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Réforme des marchés publics et performance du système: cas des nouveaux acteurs de la passation des marchés publics

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par Paul René JOUONANG
Institut Supérieur du Sahel-Université de Maroua - Ingénieur de Conception, Facilitateur de Développement 2014
  

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CHAPITRE 1 :

ANALYSE DES CONCEPTS ET DES THEORIES SUR LA PERFORMANCE DU SYSTEME DES MARCHES

PUBLICS

JOUONANG Paul René : Mémoire de Master 2, Département SCISOD, I.S.S. - Université de Maroua - Page 11

Dans ce chapitre, nous allons présenter les concepts clés en rapport avec la performance du système des Marchés Publics (section 1) et expliquer les différentes théories érigées en principes de base qui gouvernent les Marchés Publics (section 2).

SECTION 1 : DEFINITION ET ANALYSE DES CONCEPTS SUR LA
PERFORMANCE DU SYSTEME DES MARCHES PUBLICS

Plusieurs concepts sont développés sur les Marchés Publics. Dans le cadre de la présente recherche, nous avons retenu ceux qui révèlent leur pertinence par rapport à la performance du système. Il s'agit des concepts de : Marché Public, performance, réforme et compétence.

I.1. Marché public

Le marché public est « un contrat écrit, passé conformément aux dispositions réglementaires, par lequel un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de service s'engage envers l'Etat, une collectivité territoriale décentralisée, un établissement public ou une entreprise du secteur public ou parapublic, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou services, dans un délai déterminé, moyennant un prix. »9 Le Marché Public suppose donc une relation d'affaires entre une administration publique et un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services. Ce dernier, soit exécute des travaux, soit fournit un bien ou une prestation dans un temps bien délimité, et reçoit en contrepartie un paiement des caisses des administrations publiques.

Sylvie BOLLEN, Mathieu LAMBERT et Marie-Laure VAN RILLAER présentent le Marché Public comme étant « un contrat à titre onéreux conclu entre un ou plusieurs opérateurs économiques, privés ou publics, et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entreprises publiques et ayant pour objet l'exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services. »10

9 Art. 2(a), D. N° 2012/074.

10 S. BOLLEN, M. LAMBERT, M.-L. VAN RILLAER, 2013, Vade-mecum des marchés publics des pouvoirs locaux, édition 2013, Bruxelles, Politeia/UVCW, pp. 352 et ss.

JOUONANG Paul René : Mémoire de Master 2, Département SCISOD, I.S.S. - Université de Maroua - Page 12

Il existe plusieurs types de Marchés Publics, qui sont fonction de la nature des prestations réalisées. On distingue ainsi :

- Le Marché Public de travaux : C'est un marché qui a pour objet soit la réalisation, soit conjointement la conception et la réalisation de travaux ou d'un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins du Maître d'Ouvrage (construction d'une route, d'une école, d'une centrale, d'un centre de santé...) ;

- Le Marché Public de fournitures : C'est un marché ayant pour objet l'acquisition, la location, la location-vente de produits et biens mobiliers (achat de matériels roulants, de matériels de bureau, d'équipements sanitaires, de consommables, de matériels informatiques...) ;

- Le Marché Public de service : C'est un marché relatif à la réalisation d'un service (assurance de personnes ou de biens, gardiennage, entretien de bâtiments...) ;

- Le Marché Public de prestation intellectuelle : C'est un marché relatif à l'exécution de prestations faisant appel à des activités intellectuelles et non physiques (Etudes diverses, audits, contrôle des travaux...)

Les Marchés Publics occupent aujourd'hui une place de choix dans la gestion et le fonctionnement des institutions publiques, place qui leur est attribuée en raison des multiples contingences qui les caractérisent et que Yolander TAYLER et Günter HEIDENHOF (2011) présentent en ce sens que :

« Les règles et les institutions qui régissent les dépenses de l'État sont au coeur du programme de gouvernance à travers ce que l'on appelle le "cadre de passation des marchés publics". Les scandales de corruption, les conflits d'intérêts lorsqu'un marché est attribué à un ami proche, le détournement de fonds par cupidité ou pour le financement de la classe politique, les projets d'infrastructure abandonnés ou déficients, qui, en raison d'un différend contractuel, ne fournissent pas le service public attendu, sont autant d'exemples contribuant à la dégradation constante de l'image de l'État dans la société civile. La passation des marchés est une activité publique essentielle qui est à la fois très visible et observée de près. Elle est au centre de nombreuses décisions de l'État et transforme en projets tangibles les choix opérés par les entités publiques (construction d'une route ou d'une école, par exemple) ; elle symbolise la volonté publique au niveau local ainsi qu'au niveau national. Non seulement elle a un impact indubitable sur l'environnement de l'entreprise et sur la prestation des services publics, mais elle est également perçue par la population comme l'une des principales sources

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de corruption, d'inefficience, d'opacité, de non-reddition de comptes et, in fine, de mauvaise gouvernance. »11

Le cycle de passation des Marchés Publics comporte une succession d'opérations qui se résume en trois grandes phases dont une première, située en amont de l'Appel d'Offres, pour évaluer les besoins, préparer le cahier des charges et choisir la procédure d'adjudication. La deuxième phase est constituée des opérations liées à l'Appel d'Offres, à l'évaluation des soumissions et à l'attribution du contrat, alors que la troisième comprend la gestion des contrats, la commande et le paiement (OCDE, 2008). La première phase relève du ressort du commanditaire du projet, autrement dit du Maître d'Ouvrage ; la deuxième phase qui est constituée des opérations de passation des Marchés Publics est de la compétence de l'Autorité Contractante exclusivement, tandis que la troisième phase qui est celle de l'exécution des Marchés Publics, fait intervenir simultanément le Maître d'Ouvrage et l'Autorité Contractante. La présente étude concerne la seconde phase ci-dessus qui est consacrée à la passation des Marchés Publics et au cours de laquelle interviennent les responsables des services déconcentrés du Ministère des Marchés Publics en charge de la passation des Marchés Publics.

La phase de la passation des Marchés Publics est ainsi celle au cours de laquelle sont menées les opérations devant aboutir à l'attribution du marché à l'entreprise qui va être chargée d'exécuter les prestations attendues. Cette phase comporte plusieurs opérations qui vont de la finalisation du dossier d'appel d'offres à la signature du marché. Au sein des Délégations Régionales et Départementales des Marchés Publics, deux catégories d'acteurs interviennent dans la phase de passation des Marchés Publics : le Délégué des Marchés Publics et la Commission Locale de Passation des Marchés.

- Le Délégué des Marchés Publics, Autorité Contractante : Le Délégué (Régional ou Départemental) des Marchés Publics est l'Autorité Contractante. C'est l'organe principal du processus de passation des Marchés Publics au niveau régional ou départemental. En ce sens, il lui incombe de valider le Dossier d'Appel d'Offres (DAO) qui contient toutes les conditions d'attribution du marché ; il est seul habilité à signer les Avis d'Appels d'Offres (AAO). En outre, c'est lui qui, sur proposition de la Commission de Passation des Marchés (CPM), attribue les Appels d'Offres et en publie les résultats, signe le marché et les éventuels avenants.

Pour l'assister dans ses prérogatives, un Service de la Passation des Marchés est institué auprès de lui et sous son autorité. Il est chargé de :

11 Yolander TAYLER et Günter HEIDENHOF, 2011, « La réforme des marchés publics au service d'une meilleure gouvernance », http://blogs.worldbank.org/arabvoices/fr/plus - de - transparence - dans - les - marches - publics (page consultée le 22 avril 2014)

JOUONANG Paul René : Mémoire de Master 2, Département SCISOD, I.S.S. - Université de Maroua - Page 14

« - l'élaboration (au niveau départemental ou régional) d'un plan de passation des marchés ,
· la finalisation des dossiers d'appels d'offres en liaison avec les services techniques des administrations bénéficiaires ,
· la publication des avis d'appels d'offres ,
· la mise à disposition des dossiers d'appels d'offres aux potentiels soumissionnaires ,
· la mise à disposition des projets de marchés aux attributaires ,
· la réception, la conservation et la transmission des offres à la commission compétente des marchés ,
· le suivi de toutes les procédures de passation des marchés en liaison avec la commission compétente des marchés ; la finalisation des projets d'avenants ,
· la préparation des décisions d'attribution des marchés et leur notification aux attributaires ,
· la notification, la ventilation et le classement des marchés. »
12

- La Commission Locale de Passation des Marchés Publics : Auprès des Délégués Régionaux et Départementaux des Marchés Publics, le Décret N° 2012/074 du 08 mars 2012 institue des Commissions Locales de Passation des Marchés Publics qui sont « des organes d'appui technique qui concourent au respect de la réglementation et garantissent notamment les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures de passation des Marchés Publics. »13 Le législateur de la réforme du système des Marchés Publics camerounais leur assigne quatre rôles principaux14 :

a) Examiner et émettre un avis technique sur les projets de Dossiers d'Appels d'Offres ainsi que les Demandes de Cotation préparés par les Ministres, les Directeurs Généraux, les Directeurs des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic, les Chefs de projets, les Chefs des exécutifs des Collectivités Territoriales Décentralisées ;

b) organiser les séances d'ouverture des plis ;

c) proposer l'attribution des marchés au Ministre chargé des Marchés Publics ou à l'Autorité Contractante (Délégué Régional ou Départemental des Marchés Publics);

d) examiner et émettre un avis technique sur les projets de marchés et d'avenants qui leur sont soumis.

Le but principal de la mise en place de ces Commissions est, ainsi que relève le Président de la République dans sa Circulaire relative à la passation et au contrôle de l'exécution des Marchés Publics, « de contribuer au respect de la réglementation, du libre accès à la commande

12 Art. 62, 63 et 68, D. N° 2012/075.

13 Art. 3, D. N° 2012/074.

14 Ibid.

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publique, de l'égalité de traitement des candidats et de la transparence dans les procédures des marchés publics. »15

Aux termes de l'article 17, alinéa 1 du D. N° 2012/074, la Commission Locale de Passation

des Marchés Publics placée auprès du Délégué Régional ou Départemental des Marchés Publics

est composée de :

- Un président désigné par le Ministre des Marchés Publics ;

- Un représentant du Ministère chargé des Marchés Publics ;

- Un représentant du Ministère chargé des finances ;

- Un représentant du Ministère chargé des Investissements publics ;

- Un secrétaire désigné par le Ministre des Marchés Publics.

I.2. Performance

Issue de l'anglais performance et de l'ancien mot français parformance qui signifient spectacle, représentation, accomplissement, réalisation ou résultats réels, une performance est un exploit, un résultat ou une réussite remarquable obtenue dans un domaine particulier, par une personne, une équipe, une institution, un animal ou une machine. Au-delà de cette perception, la performance est davantage la mesure des résultats obtenus par une institution ou un individu. La notion de performance renvoie donc à l'atteinte d'objectifs ou de résultats attendus, et plus largement à la création de valeur, entendue dans le secteur public comme une optimisation des services rendus aux citoyens. La finalité principale recherchée étant la satisfaction de l'intérêt général correspondant à la responsabilité d'un service public face au gouvernement mandataire et aux citoyens.

De manière générale, la performance est définie comme le résultat obtenu par une organisation, résultat qui traduit le degré d'atteinte de ses objectifs. On dit ainsi qu'un système est performant lorsqu'il obtient d'excellents résultats en fonction des moyens mis en oeuvre. C'est la raison pour laquelle la performance est très souvent associée aux notions d'amélioration et d'excellence.

L'évaluation de la performance se fait au moyen d'indicateurs. Un indicateur permet de mesurer l'écart entre le résultat obtenu et les objectifs poursuivis, pour déterminer si ces derniers sont atteints. Pour ce faire, il faut au préalable s'assurer que les indicateurs ont fait l'objet d'une définition explicite, afin de limiter les erreurs de construction et les interprétations divergentes.

15 Circ. N° 001/CAB/PR.

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Pour cela, il est indispensable de positionner la valeur de l'indicateur par rapport à une valeur de référence ou une cible à atteindre (une norme, une moyenne, une prévision, un objectif).

Les Marché Publics constituent un domaine-phare d'appréciation des actions des pouvoirs publics. C'est en ce sens que Yolander TAYLER et Günter HEIDENHOF (2011) soutiennent que la passation des Marchés Publics, qui constituait au départ un sujet de natures juridique et financière très obscures, est devenue un domaine dans lequel les citoyens peuvent réellement évaluer la performance et les résultats effectifs de l'action publique.

L'analyse de la performance en matière de passation des Marchés Publics consiste à vérifier la mise en oeuvre des principes de base des Marchés Publics que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. En rapport avec les nouveaux acteurs issus de la réforme que sont les Délégués Régionaux et Départementaux des Marchés Publics, leurs collaborateurs impliqués dans le processus et les membres des Commissions Locales de Passation des Marchés Publics, l'analyse de la performance consiste à vérifier que ceux-ci accomplissent leurs prérogatives dans le respect des règles prescrites par le législateur dans le but de mettre en oeuvre les principes de bases énoncés ci-dessus.

I.3. Réforme

Etymologiquement, le mot réforme vient du latin reformare qui signifie reconstituer, former à nouveau. La réforme est une correction, un changement profond, une transformation, par des moyens conformes aux règles existantes, de quelque chose en vue de la réorganiser, d'améliorer son fonctionnement, ses résultats. Elle suppose dès lors l'existence d'une situation, d'une chose ou d'un système qui, en raison soit d'une modification ponctuelle ou conjoncturelle intervenue dans son contexte de fonctionnement, soit des évolutions structurelles ou temporelles politiques, économiques ou sociales, nécessite une reformulation de sa structure processuelle et organisationnelle. La réforme vise principalement à s'attaquer aux problèmes liés à l'inefficacité, à la corruption, à la bureaucratie, aux cartels ou monopoles rencontrés au sein d'une institution. L'objectif recherché est l'amélioration des services, la réduction des délais et des coûts de fonctionnement ou de son emprise sur l'économie. Pour être efficace, une réforme s'appuie en général sur des dispositions législatives, des méthodes de gouvernance, la diffusion de la connaissance et l'amélioration des institutions.

Au Cameroun, le système des Marchés Publics est confronté, depuis sa mise en place, aux problèmes de corruption, de bureaucratie, de cartels et de monopoles évoqués ci-dessus, et ces problèmes entravent le bon fonctionnement du système, imposant dès lors des modifications régulières. C'est dans ce contexte qu'est intervenue la réforme amorcée par le Décret N°

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2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du Gouvernement, et poursuivie par les Décrets N° 2012/274 et 2012/275 du 08 mars 2012 portant création, organisation et fonctionnement des Commissions de Passation des Marchés d'une part, et organisation du Ministère des Marchés Publics d'autre part, et un peu plus tard, le Décret N°2013/271 du 05 août 2013 modifiant et complétant certaines dispositions du décret N° 2012/274 susmentionné.

La récente réforme du système camerounais des Marchés Publics, suivant les termes du Président de la République, « s'inscrit dans la réforme en profondeur du cadre juridique et institutionnel des marchés publics... » 16 . Elle porte entre autre, non seulement sur la réglementation procédurale des Marchés Publics, mais aussi sur les institutions en charge du processus de la passation de ces Marchés Publics, autrement dit les acteurs de la passation des Marchés Publics. C'est ainsi que la dernière réforme du système camerounais des Marchés Publics institue de nouveaux acteurs de la passation des Marchés Publics, parmi lesquels les Délégations Régionales et Départementales des Marchés Publics dont celles de la Région de l'Extrême-Nord constituent le cadre de cette étude. Leurs Délégués remplacent désormais les Gouverneurs et les Préfets dans leurs prérogatives d'Autorités Contractantes et sont chargés, en phase de passation, de lancer les Appels d'Offres et d'attribuer les marchés qui relèvent de leurs seuils de compétence. Auprès de ces Délégués, sont également créées dans le cadre de la réforme, des Commissions Locales de Passation des Marchés Publics. Des services de la passation des marchés sont également placés auprès des Délégués pour s'occuper de l'élaboration du plan de passation des marchés, de la finalisation des Dossiers d'Appels d'Offres, de la publication des Avis d'Appels d'Offres et de la mise à disposition des dossiers d'appels d'offres aux potentiels soumissionnaires.

I.4. Compétence

La compétence est la « connaissance, l'expérience qu'une personne a acquise dans tel ou tel domaine et qui lui donne qualité pour en bien juger. » 17 Pour l'Encyclopédie Libre WIKIPEDIA, « une compétence est une connaissance (savoir, savoir-faire, savoir-être) mobilisable, tirée généralement de l'expérience et nécessaire à l'exercice d'une activité (dans ce cas, professionnelle). »18

Dans le Traité des sciences et des techniques de la Formation coordonné par Philippe CARRE et Pierre CASPAR, Sandra BELIER présente ainsi la compétence : « la compétence

16 Voir Circ. N° 001/CAB/PR.

17 Dictionnaire HACHETTE 2010, P. 351

18 http://www.wikipedia.org, consulté le 23 décembre 2013.

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permet d'agir et/ou de résoudre des problèmes professionnels de manière satisfaisante dans un contexte particulier, en mobilisant diverses capacités de manière intégrée. »19 Elle relève trois caractéristiques principales de la compétence : La compétence permet d'agir et c'est là que l'on peut la repérer ; la compétence est contextuelle, c'est-à-dire qu'elle est liée à une situation professionnelle donnée et correspond donc à un contexte ; la compétence regroupe un ensemble de rubriques constitutives dont le savoir, le savoir-faire et le savoir-être.

Pour Claude LEVY-LEBOYER, la compétence est « la mise en oeuvre intégrée d'aptitudes, de traits de personnalité et aussi de connaissances acquises, pour mener à bien une mission complexe dans le cadre de l'entreprise qui en a chargé l'individu, et dans l'esprit de ses stratégies et de sa culture. »20

Selon Michel PARLIER, la compétence a quatre caractéristiques. Elle est opératoire et finalisée: elle est toujours « compétence à agir », elle est indissociable d'une activité. Elle est également apprise : le travailleur devient compétent par construction personnelle et par construction sociale. Elle est structurée et combine (ce n'est pas une simple addition) des savoir agir, vouloir agir et pouvoir agir. Enfin, elle est abstraite et hypothétique : on ne peut observer directement la compétence réelle (à ne surtout pas confondre avec la compétence requise ou prescrite), mais on peut observer ses manifestations, ses conséquences21.

Pour Guy LE BOTERF, les compétences sont les résultantes de trois facteurs : le savoir agir qui « suppose de savoir combiner et mobiliser des ressources pertinentes », le vouloir agir qui se réfère à la motivation de l'individu et au contexte plus ou moins incitatif et le pouvoir agir qui « renvoie à l'existence d'un contexte, d'une organisation de travail, de choix de management, de conditions sociales qui rendent possibles et légitimes la prise de responsabilité et la prise de risques de l'individu »22.

Philippe ZARIFIAN23 reconnaît quant à lui trois dimensions à la compétence : la première est une attitude de prise d'initiative et de responsabilité face aux situations dont l'individu ou le groupe a la charge et auxquels ils se confrontent, en visant la réussite de leur action ; la seconde, ce sont des savoirs d'action qui expriment l'intelligence pratique de ces situations et s'appuient sur

19 Sandra BELLIER, 1999, La compétence in « Traité des sciences et des techniques de la formation » (Philippe CARRÉ et Pierre CASPAR (dir.)), Paris, Dunod.

20 Claude LÉVY-LEBOYER, 2009, La gestion des compétences : Une démarche essentielle pour la compétitivité des entreprises, Collection Ressources humaines.

21 Michel PARLIER, 1996, La compétence, nouveau modèle de gestion des ressources humaines, Revue Personnel n°366. (Michel PARLIER reprend dans cet article en partie les travaux de J. LEPLAT "les habilités cognitives dans le travail", Mardage Editeur 1988)

22 Guy LE BOTERF, 2000, Construire les compétences individuelles et collectives, Editions d'Organisation, Paris.

23 Philippe ZARIFIAN, 1999, Objectif compétence pour une nouvelle logique, Editions Liaisons, Paris.

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la mobilisation de l'expérience et de connaissances acquises en formation ; la troisième et dernière, c'est l'existence, le développement, la consolidation et la mobilisation de réseaux d'acteurs qui contribuent directement à la prise en charge des situations ou apportent un soutien.

La synthèse de toutes ces conceptions place ainsi la compétence au centre des trois composants principaux que sont : le savoir (sommes des savoirs théoriques et techniques ou connaissances), le savoir-faire (ou habiletés) et le savoir-être (ou qualités personnelles). Chaque interférence entre ces trois sphères de savoir rend son titulaire : « connaissant » ou « sachant » (savoir et savoir-être), « exécutant » (savoir-faire et savoir-être), et « performant » (savoir et savoir-faire). Une personne compétente réunit ces trois facettes de l'exercice de ses savoirs dans différents contextes.

Le savoir et le savoir-faire renvoient à la notion plus globale de professionnalisme tandis que le savoir-être se rattache à l'intégrité.

I.4.1. Le professionnalisme

Le professionnalisme renvoie au respect des normes techniques d'une profession. Il désigne un niveau exclusif de compétence et d'expertise technique qui caractérise un corps de métier et justifie de l'appartenance à ce dernier. En d'autres termes, pour être reconnu comme appartenant à une profession quelconque, il faut être capable d'exercer cette profession à un haut niveau technique, tel que défini par les règles de la profession. De ce point de vue, le professionnalisme s'oppose à l'amateurisme ou au laisser-aller.

Une profession se distingue des autres formes d'organisation du travail dans la mesure où elle repose sur l'autonomie professionnelle plutôt que sur l'exécution d'une tâche. Un professionnel doit porter des « jugements professionnels », c'est-à-dire faire un diagnostic éclairé et adéquat à propos d'une situation spécifique afin d'établir la meilleure stratégie d'intervention. Pour établir le diagnostic, il lui faut des connaissances générales, des connaissances relevant du contexte particulier, mais aussi la capacité d'évaluer la situation à la lumière de l'ensemble de certaines valeurs professionnelles. De ce point de vue, le diagnostic professionnel est à la fois scientifique puisqu'il relève d'un savoir expert mis en action, et « éthique » puisque ce savoir inclut certaines valeurs.

Dans le contexte de la réforme des Marchés Publics camerounais issue du Décret N° 2011/408 et ses suites, évaluer la performance du système par rapport au professionnalisme des nouveaux acteurs de la passation et du contrôle de l'exécution des Marchés Publics revient à explorer leur niveau intellectuel, leurs qualifications, leur maîtrise de la réglementation des Marchés Publics ainsi que des processus de passation des Marchés Publics.

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I.4.2. L'intégrité

D'après le dictionnaire LAROUSSE, l'intégrité est définie comme le «caractère, (la) qualité d'une personne intègre, incorruptible, dont la conduite et les actes sont irréprochables. » Une revue des principales définitions de l'intégrité montre qu'il s'agit d'une notion fondamentale pour toute réflexion éthique. Dans certains textes, elle apparaît même parfois comme un synonyme du mot « éthique ».

Selon le juriste américain Stephen CARTER (1996), « integrity is like good weather,

because everybody is in favor of it... Everybody agrees that the nation needs more of it ». Pour lui, « L'intégrité exige trois étapes : 1) discerner ce qui est bien et ce qui est mal ; 2) agir selon ce jugement, même si cela doit nous en coûter sur le plan personnel, 3) affirmer ouvertement que nous agissons sur la base de notre compréhension du bien et du mal. Le premier critère montre que l'intégrité suppose un degré élevée de réflexion morale ; le deuxième exprime l'idée d'une cohérence et d'une solidité des convictions de la personne ; et le troisième rappelle que personne ne doit avoir honte de choisir le bien. [...]. L'idée d'intégrité comporte aussi l'idée de « totalité » ou d'« indivision » : elle évoque l'image d'une personne sereine qui sait avec confiance que sa vie respecte ce qui est bien et rejette le mal. »24

CARTER explique ensuite pourquoi l'intégrité est une vertu si importante : « elle est en un certain sens antérieure à toutes les autres vertus : ce que nous pensons importe peu si nous manquons d'intégrité, c'est-à-dire du courage de nos convictions, de la volonté d'agir selon ce que savons être le bien et de la capacité de nommer notre conception du bien. »25 C'est pourquoi l'intégrité est si importante dans le monde politique ou administratif : « Quelles que soient nos convictions, qui voudrait être dirigé ou obéi par des personnes sans intégrité, c'est-à-dire à la parole non fiable, aux motifs confus, qui peuvent à tout moment rejeter tout ce que nous avions en commun et changer de direction ? »26

MONTEFIORE (1999) quant à lui procède à une analyse détaillée du concept de l'intégrité. Il montre d'abord le lien de cette notion avec l'idée d'« absence de corruption », d'innocence, de sincérité, d'« entièreté » (wholeness) et d'état « inaltéré » : « il y a un lien étroit entre la notion d'intégrité et l'idée d'un certain état originel de perfection ou de pureté [...] La corruption, contraire de l'intégrité, apparaît alors comme un phénomène second, qui vient détruire cet état

24 Stephen CARTER, 1996, Intégrité, Harper Perennial, p. 7

25 Ibid.

26 Ibid.

JOUONANG Paul René : Mémoire de Master 2, Département SCISOD, I.S.S. - Université de Maroua - Page 21

originel »27. Il précise que cet état idéal d'intégrité, d'harmonie originelle est plus un but ou une aspiration qu'un point de départ effectif. Il note enfin que cette notion reste assez imprécise, ce qui permet à plusieurs définitions de coexister sans trop de contradictions. Certains en font par exemple un synonyme de « honnêteté » et de « sincérité », malgré les différences entre ces deux dernières vertus. Il conclut de son analyse que l'idée d'intégrité exprime de manière spécifique, par différence avec d'autres valeurs, l'idée d'une « continuité », d'une stabilité et d'une cohérence des valeurs de la personne : « une personne intègre est une personne sur qui on peut compter, dont les choix de valeurs sont fiables et stables et qui accepte d'être tenue responsable de ses actes passés. [...] En somme, on sait à quoi s'en tenir avec cette personne ; une fois qu'on connaît ses valeurs et ses principes moraux, on peut lui faire confiance, elle n'en changera pas brutalement. »28 En somme, on peut dire que, du point de vue éthique, l'intégrité évoque l'idéal de la coïncidence entre les principes moraux d'une personne (notamment son engagement à respecter certaines valeurs ou règles de comportement) et ses actions, en dépit de la tentation d'y renoncer (corruption, abus de pouvoir, malversation, malfaisance sous différentes formes, etc.), et ce, dans la longue durée.

En matière des Marchés Publics, la notion d'intégrité révèle une importance particulière en raison de ce qu'elle s'oppose diamétralement à tous les autres concepts qui minent le système et freinent sa performance, et parmi lesquels on peut citer la corruption (notamment les pots-de-vin, les « bakchichs », le népotisme, le copinage et le clientélisme), les conflits d'intérêts, la collusion, l'usage abusif et la manipulation d'informations, ainsi que les traitements discriminatoires lors de la passation des Marchés Publics. C'est en ce sens que E. BETH et A. HRUBI, la présentent comme « une utilisation des fonds, des ressources, des actifs et des pouvoirs conforme à leur destination officielle et à l'intérêt public. L'offre et l'acceptation des pots-de-vin, les conflits d'intérêts, le népotisme, la manipulation et l'usage abusif d'informations, les traitements discriminatoires, le gaspillage et l'usage abusif des ressources de l'administration sont des situations susceptibles de compromettre l'intégrité dans la passation des marchés publics. »29

Dans le contexte des Marchés Publics, l'intégrité suppose, d'après l'OCDE, que les procédures de passation soient transparentes et favorisent l'égalité de traitement des soumissionnaires ; que les fonds publics affectés aux marchés publics soient utilisés aux fins prévues ; que les agents chargés des Marchés Publics aient un comportement compatible avec la mission d'intérêt public de leur institution et que des dispositifs permettant de contester les

27 Alan MONTEFIORE, 1999, Integrity : a philosophers, Routledge London, P. 8

28 Ibid, p. 10.

29 E. BETH et A. HRUBI, 2008, « Renforcer l'intégrité dans les marchés publics : Étude d'apprentissage mutuel au Maroc », document interne, Direction de la Gouvernance publique et du développement territorial, OCDE, Paris, p.5.

JOUONANG Paul René : Mémoire de Master 2, Département SCISOD, I.S.S. - Université de Maroua - Page 22

décisions, de garantir la responsabilité et de promouvoir la surveillance des procédures par le public soient mis en place30.

Evaluer la performance du système des Marchés Publics camerounais sur la base de l'intégrité des nouveaux acteurs de la passation des Marchés Publics revient à étudier les comportements moraux de ces acteurs, leur propension ou non à se livrer, à l'occasion de la passation des Appels d'Offres, à ces habitudes de mauvaise gouvernance.

La notion de compétence est retenue par le législateur de la réforme du système des Marchés Publics camerounais comme condition sine qanun de désignation de certains acteurs de la passation des Marchés Publics. En effet, aux termes du Décret N° 2012/074 du 08 août 2012, « les Présidents et les membres des sous-commissions d'analyse doivent être de bonne moralité, avoir une bonne maîtrise de la réglementation des Marchés Publics et disposer des compétences techniques avérées dans le domaine concerné. »31

Professionnalisme et intégrité constituent ainsi les socles sur lesquels différentes théories ont été développées sur les Marchés Publics et qui ont été érigées principes de base des Marchés Publics. Seul le respect de ces principes permet l'amélioration de la performance du système.

30 OCDE, 2007, L'intégrité dans les marchés publics, les bonnes pratiques de A à Z, Editions OCDE, p. 3.

31 Art. 27, D. N° 2012/074.

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SECTION 2 : LES PRINCIPES DE BASE DES MARCHES PUBLICS

Trois principes de base sont retenus pour assurer la performance d'un système des Marchés Publics. Au Cameroun, ces principes sont consacrés par le décret N° 2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics qui dispose que « les règles fixées par le présent Code reposent sur les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. »32

2.1. Le principe de liberté d'accès à la commande publique

Le principe d'égalité d'accès à la commande publique tire son fondement du principe de la liberté de commerce consacré par la Loi N° 90/031 du 10 août 1990 régissant l'activité commerciale au Cameroun. Il signifie que toute entreprise intéressée par un dossier de consultation publique peut se porter candidate à l'attribution du marché. L'accès à la commande publique doit être libre et impartial. L'Autorité Contractante ne doit pas mettre les potentiels candidats dans une posture de non-concurrence. « Dès lors, elle ne peut écarter des candidats en se fondant sur d'autres conditions que celles autorisées par le Code ,
· le principe prohibe l'exclusion des candidats qui rempliraient les conditions exigées par la réglementation. »
33 A cet effet, et dans le but d'empêcher les discriminations auxquelles pourraient se livrer les Autorités Contractantes à l'occasion d'un appel public à concurrence, le CDM établit une liste de documents et de renseignements que doit impérativement produire tout soumissionnaire dans son offre. Ces documents sont :

« a) les documents fournissant des renseignements utiles, et dont la nature est précisée dans le dossier d'appel d'offres ,
· b) l'attestation de non faillite ,
· c) le quitus des autorités compétentes pour l'acquittement des impôts, taxes, droits, contributions, cotisations, redevances ou prélèvements de quelque nature que ce soit ,
· d) une attestation certifiant que le soumissionnaire n'est frappé d'aucune interdiction ou déchéance prévue par la législation en vigueur ,
· e) la caution de soumission dont les modalités et le montant sont précisés dans le dossier d'appel d'offres, en conformité avec la réglementation en vigueur. »34

32 Art. 2 du Code des Marchés Publics.

33 Bernard MESSENGUE AVOM, 2013, La gouvernance des Marchés Publics au Cameroun, Les Editions le Kilimandjaro, Yaoundé, p. 75.

34 Art. 23 du Code des Marchés Publics.

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Ainsi, en marge de ces documents dont la liste est clairement limitative, l'Autorité Contractante ne devrait exiger des soumissionnaires aucun document supplémentaire dont la non-production conduirait à leur élimination.

Concrètement, le principe de la liberté d'accès à la commande publique suppose de procéder à une large publicité de l'appel à concurrence de manière à recevoir le maximum d'offres, et à rédiger les termes de référence avec objectivité pour ne pas écarter certains fournisseurs. En somme, ce principe prohibe certaines pratiques qui consistent notamment à : Commander systématiquement chez un fournisseur attitré, limiter les consultations aux fournisseurs locaux lorsque l'objet du marché ne l'impose pas, ou encore choisir des critères discriminatoires de sélection des offres.

Quoique sous quelques réserves, la liberté d'accès à la commande publique interdit ainsi toute forme de discrimination lors du processus de passation des Marchés Publics.

2.1.1. L'interdiction de toute discrimination

L'interdiction de toute discrimination se manifeste à travers plusieurs prohibitions à savoir : - Les critères de choix des offres retenues par l'Autorité Contractante ne doivent pas être de nature à écarter volontairement ou arbitrairement des candidats ;

- Les spécifications techniques contenues dans le dossier de consultation ne doivent pas être discriminatoires. Ainsi, est prohibée la mention d'un nom de marque, car elle est discriminatoire et élimine d'office les autres marques. Toutefois, il est possible, à titre exceptionnel et uniquement lorsqu'une description autre du produit faisant l'objet du marché n'est point impossible, d'indiquer un nom de marque avec la mention « ou équivalent » ;

- Quels que soient leur taille et leur statut, les entreprises doivent pouvoir accéder librement aux commandes publiques (sous réserve qu'elles ne se trouvent pas dans une situation d'exclusion des Marchés Publics et qu'elles remplissent les conditions d'accès à la commande publique).

- Si l'Autorité Contractante peut rejeter une candidature au motif que le dossier est incomplet, elle ne saurait rejeter une candidature au motif que, tout en étant complet, le dossier contient un document surabondant.

L'interdiction de toute forme de discrimination que consacre ainsi le principe d'égalité d'accès à la commande publique connaît néanmoins quelques dérogations et atténuations.

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2.1.2. Les dérogations et atténuations au principe de liberté d'accès à la commande publique

2.1.2.1. Les dérogations à la liberté d'accès à la commande publique : L'exclusion de certains candidats à la soumission

La liberté d'accès à la commande publique ne joue pas lorsque l'entreprise est frappée par une exclusion de soumissionner. Dans le système des Marchés Publics camerounais, l'interdiction de soumissionner est prononcée par l'Autorité en charge des Marchés Publics qui est exercée depuis la réforme par le Ministre des Marchés Publics. Elle peut découler soit de la mauvaise exécution d'une commande publique, soit d'actes de corruption, de népotisme ou de trafic d'influence, ou alors en cas de liquidation judiciaire ou de faillite du prestataire. A cet effet, la liste des entreprises exclues des Marchés Publics est constamment mise à jour et transmise systématiquement aux Autorités Contractantes, aux membres des CPM et aux Antennes de l'ARMP. Ceci dans le but de leur permettre de veiller à ce qu'aucune entreprise exclue ou suspendue des Marchés Publics ne puisse se porter candidate à une consultation publique. Bien plus, outre les documents obligatoires qu'exige le CDM, il est désormais exigé des soumissionnaires que ceux-ci produisent dans leurs offres, un certificat de non-exclusion des Marchés Publics délivré par le Directeur Général de l'ARMP.

2.1.2.2. L'atténuation du principe de liberté d'accès à la commande publique : La sélection des candidats en fonction de leurs capacités

La sélection des candidatures doit répondre à des exigences qui sont définies par le CDM. Le Règlement Général de l'Appel d'Offres (R.G.A.O.) et le Règlement Particulier de l'Appel d'Offres (R.P.A.O.) fixent les conditions de capacité à remplir par les candidats. Toutefois, l'Autorité Contractante ne peut demander aux candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Deux critères doivent être distingués : l'expérience professionnelle et la capacité professionnelle.

Le critère de l'expérience professionnelle renvoie aux références relatives à l'exécution des marchés de même nature qui sont susceptibles d'être produites par le candidat. L'absence ou l'insuffisance d'expérience d'une entreprise peut entraîner l'élimination du candidat, à condition que tous les candidats aient été évalués sur la base des mêmes critères de référence. L'expérience professionnelle peut également jouer par rapport à la qualité des réalisations antérieures d'un candidat. En effet, une Autorité Contractante peut écarter une entreprise au motif qu'elle a, par le passé, mal exécuté un marché, cette mauvaise exécution attestant de l'insuffisance de capacité du

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candidat. Toutefois, la possibilité ainsi reconnue à l'Autorité Contractante n'est pas sans limite : il faut que les difficultés d'exécution dans les précédents marchés révèlent effectivement l'insuffisance de capacité du candidat. Ce n'est pas le cas lorsque ces difficultés sont par exemple liées aux mauvaises relations qu'ont pu entretenir certains intervenants avec les représentants de l'entreprise.

S'agissant de la capacité professionnelle, l'Autorité Contractante peut exiger, en raison de la nature complexe des prestations à exécuter au titre de la consultation, la production d'attestations par les candidats, à condition que le niveau de capacité exigé soit non seulement lié, mais aussi proportionné à l'objet du marché.

2.2. Le principe d'égalité de traitement des candidats

Le principe d'égalité de traitement des candidats est une application du principe général du droit qui consacre l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Il signifie que tous les candidats à un marché doivent être traités de la même façon, recevoir les mêmes informations et concourir selon les mêmes règles de compétition. L'égalité de traitement des candidats impose que les conditions d'accès au marché soient similaires pour tous. Pour garantir ce principe, l'adjudication doit être conduite en toute impartialité.

2.2.1. Les conditions de soumission similaires

Fixer des conditions de soumission similaires signifie que les soumissionnaires doivent se trouver dans une situation d'égalité et ce, à toutes les étapes de l'Appel d'Offres :

- Au moment où le maître d'Ouvrage définit ses besoins, la définition des besoins ne devant donc pas être formulée en fonction d'une solution a priori ;

- Au moment où l'Autorité Contractante fixe les conditions de dépôt des candidatures et des offres : les mêmes informations doivent être fournies à l'ensemble des candidats.

- Au moment où vont être analysées les offres : l'examen des candidatures et des offres doit s'effectuer sans parti pris et ne doit pas être discriminatoire. Si le Dossier d'Appel d'Offres fait l'objet de modifications avant l'ouverture des plis, l'information doit être diffusée à tous les candidats ayant acheté ledit DAO.

Certes, certaines conditions telles que celles liées aux compétences et aux aptitudes ne peuvent fondamentalement pas être identiques, mais tous les candidats devront justifier de compétences équivalentes ou d'aptitudes similaires. De plus, le législateur fait obligation aux Autorités Contractantes d'établir une liste de critères objectifs sur la base desquels seront évaluées les offres, et de publier celle-ci en même temps que le DAO. L'analyse des offres est effectuée ainsi à partir de ces critères préalablement définis et énoncés dans les documents de la consultation,

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et qui ne peuvent pas être modifiés ou complétés en cours de procédure (sauf à la reprendre), notamment lors de l'analyse des offres.

2.2.2. La procédure d'adjudication doit être conduite avec impartialité

Afin de garantir le principe d'égalité de traitement des candidats, l'Appel d'Offres doit être conduit par des personnes impartiales et les offres évaluées sur des faits objectifs et mesurables. Toute personne qui pourrait être soupçonnée d'avoir des personnels dans une procédure d'adjudication ou de ne pas être en mesure de rester neutre, doit être écartée. L'impartialité des acteurs de la passation des Marchés Publics chargés de l'évaluation des soumissionnaires est consacrée par le législateur de la réforme qui exige que « les Présidents et les membres des sous-commissions d'analyse doivent être de bonne moralité, avoir une bonne maîtrise des procédures et de la réglementation des Marchés Publics et disposer des compétences techniques avérées dans le domaine concerné. Ils doivent s'abstenir de toute action de nature à compromettre leur objectivité et, dans tous les cas, n'avoir aucun intérêt financier, personnel ou de toute autre nature lié au marché sous examen. »35

2.3. Le principe de transparence des procédures

Selon Transparency International, la transparence est « le fait, pour une administration, une entreprise ou une personne physique, de communiquer de manière ouverte et claire les informations, les règles applicables, les projets et les actions en cours. Les responsables publics, les fonctionnaires, les dirigeants des entreprises privées et des organisations doivent avoir pour principe d'agir de manière transparente, prévisible et compréhensible pour favoriser la participation et la responsabilité. »36

Prise sous cette assertion, la transparence qui doit être accordée tout au long du processus d'adjudication constitue le principe fondamental dans la passation des Marchés Publics. Son importance tient notamment au fait qu'il permet de favoriser la concurrence grâce à la publicité faite pour attirer les soumissionnaires qui pourront savoir sur quelle base ils seront jugés, et le cas échéant, défendre leurs droits et intérêts ; Il encourage également la régularité et la loyauté dans la passation des Marchés Publics.

Selon C. LAJOYE, « le principe de transparence des procédures signifie que la procédure de passation des Marchés Publics ne doit pas être opaque ; les différentes phases de la procédure

35 Art. 27, D. N° 2012/074.

36 Transparency International, 2009, « La lutte contre la corruption en termes clairs ».

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doivent bannir toute discrimination et donner lieu à une information et à une concurrence loyale entre les divers candidats. »37

Dans sa manifestation concrète, ce principe s'impose à chacune des phases de la passation des Marchés Publics :

2.3.1. La transparence au lancement de la consultation

Le lancement de la consultation se fait par la publication de l'Avis d'Appel d'Offres. Aux termes de l'article 20 du CDM, « l'avis d'appel d'offres doit faire l'objet d'une large diffusion par insertion dans le journal des marchés publics édité par l'organisme chargé de la régulation des marchés publics ou dans toute autre publication habilitée. » En outre, dans un contexte de bilinguisme, afin de permettre aux soumissionnaires des deux langues de pouvoir concourir, le législateur exige que l'AAO soit publié « en français » et « en anglais ».

Outre cette exigence de publicité de l'AAO, l'Autorité Contractante est tenue de délivrer aux candidats potentiels une information appropriée sur les critères d'attribution et sur les conditions de leur mise en oeuvre. Cette information est généralement contenue dans la partie du DAO portant RPAO. Par ailleurs, les pièces contractuelles et les autres documents de la consultation remis à tous les candidats qui en font la demande doivent être rédigés de façon claire et sans que les spécifications favorisent telle ou telle entreprise.

Pour garantir le respect de ce principe à cette étape du processus, le législateur de la réforme exige que les dossiers soumis à l'examen de la CPM à l'occasion de l'ouverture des plis contienne « une copie de l'Avis d'Appel d'Offres et des additifs subséquents publiés dans le Journal des Marchés ou d'autres publications d'envergure national ou international, le registre d'enregistrement des offres (et) un extrait des instructions aux soumissionnaires ou du Règlement Particulier de l'Appel d'Offres relatif à la présentation des offres. »38

2.3.2. La transparence pendant le processus de passation du marché

Dans le contexte des Marchés Publics, la transparence s'entend comme la possibilité pour toutes les parties prenantes de connaître et de comprendre les moyens et procédures par l'intermédiaire desquels les marchés sont définis, attribués et gérés. Ainsi, pendant le processus de passation du marché qui court depuis le lancement de AAO jusqu'à la publication des résultats, le principe de transparence se traduit par l'obligation qui est faite à l'Autorité Contractante d'établir des règles précises et liées à chaque marché particulier mis en concurrence. Au cours de cette

37 C. LAJOYE, 2008, Droit des marchés publics, mémentos LMD, 3è éd. GUALINO, Paris, cité par B. MESSENGUE AVOM, op.cit., p. 75.

38 Art. 25(b), D. N° 2012/074.

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étape, ces règles devraient être immuables. Dans cette optique, l'Autorité Contractante doit clairement informer les soumissionnaires des différentes étapes de la procédure, du contenu de chacune d'elles, et surtout fournira toutes les indications nécessaires aux soumissionnaires pour qu'ils puissent présenter une offre valable et répondant à ses exigences et souhaits. Il devra notamment mentionner les conditions d'admission et de participation à l'Appel d'Offres liées à la personne du candidat et à l'offre, les critères d'aptitude définis afin d'établir les capacités financières, économiques, techniques et organisationnelles du soumissionnaire, ainsi que les différents critères d'adjudication qui permettront de déterminer l'offre techniquement et financièrement la plus avantageuse.

Le respect de ce principe à cette phase du processus est davantage garanti par le législateur de la réforme qui exige également que les dossiers soumis à l'examen de la CPM à l'occasion de la séance d'attribution comprennent « le procès-verbal de la séance d'ouverture des plis, le rapport d'analyse et, éventuellement, le rapport de synthèse signé par les membres de la sous-commission d'analyse ou les experts. ». »39

2.3.3. La transparence en aval de la procédure de passation du marché

Après attribution du marché, l'Autorité Contractante a l'obligation de publier les résultats dans les mêmes formes que l'Avis d'Appel d'Offres (dans le Journal des Marchés ou toute autre publication d'envergure nationale ou internationale). En cas de contestation desdits résultats, tout soumissionnaire a le droit, en vue d'introduire un éventuel recours auprès de l'Autorité en charge des Marchés Publics, de solliciter que lui soient transmis tous les documents permettant d'établir la traçabilité des décisions et les explications des résultats, en particulier les grilles d'analyse et le rapport d'analyse des offres. Le refus de transmission desdits documents, qui entrave le principe de transparence, constitue pour son auteur une infraction pénale susceptible de sanction. Lors de la publication des résultats de l'Appel d'Offres, il est en outre recommandé de mentionner les notes de tous les soumissionnaires, ainsi que la motivation du rejet des candidatures et des offres.

La performance du système des Marchés Publics est ainsi la résultante du respect par les acteurs du processus de passation des Marchés Publics, des trois principes de base des Marchés Publics que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement de tous les candidats et la transparence des procédures. La mise en oeuvre de ces principes par les Délégations Régionales et Départementales des Marchés Publics nécessite que ces nouveaux acteurs du système disposent des compétences nécessaires en termes de professionnalisme et d'intégrité. C'est du reste ce qui transparait à travers les développements des divers auteurs sur la performance du système des Marchés Publics.

39 Art. 25(c), D. N° 2012/074.

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