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Protection sociale et croissance économique au Cameroun

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par Jean Colbert Awomo Ndongo
Université de Yaoundé II-Cameroun - D.E.A en Sciences Economiques 2008
  

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I-1-2 : La protection sociale comme couverture contre le risque et productivité

La protection sociale peut favoriser la prise de risque, en permettant l'adoption des technologies plus productives par les firmes. La couverture sociale peut aussi freiner la productivité en éliminant le risque et en incitant les travailleurs à modifier leur comportement. Le manque d'instruments de protection sociale est un obstacle à la prise des décisions efficaces et à la productivité : en effet, les personnes qui se trouvent en dessous ou à proximité du seuil de pauvreté ne sont guère incitées à prendre des risques, elles ont recours à des mécanismes informels et inefficaces de partage de risque et emploient des techniques de production non optimales, autant de facteurs qui compromettent la croissance de la productivité.

En revanche, les instruments efficaces de protection sociale publics ou privés permettent aux individus de prendre plus de risque que les mécanismes d'auto-assurance. Prendre des risques est donc un comportement productif, et le risque peut être considéré comme un facteur de production au même titre que d'autres mieux connus comme le capital et le travail (Sinn, 1998, dans une citation de Pigou, 1932). Toutefois, il ressort à ce stade de l'analyse que la protection sociale représente une grande motivation pour les individus dans leur comportement de production.

I-2 : Protection sociale, motivation et productivité du travail

Le salaire est avant tout la rémunération du travail. Autour de la notion du salaire, il faut considérer les cotisations sociales15, les primes diverses, l'intéressement aux bénéfices de l'entreprise et les avantages en nature (Gélédan et al., 1999). Partant de cette représentation du salaire on s'aperçoit que les cotisations sociales sont du salaire différé, qui assurent une protection contre les risques majeurs de l'existence (Cahuc et Zylberberg, 2006). La relation protection sociale - productivité du travail peut être perçue comme une relation de « dons

15Ces cotisations sociales constituent des mesures de protection sociale.

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contre dons » (I-2-1) ou que le choix du niveau de productivité d'un individu dérive d'un arbitrage couverture sociale/risques (I-2-2).

I-2-1 : La sécurité sociale comme élément de la productivité

D'un point de vue microéconomique, on s'intéresse essentiellement au comportement de la firme, en particulier, sa gestion de la main d'oeuvre par la relation croissante entre le salaire et la productivité. On se préoccupe surtout de l'introduction de l'effort dans la fonction de production et de ses conséquences sur le profit de la firme. Dans ce qui suit, le salaire représentera une variable de protection sociale et l'effort une variable de productivité du travail.

A : Une mise en exergue du modèle sociologique du salaire d'efficience

Le modèle sociologique introduit et développé par Akerlof (1982, 1984) tente d'expliquer la relation croissante entre salaire et productivité en s'appuyant sur des concepts sociologiques. L'idée de départ mise en avant par Akerlof est de montrer que si la firme fait un « cadeau » à ses employés en leur versant un salaire supérieur à celui du marché, les individus lui donneront aussi en échange un « cadeau » en augmentant leur effort de manière conséquente.

Dans son exemple (« les cash posters »), le don de l'employeur est de fixer une norme d'effort faible, de ne pas réprimander les gens qui fournissent un effort inférieur à cette norme et de ne pas descendre à un niveau de salaire minimal. Le contre don des travailleurs est de fournir un effort au dessus de la norme. Les filets de sécurité sociale offerts par les firmes sont alors vus comme un échange de dons contre dons : ils instaurent un climat de confiance au sein de la firme et chaque travailleur qui a le sentiment d'être bien traité adopte une stratégie coopérative.

A ce stade de l'analyse, une question semble se poser : puisque l'effort n'est pas mesurable, contrairement au salaire ou aux prestations sociales reçues, comment et pourquoi les individus peuvent-ils montrer à la firme leur bonne foi en augmentant leur niveau de productivité ?

Akerlof suppose que l'effort d'un individu dépend des normes de travail du groupe auquel il appartient. Les firmes ont intérêt à établir des normes de productivité inférieures au

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niveau moyen pour que les travailleurs se sentent bien traités. L'effort est perçu par référence à la norme moyenne du groupe16.

B : Effet direct des sentiments de sécurité sociale sur la productivité

Le sentiment d'être bien traité éprouvé par les travailleurs au sein de la firme peut dériver de la couverture sociale qu'ils en bénéficient. Ainsi, la protection sociale se caractérise par l'existence d'un système de solidarité contributif et redistributif, qui socialise une partie des revenus dans le but d'accroître le niveau de sécurité des travailleurs à l'égard des risques pouvant affecter leurs capacités à se procurer des revenus. En retour, les travailleurs seront plus productifs.

La firme peut, bien sûr augmenter la norme du groupe de travail et donc l'effort moyen en offrant un salaire supérieur (« cadeau »). En échange, les individus fourniront un niveau d'effort supérieur à celui fixé par la norme (« retour de cadeau »). Evidemment ce type d'argumentation repose sur une certaine moralité, et une loyauté de la part des individus. Carmichael (1990) pense que « les travailleurs se sentent obligé de fournir l'effort correspondant au surplus de salaire ou de sécurité sociale car il est moins coûteux pour eux de fournir ce supplément d'effort que de le rendre sous forme pécuniaire ».

En somme, les salaires élevés ne constituent pas seulement un moyen de soutenir la demande. Ils améliorent aussi, du côté de l'offre, la productivité. Des salariés bien payés sont plus productifs, en meilleure santé, moins stressés. La perspective de pouvoir toucher un bon salaire incite aussi à faire des efforts de formation qui seraient négligés en cas d'incertitude trop forte sur les revenus futurs.

I-2-2 : Le choix du niveau de productivité comme résultant du degré de couverture sociale et des risques du travail

Il sera question de montrer ici que l'effort est une variable de décision individuelle et que chaque agent va choisir son niveau en fonction des avantages (degré de couverture sociale) et des inconvénients (insécurité du travail). Cette partie permettra d'expliquer la relation protection sociale - productivité outre les sentiments sociologiques présentés ci-dessus. Ainsi, on présente une extension de la fonction de production de la firme (A) et la

16 Dans l'exemple des cash posters d'Akerlof, le niveau d'effort est observable pour chaque individu, mais ce qui est important c'est sa valeur relative par rapport au moyen du groupe.

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formalisation de la relation entre une variable de protection sociale et une variable de productivité du travail (B).

A : Une extension de la fonction de production de l'entreprise

Dans la présentation microéconomique traditionnelle d'une entreprise, on associe à chaque vecteur de facteurs de production un autre vecteur représentant les quantités de biens produites (Cahuc et Zylberberg, 1996). On considère, pour simplifier, une entreprise ne produisant qu'un seul bien à, partir du seul facteur travail. L'ensemble des possibilités techniques est alors représenté par une fonction de production F associant à chaque quantité L de travail, un volume F(L) de produit.

Cette manière de décrire la contribution du facteur travail au processus productif ne le distingue en aucune manière des autres facteurs de production. Elle suppose qu'à l'instar des services rendus par une machine, la production d'une heure de travail est parfaitement déterminée lors que l'individu a été en quelque sorte « mis en marche ».17 En réalité, chaque employé a la possibilité de moduler considérablement l'intensité et l'efficacité de son travail, ces variations pouvant d'ailleurs s'accompagner dans le cas échéant de sanctions ou de récompenses.

Cette intensité peut désigner « l'effort » et que l'on note le plus souvent par e . Dans une entreprise de L personnes, la fonction de production devrait alors s'écrire

F(e,..., ei1 ,., eL) où ei désigne l'efq<fort du i éme employé.

Dés l'instant où l'effort devient une variable de décision individuelle, chaque agent va donc choisir celui-ci en fonction du degré de couverture sociale et de l'insécurité liés au travail qu'il exerce. Les éléments pouvant intervenir sont nombreux : il peut s'agir de la valeur du salaire actuel, du montant des risques professionnels, du sentiment de justice qu'engendre telle ou telle politique de protection sociale, voire même de l'atmosphère général de l'entreprise. La figure (1.1) ci-dessous illustre une fonction d'effort d'un individu.

17 Zylberberg et Perrot (1989) : « Salaire d'efficience et dualisme du marché du travail », Revue Economique, n°1, janvier, pp. 5-20.

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Figure 1.1 : La fonction d'effort d'un individu

e* = e(w*)

e

A

A

w

*

e(w)

w

Source : Cahuc et Zylberberg, (1996)

Sur ce graphique, le point A correspond au point où la courbe d'effort moyen (la première bissectrice) coupe la courbe d'effort marginal. Ce point de coordonnées (w*, e*=e(w *)) est un point optimum du point de vue de la firme puisqu'il correspond au salaire efficient (w*) que doit verser la firme afin de maximiser son profit. A ce niveau de salaire, correspond un niveau d'effort (e* = e(w*)) qui n'est pas forcement l'effort maximum que peuvent fournir les travailleurs, mais celui-ci entraîne un profit maximum (Cahuc et Zylberberg, 2004).

B : Formalisation de la relation entre une variable de protection sociale et une variable de productivité du travail

Cette formalisation est une approximation de celle effectuée sur la relation salaire - effort (voir Cahuc et Zylberberg, 1996). La caractérisation de la fonction d'effort présentée ci-dessus permet d'écrire la fonction de production de l'entreprise comme

suit : F(e1 (w1),..., ( ),., ( ))

e i w i e L w L . Contrairement à la représentation usuelle, l'ensemble des

possibilités techniques n'est plus indépendant du système de rémunération. Cela signifie que les données concernant la technologie proprement dite demeurent bien entendu nécessaires, mais elles ne suffisent plus à appréhender le déroulement complet du processus de production. La conséquence principale de cette représentation est que le travail joue désormais un rôle différent des autres facteurs de production, puisqu'il faut maintenant ajouter la description

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précise des mécanismes d'incitations18permettant aux employés de décider des niveaux d'effort qu'ils fourniront.

Afin de bien comprendre les implications de cette représentation du processus productif, on considère une entreprise où les L employés sont identiques, de sorte qu'à l'équilibre ils perçoivent tous le même salaire w . On suppose encore que les efforts individuels se combinent de manière additive, la fonction de production prend alors la forme F(Le (w )) et l'on qualifiera de travail efficace, noté Le, la quantité Le (w) .

La problématique est la suivante : quel est le salaire que la firme i va verser aux individus de manière à maximiser son profit, en sachant que l'effort dépend positivement du salaire ? En d'autres termes : quel est le niveau de protection sociale que la firme i va assurer aux individus de manière à maximiser son profit, en sachant que la productivité du travail dépend positivement du niveau de protection sociale ?

Pour résoudre cela, quelques hypothèses doivent être faites :

- l'effort des individus dépend positivement du salaire versé par la firme :

ei = e(wi) avec e'>0 et e»>0

On a aussi : e(0) < 0 : aucun effort positif ne peut être obtenu à un taux de salaire nul ; de même e(1) =1 : l'élasticité de e par rapport à wi diminue lorsque le taux de salaire

augmente.

- la fonction de production associe à une quantité de travail efficace, e(wi ) .Li , le

niveau de production de la firme Qi tel que Qi = Fi (e(wi )L)i avec Fi' (L) > 0 et Fi " (L) < 0 . La firme va donc choisir un couple salaire - emploi qui maximise son profit, d'où :

Maxði = Fi (e(wi )Li) - wiLi ( E1 . 1)

Les conditions de premier ordre donnent :

F i ' ( e(wi)Li) .e' ( wi)-1 = 0 ( E1 .2 )

F i ' ( e ( w i ) L i ). e ' ( w i ) - w i = 0 ( E1 .3 )

La résolution des équations ( E1 .2) et ( E1.3) donne :

w e w i * ' ( *) =

i 1 ( E1 .4)

i

e(w *

18 Il s'agit entre autre des filets de sécurité sociale offerts par les firmes aux travailleurs.

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Cette résolution correspond au point de la fonction d'effort ou la tangente passe par l'origine dans la figure ci-dessus. La condition ( E1 .4) est connue sous le nom de condition de

Solow (1979). Elle indique que l'élasticité de la fonction d'effort doit être égale à l'unité pour le salaire optimal.

En effet l'entreprise a intérêt à accroître le coût du travail en assurant une protection sociale à ses employés tant que les gains de productivité sont supérieurs au surcroît de coût. L'entreprise peut accroître l'efficacité du travail de plus de 1%. En revanche, si le salaire est supérieur à w i *, elle accroît l'efficacité du travail de moins de 1% en augmentant le salaire

de 1% (Zylberberg et Perrot, 1989).

Il ressort de ce modèle de Solow que si on considère le salaire comme une mesure de protection sociale, on peut dire que la protection sociale influence positivement la productivité du travail. La théorie du salaire d'efficience prend d'autant plus d'importance, dans les pays, que leur principal atout réside précisément dans la productivité des travailleurs. Néanmoins, l'absence de protection sociale expliquerait pourtant certaines pertes en gain de productivité selon le concept du « capital santé ».

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille