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L'Espagne en France. Les centres culturels espagnols dans l'hexagone au XXe siècle.

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par Julien JACQUES
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 recherche Histoire des relations internationales et des mondes étrangers 2015
  

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CHAPITRE II

L'INTÉRÊT DES FRANÇAIS POUR LA CULTURE ESPAGNOLE

Dans ce deuxième chapitre, nous allons étudier le flux « du sang ibérique dans les veines françaises ». Dans un premier temps, nous parlerons des racines de l'hispanisme en France, qui fut l'un des premiers pays étrangers à s'intéresser à l'Espagne et aux Espagnols d'un point de vue académique. Dans un second temps, nous sortirons du monde académique pour entrer dans la culture populaire et nous apercevoir que la culture espagnole, mais aussi latino-américaine, est de plus en plus appréciée chez nous. Ce second chapitre apporte davantage de réponses sur l'image de l'Espagne en France.

A) L'hispanisme à la française

En 1957, l'hispaniste français Paul Guinard voyait « la notion d'hispanisme en un sens qui ne soit pas strictement philologique ou littéraire, sinon beaucoup plus large, associée à la vie et aux formes changeantes de la civilisation et de l'histoire1(*) ». Certes l'érudition pointilleuse sur des sujets très détaillés est née sous l'influence du positivisme mais l'hispanisme français est un phénomène unique au monde, récompensé en 2014 par le prix Prince des Asturies2(*) en la personne de l'hispaniste Joseph Pérez. Tellement unique que plusieurs universitaires français ou étrangers se sont penchés sur ce sujet et notamment, le chercheur espagnol Antonio Niño3(*). Comment expliquer cet intérêt si grand de la part d'érudits étrangers pour l'Espagne ?

L'hispanophilie française est un phénomène assez ancien qui a connu son paroxysme au XIXe siècle. Le thème du « Voyage en Espagne » est un thème littéraire essentiel de ce siècle et peut être incarné par l'un des plus grands hispanophiles de l'époque, Prosper Mérimée. En 1823, celui-ci prit le parti de l'Espagne contre l'expédition française organisée pour rétablir le pouvoir absolutiste du roi Ferdinand VII4(*). A partir de 1830, Prosper Mérimée multiplia les voyages en Espagne et c'est peut-être l'un d'entre eux qui lui inspira sa célèbre nouvelle Carmen parue en octobre 1845 dans la Revue des Deux Mondes et qui allait fixer une représentation universelle de l'image de l'Espagne du XIXe siècle5(*). Avant Prosper Mérimée, Alexandre de Laborde se prit de passion pour ce pays lors de sa mission diplomatique et publia, en quatre volumes, son Voyage pittoresque et historique en Espagne entre 1806 et 1820 ; en 1809, avec son ami Chateaubriand, il publia en cinq volumes un Itinéraire descriptif de l'Espagne. Théophile Gautier lui-même écrivit son Voyage en Espagne qui fut un immense succès et fut réédité dix fois entre 1843 et 1875. Dans un second temps, les études françaises sur les sciences humaines et sociales se sont toujours intéressées au non-français. L'hispaniste Bernard Vincent nous rappelle que la France possède un peu partout dans le monde des centres et des instituts de recherche (à Rome, à Athènes, à Istanbul, à Lima, à Pondichéry, etc.) et qu'ainsi la Casa Velázquez, ouverte en 1928 à Madrid, ne sort pas de l'ordinaire même si elle a facilité les échanges universitaires entre la France et l'Espagne6(*). Néanmoins, les contacts entre les intellectuels français et leurs confrères espagnols s'étaient développés déjà depuis les années 1870 durant lesquelles les hispanistes français tels que Alfred Morel-Fatio, Ernest Mérimée ou Ernest Martinenche correspondaient avec les érudits espagnols à l'image du philologue Marcelino Menéndez y Pelayo7(*). Les échanges inter-universitaires se multiplièrent avant la Première Guerre mondiale, Bordeaux et Toulouse entretenant des relations avec les universités de Madrid, de Saragosse et d'Oviedo8(*). En 1908, par exemple, des universitaires bordelais assistèrent à des cours d'été à Burgos, ou encore en 1909, certains d'entre eux séjournèrent à Madrid9(*). Après la Seconde Guerre mondiale, il faut attendre le dégel des relations franco-espagnoles dans les années 1950 pour une reprise des échanges de professeurs pour des conférences ou des cours (comme le professeur Chantraine de la Sorbonne qui donna des cours à Madrid et Salamanque en 19511(*)0), mais aussi des échanges de livres et d'étudiants. En un mot, « dans tous les domaines les échanges intellectuels avec l'Espagne [furent] particulièrement actifs1(*)1 ». Dans les années 1960, les échanges s'intensifièrent encore avec de nombreuses invitations d'experts espagnols en France. Par exemple, en 1964, pour une exposition aux Invalides, le gouvernement français demanda la présence du critique cinéma M. Figuerola Ferretti Pena, du compositeur Luis de Pablo, de la spécialiste de l'Espagne napoléonienne Victoria Marco Linares, ainsi que celle d'Antonio Cervera Garcia, alors directeur de l'École officielle de cinématographie de Madrid1(*)2.

Dans ce contexte, c'est donc sans surprise que naquit et se développa l'hispanisme universitaire français. Déjà dans la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs Histoires d'Espagne avaient été publiées par des intellectuels français comme Charles Romey ou Victor du Hamel1(*)3. En 1885, Ernest Mérimée soutint la première thèse hispaniste française sur la vie et l'oeuvre de Francisco de Quevedo1(*)4. Mais c'est Alfred Morel-Fatio qui peut être considéré comme « le pape de l'hispanisme académique1(*)5 » d'après Bartolomé Bennassar. Pendant cinq ans, il classa le fond des manuscrits hispaniques de la Bibliothèque nationale ; en 1885, alors professeur au Collège de France, il organisa un cours sur la Comédie espagnole au XVIIe siècle. Enfin en 1899, à Bordeaux, il fonda le Bulletin Hispanique. Toutefois, cette revue du cercle académique traditionnel fut devancée en 1894 par la création de La Revue Hispanique des professeurs de l'École des Hautes Études Commerciales et anciens élèves du père de l'hispanisme tels Raymond Foulché-Delbosc ou Contamine de Latour. Ces deux revues ennemies s'opposèrent à coup d'éruditions jusqu'en 19141(*)6. Malgré la concurrence étasunienne (la première chaire d'hispanisme ouvrit à Harvard en 1819) ou britannique (la première chaire britannique d'hispanisme ouvrit à Liverpool en 1908), l'hispanisme français est le plus actif et le plus riche du monde1(*)7 et son apport à l'histoire espagnole est « sans aucun doute l'une des plus importantes contributions étrangères1(*)8 ». En 1938, il existait six chaires d'hispanisme dans six universités françaises, en 1956, ce nombre était passé à quinze chaires dans douze universités et ne cessait d'augmenter1(*)9. En 1951, la presse espagnole n'était pas aveugle de cette intense activité hispaniste en France et écrivait que « jamais la France n'avait eu de si brillants hispanistes avant aujourd'hui2(*)0 ». Pour s'apercevoir de ce phénomène, nous devons nous intéresser à la Société des hispanistes français de l'enseignement supérieur, fondée en 1962 et après quarante années d'existence, elle comptait environ 800 professeurs d'universités qui enseignaient l'Espagne (tout aussi bien la littérature, l'histoire ou la langue) et rassemblerait 85% du nombre total d'hispanistes en France2(*)1. Ces données sont bien différentes de ce que comptabilise l'Instituto Cervantes qui, par pays, a érigé un annuaire de tous les hispanistes du monde2(*)2. En effet, celui-ci annonce le nombre de 429 hispanistes en France en 2011 dans le milieu universitaire, derrière les États-Unis avec 5272 chercheurs, l'Espagne qui en comptait 563 et l'Allemagne et ses 467 hispanistes. Les critères ne semblent pas être les mêmes, l'annuaire de l'Instituto Cervantes ne liste que les chercheurs d'universités tandis que les critères de la Société des Hispanistes français sont plus souples, en acceptant également des spécialistes du monde lusophone ou des professeurs de droit par exemple. Ainsi, nous pouvons considérer que la Société des Hispanistes français forme un bon baromètre de l'évolution de l'hispanisme en France. D'après Daniel Gregorio, qui s'est intéressé à cette société, en 2004-2005, 64% des professeurs hispanistes étudiaient l'Espagne alors que 36% préféraient l'Amérique latine, et concernant la discipline de recherche, 47% des hispanistes étudiaient la littérature, 27% la civilisation, 19% se consacraient à l'art, 5% à la presse et aux médias de communication et enfin 2% à la linguistique2(*)3. La période contemporaine intéressait 53% d'entre eux, l'ère moderne 40,5% et l'époque médiévale 6,5%. Il est notable de constater que l'Espagne contemporaine est aujourd'hui la période privilégiée des historiens de l'Espagne car, pendant longtemps l'Espagne contemporaine fut ignorée2(*)4. Depuis les années 1970, l'augmentation du nombre de chercheurs et une meilleure restructuration de la recherche ont permis à l'Espagne contemporaine, et ce malgré la concurrence de l'Amérique latine, d'être désormais un objet d'étude privilégié - alors que le XIXe siècle reste l'enfant pauvre de la recherche hispaniste - dans de nombreuses disciplines, notamment l'histoire socio-culturelle. Bernard Vincent dresse un bilan de l'hispanisme français à l'aube du XXIe siècle2(*)5 et constate ces évolutions. Toutefois, il déplore « le cloisonnement corporatif » du milieu universitaire2(*)6 ; les historiens, trop souvent, ignorent les travaux de leurs collègues du département des langues. L'autre problème que Bernard Vincent met au jour est le manque de visibilité des publications des hispanistes en France mais aussi en Espagne, car « il est pratiquement hors de question qu'un éditeur commercial français s'intéresse à une étude portant sur l'Espagne2(*)7 ». Il reste évidemment le rôle primordial des publications universitaires et celles de la Casa de Velázquez ou de la Maison des Pays Ibériques mais la distribution est limitée.

Cette première sous-partie nous a permis de juger de la richesse et des faiblesses de l'hispanisme français. Nous avons pu constater que la recherche française s'intéresse fortement à l'Espagne et il nous semble évident que les instituts Cervantès ont un rôle important à jouer pour mieux faire connaître ces travaux en France, mais aussi en Espagne et dans tout le réseau de l'Instituto Cervantes. Par ailleurs, la passion française pour l'Espagne n'est pas seulement académique, elle se voit sous d'autres aspects.

B) La popularité de la culture espagnole en France

Le 25 mai 1954, l'ambassadeur de France à Madrid, Jacques Meyrier, écrivait au ministre des Affaires étrangères au sujet d'un article du journal « El Español », paru deux jours auparavant, qui traitait de l'enseignement de l'histoire d'Espagne en France2(*)8. L'auteur de l'article regrettait « la place infime et le peu d'attention » réservés à l'Espagne alors que « de nombreux pays au passé historique plus bref ou moins important » occupaient davantage d'espaces. L'école française et les universités auraient continuer à diffuser la légende noire de l'Espagne, en disant que les rois catholiques auraient « rétabli l'unité religieuse au détriment de la richesse du pays » ou que la colonisation de l'Amérique se résumait à une « simple soif de l'or, cruelle et sauvage ». L'ambassadeur souligna que ces critiques étaient récurrentes, en particulier sur la presse française qui faisait silence sur « les choses d'Espagne ». Il est étrange de noter ce contraste avec ce que nous avons déjà remarqué dans la première sous-partie de ce chapitre sur l'intérêt du monde académique français pour le monde hispanophone. Même sorties du milieu universitaire, les cultures hispaniques jouissent également d'une grande popularité. Dans l'Histoire, la France et l'Espagne n'ont pas toujours été séparées par la seule frontière des Pyrénées, mais aussi en Bourgogne et en Franche-Comté, il n'est donc pas surprenant que l'hispanophilie française soit ancienne et issue d'abord des liens dynastiques. Antonio Niño fait remonter les débuts de l'hispanisme français au XIXe siècle2(*)9 ; sa thèse est réfutée par Bartolomé Bennassar qui considère que l'attrait de la France pour l'Espagne trouve ses racines au XVIIe siècle3(*)0. Cette passion est d'abord passée par le castillan qu'on pratiquait à la Cour du roi de France en raison de l'influence des reines espagnoles Anne d'Autriche et Marie-Thérèse. Ainsi Louis XIII et Louis XIV maîtrisaient parfaitement cette langue et les deux parties de Don Quichotte furent traduits entre 1614 et 16183(*)1. L'influence de l'Espagne à cette époque est omniprésente, Pierre Corneille n'emprunta-t-il pas deux oeuvres espagnoles dans son théâtre, L'Illusion comique et Le Cid ? Au XIXe siècle, c'est la peinture espagnole qui passionnait les artistes français comme Gustave Courbet qui clamait son admiration pour les peintres espagnols tels José de Ribera, Francisco de Zurbarán ou le grand Velázquez ; et même le roi, Louis-Philippe envoya une mission en Espagne pour acheter des centaines de tableaux qui seront l'objet de l'ouverture du Musée espagnol en 18383(*)2. L'empereur Napoléon III, de son côté, popularisa la corrida après son mariage avec la comtesse andalouse Eugénie de Montijo. C'est depuis Bayonne, lieu de villégiature du couple impérial, que la corrida se répandit en France. En 1853, des corridas furent organisées pour la première fois à Nîmes, Arles, Marseille et Avignon, en 1858 à Carpentras, en 1859 à Béziers et jusqu'au Havre en 1868. La mise à mort des taureaux fut l'enjeu d'un combat entre la Société de Protections des Animaux et les aficionados durant toute la seconde moitié du XIXe siècle3(*)3.

Au XXe siècle, cette popularité ne faiblit pas et s'ouvrit même à de nouveaux domaines. L'espagnol est une des grandes langues de la littérature et du secteur du livre qui a un fort écho en France comme le prouve la réussite de la célébration en 2005 du quatrième centenaire de la publication de Don Quichotte même si le directeur de l'institut Cervantès de Paris, José Jimenez déplore la banalisation des grands auteurs classiques comme Federico García Lorca (1898-1936) qui ne reflète pas l'Espagne moderne3(*)4. Ceci dit, déjà en 1951, la presse espagnole se réjouissait de la demande de livres espagnols en France et du nombre de librairies espagnoles à Paris3(*)5. Quarante années plus tard, en 1996, l'exportation de livre espagnol vers la France représentait 4.075 millions de pesetas, soit le 3e marché mondial, après le Brésil (6.197 millions) et le Royaume-Uni (4.289 millions). En 1997, la France restait un gros marché pour l'exportation de livres espagnols avec 5.657 millions de pesetas soit le 5e marché mondial. L'Amérique latine restait évidemment le plus grand marché de livres espagnols mais la France demeura un gros pays importateur en Europe et se place toujours dans les dix premières destinations mondiales du livre espagnol3(*)6. Comme le montre le diagramme de la page suivante, à la fin du XXe siècle, la vente de livres en France connut son paroxysme en 1999 avec une exportation rapportant à l'Espagne 6.854 millions de pesetas avant une chute à 3.829 millions de pesetas pour l'an 2000. Toutefois l'année suivante, l'exportation en France crût de 69 %, la plus grosse augmentation au niveau mondiale, pour atteindre 6.471 millions de pesetas en 2001. En 2000, 25 % de la production de livres en Espagne furent destinés à l'exportation dont 44 % vers l'Union européenne (notamment la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni), qui représentaient quasiment la même part de marché que l'Amérique latine (44,97 %), principalement l'Argentine et le Mexique3(*)7. La Guerre civile espagnole obligea de nombreux écrivains espagnols à se réfugier un temps ou pour toujours en France et contrairement à ce que pense José Jimenez, nous devons faire remarquer que plusieurs écrivains d'origine espagnole ont été reconnus, voire révélés, en France comme Jorge Semprun, Michel del Castillo ou Agustín Gómez Arcos3(*)8.

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Fait par Julien Jacques, d'après les données de Antonio María Ávila, « El Español en América », op.cit.p.18.

Mais la culture espagnole ne se réduit pas qu'à la littérature et la France apprécie aussi la musique espagnole. A côté du succès mondial du flamenco3(*)9, la vente de disques espagnols à l'étranger a rapporté, en 1998, 1.511 millions de pesetas principalement au sein de l'Union européenne - notamment en France, en Italie et en Allemagne - qui représentait 55 % du marché tandis que les États-Unis (26 %) et l'Amérique latine (16 %) furent des marchés plus modestes4(*)0. Le groupe Zorongo et le festival Don Quijote oeuvrent, depuis 1992, pour la promotion et la diffusion la musique et les arts de la scène hispaniques dans le paysage culturel français4(*)1. Le festival se déroule tous les ans en novembre pendant une dizaine de jours, dans différentes salles de théâtre parisiennes, et accueille plus de 60 000 spectateurs à chaque édition. Le festival Don Quijote est principalement subventionné par l'Instituto Cervantes, l'Ambassade d'Espagne et par les ministères espagnol et français de la Culture.

En ce qui concerne le cinéma espagnol, il faut noter la haute estime des Français pour Pedro Almodóvar, la preuve étant l'appréciation de la rétrospective de ses films et de l'exposition à la Cinémathèque de Paris Bercy en 20064(*)2. Cet attachement se perçoit également par le nombre de festivals en France consacrés au cinéma espagnol. Le plus important est sans doute le festival du cinéma espagnol de Nantes qui a lieu tous les ans, depuis 1990, au mois de mars. « Avec plus de soixante-dix films inédits (fictions, documentaires, longs et courts-métrages), cinquante invités, deux cent cinquante projections en version originale sous-titrée à chaque édition, le Festival du Cinéma Espagnol de Nantes est devenu [...] le rendez-vous majeur du cinéma espagnol en France4(*)3 ». Mais il n'est pas le seul, nous pouvons encore citer le festival Cinespaña de Toulouse, créé en 1995 et qui se déroule chaque année au mois d'octobre ; ou encore le festival du cinéma espagnol et latino-américain d'Ajaccio qui fête en 2015 sa dix-huitième édition.

Cette seconde sous-partie s'attachait à montrer que tous les pans de la culture espagnole plaisent aux Français, comme l'illustrent la grande importation de musiques ou de livres espagnols ainsi que le nombre de festivals organisés sur le sol français en faveur de l'Espagne. Cependant, les Français apprécient toutes les cultures hispaniques comme le prouve, entre autres, le succès de la littérature latino-américaine dans l'Hexagone.

C) La littérature « latino » en France

Bien que les communautés latino-américaines soient très minoritaires en France avant l'immigration du dernier quart du XXe siècle, les échanges intellectuels furent importants. Déjà dans l'entre-deux-guerres, plusieurs écrivains d'Amérique latine avaient résidé en France comme le guatémaltèque Miguel Angel Asturias, le chilien Vicente Huidobro ou le mexicain Alfonso Reyes, qui fréquentaient le cercle littéraire de la capitale4(*)4. Réciproquement, certains intellectuels français entretenaient des relations universitaires avec leurs collègues sud-américains, notamment brésiliens pour l'historien Fernand Braudel ou mexicains pour l'ethnologue Jacques Soustelle. Ces bonnes relations entre la France et l'Amérique hispanophone se perçurent encore pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque de nombreux Français fuirent en Amérique latine à l'image de l'ethnologue Paul Rivet qui s'exila en Colombie ou de l'écrivain Jules Romains au Mexique4(*)5, ou encore aux images d'euphorie en Amérique du Sud lors de la libération de Paris en 1944, puis par la création de nombreux instituts français dans ces pays. Dans les années 1960, les bouleversements politiques sur le continent latino-américain « se doublèrent d'une quête de nouvelles formes d'expression artistique4(*)6 ». Plusieurs maisons d'édition françaises publièrent une traduction de plusieurs romanciers, par exemple en 1962, La Mort d'Artemio Cruz du mexicain Carlos Fuentes, chez Gallimard, ou Le Siècle des Lumières du cubain Alejo Carpentier, chez Folio. A cette époque, plusieurs écrivains sud-américains, considérant Paris comme la capitale de la bohème et des arts, y séjournèrent pour un temps ou pour toujours. L'argentin Julío Cortázar arriva en 1951 pour ne plus la quitter, Pablo Neruda, nommé ambassadeur du Chili, y vécu entre 1971 et 1972, ou encore l'écrivain colombien Gabriel García Márquez y voyagea à la fin des années 1950.

Toutefois, la littérature n'est pas la seule forme artistique que les latino-américains ont rapportée en France. Durant les années 1970 et 1980, plusieurs artistes exilés acquirent une renommée en France ; le groupe de musiciens chiliens Quilapayún ou le chanteur et guitariste uruguayen Daniel Viglietti continuent à faire des tournées en France aujourd'hui, ou encore des hommes de théâtre comme Augusto Boal, Jorge Lavelli ou Oscar Castro, ont contribué à « faire connaître la diversité culturelle latino-américaine4(*)7 ».

Dans ce second chapitre, nous nous sommes focalisé sur la popularité des cultures espagnoles et latino-américaines en France, à la fois dans le monde académique et dans le paysage culturel français. Par les vagues d'immigration et par l'engouement des Français pour les formes artistiques qui les ont accompagnées, les cultures hispaniques sont parties intégrantes de la culture française. Il n'appartient qu'à l'Instituto Cervantes d'en tirer profit.

* 1 Bartolomé Bénnassar, « Panorama de l'hispanisme français », in SAGNES Jean (dir.), Images et Influences de l'Espagne dans la France contemporaine, Actes du colloque national d'histoire de Béziers du 5 juin 1993, Presses universitaires de Perpignan, Perpignan, 1994, p.27-33.

* 2 Plus prestigieux prix espagnol, délivré par la Fondation Principe-de-Asturias, qui récompense des acteurs majeurs à l'échelle internationale dans huit catégories : Art, Sport, Sciences sociales, Communication, Concorde, Coopération internationale, Recherches scientifiques et Lettres.

* 3 Antonio Niño, Cultura y diplomacia. Los hispanistas franceses y España 1875-1931, CSIC, Madrid, 1988.

* 4 En 1820, le roi d'Espagne Ferdinand VII doit faire face à un soulèvement populaire contre son pouvoir absolutiste. Les élections de 1822 aux Cortès voient l'élection du libéral Rafael del Riego. Le roi fit donc appel à la Sainte-Alliance, rejoint par la France en 1818, pour rétablir son pouvoir.

* 5 Bartolomé Bénnassar, « Panorama de l'hispanisme français », op. cit., p.30.

* 6 Bernard Vincent, « L'Hispanisme français et l'histoire moderne et contemporaine », Revista de Historia Jerónimo Zurita, n° 71, 2000, p. 219-236.

* 7 Jean-Marc Delaunay, Méfiance cordiale, les relations franco-espagnoles de la fin du XIXe siècle à la Première Guerre mondiale, op.cit., p.634.

* 8 Ibid. p.635.

* 9 « Los Estudios Hispánicos en Francia », Amitié franco-espagnole, janvier 1958, AMAE Nantes, Série F 1943-1978, 396PO/F, Sous-série VI OEuvres françaises en Espagne, n° 822 relatif aux relations culturelles franco-espagnoles.

* 10 Note de la Direction générale des relations culturelles, AMAE La Courneuve, Série EU Europe 1949-1955, Sous-série Espagne, 187QO, n° 207, 30 avril 1951.

* 11 Id.

* 12 AMAE La Courneuve, Série EU Europe 1961-1970, Sous-série Espagne, 187QO, n° 306.

* 13 Jean-Marc Delaunay, Méfiance cordiale, les relations franco-espagnoles de la fin du XIXe siècle à la Première Guerre mondiale, op.cit., p.631.

* 14 « Los Estudios Hispánicos en Francia », Amitié franco-espagnole, janvier 1958, op.cit.

* 15 Bartolomé Bénnassar, « Panorama de l'hispanisme français », op.cit. p.29.

* 16 Sur cette question, voir Antonio Niño, op.cit.

* 17 Olvido García Valdés, « El español en Francia », Cervantes, novembre-décembre 2007, p.54-55.

* 18 Bernard Vincent, « L'Hispanisme français et l'histoire moderne et contemporaine », op.cit., p. 219.

* 19 « Los Estudios Hispánicos en Francia », Amitié franco-espagnole, janvier 1958, op.cit.

* 20 « Nunca en Francia ha habido tan brillante plantel de hispanistas como ahora », « La difusión de la Lengua española », La Vanguardia española, 25 avril 1951, AMAE Nantes, Série F 1943-1978, 396PO/F, Sous-série VI OEuvres françaises en Espagne, n° 822 relatif aux relations culturelles franco-espagnoles.

* 21 Daniel Gregorio, « La Sociedad de Hispanistas franceses : hacia una nueva definición del hispanismo », in José Carlos Herreras Garcia (dir.), L'enseignement de l'espagnol en France : réalités et perspectives, Presses Universitaires de Valenciennes, Valenciennes, 2008, p.189-200.

* 22 < http://hispanismo.cervantes.es/hispanistas_busqueda.asp>

* 23 Id.

* 24 Jean-François Botrel, « L'Espagne contemporaine et l'hispanisme français : tendances actuelles », in Matériaux pour l'histoire de notre temps. L'Espagne, 1900-1985, n°3-4, 1985, p.16-18.

* 25 Bernard Vincent, « L'Hispanisme français et l'histoire moderne et contemporaine », op.cit.

* 26 Ibid. p.233.

* 27 Ibid. p.235.

* 28 Lettre de l'ambassadeur de France à Madrid au ministre des Affaires étrangères, AMAE La Courneuve, Série EU Europe 1949-1955, Sous-série Espagne janvier 1953- décembre 1955, 187QO, n° 208 relatifs aux relations culturelles franco-espagnoles, 25 mai 1954.

* 29 Antonio Niño, Cultura y diplomacia. Los hispanistas franceses y España 1875-1931, op. cit.

* 30 Bartolomé Bénnassar, « Panorama de l'hispanisme français », op.cit.

* 31 Ibid. p.29.

* 32 Id.

* 33 Jean Sagnes, « Jalons pour une approche de l'influence de l'Espagne sur la France contemporaine », in Jean Sagnes (dir.), Images et Influences de l'Espagne dans la France contemporaine, Actes du colloque national d'histoire de Béziers du 5 juin 1993, Presses universitaires de Perpignan, Perpignan, 1994, p.7-26.

* 34 José Jimenez, Francia y España : la unidad y la diversidad cultural, Miradas Cruzadas, 2006-2007, p.726-729.

* 35 « La difusión de la Lengua española », La Vanguardia española, 25 avril 1951, op.cit.

* 36 Antonio María Ávila, « El Español en América », in Eduardo Bautista, Antonio Cordón, Miguel Ángel Cortés et alii, España potencia cultural?, Incipe-Política Exterior-Biblioteca Nueva, Madrid, 2001, p.15-26.

* 37 Guillermo Adams, « España, una potentia en potencia », in Eduardo Bautista, Antonio Cordón, Miguel Ángel Cortés et alii, España potencia cultural?, Incipe-Política Exterior-Biblioteca Nueva, Madrid, 2001, p.70-112.

* 38 Ce dernier, par exemple, reçu de nombreux prix comme le prix Hermès en 1975 pour son premier roman L'agneau carnivore et fut plusieurs fois finaliste du prix Goncourt.

* 39 Arrivé en France avec les vagues d'immigrations espagnoles du XXe siècle, le flamenco fait partit aujourd'hui du patrimoine de l'Humanité. Il est par exemple extrêmement populaire au Japon qui compte plus d'écoles de flamenco que l'Espagne. En France, le site Flamenco-Events recense pas moins de neuf festivals dédiés, à Argelès-sur-Mer, Céret, Crest et Aouste, Marseille, Mont-de-Marsan, Nîmes, Poitiers, Rivesaltes et Toulouse, < http://www.flamenco-events.com/festivalsfrance.html>.

* 40 Guillermo Adams, « España, una potentia en potencia », op. cit., p.92 ; Gustavo Buquet, « El cine y la música de España en mercados latinoamericanos », in Eduardo Bautista, Antonio Cordón, Miguel Ángel Cortés et alii, España potencia cultural?, Incipe-Política Exterior-Biblioteca Nueva, Madrid, 2001, p.33-53.

* 41 < http://www.zorongo.com/>

* 42 José Jimenez, Francia y España : la unidad y la diversidad cultural, op. cit., p.728.

* 43 < http://www.cinespagnol-nantes.com/le-festival.html>

* 44 Olga Gonzalez, « Les étapes de la migration latino-américaine en France », Rencontre autour du numéro Hommes&migrations n°1270, Migrations latino-américaines, mai 2008. Version numérique [en ligne] < http://www.ameriquelatine.msh-paris.fr/spip.php?article198> (consulté le 11 mars 2015).

* 45 Id.

* 46 Id.

* 47 Id.

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