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La destructuration du récit dans tropismes et le planétarium de Nathalie Sarraute

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par Doudou CAMARA
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2005
  

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CHAPITRE III : CARACTERES DE LA NARRATION

La réflexion sur la représentation romanesque a longtemps mis au premier rang des préoccupations une problématique de la narration en particulier du récit en général. Car, « tout récit comporte en effet, quoique intimement mêlées et en proportions très variables, d'une part des représentations d'actions et d'événements, qui constituent la narration proprement dit (...) »95(*)

En fait, si la mise en scène traditionnelle de la narration se veut matérialisation des indications spatio-temporelles du récit, en les figurant et en les illustrant de façon ordonnée et cohérente, la mise en scène moderne se veut un dispositif narratif complexe qui joue de toutes les ressources de la technique romanesque pour susciter une interprétation du texte.

Ainsi, dans Tropismes et Le Planétarium, la remise en question des codes narratifs traditionnels se manifeste dans la volonté de créer un nouveau type de lecteur et d'innover quelque peu la narration. Cette innovation de Nathalie Sarraute réside, à première vue, dans le protocole énonciatif ou plutôt dans la phase inaugurale du récit.

En fait, si, dans le roman traditionnel le récit déroule une narration parfaitement linéaire qui suit un personnage servant de jonction aux différents épisodes qui fonctionnent comme des prédicats logiques autour d'un même thème, dans Tropismes et Le Planétarium la linéarité et la chronologie de la narration se fragilise puisque la concaténation logique des événements s'éclipse. Ce qui cautionne l'emploi des ouvertures in média res perturbant foncièrement l'ordre mieux le mode fonctionnement de l'histoire du récit. Ce dysfonctionnement du récit n'est pas sans rappeler le titre fort symbolique de Francise Dugast-Portes : LeNouveau Roman : une césure dans l'histoire du récit96(*)

Ainsi, à l'enchaînement chronologique de la narration succède un faisceau de possibilités simultanées.

Dans cette logique subversive de la narration du récit, le langage n'est plus le garant de la transparence mais plutôt de l'opacité. En fait, le langage se joue sous un double registre fonctionnel et référentiel où « les jeux de défection et d'affirmation de la réalité fonctionnent (...) comme un topique qui donne vie à la narration »97(*). Ainsi, il n'est pas étonnant de voir une narration qui transforme la réalité vécue en un univers d'une altérité radicale, obligeant, dans LePlanétarium, Pierre à remettre en cause les propos d'Alain faisant allusion à la beauté de Germaine Lemaire.

On assiste alors progressivement à la dissolution du syntagme narratif qui se caractérise, à présent, par des associations mentales ayant des affinités avec l'écriture automatique des surréalistes.

Ainsi, à la question de Bernard Valette : « peut-on parler de récit ? »98(*) Nous répondrons par la négative. En ce sens que les démarcations entre histoire, intrigue et narration s'estompent au profit de la fascination exercée par les mots, leur sonorité voire les poncifs et aux dépens des données chronologiques et linéaires.

De ce point de vue, les maillons essentiels du récit traditionnel, c'est-à-dire la disposition chronologique et les connections logiques qu'introduit l'élocution perdent leur crédibilité dans le récit néo-romanesque.

Cette évacuation de la narration traduit en fait le soupçon que fait peser la modernité sur une conception rhétorique du récit que des contre-exemples connus obligent nécessairement à remettre en cause.

Dans ce même ordre d'idées subversif, il est à noter que la notion de répétition dans le récit n'est pas en reste. En fait, si, dans le récit traditionnel la répétition est quasiment inexistante, dans le récit néo-romanesque, en revanche, elle s'érige en valeur de loi. Aussi, n'est-il pas surprenant de voir, dans la diégèse traditionnelle, que la narration ou l'itératif soit la subordination de la narration. Alors que dans Tropisme et le Planétarium, elle est complètement détachée de la narration du fait de l'itératif ou plutôt du récit singulatif comme dirait Gérard Genette. Cette donnée narrative se spécifie par la répétition en « n » fois de ce qui s'est passé une seule fois avec parfois quelques variantes stylistiques. Ainsi, dans Tropismes l'emploi fréquent de « toujours » ( T.16) est constitutif de ce procédé narratif. Il en est de même de l'usage répété du mot « mur » (T. 11,22,33,35,36... ). Dans Le Planétarium, « le psittacisme du récit constitue l'univers diégétique en objet sémantique et le décalage des ensembles signifiants les uns, par rapport aux autres ainsi que la dislocation du référent imposent la récurrence à la fois comme le mode et le matériau même du fonctionnement narratif »99(*). L'exemple de la « porte » (P. 9,10,11,12,13,14...) répétée vingt sept fois dans le premier chapitre non noté est illustratif à cet égard.

Tout compte fait, il reste qu'au-delà de ces attributs constitutifs de la narration, force est de souligner d'autres particularités narratives : le refus du psychologique et les pouvoirs de la description qui délimitent, à bien égards, notre champ d'investigation.

II-1 : REFUS DU PSYCHOLOGIQUE

Naguère maillon essentiel du récit traditionnel, la psychologie des personnages a dans Tropismes et Le Planétarium le profil bas du fait de la crise sociale consécutive à la Seconde Guerre Mondiale. Cette crise qui, ébranle toutes les caractéristiques de la psychologie traditionnelle, perturbe, dans cette perspective, le récit sarrautien.

En fait, dans le récit traditionnel « la psychologie la plus couramment admise, avec ses stéréotypes, la répartition traditionnelle des rôles sociaux et des comportements, qui sert de cadre à la plupart des romans réalistes et en assure la cohérence. Les prérogatives bourgeoises, la hiérarchie des sexes, les rapports de dominance assurent la vraisemblance de l'intrigue (...) »100(*).

Dans Tropismes et LePlanétarium, Nathalie Sarraute renonce à la synthèse destructrice de la psychologie traditionnelle en rejetant la notion de « traîtres » (T. 17), d' « égoïste » ( T.27), de « maniaque » ( P.27), d' « écorchés vifs » ( P. 23 ) etc., dans leurs tiroirs respectifs.

A ce titre, la romancière du Portrait d'un Inconnu, nous propose, à sa manière, d'en finir avec les chefs d'oeuvre traditionnels rejoignant ainsi Artaud qui affirme dans le texte du même titre :

« La psychologie qui s'acharne à réduire l'inconnu au connu, c'est-à-dire au quotidien et à l'ordinaire, est la cause de cet abaissement et de cette effrayante déperdition d'énergie qui me paraît bien arriver à son dernier terme »101(*).

On trouve d'ailleurs dans une autre oeuvre de Sarraute, disent les imbéciles, une savoureuse diatribe de cet art psychologisant qui risque si facilement de n'être plus dans le Nouveau Roman qu'une très artificielle conception littéraire. De la sorte, le récit n'en demeure pas moins une réflexion technique sur le statut moral des personnages du dix-neuvième siècle et peut se lire comme l'illustration d'un problème éthique u comme la parabole d'un cas psychologique.

Ce cas psychologique, source de tant de convoitises et d'usages fréquents, n'est plus d'actualité dans Tropismes et Le Planétarium en ce sens que qu'il «  né (...) de la condition de l'homme moderne, écrasé par une civilisation mécanique, « réduit, selon le mot de madame CL. Edm. Magny, au triple déterminisme de la faim, de la sexualité, de la classe sociale »102(*).

Si l'on considère cette assertion à la lumière de l'oeuvre balzacienne en général, en suivant encore les indications psychologiques que fournit l'auteur lorsqu'il caractérise, définit et juge les personnages du Père Goriot, l'on en infère que le récit sarrautien se joue matériellement de la psychologie. Car, le personnage, privé des oripeaux dérisoires dont il cherchait à se couvrir, laisse entrevoir les failles, par lesquelles le peut enfin accéder à ce qu'il sait être, intimement autrement dit son ultime vérité.

Ainsi, faut-il comprendre le principe qui préside à l'élaboration de l'oeuvre sarrautienne suivant un système duel opposant dessus et dessous, extérieur et intérieur, apparence et authenticité, « conversation et sous-conversation », surface et profondeur. De cette façon, Arnaud Rykner soutien :

« Nathalie Sarraute substitue à une littérature horizontale, fondée sur un parcours linéaire d'un début à une fin (le récit classique, qui vise à agencer le réel pour lui faire rendre sens) une littérature verticale, qui cherche à élucider les origines de ce réel. A l'historien succède l'archéologue, au géographe le spéléologue »103(*).

C'est dire que dans Tropismes et Le Planétarium, l'auteur de Martereau remet en question l'extériorité de la perception traditionnelle du personnage pour la recentrer dans la perspective d'un sujet qui l'investit de l'intérieur. En fait, le rejet de cette extériorité qui caractérisait les personnages traditionnels valide effectivement l'acte qu'on a appelé : refus du psychologique. Il se manifeste de diverses manières. Cette nouvelle technique d'écriture étiole la teneur aussi bien de la narration que du récit néo-romanesque.

De toute évidence, l'esthétique des Tropismes et du Planétarium s'inscrit, à première vue, dans une perspective qui rame à contre-courant de la psychologie traditionnelle axée sur l'identification avec exactitude des personnages en rapport avec leurs géniteurs ou aïeux. En d'autres termes, le comportement et les caractères de Rastignac ou d'Etienne Lantier respectivement dans Le Père Goriot et dans Germina104(*) de Zola sont ceux de leurs parents. Ce qui explique peut-être leur volonté manifeste de changer la condition des travailleurs ou d'instaurer la justice dans une société qui n'a yeux que pour l'iniquité.

Dans Tropismes, par exemple, Nathalie Sarraute fait table rase de l'éternelle tentation de la désignation des personnages à coups de désignateurs neutres, vides « Elles, Ils, Elle, Il ».

En fait, l'on remarque, en parcourant des yeux les micro-récits, ces « êtres de papier » indéfinissables qui apparaissent et disparaissent à la fois. Ils sont à l'image de cette poupée dont les dents et les yeux qui « à intervalles réguliers, s'allumaient, s'éteignaient, s'allumaient, s'éteignaient » (T.12). Dès lors, il en résulte une désagrégation ou une « dépersonnalisation de l'individu » comme dirait Michel Zéraffa.

Cette destruction du personnage traditionnel est consécutive à la situation absurde de la société moderne. Ce qui autorise les néo-romanciers ou plutôt Sarraute à atrophier le prisme du récit.

Dans cette logique de non-désignation des personnages, il est à noter que dans Le Planétarium le récit nomme ses « entrailles de papier » autrement. En effet, la narratrice amorce le récit par les pronoms anaphoriques (« elle », « il ») fonctionnant comme des automates. Elle ne les nomme qu'au terme du troisième récit. Il s'agit respectivement de Tante Berthe et d'Aalin Guimier.

Ce pari pris littéraire est signe que l'écriture sarrautienne se soucie moins de la fiche signalitique de l'état civil de ses personnages que de « l'éraflure psychologique » qui rompe les affinités parentales dont le récit traditionnel les dotait.

Ainsi, c'est à dessein de mettre à nu la déconstruction du récit que Jean Philippe Miraux insiste sur l'éraflure psychologique en affirmant :

« (...) La destabilisation du personnage romanesque provient de sa perte de crédibilité : Le personnage, porteur de l'intrigue, élément structural essentiel e l'espace romanesque, perd de sa puissance parce qu'il n'est plus représenté, au sens mimétique du terme (il a perdu progressivement tout ce qui le caractérisait : son portrait physique ou moral, son état civil, ses possessions et ses valeurs) et qu'il ne devient de plus en plus insaisissable, indéfinissable ».105(*)

De cette manière, c'est dire que dans Tropismes et Le Planétarium la traditionnelle entreprise du portrait visant, par un jeu étonnant d'arbitraire et de motivation péremptoires, à rendre compte de la totalité d'un individu et de l'intégrité de son action, est vouée à l'échec. Ce constat d'échec s'explique par le fait que « l'absurdité désagrégativiste de la conception psychologique du personnage, reste la seule vérité qui auréole la pensée des auteurs de cette période post-guerre ».106(*)

Au reste, on comprend mieux le titre Portrait d'un Inconnu si l'on se souvient que ce roman de données on ne peut plus communes : la description des causes et des effets de caprice. Nathalie Sarraute avoue même volontiers avoir voulu trouver une façon possible d'envisager à l'aube du second après-guerre, une version crédible d'un Grandet moderne.

Pour tenir une telle gageure, pour réussir, en définitive, à sortir de l'ornière d'une littérature qui, sevrée du souffle balzacien, épuisait l'héritage d'un vingtième siècle longtemps révolu, il fallait se débarrasser de son arme absolue mais si souvent nulle et non avenue : le personnage et sa psychologie bien entendu.

Ainsi, dans Tropismes et Le Planétarium, la psychologie se joue sur le plan du récit le rôle désaxé que joue le mot sur le plan de la parole et des relations interpersonnelles. L'un et l'autre fixent et tuent ce qu'ils prétendent définir et expliquer. Ce qui fait dire à l'essayiste de l'Ere du soupçon :

« [...] Les personnages, tels que le concevait le vieux roman (et tout le vieil appareil qui servait à le mettre en valeur), ne parviennent plus à contenir la réalité psychologique actuelle [...] ce qu'ils gagnent en vitalité facile et en vraisemblance, les états psychologiques auxquels ils servent de support le perdent en vérité profonde »107(*).

Autrement dit, le récit dans Tropismes et Le Planétarium ne saurait être narré de la même manière que le conçoivent les écrivains traditionnels. Que ce soit les personnages (« elles », « ils ») et les personnages d'Alain, de Germaine Lemaire, la forme extérieure dans laquelle ils s'inscrivent, ont perdu leur crédibilité une fois qu'on a touché du doigt la complexité psychologique qui les animent et les minent.

C'est affirmer que Sarraute le moi que l'on prétend emprisonner dans un tel cadre n'existe pas comme tel. Le "je" n'est qu'artifice, vue de l'esprit, construction du récit. En effet, le roman, disent les imbéciles,  nous offre un bel exemple :

« Oh je vous en prie, je vous assure, vous vous trompe... Moi je suis ... mais justement je ne suis pas ... Je vous l'ai toujours dit, il n'y a pas moyen de coïncider avec ça, avec ce vous que vous avez construit ... » (di. 68).

Ce "je" là, mis très souvent entre guillemets, n'est guère qu'une image simplificatrice, et donc mensongère, de la pluralité de "je" qui s'agite toujours en chacun des personnages du récit.. De l'aveu d'Arnaud Rykner :

« Il n'est que le lieu abstrait où grouille cette foule de voir auxquelles Sarraute donne la parole dans cet échange tragi-comique [...] il n'est plus qu'un trompe-l'oeil que chacun pousse devant « soi » pour affronter la société (...), un fallacieux assemblage d'éléments disparates qui finit par constituer un signe sans réfèrent possible »108(*).

En fait, à lire la façon dont la narratrice présente ses personnages tels par exemple ce "je"  menaçant du récit douze des Tropismes ou le personnage de Tante Berthe à propos de la porte, l'on en déduit qu'au psychologique traditionnel, à « l'inconscient freudien » Nathalie Sarraute préfère ce qu'elle nomme le « pré-conscient » : un moi pur encore informe, enfouis, à l'abri de toute logique du récit.

Par ailleurs, dans cette logique de destruction de l'extériorité psychologique des personnages des récits traditionnels, l'auteur du Portrait d'un Inconnu nous présente souvent des personnages aux contours bestiaires. En d'autres termes, l'univers imaginaire sarrautien est peuplé d'une multitude de figures animales qui achèvent d'arracher son écriture à une supposée cohérence du récit. De cette manière, dans Tropismes et Le Planétarium, l'être change de règne et se découvre un correspondant animal.

Dans Tropismes, par exemple, dès l'ouverture du texte, la narratrice met en scène ce groupe de personnages qui, sous la pression tropismique, se transforment en reptiles car « ils semblaient sourdre de partout (...) s'écoulaient doucement comme s'ils suintaient des murs, des arbres grillagés, des bancs, des trottoirs, des squares »  (T.11). En outre, le texte sarrautien, tel un fourmillant zoo, où chaque espèce serait représenté, nous offre au récit dix à travers cette expression « une volière pépiante » une métaphore filante qui renvoie aux « elles ». En effet, le verbiage inutile des femmes qui allaient dans les « thés » (T .63) fait penser au gazouillement des oiseaux.

Dans Le Planétarium, le refus du psychologique réside aussi dans la façon dont la narratrice apparente ses personnages à des animaux. Ainsi, derrière l'homme social, civilisé, bourgeois, poli par les us et coutumes, paraît la bête, sournoise et dangereuse qui fait entorse à la psychologie traditionnelle. Exemplaire est, à cet égard, le passage qui voit Alain tenir ces propos en se confiant à Gisèle :

«  Je me sens comme le renard poursuivi par les chasseurs ... tu sais, dans ce roman anglais ... on disait toujours que c'était toi mon renardeau, mais cette fois c'est moi qui suis traqué, je viens me réfugier, prends-moi dans tes bras... » (P.91).

Parfois même, cette brusque métamorphose est prise en charge non plus par le corps d'Alain Guimier mais, de façon plus étrange encore, par le langage du récit qui s'en détache. Sous la plume de Sarraute, une simple forme grammaticale peut faire surgir une des parties d'un oiseau c'est- à -dire son aile. La narratrice souligne propos de Germaine Lemaire :

« ... Son style toujours docile peut, quand il le faut, porté à l'incandescence, forer lentement une matière dire qui résiste, et, par moments, il peut glisser- un souffle, un frémissement, un coup d'aile qui effleure les choses sans courber leur duvet léger... »( P .156).

Cette nouvelle psychologie des personnages du récit sarrautien n'est pas sans rappeler une autre forme grammaticale qui fait sourdre un scorpion dans Les Fruits d'or :

«  Dans cet imparfait du subjonctif, appendice caudal un peu ridicule et encombrant, les plus fines ramifications de notre esprit viennent aboutir, comme les filets nerveux au bout d la queue redoutable du scorpion : sa pointe sensible s'étire, se détend, et pique vivement quelque chose, d'extrêmement tenu, de presque impalpable » (FO.31).

C'est affirmer que, si ,le mécanisme de la métaphore, est ici assez évident : C'est- à- dire la désinence verbale appelle l'appendice caudal, il n'en demeure pas moins que la violence générée par une telle image permet d'échapper aux détours de l'extériorité psychologique du récit, en rendant à l'instant même la fulgurance de l'émotion.

De même, la notion de masque qui déforme avec complaisance la psychologie habituelle acquiert, par une semblable transition de l'univers humain à un autre univers maquillé, un poids de réalité particulièrement remarquable  .Nathalie Sarraute souligne dans un passage du Portrait d'un Inconnu :

« Le masque c'est le mot que j'emploie toujours, bien qu'il ne convienne pas très exactement [...] » (PI.31).

Ainsi, lit-on dans Tropismes des yeux « indifférents glissant sur l'aspect, « sur le masque des choses » (T .64 ). De fait, aux êtres déguisés correspond un monde masqué, aussi légèrement qu'Emma Bovary valsant sur les paquets du marquis d'Andervillers.

Cette recherche d'osmose avec l'univers humain tire sa validité dans le récit qui rend compte de la volonté du père d'Alain visant à convaincre sa soeur, Tante berthe, de l'octroi d'un appartement, jugé très spacieux pour elle, à Alain et Gisèle. Avant de s'y rendre, l'on remarque que Pierre a pris judicieusement le soin de se pommader mieux de se masquer :

« [...] Il se sent poussé, tout pommadé, le long des rues propres et vides, ouvrant des portes bien graissées, avançant sans effort sur des tapis moelleux enveloppe d'une émolliente chaleur, porté par l'ascenseur qui glisse sur ses cylindres bien huilés »( P .13) .

De toute apparence, sa bru ou plutôt Gisèle lui attribue les qualités d'un beau-père généreux prompt à subvenir aux besoins de ses enfants à quelque prix que ce soit.

Toujours dans Le Planétarium, il est des personnages qui disposent d'une multitude de masques prêts à servir. Alain Guimier se plait à affirmer qu'il n'en a pas besoin quand il va chez son libraire préféré. En effet, il y entre avec « n'importe quel visage, dans n'importe quel état, n'importe quelle tenue, accompagné de n'importe qui » (P.13 ). Cette imprudence n'ira pas sans conséquence. La seule présence de son père, Pierre, déclenche le désastre. La Tante Berthe, elle, ne manque guère de prendre ses devants, son neveu reconnaît « son visage d'après-midi » quand elle vient lui rendre visite à la clinique. Même comportement des « ils », dans Tropismes, qui avaient « la liberté de faire ce qu'il voulait, de marcher comme ils voulaient, dans n'importe quel accoutrement, avec n'importe quel visage » (T.21).

En outre, pour rester dans cette dynamique de déconstruction du récit spécifique au Nouveau Roman, il convient de souligner que la psychologie des personnages sarrautiens se joue au niveau des masques qui inspirent la peur.

Ainsi, dans Tropismes, le personnage de « il » devient l'imminence du danger suscite un sentiment d'épouvante lorsqu'il observe cet « elle » masquée, « effrayante, douce et plate, toute lisse, et seuls ses yeux étaient protubérants » (T.57). Il en est de même du récit quinze dans lequel la narratrice met en lumière ce caractère carnavalesque d'une confrérie faisant fuir les personnages de « ils » :

«Leur humble confrérie aux visages à demi effacés et ternis se tenait autour de lui en cercle. Et quand ils le voyaient qui rampait honteusement pour essayer de se glisser entre eux, ils abaissaient vivement leurs mains entrelacées (...) » (T.140).

Dans et même ordre d'idées, cette forme de menace consécutive à la nouvelle psychologie sarrautienne est valable dans Le Planétarium. Dans ce texte, l'« éraflure psychologique », du récit relève du regard de l'autre. En effet, quand Alain Guimier surgit dans l'encoignure d'une porte, Tante Berthe entrevoit sur sa poitrine un carquois de « flèches bariolées » (P.176). Dès lors, Alain apparaît aux yeux de sa tante comme un indien menaçant, dangereux. Aussi, convient-il d'ajouter dans cette perspective inquiétante de la psychologie des personnages, la figure de l'ogre que hantentTropismes et Le Planétarium. Cette figure qui, « n'est plus une combinaison de sèmes fixés sur un Nom civil, et [que] la psychologie, le temps ne peuvent plus s'en emparer »109(*), apparaît par le truchement de l'adjectif « avide » qualifiant presque les personnages sarrautiens. Avide comme « elle » qui engloutit « gloutonne » tous les livres paraissant des « annales » à « l'union pour la vérité » (T.70). En effet, ce verbe « engloutir » trouve son importance dans un récit du Planétarium où la narratrice soutient à propos de Germaine Lemaire : « Tout est bon pour son immense appétit d'ogre » (P.158) qui fait si peur aux membres de son cercle littéraire qui « doivent se priver de tout ce qui est sain, fortifiant » (P. ibid). Ce qui fait dire à Françoise Calin :

« Germaine Lemaire est un dieu dévorateur. Les troupes fidèles de ce Cronos féminin ont pour mission de lui rapporter des proies « tièdes et palpitantes » qu'elle savoure à son aise »110(*).

Ce « montre hideux » (P.158) est craint par la quasi-totalité des personnages du Planétarium en l'occurrence Alain et Adrien Lebat qui préfère prendre ses distances. Car, « la psychologie » de Germaine Lemaire, « ... son dernier dada » (P.248) est de l'aveu de ces derniers, tombé en décrépitude.

En plus, à la lumière du traitement des personnages psychologiquement désagrégés, force est de noter que le thème du petit poucet et de ses êtres convoités par l'ogre trouve dans Tropismes bien des échos :

« Quand il était avec des êtres frais et jeunes, des êtres innocents, il éprouvait le besoin douloureux, irrésistible de les manipuler de ses doigtsinquiets, de les parler, de les rapprocher de soi le plus près possible, de se les approprier » ( T.51).

C'est dire que l'enfant est, dans le récit sarrautien, la cible privilégiée des ogres. Ce qui du reste interpelle la vigilance des parents qui, pour les protéger, font des enfants une copie d'eux-mêmes, un alter ego dont la seule présence serait l'assurance la plus sûre contre la frayeur.

En fait, la théâtralisation du thème de l'enfance qui, n'est pas sans évoquer le récit autobiographique : Enfance de Nathalie Sarraute, met en lumière une dénégation de la plénitude psychologique du récit. En effet, on sait pertinemment que l'enfant a une perception immédiate, fusionnelle de la réalité. Laquelle réalité est représentative du déficit psychologique. L'on est donc tenté de dire que la psychologie des enfants emprunte les contours d'un puzzle voire d'un kaléidoscope.

Dans cette veine subversive de la psychologie traditionnelle des personnages, convenons que les personnages spécifiques aux oeuvres romanesques de Sarraute créent leur masque à partir des clichés littéraires.

Ainsi, dans Tropismes, une des «  elles » ne voit la « cathédrale de chartres » qu'à travers les vers de Péguy. Il en est de même pour ces « ils » qui se prennent pour des bohémiens à l'image de « Rimbaud ou Proust, arrachés de la vie, rejetés hors de la vie et privés de soutien, devaient créer sans but le long des rues » (T. 77).

Aussi, remarque-t-on Alain dans Le Planétarium qui, regardant sa famille comme un écueil, un obstacle à ses ambitions littéraires, semble allier son destin à celui de Baudelaire ou de Rimbaud. Qui plus est, Alain se plait tantôt à déguiser sa Tante berthe en « impératrice Elisabeth » (P.200), tantôt en « masque grotesque et démodé de belle-mère de vaudeville » (P. 44).

Dès lors, le moins que l'on puisse dire est que la psychologie sarrautienne, en mettant en scène des personnages complètement désagrégés, métamorphosés, rompt et perturbe effectivement le découlement du récit. De ce fait, le récit ne saurait être «  un traité de psychologie » mais un antiroman. Cet état de fait n'a pas échappé à Jean Rousset qui affirme :

« (...) Il y a antiroman quand le roman se sent mauvaise conscience, qu'il se fait critique et autocritique, qu'il se met en état de rupture avec le roman existant ; le roman entre en crise : crise aujourd'hui du personnage, crise de « la psychologie », crise enfin du sujet, qui tend de plus en plus à se distinguer de l'oeuvre elle-même »111(*).

En d'autres termes, l'art du roman est invariablement subordonné à « une conception de la personne qui dicte à l'écrivain de choisir certaines formes et confère à l'oeuvre son sens le plus large et le plus profond, si cette conception se modifie, l'art du roman se transforme ».112(*)

Ainsi dans Tropismes et Le Planétarium, la complexité psychologique des personnages due à l'absurdité de la vie moderne génère des récits discontinus mieux déstructurés. Cela se justifie par le fait que ceux qui les narrent c'est-à-dire les narrateurs sont pour la plupart des aliénés, des innocents à la limite des fous. Ce qui n'autorisent pas bien entendu ces derniers à analyser ni à juger.

En réaction contre la psychologie traditionnelle, la nouvelle technique psychologique de Sarraute née, de prime abord, de la notion de « tropisme », marque donc un net refus du psychologique au profit d'une nette préférence pour le physiologique.

En prenant du recul, il est fréquent que les romanciers traditionnels s'emploient à reconstituer ce qui motivent les faits et gestes de leurs personnages conséquents et lucides, ou qu'ils traquent ce qui a pu les amener à avoir ensuite telle ou telle attitude.

Mais, « l'Ere nouvelle » (P.149)  insiste Sarraute, dans son approche de la psychologie, adopte une attitude radicalement opposée. Aussi, s'emploie-t-elle à bouleverser les conditions de création du récit mieux de la réception. En fait, la romancière en inventant ses personnages loufoques, fonde la constitution de ces derniers sur un déficit informatif qui nous fait rencontrer une décourageante désinvolture de l'auteur à l'égard de l'individu dont les données biographiques et psychologiques importent peu.

De ce point de vue la psychologie n'est plus tournée vers l'objet de l'observation, mais vers le sujet de la perception. Ainsi, dans Tropismes, qu'il s'agisse des « ils », « elles », c'est le portrait en creux qui se dessine à l'horizon. Autrement dit, on n'entrevoir que le comportement des personnages aliénés, innocents, errants, apte à faire un immense pouvoir de gommage mental.

Le personnage de "elle" en est un cas évident. Car  « le matin elle sautait de son lit très tôt, courait dans l'appartement, âcre, serrée, toute chargée de cris, de gestes, de halètements, de colère, de «scènes». Elle allait de chambre en chambre» (T.39).

De fait, la narratrice en mettant en scène ces « curieux et amusants loufoques » (T.76), leur interdit toute possibilité d'analyse. En effet, analyser suppose une forme de recul c'est-à-dire, prendre le passé comme objet, et le décomposer minutieusement. On s'attend alors à ce que les circonstances de chaque action soient soigneusement reconstituées : temps, lieu, personnage, action, récit. Or nous savons pertinemment que les déments tels par exemple ceux représentés dans Le Planétarium se singularisent par leur incapacité d'analyser distinctement les faits et gestes d'autres personnages.

La remarque faite par ce personnage anonyme, "il», à Germaine Lemaire à propos des errements d'Alain est illustrative :

« Tss ... Tss ... tu perds la tête, je t'assure c'est une simple coïncidence, je t'en réponds... Alain ne peut pas faire ça. C'est de la folie, il n'en est pas question, tu sais bien qu'il dit n'importe quoi quand il est furieux » (P.207).

D'ailleurs, Germaine Lemaire n'est pas la seule a perd la raison. Puisqu'un personnage souligne avec véhémence : « nous sommes tous fous » (P. 128). Aussi, faut-il renchérir que cette incapacité d'analyse des faits se lit à travers l'usage répétitif des termes négatifs comme ces « non , je ne sais pas, etc », essaimant les récits. Convoquons ce fragment de récit :

« Lestyle renaissance, très couru ? Ah ... eh bien, je ne le savais pas, vous êtes mieux renseigné que moi... mais, non... mais je n'y pensais même pas. Je regardais si je trouverais des membres ... une table, des chaises, voilà ce que je cherche. De n'importe quel style. Je ne suis pas très fixé » (P. 231-232).

De même, les histoires du récit sarrautien sont narrées du point de vue des « amorphes psychologiques ». C'est la raison pour laquelle, les souvenirs évoqués ne sont qu'une suite d'actions courtes, construites sur des verbes de mouvement : « Quand il était petit, la nuit il se dressait sur son lit, il appelait. Elles couraient, allumaient la lumière, elles prenaient dans leurs mains les linges blancs (...) » (T.116). En vérité, ce récit est significatif de l'écriture sarrautienne en ce sens qu'on ne perçoit aucun élément désignant l'intériorité des personnages sinon des éléments concrets « lit », « lingesblancs » et un sentiment de protection pris en charge par les « elles ». Ces objets évoquent la protection maternelle, l'abstrait, et le récit restitue remarquablement les impressions de l'enfant : une sensation diffuse de chaleur physique, qu'il ne sait à quoi attribuer, et dont les « elles » font partie. En résumé, l'on se rend bien compte qu'il n'y a pas d'analyse, ni capacité personnelle pour l'enfant à discerner d'où, de qui vient cette sensation de protection maternelle d'autant que plusieurs « elles » volent à son secours.

Cette attitude de l'enfant fait écho à la conception sarrautienne du récit selon laquelle la psychologie tout comme la psychanalyse ne sont plus d'actualité. Un personnage dans un passage du Planétarium semble le réaffirmer : « Oh non... de toutes parts s'élèvent des voix gémissantes... Non je vous en supplie, assez de psychanalyse, de psychologie, ce n'est pas intéressant » (P.194).

En dernière analyse, tout porte à croire que mis à part l'incapacité des personnages à analyser les faits et gestes, une autre entité constitutive du refus psychologique semble être en vue dans l'armature du récit : le refus de juger.

On peut croire que cette attitude béate est la conséquence d'un moment de bonheur qu'éprouvent certains personnages à l'égard de leurs parents. Ce sentiment de bonheur les empêche parfois de saisir la situation, de juger ces derniers. C'est dire qu'aux jugements négatifs se substituent des points de vue élogieux. L'attitude de « elle » dans Tropismes est révélatrice :

« Elle aimait tant les vieux messieurs comme lui, avec qui on pouvait parler, ils comprenaient tant de choses, ils connaissaient la vie, ils avaient fréquenté des gens intéressants. (elle savait qu'il avait été l'ami de Felix Faure et qu'il avait baisé la main de l'Impératrice Eugénie) » (T. 93).

En d'autres termes, ces personnages généralement des enfants innocents perçoivent leurs parents de façon plus physique que morale et s'en remettent aux données de la perception immédiate. Alain dans Le Planétarium semble s'inscrire dans cette dynamique. En effet, au milieu de la page blanche, il imprime sur la place réservée aux dédicaces de sa « thèse de lettres » cette expression : « Amon père, en caractères fins » (P.121-122). Cette marque de sympathie témoigne d'un refus de juger son père quoiqu'il soit antérieurement hostile à ses ambitions. En outre, dans bien des cas, son père se rechigne aussi à juger son fils. D'où ces multiples questions qu'il se pose au cours d'un entretien avec Tante Berthe :

« Alors, et Alain ? Ses insomnies ? Ses compositions ? Sa paresse ? Ses mensonges ? Ses végétations ? Et ses ongles ? (...) » (P.145).

Du reste, il semble illusoire de vouloir juger ces personnages indéfinissables, insaisissables dans la mesure où tout bouge à chaque instant, tout chancèle au détriment du lecteur non averti. Par conséquent, il est pratiquement « impossible de s'y reconnaître, de rien nommer, de rien classer. Impossible de juger » (P.58). C'est ainsi que la narratrice souligne l'attitude de Germaine Lemaire à l'encontre de la justice et d'Alain Guimier :

« Elle se moque de la justice. Elle ne porte aucun jugement. Il n'a été pour elle, il le sait bien, qu'un caprice, un amusement : une pierre qu'elle a ramassée et jetée dans l'eau pour la voir ricocher. Quelques rides, un léger clapotis. Il a disparu. Elle va prendre un autre caillou » (P.135-136).

C'est affirmer qu'avec l'auteur d'Entre la vie et la mort toute psychologie et toute capacité de juger et d'analyser sont rejetées au nom du respect de la tonalité des loques humaines, au profit d'éléments plus primaires, plus essentiels : c'est la sensation, et non la réflexion ou plutôt le jugement, qui prime chez les personnages désagrégés.

En définitive, si toute analyse et tout jugement sont voués à l'échec dans l'architecture du récit, quelle serait alors la teneur des descriptions dans Tropismes et le Planétarium ?

* 95 Gérard G, Figures II, Editions du seuil, 1969, P.56.

* 96 Francise D., Le Nouveau Roman : une césure dans l'histoire du récit, Paris Nathan / HER, 2001.

* 97 Nassalang J-D «La désagrégation et narration dans l'Etranger et la jalousie», Mémoire de Maîtrise sous la direction de M-F Ndiaye, année universitaire 2000-2001, pp 131-132.

* 98 Bernard V., Esthétique du romanmoderne, Paris, Fernand Nathan, 1985, p.30.

* 99 Falou B. «Narration et Narrateur dans la jalousie d'Alain Robbe- Grillet et la Modification de Michel Butor» sous la Direction M.A.F Ndiaye année académique 2005-2004

* 100 Bernard Valette., Le Nouveau Roman, Paris, Nathan, 1992, p.46-47.

* 101 Arnaud Rykner., Nathalie Sarraute, op.cit., p 71.

* 102 Nathalie Sarraute, L'ère du soupçon, op. Cit., p.10.

* 103 Arnaud Rykner., Nathalie Sarraute, op. cit., p.66.

* 104 Emile Zola,Germinal, Paris, Librairie Larousse, 1973.

* 105 Jean Philippe M., Le Personnage de roman, Paris, Nathan, 1997, p.9.

* 106 Jean denis N., «Désagrégation du personnage dans la jalousie de A. Robbe Grillet et Narration dans l'étranger de Camus», op. Cit., pp.131-132.

* 107 Nathalie S., L'Ère du soupçon, op.cit., p.87-88.

* 108 Arnaud R., Nathalie Sarraute, op. Cit. , P.. 69-70.

* 109 Roland Barthes , S/Z, Paris, Editions du seuil, 1970, p. 68

* 110 Françoise Calin, La vie retrouvée: étude de l'oeuvre romanesque de Nathalie Sarraute, Paris, lettres Modernes Minard, op.cit, p.106.

* 111 Jean Rousset, Forme et signification, op.cit.,P.109.

* 112 Michel Zéraffa, Personne et personnage, Klincksieck, 1996, p.9.

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