ces dispositions sont des capacités et des aptitudes au prix d'investissements humains qui mobilisent dépenses et efforts personnels (Logossah, 1994). Suivant cette définition, le capital humain est l'ensemble des déterminants attachés à la force de travail et qui sont susceptibles d'agir sur la production. La nature de ces déterminants est plus variée, et recouvre aussi bien l'éducation, la santé et les motivations des agents. La protection sociale contribue à l'amélioration du capital humain des individus (II-1-1) et par conséquent à la productivité (II-1-2).

II-1-1 : Protection sociale, amélioration du capital humain et productivité

Les prélèvements sociaux et l'aide sociale correspondent à un investissement dans le capital humain, dont tous les ménages et toutes les entreprises profitent (amélioration de la productivité de la main d'oeuvre grâce à la formation, la santé, etc.).

A : Les dépenses de protection sociale comme un investissement productif

Dans la théorie du capital humain, l'état de santé de chaque individu est envisagé comme un stock c'est-à-dire, comme un capital santé dont la contribution productive se fait sous forme de flux de services de bonne santé. Les dépenses de santé à travers l'assurance maladie sont un facteur d'efficacité qui élève la productivité (Grossman, 1972). Les dépenses de santé ou de vieillesse constituent une part très importante des dépenses de protection sociale. L'objet principal de telles dépenses n'est pas d'être « productives », même si elles peuvent avoir une influence sur les capacités productives des travailleurs, c'est ce qui explique le fait que les entreprises acceptent à l'origine de participer à leur financement, notamment en ce qui concerne les dépenses de santé avec la médecine du travail (Tabellini, 2000).

Les dépenses de santé contribuent à la productivité de la population active à long terme et il existe une forte présomption à cet effet (Harris, 2002). Cela dit, il reste la question de l'ordre de grandeur des répercussions des dépenses de santé sur la productivité des entreprises dans un pays en développement tel que le Cameroun. Une évaluation raisonnée des effets de la protection sociale sur la productivité du travail doit nécessairement aborder cette question d'importance capitale.

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B : Une esquisse de la perception du lien santé-productivité du travail par certains théoriciens

Cette présentation contribue à mettre en exergue les liens entre les dépenses de santé des systèmes de sécurité sociale et la productivité. Il ressort de la littérature que les liens entre la santé et la productivité ont fait l'objet de recherches de la part des économistes et demeurent fortement controversés. Toutefois, on trouve relativement peu d'études semblables à celles consacrées au secteur de l'éducation que l'on pourrait citer en référence. Les données disponibles font habituellement ressortir une corrélation entre le revenu et la santé, mais sans préciser le sens dominant de la causalité (Piateki et Ulmann, 1996). Dans le cas des pays en développement, il y a des meilleures preuves d'un lien entre la santé et la productivité des travailleurs. Une approche qui permet d'identifier l'effet de la santé sur la productivité est celle des coûts de la maladie mesurant le temps de travail perdu, qui est une perte de productivité manifeste (Majnoni d'Intignano et Ulmann, 2001). En haussant la probabilité que les travailleurs occupent leur emploi sans interruption pendant de longues périodes, la santé contribue à inciter les entreprises à investir dans du matériel nouveau et dans la formation sur le tas (Banque mondiale, 1999).

Ulmann (1999) prolonge l'analyse de Lucas (1988) en incorporant la santé en tant que déterminant de la qualité du capital humain et donc comme un facteur de la fonction de production globale, car les travailleurs en bonne santé sont non seulement plus productifs parce qu'ils sont plus présent au travail mais aussi parce qu'ils sont plus efficaces dans leur tâche. De même, Van Zon et Muysken (1997) trouvent qu'une bonne santé est un pré-requis pour toute croissance économique compte tenu de son influence sur la productivité du travail par exemple.

II-1-2 : Protection sociale comme couverture des risques de la maladie et productivité

L'assurance maladie offre une garantie médicale aux agents économiques en mutualisant les risques encourus par ces derniers dans leurs lieux de travail. Ainsi cette assurance présente certaines limites qui peuvent être mises en exergue d'une part et a trait à des problèmes d'information d'autre part. Dans ce qui suit, on analysera tout d'abord l'effet de l'assurance maladie publique sur la productivité (A) et ensuite, la valeur de la vie humaine et le coût social des risques (B).

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A : L'assurance maladie publique et productivité

L'assurance maladie est un élément de protection sociale, elle est le reflet de la sécurité sanitaire des travailleurs. L'assurance maladie publique se présente sous deux formes différentes :

· En premier lieu l'assurance maladie publique universelle des régimes de Beveridge qui couvre toute la population de la nation, d'une région ou d'une commune, comme au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, etc. Elle met en oeuvre la solidarité nationale ou locale entre les citoyens et entre les générations selon le principe égalitariste et compense les inégalités indépendantes de la volonté individuelle selon les principes de justice proposés par Rawls. Elle permet en particulier l'accès des pauvres et des non-assurables à une couverture maladie égale à celle de l'ensemble de la population. Ainsi, la productivité de ces catégories se trouve améliorée parce que cette couverture maladie leur assure un capital santé adéquat, qui est corrélé positivement d'après la théorie du capital humain à l'efficacité du travail (Grossman, 1972).

· En second lieu, on trouve les « filets de sécurité » publics nécessaires pour suppléer aux défaillances du marché et aux inégalités dans les pays où domine l'assurance privée ou sociale. Il ne s'agit plus ici d'assurance, mais de solidarité21 ou d'assistance. Cette couverture est financée par une cotisation obligatoire sur l'ensemble des revenus et les prestations, définies par l'Etat, sont servies par des assurances privées, en général celles qui assurent la couverture pour les soins courants.

L'assurance maladie permet aux individus de se protéger des aléas qui peuvent

subvenir durant leur période d'activité, de ce fait, elle contribue à réduire les pertes de productivité dues aux accidents de travail, aux invalidités et à la maladie. Car les maladies et accidents de travail que sont victimes les travailleurs amenuisent leur force de travail et partant réduisent leur niveau de productivité.

B : Approches d'évaluation des coûts de la maladie

Une manière d'analyser les liens entre la santé et la productivité consiste à évaluer les coûts de la maladie. On peut évaluer les coûts de la maladie selon une approche basée sur la valeur de la vie humaine ou le coût social des risques.

La valeur de la vie humaine : Ici, on évalue tous les éléments contribuant à la valeur individuelle et sociale d'une vie humaine ainsi que les coûts provoqués par la mort, dans un

21 A l'instar du système camerounais de protection sociale à voir au prochain chapitre.

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groupe de travail donné. La valeur économique se mesure à la capacité de production potentielle d'un travailleur. Certains auteurs, comme Le Net (1994), l'évaluent en brut, par la somme actualisée des gains potentiels au moment de la mort. Ces gains, censés refléter la productivité individuelle du travail, différent selon la qualification et le sexe et décroissent avec l'âge.

Par exemple, pour évaluer les pertes de production liées aux accidents de travail, dues au Sida, on prendra un salaire supérieur à la moyenne car les victimes appartiennent aux catégories élevées et sont majoritairement les hommes. Les coûts provoqués par une maladie ou la perte d'une vie sont des coûts directs et indirects de soins. Ils se mesurent comme dans les études coût/efficacité : coûts des soins en ville et à l'hôpital, estimé au prix réel. En fin, les pertes effectives peuvent être évaluées en recensant les indemnités versées par la firme au titre de préjudice moral aux blessés, selon leur taux d'invalidité, ou aux familles, en cas de décès. Cette approche est donc fondée sur le capital humain.

Le coût social des risques: Il peut être intéressant d'estimer les charges financières et sociales liées à une maladie particulière. Cette approche permet aussi d'évaluer la rentabilité sociale potentielle des actions de prévention. Elle consiste à évaluer tous les coûts induits par une maladie ou un comportement à risque. On suivra ici l'étude de Kopp et Fenoglio (2000)22. On recense les pertes de productivité du travail dues à la maladie ou à la mort précoce dans les entreprises (estimées par les pertes de revenus des intéressés et l'effet de l'absentéisme dans les entreprises), celui des soins apportés aux malades enfin, les dépenses de prévention ou de recherche et les charges liées à l'application des lois en ces matières.

II-2 : Présentation d'un modèle intégrant la santé comme facteur endogène dans l'ensemble des comportements de production : le modèle d'investissement de Grossman

Grossman (1972)23 a présenté la santé comme un bien durable et l'a intégrée dans un modèle général de consommation et d'investissement des ménages. Tout agent économique hérite d'un capital humain, qui tend à se déprécier à un rythme croissant avec l'âge. Grossman considère l'individu en partie comme un producteur de sa propre santé. Il optimise son revenu et sa consommation au cours de sa vie en lutant contre cette dépréciation, par ses études

22 Kopp et Fenoglio (2000), Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France, Observatoire des drogues et des toxicomanies.

23 Grossman (1972), op.cit ; Grossman (1998) «on the optimal length of life», Journal of Health Economics, vol..17.

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préventives, en y consacrant du temps et en utilisant des soins. Cette optimisation se fait sous contrainte de temps et de revenu. On considère ici la santé comme un investissement permettant d'augmenter la capacité production et de gain (II-2-1). La demande de santé est alors une demande dérivée de la demande générale de bien-être, ceci peut être appréhendé dans la formalisation du modèle (II-2-2).

II-2-1 : La santé comme un investissement permettant d'augmenter la capacité de production et de gain

L'approche de Grossman fait de la santé un facteur endogène dans l'ensemble des comportements de production. Par la suite, de nombreux auteurs se sont attachés à intégrer la dépréciation du capital santé avec l'âge et la gestion de leur cycle de vie par les agents économiques. Le nombre d'années restant à travailler, la qualité de ces années jusqu'à l'âge de la mort peut être l'objet d'un choix rationnel et d'une action volontaire. Des auteurs comme Ried (1998) ont montré que le choix d'un terme optimal à la vie peut être fait au début de la vie, et résulter d'un processus d'optimisation24. La santé est une composante de la productivité du travail au même titre que l'éducation. La santé peut être interprétée dans les modèles généraux de demande de bien-être de l'individu. Il en découle une forme particulière de demande de santé et donc de sécurité et de soins. Donc, la demande de santé peut être considérée comme une composante de la demande de sécurité (Menahen, 1998)25

L'analyse de Grossman, vieille de plus de trente années, apparaît aujourd'hui prémonitoire et illustre bien la présentation du capital santé individuel et de son effet sur la productivité du travail. L'évolution des sociétés modernes permet en effet d'y distinguer deux groupes : un groupe de personnes intégrées et un groupe des exclus, dont l'attitude à l'égard de la santé diffère. Les membres du premier groupe sont intégrés en ce sens qu'ils sont majoritairement éduqués, ont une stratégie professionnelle et construisent une famille. Les membres du second groupe vivant en marge de la logique de transformation de la société liée à la croissance économique.

Les premiers ont une attitude positive et une stratégie volontaire à l'égard de leur santé au cours de leur cycle de vie. Ils construisent sciemment leur capital humain en s'informant sur les moyens de le protéger et de l'augmenter ou d'en retarder la détérioration. Le lien entre

24 Ried (1998) «Comparative dynamic analysis of the full Grossman model», Journal of Health Economics, vol. 17.

25 Menahen (1998) « Demande de soins, demande de santé, demande de sécurité : trois modèles pour la santé en économie», Cahier du Gratice, n°15, Université Paris XII, décembre.

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leur capacité de travail te leur santé est évident puisque leur revenu, supérieur aux minima sociaux, diminue lorsqu'une maladie les oblige à ralentir leur rythme de travail ou à renoncer à travailler.

Le second groupe de la population est constitué de personnes vivant essentiellement des prestations sociales (revenus minima et allocation logement) ou dont le revenu d'activité est proche et de jeunes hommes peu qualifiés ayant de médiocres perspectives professionnelles.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery