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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

Disponible en mode multipage

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Promotion Gaston Jèze

UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE

Mémoire

Présenté pour le Master 2 droit public des affaires,

contrats publics et partenariats

Par Jérémy Fass

Sous la direction de Madame le Professeur Ubaud-Bergeron

La performance de l'achat

public

Année universitaire 2015-2016

2

3

À mon grand-père Jean,

4

5

REMERCIEMENTS

Je voudrais tout d'abord adresser toute ma gratitude à la directrice de ce mémoire, le Professeur Marion Ubaud-Bergeron, pour sa confiance, sa disponibilité et son soutien tout au long de cette année, et plus particulièrement au cours de l'écriture de ce mémoire.

Je désire aussi remercier le Professeur Guylain Clamour pour la confiance qu'il m'a accordée en me permettant de faire partie de cette formation exceptionnelle. Le partage de son expérience et sa bienveillance m'ont permis d'achever idéalement mon cursus universitaire.

Je voudrais également exprimer ma reconnaissance à l'ensemble de la promotion « Gaston Jèze » du Mater 2 Contrats publics et partenariats, qui m'ont permis de vivre cette merveilleuse aventure humaine. Un grand merci tout spécialement à Léa Cadillon, Anaïs Calmettes, Alice Folscheid, Raphael Montels, Ferdi Youta et Lucas Dayet pour tous ces souvenirs et leur soutien dans l'écriture de ce mémoire.

Je tiens à remercier tout particulièrement mes parents et Esther, qui m'ont toujours accompagnés. Je remercie également très sincèrement mon cousin Samuel et ma soeur Léa pour la relecture de ce travail et leurs conseils éclairés.

Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude à Luc, mon beau père, qui durant 8 mois m'a hébergé et épaulé, me permettant de me sentir chez moi, dans cette superbe ville de Montpellier.

6

AVERTISSEMENT

7

La faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

8

9

SOMMAIRE

INTRODUCTION

PARTIE 1: LA NECESSAIRE CONSECRATION D'UNE IDENTITE JURIDIQUE POUR LA PERFORMANCE DE L'ACHAT PUBLIC

Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation juridique de la performance

Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de performance de l'achat

public

PARTIE 2 : LA PRISE EN COMPTE DE L'EXIGENCE DE PERFORMANCE PAR LE DROIT DE L'ACHAT PUBLIC

Chapitre 1 : La performance mise en oeuvre « par » et « pour » le contrat
Chapitre 2 : Du juriste au manager de l'achat public

CONCLUSION

TABLE DES MATIÈRES BIBLIOGRAPHIE

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11

« Il est moins difficile d'élaborer des idées nouvelles que d'échapper

aux anciennes. »

John Maynard Keynes (1883-1946)

Théorie générale de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie, Préface de la première édition anglaise (1936)

12

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INTRODUCTION

« Ce qui caractérise les méthodes des services publics, c'est l'existence d'un certain nombre de règles que les agents sont tenus de respecter en toutes circonstances ; au contraire le fondement essentiel des méthodes qui ont la faveur de l'industrie et du commerce, c'est l'absence de règles fixes. (É) Par suite d'une déformation progressive de la mentalité des fonctionnaires, le souci du respect des formes finit par devenir une obsession, qui rejette à l'arrière-plan celui de la bonne exécution elle-même ». C'est ainsi que dès 1930, Maurice Israël exprimait le manque de performance de l'achat public, dans sa thèse sur l'Etat acheteur1. La liberté contractuelle de droit privé, comme les techniques managériales de ce secteur, tant lors de la passation d'un contrat, qu'à l'occasion de son exécution, doivent être une source d'inspiration pour un achat public qui se veut de plus en plus performant.

Une problématique actuelle. La problématique de la performance de l'achat public n'est donc pas nouvelle, mais à l'heure où la situation des finances publiques locales et étatiques est particulièrement préoccupante, la recherche d'économie ressurgit de plus belle, au sein d'un poste de dépense particulièrement important puisque représentant près de 10% du PIB (190 milliards d'euros pour les achats des administrations publiques selon l'INSEE)2. Si les acheteurs privés ont compris depuis longtemps que l'achat pouvait être un levier d'économie, cette considération était complètement absente des débats au sein du secteur public. Depuis une quinzaine d'années un changement de mentalité se met progressivement en place3 et s'est traduit sémantiquement dans la doctrine par l'abandon du terme de « commande publique », pour lui préférer celui « d'achat public ». Les marchés publics ne sont plus seulement juridiques, ils sont aussi économiques.

Aujourd'hui néanmoins, Jean-Arthur Pinçon évalue encore entre 30 et 50 milliards, les économies envisageables dans les achats publics4, si bien que d'importants efforts doivent

1 M. ISRAËL, L'Etat acheteur, PUF, 1930, p. 223.

2 Sénat, Mission commune d'information sur la commande publique, Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, p. 30.

3 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », JCP A n° 43, 2012.

4 V. J.-A. PINÇON, Le gâchis - 30 milliards d'euros perdus par an dans les Achats Publics, l'Harmattan, 2015.

14

encore être fournis. Il faut en effet dépasser complètement l'adjudication moyenâgeuse et son procédé unilatéral, pour faire pleinement la place au mode contractuel et à une passation, puis une exécution toutes deux placées sous le signe de l'efficacité, en matière de marchés publics5.

L'obstacle principal à ce nouveau paradigme est d'une part un droit des marchés publics inadapté à la performance6, et d'autre part, des acheteurs qui ne sont responsables que de la conformité de leurs marchés, à un droit qui ne prône lui-même pas la performance7.

L'achat public. Les marchés publics « sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à (l'ordonnance du 23 juillet 2015) avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. »8 Ces contrats sont inclus au sein de la notion de commande publique qui désigne au sens large l'ensemble des contrats permettant à la personne publique de satisfaire ses besoins. Même si les contrats répondant davantage à une logique concessive, qu'à celle de commande devraient être exclus d'une telle notion, aussi bien le juge que le législateur ou le gouvernement, ont une vision extensive de cette notion de commande9. Cette étude se limitera pourtant aux marchés publics et ne s'attardera pas sur les efforts à faire en matières de performance pour les concessions, celles-ci demandant bien moins d'efforts en la matière.

Les marchés publics correspondent peu ou prou à la définition juridique que l'on peut donner à l'action d'acheter dans le secteur privé, puisque l'achat se définit comme « une opération par laquelle une entreprise ou une personne physique - l'acheteur - acquiert auprès d'une autre entreprise ou d'une personne physique - le vendeur - la propriété de biens ou le bénéfice d'une prestation de service en contrepartie d'un règlement, dans des conditions négociées, d'un montant déterminé qu'elles ont accepté. »10

Pour désigner les marchés publics, il est donc de plus en plus fait allusion à la notion « d'achat public ». Cette évolution terminologique est aujourd'hui à l'oeuvre au sein même des nouveaux textes relatifs aux marchés publics. Selon le Professeur Ubaud-Bergeron, ce

5 V. en ce sens : F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009, p.1696.

6 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », RFDA 2014, p. 403.

7 V. en ce sens : A. TUECH, L'acheteur public : juriste et manager, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du Séminaire Management des Organisations, IEP de Lyon, 2007, pp. 14-18.

8 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 4.

9 V. en ce sens : M. UBAUD-BERGERON, Droit des contrats administratifs, coll. Manuel, LexisNexis, 2015, p. 26.

10 J.-P. DENIS, A.-C. MARTINET, A. SILEM, Lexique de gestion et de management, Dunod, 9e éd., 2016, p. 8.

15

changement sémantique illustre une prise de conscience, quant à la fonction économique de certains contrats publics, tels que les marchés publics11.

Le paradigme change. Une professionnalisation des acheteurs publics est en cours12. Ces derniers sont l'équivalent des pouvoirs adjudicateurs définis aux articles 10 et 11 de l'ordonnance du 23 juillet 201513 et leur compétence juridique ne suffit plus. Désormais l'objectif lors de la passation d'un marché public n'est plus seulement de garantir sa régularité. Ces achats s'intègrent en effet au sein d'une fonction achat empruntée à la gestion privée, qui a pour but « de procurer à l'entreprise les valeurs d'exploitation »14 qui correspondent à « l'ensemble des stocks de matières, de produits ou d'emballages appartenant à l'entreprise et relatifs à son exploitation »15. Cependant, à la différence du droit privé, les contrats d'achat public sont des contrats réglementés par des procédures de mise en concurrence strictes et contraignantes.

La performance. Cette notion est habituellement absente des réflexions juridiques. Le terme est davantage employé dans un contexte artistique, sportif ou économique16. Cette notion est surtout rattachée au vocabulaire managérial. Le management étant « l'Art de diriger en prenant en compte les contraintes immédiates sans pour autant perdre de vue les orientations souhaitables à long terme »17, la performance est quant à elle l'objectif principal à ne pas perdre de vue lorsque l'on dirige une organisation. Les « contraintes immédiates », comme les « orientations » à long terme ont toutes les deux pour objet la performance. Cette affirmation ne semble cependant valoir qu'au sein d'entreprises privées, comme si la performance était une notion non seulement absente du droit, mais également étrangère au secteur public.

La notion de performance est polysémique. Elle peut représenter à la fois, la mesure du résultat d'une action, l'action en elle-même, une action réussie18. Elle désigne donc aussi bien l'objectif, que les moyens mis en oeuvre pour l'atteindre. C'est à dire que la performance

11 M. UBAUD-BERGERON, Droit des contrats administratifs, op. cit., p. 27.

12 idem.

13 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 8.

14 J.-P. DENIS, A.-C. MARTINET, A. SILEM, Lexique de gestion et de management, op. cit., p. 9.

15 Ibid, p. 621.

16 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA 1999, p.195.

17 Web Dictionnaire Alternatives économiques.

18 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de Gestion, coll. Techniques de gestion, Economica, 1998, p. 319.

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doit inspirer aussi bien la politique (définition des objectifs), que la stratégie d'achat (actions mises en oeuvre pour atteindre les objectifs définis) d'une organisation.

Plusieurs fonctions sont donc reconnues à cette même notion19. D'abord, les économistes considèrent que la performance a une fonction d'objectif20. Cet objectif lie l'efficacité à l'efficience.

Efficace se dit d'une action, telle que celle d'acheter, « qui remplit bien sa tâche, qui atteint son but, qui aboutit à des résultats utiles »21. Une action efficace est donc capable d'atteindre un objectif préalablement défini. Tandis qu'une action efficiente, se dit d'une activité « qui aboutit à de bons résultats avec un minimum de dépenses »22. A la différence de l'efficacité, l'efficience s'intéresse donc aux moyens mis en oeuvre et vise à obtenir le meilleur résultat possible avec les moyens mis à disposition. Ces deux adjectifs ne doivent pas être confondus et sont par ailleurs pleinement complémentaires.

Ensuite la performance est un instrument de mesure. Sa fonction mesure est le corollaire de sa fonction d'objectif. Il s'agit de la « mesure ex post de résultats obtenus »23, afin d'exprimer « le degré d'accomplissement des objectifs poursuivis par une organisation. »24 Cette mesure doit être effectuée objectivement, au moyen d'indicateurs25. On préférera cette approche objective de la performance, plutôt que de voir la performance comme un véritable jugement de valeur, subjectif, par rapport à ce qu'on estime être un succès pour une organisation26. Par contre, la performance en tant qu'action destinée à l'accomplissement d'objectifs trouvera sa place dans les développements ultérieurs. Il s'agit en effet de décrire le processus menant au succès.

La performance a également une fonction de contrôle. La comparaison des résultats obtenus aux objectifs préalablement fixés doit également faire l'objet d'une analyse, qui doit amener à décortiquer l'activité en question, afin de distinguer les pans défaillants de l'activité, de ceux fonctionnant de manière optimale, comme le préconisait William Ouchi27.

19 V. en ce sens : N. BERNARDINI, La performance et les contrats de la commande publique, Master 2 Droit des contrats publics et Droit public des affaires, Université D'Aix-Marseille, 2014, p. 14.

20 Cette vision de la performance est décrite au sein de : A. DESREUMAUX, Introduction à la gestion des entreprises, coll. Colin U, Armand Colin, 1992.

21 Larousse.fr

22 Ibid.

23 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de Gestion, op.cit., p. 319.

24 Ibid.

25 Cette vision de la performance est décrite au sein de : E. M. MORIN, A. SAVOIE, G. BEAUDIN, L'efficacité de l'organisation - Théories Représentations et Mesures, Gaëtan Morin éditeur, 1994.

26 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de Gestion, op.cit., p. 319.

27 W. G. OUCHI, « A Conceptual Framework for the Design of Organizational Control Mechanisms », Management Science, Vol. 25, N° 9, 1979, pp. 833-848.

17

Finalement, on pourra retenir pour cette étude, que la performance représente l'objectif principal pour une organisation, dont la réalisation est directement liée aux indicateurs choisis. Or ces indicateur doivent permettre d'apprécier la situation - performante ou non - de l'organisation en question en permettant de se concentrer sur certains aspects précis de l'activité. Au sein de ces indicateurs, un certain nombre de sous-objectifs sont prédéfinis et comparés ex post aux véritables résultats obtenus. Cette démarche de mesure est en elle-même performante et doit mener à un certain nombre de conclusions organisationnelles d'une ampleur plus ou moins grande. Ainsi la performance loin d'être un « mot éponge » est un ensemble. La performance c'est une démarche au service d'un objectif. Cependant, il s'agit surtout d'une exigence pratique, car loin d'avoir sa propre identité juridique, la source de la performance semble être davantage le bon sens organisationnel, que le respect d'une obligation.

L'objectif de performance appliqué à l'achat public. Certes la performance est une démarche au service de l'efficacité et de l'efficience mais cela ne nous indique pas pour autant au nom de quel but spécifique la démarche de performance doit être mise à profit en matière d'achat public. Ecologie ? Réduction des coûts ? Soutien à l'économie ? Réputation ? Respect du droit ?

La commande publique a plusieurs objectifs qui sont apparus progressivement et qu'il faut présenter par ordre chronologique. De prime abord, la commande publique a pour objet de répondre aux besoins de l'administration en cherchant à obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Le second objectif de la commande publique est issu du droit européen. Il s'agit du principe de non-discrimination ou d'égalité concurrentielle. Enfin, le troisième objectif, qui est le plus récent a pour objet le développement durable et repose sur des considérations économiques, sociales ou environnementales28.

Dès lors, avec autant d'objectifs, la performance doit être entendue globalement. Ainsi la démarche de performance s'appliquera à chacun de ces objectifs. Cependant, chacun de ces objectifs n'est pas entièrement compatible avec les deux autres. De même, la poursuite de plusieurs objectifs sans une vision directrice, serait une démarche tout sauf performante.

Il faut un objectif principal qui sans empêcher l'accomplissement des deux autres, se situera hiérarchiquement au-dessus d'eux. Or pour une entreprise la performance équivaut à l'amélioration du rapport entre valeur et coût pour tendre à une création de valeur maximale.

28 S. THELLIEZ-HUGODOT, La définition de la commande publique par le pouvoir adjudicateur, Mémoire M2, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, 2013.

18

L'achat étant un acte économique par essence, transposée pour la fonction achat et uniquement pour elle, cette vision de la performance dans le secteur public ne semble pas incongrue, surtout que l'objet principal de la commande publique est de répondre aux besoins de la personne publique. Ainsi un achat public performant désigne le fait « dépenser moins en améliorant la qualité des prestations livrées »29.

C'est un parti pris. Il s'agit d'une vision pragmatique de l'achat public qui n'est pas incompatible avec la poursuite des objectifs. Seulement, la priorité donnée à ces impératifs de coût et de qualité protègent les intérêts de l'Administration, et surtout, contribue à inscrire pleinement l'Administration dans une économie de marché, c'est à dire un système économique au sein duquel les agents économiques, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'individus et les organismes publics, ont la liberté de vendre et d'acheter des biens, des services ou des capitaux, en agissant en fonction de leurs propres intérêts30.

Un droit des marchés publics a évolué loin des considérations performancielles. En 1256, Saint Louis ordonne à ses officiers de jurer qu'ils adjugeront tous les contrats d'exploitation du domaine royal en les vendant au meilleur profit31. C'est la première définition de la commande publique. L'administration devait donc attribuer le marché au candidat qui formulait « l'offre de faire la meilleure chose au meilleur compte »32. Seul le prix avait de l'importance.

Progressivement cette stratégie d'achat est critiquée. Le maréchal Vauban en 1686, au milieu du chantier des fortifications qui ont fait sa renommée, exprime des remontrances au Ministre de la guerre de Louis XIV, Louvois. Il dénonce alors ce culte du bas prix et appel déjà de ses voeux, en substance, de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse33.

Malgré ces remontrances, le droit des marchés publics s'est bien construit sur ces bases, en continuant d'encourager le choix de l'offre la moins-disante. Il s'agit en effet pour les agents publics de se limiter à choisir l'offre proposant le prix le plus bas. Cette construction s'illustre parfaitement par deux lois du 19ème siècle. L'ordonnance royale du 4

29 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », RFDA 2014, p. 403.

30 A. NACIRI, Traité de gouvernance d'entreprise, coll. Comptabilité, Presse de l'Université du Québec, 2011, p. 42.

31 V. en ce sens : X. BESANCON, Essai sur les contrats de travaux et de services publics, coll. Bibliothèque de Droit Public, LGDJ, t. 206, 1999.

32 J.-N. GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, 2e éd., 1784-1785, in F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

33 . BLANCHARD, Vauban, Fayard, 2007, in S. BRACONNIER, Précis du droit des marchés publics, le moniteur, 2e éd., 2009.

19

décembre 183634, si elle utilise pour la première fois des mots tels que « concurrence » ou « publicité », ne s'éloigne pas pour autant de cette philosophie35.

Cette tendance est un non-sens économique, qui rejoint un impératif de « protection des deniers publics ». Cet objectif semble louable au premier abord, mais il se distingue pourtant d'une vision performancielle de l'achat public. Il faudrait en effet lui préférer un objectif de « bonne utilisation des deniers publics ». « Bonne utilisation » et « protection » sont deux notions proches, qui sont d'ailleurs le plus souvent confondues, mais la bonne utilisation des deniers publics suppose une prise en compte de la qualité, parallèlement à celle du coût lors d'un achat, ce qui n'est pas le cas de la notion de protection qui se concentre sur la question du prix36.

Pendant plus de 150 ans, les soucis rencontrés au cours de l'exécution des marchés publics n'ont pas suffit à permettre une évolution du droit. La comparaison de ces difficultés, apparaissant lors de l'exécution contractuelle et la somme extrêmement faible du marché, suffisait pour le choix de l'offre la moins disante à remporter l'adhésion générale. La logique de moyen régnait en maître.

Le tournant de la performance publique. Dans les années 90, plutôt que de réduire la voilure de l'Etat comme dans les années 80, on cherche à mettre en oeuvre le « mieux-état ». Une exigence de qualité des services publics commence à se mettre en oeuvre. Les dettes publiques, les affaires de corruption et le développement du marché intérieur européen vont avoir raison de ces pratiques dispendieuses en matière d'achat public.

Cette exigence de qualité des services publics va nécessairement atteindre les marchés publics, puisqu'un tel contrat est contrat administratif qui rappelons-le n'est autre « qu'un procédé de technique juridique mis à la disposition des agents publics pour assurer le fonctionnement régulier et continu des services publics (É). La justification de ce procédé technique spécial est dans la notion de service public. »37

34 Ordonnance du roi portant règlement sur les marchés passés au nom de l'Etat, prise en application de l'article 12 de la loi du 31 janvier 1833 pour l'approvisionnement en fournitures, la réalisation de biens et de prestations de services pour le compte de personnes publiques, in A.-A. CARETTE, Lois annotées: ou Lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil d'État, etc. (1831-1844), Société Anonyme du Recueil Sirey, t. 2, 1945, pp. 341342.

35 V. en ce sens : P. BEZES, F. DESCAMPS, L'invention de la gestion des finances publiques : Elaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle (1815-1914), coll. Histoire économique et financière de la France, Comité pour l'Histoire économique et financière, 2010, pp. 201-208.

36 Ibid.

37 G. JéZE, « Le régime juridique du contrat administratif », RDP 1945, p. 251.

20

En 1992, la recherche de l'offre économiquement la plus avantageuse apparaît pour la première fois en droit européen38, mais c'est seulement en 2001 que le premier Code des marchés publics eurocompatible apparaît en France et promeut le choix de l'offre la mieux-disante.

2001 c'est également l'année de la LOLF39. Cette loi organique va entièrement refonder le droit budgétaire français et imposer dans l'élaboration des lois de finances une « logique de performance ». S'inspirant de la loi américaine de 1993 intitulée Government Performance and Results Act, la gestion des finances de l'Etat change totalement, passant d'une logique de moyen à celle de résultat. L'efficacité de l'action publique, ainsi que son efficience tendent alors à s'imposer. Plus généralement, depuis plus de trente ans la simplification et la modernisation de l'action publique par des réformes telles que la RGPP ou la MAP contribuent à alimenter la naissance d'une gestion publique performancielle. Aussi, le droit des marchés publics tente-t-il depuis 2001 de se renouveler autour d'un nouvel objectif, mais des résistances fondamentales demeurent.

Un droit des marchés publics fondamentalement non performant. Même si le droit européen a permis au droit français d'adopter une approche mieux-disante lors d'une procédure de passation d'un marché public, ce droit ne s'est pas pour autant fondé sur une exigence de performance pour cela. Par contre, le droit national des marchés publics, même si il l'exprimait de manière paradoxale, en exigeant de ne s'intéresser qu'au prix, avait conscience dès le départ de l'impact de l'achat public sur les dépenses publiques.

Le droit européen des marchés publics partant du postulat que les personnes publiques étaient susceptibles de faire des choix davantage politiques, qu'économiques lors de la passation de ses contrats d'achat, a soumis les organismes publics à un droit de la mise en concurrence. De cette façon le principe de libre concurrence pouvait être respecté et le marché intérieur être achevé, grâce à la mise en oeuvre effective d'un principe de nondiscrimination.

Il faut finalement observer qu'un compromis entre les fondements du droit des marchés publics en droit français et ceux du droit européen se met progressivement en place. Le Code de 2001 puis plus explicitement ceux de 2004 et 2006 ont formellement fait découler les règles de mise en concurrence, d'une exigence d'efficacité de la commande

38 Dir. 92/50/CEE du conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, art. 24.

39 L. organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances, arts. 48, 51 et 54.

21

publique et de bonne utilisation des deniers publics. L'illustration de ce compromis purement formel se trouve de nouveau à l'article 1er de l'Ordonnance de 2015 relative aux marchés publics40. Les principes fondamentaux de la commande publique, desquels découlent l'ensemble des règles relatives aux marchés publics sont donc formellement fondés sur une exigence de performance.

Cette précision normative reste cependant aujourd'hui purement théorique, puisque le droit des marchés publics, et par voie de conséquence l'action concrète des acheteurs publics, demeure un droit européen qui semble imperméable à une véritable considération d'efficacité et d'efficience, car il se focalise sur le bon fonctionnement du marché intérieur.

Il faudrait pourtant achever ce compromis. Le droit des marchés publics devrait se construire autour d'une exigence de performance, qui sans ignorer d'autres impératifs tels que le marché intérieur ou la lutte contre la corruption, pourrait permettre une prise en compte légitime des intérêts de l'Administration. Ainsi un droit des marchés publics performant pourrait naître et l'acheteur public, plutôt que de se focaliser sur la conformité des procédures de passation aux textes, pourrait devenir un véritable manager.

La responsabilisation des acheteurs publics : la performance par un changement du droit. Afin de mettre en place un achat public performant, il faut donc responsabiliser Ð au sens de la responsabilité en tant que notion juridique stricto sensu Ð les acheteurs publics non plus uniquement pour veiller à la conformité de leurs contrats au droit des marchés publics, mais aussi quant à l'efficacité et l'efficience de leurs achats. De même, tant le pouvoir exécutif que le législateur qu'ils soient européens ou nationaux doivent avoir à coeur de prévoir des procédures efficaces, simples et permettant un achat rationnel.

Le droit doit être l'outil de ce renouveau de l'achat. Aussi une véritable obligation juridique de performance, comme fondement du droit des marchés publics, permettrait cette responsabilisation des acheteurs publics. Ces derniers veilleraient alors à élaborer une politique d'achat public performante, c'est à dire que dans l'exercice de sa fonction achat, la collectivité publique devrait établir certains objectifs de performance précis, qui seraient sources de véritables économies.

40 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 1er : « Les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »

22

De plus, avec une obligation de performance fondamentale à respecter, le droit des marchés publics, qu'il soit élaboré par les instances européennes et nationales, deviendrait de fait moins contraignant et la liberté contractuelle, sans pour autant devenir illimitée, serait revalorisée. La rencontre de l'offre et de la demande serait alors optimisée et les acheteurs ne se focaliseraient plus uniquement sur l'exigence de sécurité juridique, pour devenir non plus seulement des juristes, mais de véritables managers de l'achat public.

L'avènement du management de l'achat public : la performance par un changement des pratiques d'achat. Une fois la politique d'achat mise en oeuvre, on peut enfin s'interroger sur la mise en place concrète de techniques, procédures et autres comportements destinés à l'accomplissement des objectifs préalablement définis. Vient donc le temps d'une vision stratégique de l'achat permise par de nouvelles pratiques plus performantes.

Ce renouvellement Ð suffisant Ð des pratiques nécessite la conceptualisation juridique de la notion de performance en tant que véritable obligation, ainsi que son élévation au statut de fondement du droit des marchés publics. Néanmoins, cette refondation semble peu probable à court terme, au regard de la récente refondation du droit de la commande publique initiée par les directives européennes de 201441, l'ordonnance relative aux marchés publics de 201542 et le décret d'application de ladite ordonnance de 201643.

Il est regrettable qu'à l'heure d'une refondation de ce droit, la performance ne se soit pas imposée pleinement. Pour autant, sans être optimale, l'évolution permise par l'émergence de nouvelles techniques, grâce à l'aval des nouveaux textes, va dans le bon sens. Au coeur de ces textes, des techniques en provenance du secteur privé ou entièrement publiques ont en effet été permises, voire encourager à l'image de la dématérialisation, du sourcing, du coût du cycle de vie ou du recours à la négociation qui a été étendu. L'acheteur public se transforme peu à peu en un véritable manager, même si des efforts doivent encore être fournis.

Plutôt que de s'imposer par le haut, la performance est donc mise en oeuvre par le bas, par la pratique, de manière concrète au niveau des acheteurs et le droit prend en compte à

41 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Dir. 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux ; Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

42 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

43 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

23

posteriori certains de ces changements. Ce procédé était le plus réaliste et permettra peut-être un jour à la performance de s'imposer comme nouveau paradigme de l'achat public.

Le problème d'une telle évolution est qu'elle génère un manque de cohérence et d'efficacité retardant l'implantation d'une vision performante. L'importation de la performance ne sera pas optimale. Autrement dit, elle ne sera pas elle-même performante. La performance de l'achat public est, au même titre que l'achat, un objet de politique publique. Il faut donc que la politique publique consistant à rendre l'achat performant, soit elle même performante.

Problématique. C'est donc en ayant conscience que la performance doit agir à deux niveaux pour permettre aux pouvoirs adjudicateurs d'acheter de manière performante, qu'il faut se demander comment la reconnaissance juridique de la performance permettrait-elle de venir à bout des difficultés que rencontrent les acheteurs publics lors de l'élaboration d'une stratégie d'achat efficace et efficiente ?

Plan du mémoire. A cette question il convient de répondre que la notion juridique de performance doit prendre la forme d'une obligation afin de définir une politique d'achat performante (Partie 1), et ainsi encourager l'acheteur public à se responsabiliser pour mettre en place une stratégie d'achat performante (Partie 2).

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Partie 1: La nécessaire consécration d'une identité

juridique pour la performance de l'achat public

Plan. Définir une politique d'achat performante revient à fixer des objectifs pour l'acheteur. Certes l'objectif principal pour ce dernier est d'être performant, mais comment rendre cet objectif effectif ? Pour cela il faut avant tout qu'il se sente obligé de l'être. L'émergence d'une obligation de performance devient donc essentielle pour guider ensuite les acheteurs publics dans l'élaboration de leur stratégie d'achat qui vise quant à elle à permettre l'accomplissement de cet objectif de performance de l'achat public.

La difficulté de la consécration juridique de la performance réside dans le fait que la performance est d'une part un concept économique, qui d'autre part s'inscrit à l'origine dans le secteur privé. De plus, lorsqu'elle est inculquée à l'achat public, celle-ci doit nécessairement s'entendre globalement. Il demeure pourtant que le droit des achats publics évolue en prenant appui sur une exigence fondamentale, qu'il reste à définir.

Il vient que l'incorporation de la performance au droit des marchés publics, suppose au préalable de prendre conscience des enjeux d'une telle définition. En premier lieu, du fait de sa nature publique, l'obligation juridique de performance implique de dépasser l'inadéquation fondamentale entre droit public et performance. En second lieu, pour définir cette obligation de performance, il faudra être attentif à ne pas laisser l'objectif de performance se globaliser à l'excès, en encourageant un achat à la croisée des intérêts de la société, de l'environnement et de l'Administration. (Chapitre 1).

La performance économique trouve son origine dans la modernisation de l'Etat qui a directement impacté la droit financier public. De même, le principe de libre concurrence a progressivement démontré qu'il ne servait pas uniquement l'objectif d'achèvement du marché intérieur, mais bien une meilleure utilisation des deniers publics, en garantissant l'efficacité de la commande publique. Aussi avec de tels fondements, il est judicieux de s'interroger sur les contours que pourrait adopter une obligation de performance de l'achat public si elle devait un jour apparaître explicitement dans le droit positif (Chapitre 2).

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Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation juridique de
la performance

Plan. Dans la perspective de définir juridiquement la performance de l'achat public, il semble primordial de poser un cadre à cette réflexion. D'abord, un achat public efficace et efficient revient à imposer un objectif de performance à l'action publique, ce qui implique une compatibilité entre le droit administratif et cette exigence, au moins en ce qui concerne la fonction achat de l'Administration (Section 1).

Mais ce n'est pas le seul enjeu auquel il faut faire face. La performance de l'achat public s'entend globalement en raison du développement durable que les personnes publiques doivent servir. Cela suppose de parvenir à un achat équitable qui sera efficace tant pour la société et l'environnement, que pour le pouvoir adjudicateur (section 2).

Section 1. Une performance publique

Plan. Bien que la modernisation de l'Etat soit en marche, la nature réfractaire à toute performance du droit administratif demeure (I). La spécificité des contrats publics d'achat permet cependant une rencontre de la performance et du droit applicable à l'Administration (II)

I. L'idée contre-nature d'une gestion publique performante

Plan. Le droit administratif semble réfractaire à toute gestion publique performante (A), pourtant une gestion publique performante va finir par s'imposer (B).

A. Le droit administratif, un droit réfractaire à l'idée de performance

La performance réduite au statut de donnée scientifique. La gestion publique se définit comme « l'ensemble de pratiques ou de connaissances théoriques ou techniques relatives à la conduite des organisations »44, qui sont en l'occurrence publiques. Il s'agit donc, au premier abord, davantage de « science administrative » que véritablement de « droit

44 P. BEZBAKH, S. GHERARDI, Dictionnaire de l'économie, coll. À présent, Larousse, 2011, p. 358.

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administratif » 45. Les deux matières sont initialement distinctes46. Pourtant, l'analyse du droit administratif renferme nécessairement une réflexion autour de l'Administration en tant qu'entité47, voire même le supplante pour devenir véritablement le « droit de l'action publique »48.

Il reste que les réflexions autour de la prise en compte d'une exigence de performance dans le fonctionnement des administrations restent néanmoins le plus souvent réservées à la science administrative. L'évaluation des performances des politiques publiques, telle que la performance de l'achat public, n'est pas juridique49. Le droit administratif semble donc impropre à accueillir de telles exigences. Dès lors, les réflexions autour du rendement ou de l'efficacité de l'action administrative restent résiduelles50.

Le constat : la performance, un objectif secondaire pour le droit administratif. « Le droit administratif français n'a jamais eu le rendement pour préoccupation centrale. »51 Le meilleur exemple de cette opposition farouche est le droit de la fonction publique. Il se pose en effet la question depuis plusieurs années de l'instauration d'un « véritable management de la fonction publique »52, mais celui-ci doit faire face à plusieurs obstacles statutaires comme « la sécurité de l'emploi (É), le régime disciplinaire inadapté aux exigences d'une gestion dynamique des ressources humaines ou le système de la notation indifférent à la nécessaire rétribution des mérites (É), etc. »53.

A côté de ces réflexions autour du management de la fonction publique, d'autres difficultés juridiques ont été rencontrées par les personnes publiques, notamment pour valoriser leurs propriétés avec la règle de l'inaliénabilité du domaine public, ou pour faire coïncider le principe de libre concurrence européen avec la notion de puissance publique. C'est ce qui a pu faire dire respectivement aux professeurs Chevallier et Caillosse que le droit

45 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA 1999, p.195.

46 A.-F. VIVIEN, « Les études administratives », 1845, in P. CHRETIEN, N. CHIFFLOT, M. TOURBE, Droit administratif, coll. Université, Sirey, 14e éd.,2014.

47 J. CAILLOSSE « Sous le droit administratif, quelle(s) administrations(s) : réflexion sur l'enseignement actuel du droit administratif », Mélanges Gustave Peiser, coll. Droit public, P.U.G. Grenoble, 1995, p. 63.

48 P. CHRETIEN, N. CHIFFLOT, M. TOURBE, Droit administratif, op. cit., p. 41.

49 J. Caillosse, « Le droit administratif contre la performance publique ? », art. préc.

50 Ibid.

51 Ibid.

52 Ibid.

53 Ibid.

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administratif était un « îlot à part dans la société »54 et un « pôle de résistance »55 à toutes avancées des préoccupations relatives à la performance.

Cette résistance devrait avoir pour conséquence de garantir le règne de la bureaucratie, en tenant l'entreprise privée à l'écart de la gestion de l'intérêt général. Il peut ainsi être observé une distinction stricte des principes de gestion privée et publique56, qui illustre la difficile appréhension de la performance par le droit administratif.

Les raisons de la difficile appréhension juridique de la performance par le droit administratif. « Le droit administratif tend ainsi à être perçu comme un ensemble de règles rigides et obsolètes, bloquant l'indispensable modernisation administrative et freinant le dynamisme économique et social È57. A l'origine de cette difficile appréhension on trouve nécessairement la définition du droit administratif.

Ce droit peut se définir, au sens large, comme le droit de l'Administration, comprenant l'ensemble des règles de droit relatives à son activité58. En retenant une telle conception, les principes de gestion publique pourraient alors s'inscrire dans le champ d'application de ce droit qui devrait s'adapter aux exigences de gestion, telle que la performance.

C'est cependant une conception bien plus restrictive qui triomphe habituellement59. Dans un sens plus circonscrit, le droit administratif se définit par défaut. Il correspond en effet à l'ensemble des règles dérogatoires du droit privé. La pénétration du droit administratif par des exigences du secteur privé semble alors exclue par essence. Le droit administratif est exorbitant et rien qu'exorbitant. Son autonomie suppose qu'il se façonne lui-même. Ses sources juridiques lui sont propres. Aussi les fondements existants, qui composent le socle de ce droit en deviennent des obstacles obligés à toute nouvelle notion. Or la performance est une notion qui est au départ économique, propre à la gestion privée et au service du profit des entreprises. Celle-ci ne semble pas armée, en théorie, pour intégrer le corpus des règles administratives. C'est donc bien l'exorbitance du droit public qui fait en théorie obstacle à une prise en compte de la performance, puisque celui-ci se défini par opposition à l'entreprise

54 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit administratif », in Les usages sociaux du droit, PUF, 1989, pp. 293-326.

55 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », Art. préc.

56 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit administratif », Art. préc.

57 Ibid.

58 Ibid.

59 R. CHAPUS, Droit Administratif, Montchrestien, coll. Domat, t. 1, 15e éd., 2001.

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et au marché. Il puise sa raison d'être au sein de la distinction public-privé, alors qu'il ne devrait s'agir que « d'un univers mental »60 , d'un dualisme « superficiel » et non d'une dissociation pouvant se vérifier matériellement.

La nécessité de dépasser la distinction entre secteur privé et secteur public. Il faudrait donc se contenter théoriquement d'une approche purement gestionnaire de la performance publique sans cesse freinée par les résistances du droit administratif, car comme le souligne Jacques Chevallier en parlant de l'Administration « l'amélioration de ses performances et de ses résultats (passe) par la mise en cause de ses privilèges et par sa soumission au droit commun. »61 Ainsi cette nouvelle démarche de performance revient certes à s'inspirer des méthodes du secteur privé, mais implique également une soumission à certaines règles de droit privé.

En dépit de ce que peut affirmer le professeur Linditch qui soutient que « le droit peut toujours évoluer (É) cette quête de la performance suppose surtout que soit diffusée une nouvelle culture financière et budgétaire dans tous les services, techniques, mais également juridiques »62, c'est bien la conceptualisation juridique de la notion de performance qui permettra une prise en compte, elle même efficace, des exigences qu'elle suppose.

La première condition d'un tel changement est l'évolution vers une autre conception du droit administratif, en renouvelant ses fondements et derrière ceux-ci, la conception même de l'Etat, puisque le droit administratif a ceci de « miraculeux »63, qu'il est produit par l'Etat qui s'y soumet lui-même ensuite (B).

B. La modernisation de la gestion publique

Le nécessaire renouvellement du droit applicable aux administrations. La performance, en tant que notion non plus économique mais juridique, ne pourra être théorisée qu'au sein du « droit commun »64, au sens d'un droit mixte, rassemblant l'ensemble des règles applicables aussi bien à l'Administration, qu'aux particuliers, renonçant ainsi à une

60 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », art. préc.

61 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit administratif », art. préc.

62 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

63 P. WEIL, D. POUYAUD, Le droit administratif, coll. Que sais-je, PUF, 24e éd., 2013.

64 C. EISENMAN, « Droit public, droit privé », in C. EISENMANN, Ecrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d'idée politique, Textes réunis par C. LEBEN, éd. Panthéon-Assas, 2002, p. 94 et s.

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quelconque « autonomie » du droit administratif, qui ne serait qu'un « dogme faux »65 comme le remarquait le professeur Eisenmann.

Le prérequis consistant à dire que l'Administration est soumise uniquement à « un corps de règles ayant son propre système de sources »66 ne serait donc plus retenu. Aussi en considérant le droit administratif comme n'étant pas autonome, la pénétration d'une exigence tenant davantage à la gestion privée ne serait alors plus qu'une question de volonté, puisque faire valoir une incohérence entre cette exigence et les fondements du droit administratif deviendrait inutile. Si cette question conceptuelle et très théorique, peut sembler superflue, elle est pourtant centrale au regard de l'inadéquation empirique des principes du droit administratif avec une vision performancielle de l'action administrative. Cette conception ne suivrait plus la dichotomie classique de notre ordre juridique.

Au regard, de l'évolution de la gestion publique, une révolution est en marche puisque le renouveau de cette matière pousse progressivement le droit encadrant l'action publique, à la prise en compte d'exigences inspirées de la gestion privée. L'Etat et ses services publics se modernisent.

Vers une réduction de la place de l'Etat: De 1945 à 1990. La modernisation de l'Administration est une préoccupation qui date du lendemain de la libération. Depuis 1945, les priorités pour l'Administration, dans le cadre de cette rénovation, ont évoluées et cette recherche d'efficience a varié dans son objet au rythme des évolutions du rôle de l'Etat tant socialement, qu'économiquement67. D'abord il s'est agit de reconstituer le lien social (IVe République), ensuite il a fallu garantir le dynamisme des activités économiques ayant « le caractère de service public national »68 (Début de la Ve République), puis ce fut au tour du lien entre usagers et services publics de faire l'objet d'un renforcement (Années 60), qui aboutit à la création des premières autorités administratives indépendantes, dans les années 70 (CNIL et CADA).

A partir des années 80, et suites aux difficultés économiques qui ont suivies les deux chocs pétroliers des années 70, l'Etat a dû soutenir l'économie et accompagner socialement le chômage de masse, le plaçant dans une situation budgétaire et financière préoccupante. La réforme administrative va alors se muer en une véritable réforme de l'Etat. Elle a pour

65 C. EISENMAN, « Un dogme faux : l'autonomie du droit administratif », in Ecrits de droit administratif, Textes réunis par N. CHIFFLOT, Dalloz, 2013, p. 452.

66 Y. GAUDEMET, A. de LABAUDERE, Traité de droit administratif, T. 1, LGDJ 16e éd., 2001.

67 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, coll. Domat, Montchrestien, 3e éd., 2011, p. 78.

68 Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, al. 9.

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objectif l'efficacité de l'Etat et des services publics, en réponse à la nécessité de réduire le déficit budgétaire, en limitant les dépenses de l'Etat, ou en tout cas, en les rationalisant.

Progressivement « l'Etat régulateur » va s'imposer au dépend de « l'Etat providence », rejoignant ainsi une conception libérale du marché qui se développe à la même période en Europe. L'interventionnisme social et économique de l'Etat s'en trouve réduit, au profit de la régulation de secteurs économiques, autrefois directement géré par l'Etat. Il s'ouvre alors une période de privatisation d'un certains nombre d'activité et de services publics, entre 1986 et 1988, sous la houlette d'Edouard Balladur, ministre de l'économie du gouvernement de Jacques Chirac. Finalement, ces balbutiements autour des frontières de l'Etat, portent en eux une volonté de changement de gestion du service public.

Une réflexion sur la qualité des services publics : des années 90 à nos jours. Ainsi, à partir des années 90 un discours sur les moyens d'aboutir à un « mieux de l'Etat » va prendre de l'ampleur, avec un objectif de « qualité », sous-jacent69. A la suite d'un rapport de mai 199470, une circulaire fut prise en 1995 par Alain Juppé alors Premier Ministre71. Elle avait pour objet de clarifier les missions de l'Etat, de déléguer des responsabilités, etc. Mais surtout, cette circulaire posait comme objectif : la rénovation de la gestion publique. Dès lors, c'est bien la recherche de performance des services publics qui est ici visée. Ce texte, concernait essentiellement la modernisation de la gestion des fonctions publiques, mais formalise une prise de conscience générale. Le paradigme change. Il ne s'agit plus de raisonner sur les défaillances du marché nécessitant un interventionnisme étatique, mais bien sur les défaillances de l'Etat lui-même qu'il faut résoudre72.

La solution à ces défaillances consiste alors à importer dans le secteur public les méthodes de gestion du secteur privé, afin d'augmenter l'efficacité concernant les « processus de production »73 des services publics. Cette nouvelle forme de « privatisation » concernait la gestion publique des ressources humaines et tentait de résoudre la crise de délimitation entre les secteurs public et privé74.

69À l'image du Rapport de la Commission présidée par Y. CANNAC, La qualité des services publics, La Doc. fr., 2004.

70 M. PICQ, L'Etat en France : servir une nation ouverte sur le monde, Rapport au Premier ministre, La Doc. fr., 1994.

71 Circ., 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat et des services publics.

72 M. BACACHE-BEAUVALLET, Où va le management public ?, coll. Positions, Terra Nova, pp. 14-15.

73 Ibid., p. 10.

74 V. en ce sens : R. LAUFER et A. BURLAUD, «Management public«, gestion et légitimité, Dalloz, 1980.

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Place au nouveau management de l'achat public. Ces réflexions tenant à la rénovation de la gestion publique se rejoignent au sein de la notion plus large de « new management public » qui se défini comme « l'ensemble des processus de finalisation, d'organisation, d'animation et de contrôle des organisations publiques visant à développer leurs performances générales et à piloter leur évolution dans le respect de leur vocation »75. Il s'agit de la gestion des agents publics (notion de mérite, l'individualisation des rémunérations, l'appréciation du personnel sur la base des entretiens annuels d'évaluation, etc.), de la gestion financière et comptable (analyses en termes de « coûts - performances » des activités). Il faut également ajouter la prise en compte du développement durable puisque l'objectif de performance s'est globalisé76. Ces trois sous-ensembles devant aller dans le sens d'une réduction des coûts77.

Lorsque l'on met bout à bout les objectifs d'externalisation et d'efficience interne des services publics, il apparaît une nouvelle problématique : la performance des contrats de la commande publique. La question de l'efficacité d'une externalisation d'un service public, sous forme de délégation contractuelle, n'est pas ici questionnée et a déjà fait l'objet de réflexions quant aux garde-fous nécessaires à sa mise en place78. Pour autant, l'achat public doit lui-même faire l'objet d'une réflexion sur son efficacité, afin que la réforme de l'Etat puisse un jour aboutir. L'heure est donc au nouveau management de l'achat public. Ainsi après s'être concentré sur l'efficacité des services publics quant à leur « production », il est désormais temps de s'interroger sur l'efficacité de ces services publics quant à leur « consommation », prérequis nécessaire à toute « production ». Surtout que l'achat public semble pouvoir être le domaine où l'alliance entre performance et secteur public pourrait avoir lieu sur le terrain non plus gestionnaire, mais bien juridique (II).

75 A. BARTOLI, « Le management dans les organisations publiques », Dunod, coll. Management public, 2e éd., 2005, p. 98.

76 V. infra.

77 Y. PESQUEUX « Le "nouveau management public» (ou New Public Management) », 2006. En ligne : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/51/08/78/PDF/Lenouveaumanagementpublic.pdf.

78 V. en ce sens : J.-P. COLSON, P. IDOUX, Droit public économique, coll. Manuel, LGDJ, 7e éd., 2014, pp. 269-272.

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II. « La rencontre »79 naturelle de la performance et du contrat

d'achat public

Plan. Le marché public est un contrat formalisant une relation de collaboration avec un opérateur économique ayant pour objet de répondre aux besoins de l'Administration par l'achat de biens, de services ou de travaux. Dès lors, tant la forme contractuelle (A), que la nature économique de cette collaboration (B), doivent permettre la prise en compte d'une exigence de performance par l'achat public, même s'il s'inscrit dans le cadre d'une gestion publique.

A. Le contrat, un outil de performance publique

Le contrat, l'acte juridique à « la mode »80, au même titre que la performance. Le contrat a « une valeur symbolique »81, puisqu'il représente l'outil juridique servant une gouvernance consensuelle, à l'opposée de la gestion autoritaire. Il faut noter une véritable « ascension » du contrat comme mode d'action publique82, au dépend de l'acte unilatéral, qui demeure malgré tout, en principe, le mode d'action de l'Administration83. Le contexte politique et économique a en effet poussé l'Etat à mettre de côté le dirigisme centralisateur qui le caractérisait, au profit de la négociation. De même, la décentralisation et la pénétration du droit anglo-saxon au sein de notre système juridique ont contribué également à faire la part belle au contrat. Enfin la reconnaissance constitutionnelle de la liberté contractuelle des personnes publiques84, a achevé de rénover la place de l'outil contractuel. En revanche, le recours au contrat pour subvenir aux besoins de l'administration est un domaine d'intervention « classique » du contrat, qui prend la forme d'un marché public dont la réglementation a été saisie par le droit de l'Union Européenne.

Le contrat permet « d'inciter sans contraindre ». Cette façon « consensuelle et partenariale d'administrer »85 donne lieu à une action publique davantage horizontale, prenant à contre-pied la vision pyramidale attachée classiquement au secteur publique. Or

79 Librement inspiré de : F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

80 J. MORAND-DEVILLER, Droit administratif, coll. Cours, Montchrestien, 12e éd., 2011, p. 384.

81 Ibid.

82 Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, Rapport public, EDCE n°59, La Doc. fr., 2008, p. 17.

83 Le caractère exécutoire des décisions administratives demeure en effet « la règle fondamentale du droit public » (CE, 2 juillet 1982, Huglo, req. nos 25288 et 25323).

84 Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, L. relative au secteur de l'énergie.

85 J. MORAND-DEVILLER, Droit administratif, Op. cit., p. 384.

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c'est précisément ce mode bureaucratique qui résiste au dogme de la performance et la fonction publique en est la parfaite illustration. Ainsi le « mode contractuel » devient-il à la « mode » et semble davantage propice à être regardé par le prisme de la performance. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si dans une optique de performance la nouvelle gestion des agents publics se tourne vers l'outil contractuel, comme lorsqu'il s'est agit de valoriser économiquement des ressources publiques telles que le domaine public ou privé.

Le contrat est l'instrument de l'efficacité. Le succès du contrat témoigne donc de son efficacité. Le contrat va de paire avec une « vision stratégique ». C'est ce qui est exprimé en substance par la Vice-Président du Conseil d'Etat, dans son éditorial86 introduisant le rapport de 2008 précité. Pour lui, grâce au contrat, la puissance publique exprime et hiérarchise ses besoins puis définis « les moyens les plus appropriés pour y parvenir ». Cette nouvelle stratégie doit permettre de répondre aux besoins du public avec souplesse, efficacité et au meilleur coût. Autrement dit, le contrat doit permettre la performance.

Partant, qu'une politique publique peut être définie comme « un programme d'action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales. »87, le contrat est au service de la réussite de celles-ci88.

Mais surtout, la modernisation de l'Etat et de ses services publics va souvent de paire avec l'utilisation du contrat89. Afin de parvenir à une nouvelle gestion publique, une nouvelle façon de mettre en oeuvre les politiques publiques est élaborée. Les contrats de performance furent alors mis en place dans les années 9090. La forme contractuelle est donc préconisée91 au côté de d'autres outils pour rénover la gestion publique.

Le contrat, comme support de l'échange marchand. C'est la fonction la plus ancienne de l'Administration92. Encore aujourd'hui, les achats des personnes publiques

86 J.-M. SAUVÉ, « Pour un développement maîtrisé du contrat », Éditorial, in Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, Rapport public, op. cit., p. 8.

87 J.-C. THOENIG, « L'analyse des politiques publiques », in Traité de science politique, J. LECA et M. GRAWITZ (dir.), PUF, 1985.

88 V. en ce sens : M. KARPENSCHIF, « Le contrat au service des politiques publiques : Contrat public et Union européenne », RFDA 2014, p. 418.

89 C. POLLITT, G. BOUCKAERT, Public Management Reform. A comparative analysis, Oxford University Press, 2000.

90 Circ. 23 février 1989 relative au renouveau du service public.

91 V. en ce sens : R. FAUROUX, B. SPITZ, État d'urgence, réformer ou abdiquer : le choix français, Robert Laffont, 2005.

92 Déc. 10 brumaire an IV

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régissent la vie quotidienne des administrations et leur permettent de se donner les moyens de leur action. Or le contrat permet de « mobiliser les savoir-faire et les financements qui font défauts à la puissance publique »93. Aussi il est évident que pour subvenir aux besoins de l'Administration, le mode contractuel est aussi bien inévitable, qu'essentiel. Cette place prépondérante fait des marchés publics, un enjeu majeur de l'action publique.

L'efficacité de la contractualisation en vue d'un achat. Malgré son utilité naturelle pour une gestion performante de l'Administration, cet outil contractuel doit encore être « maîtrisé »94, selon les termes du Vice-Président du Conseil d'Etat. Ce dernier considère, d'une part, que ce procédé doit être utilisé à bon escient, par des agents publics sensibilisés à ce mode d'action. D'autre part, il faut l'encadrer par des règles afin qu'il soit conforme aux directives européennes. Or, si l'on se plie à ces vérifications, il apparaît que le contrat étant l'outil des échanges marchands, il est forcément utilisé à bon escient lorsqu'il est destiné à l'achat. De plus, la transposition récente des dernières directives européennes a permis une incorporation des règles de la commande publique européenne en droit français. Cependant, il désormais indispensable de s'intéresser à l'utilisation optimale du contrat par les agents publics.

Autrement dit, une fois que l'on sait que le mode consensuel est le plus adapté à une action, il vient immédiatement la seconde problématique à savoir comment contracter efficacement, tant concernant la passation, la définition du contenu, l'exécution ou le contentieux contractuel. Ainsi le contrat, après avoir été l'outil d'accomplissement des politiques publiques, devient lui-même l'objet d'une politique publique.

Les limites de l'utilisation du contrat suivent les frontières de la performance publique. La liberté contractuelle n'étant pas absolue, il existe des limites à cette contractualisation. Les domaines dits « régaliens » lui sont fermés, au même titre que la performance.

Concernant les limites du contrat, le juge constitutionnel a posé une interdiction très nette de déléguer des missions de souveraineté à des personnes privées95, même s'il semble de plus en plus conciliant96. Le Conseil d'Etat quant à lui ne parle pas de mission de

93 Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, Rapport public, op. cit.

94 J.-M. SAUVÉ, art. préc.

95 Cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, L. habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

96 Cons. Const., 22 mars 2012, n° 2012-651 DC, L. de programmation relative à l'exécution des peines.

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souveraineté mais nous dit qu'il est interdit aux personnes publiques de contracter à propos de l'exercice du pouvoir de décision unilatérale97. Enfin le contrat est interdit en matière de police administrative. Ainsi, il est notamment interdit d'exercer une mission de police au moyen du contrat98.

De la même façon, à propos cette fois-ci de la performance, Gil Desmoulin considère très justement que « la recherche de performance de certaines politiques publiques n'est pas une fin en soi notamment parce que les missions régaliennes ont une utilité qui va au-delà de l'utilité matérielle. En raison de leur dimension politique ou stratégique, elles ne peuvent pas être « sacrifiées » sur l'autel de la performance. En conséquence, il est parfois indispensable d'accepter la non-performance ou la contre-performance des politiques publiques. »99

L'utilisation du contrat et la mise en oeuvre d'une gestion performante semblent donc avoir un périmètre d'action équivalent. Pour l'un, comme pour l'autre, cette limitation commune s'explique par leur nature. D'abord, comme la relation contractuelle crée des droits pour chaque partie, il semble inenvisageable de passer par le contrat pour une mission de police, puisque l'autorité de police verrait alors nécessairement ses prérogatives limitée, paralysant du même coup cette mission de service public100. Ce même syllogisme peut être employé pour expliquer l'indispensable acceptation de la non-performance quant à certains services publics, puisque « le souci légitime d'efficience de l'administration ne doit pas conduire à l'abandon ou à la paralysie de l'action administrative. »101

Le contrat, comme la performance, sont ainsi deux notions, l'une juridique et l'autre économique qui sont interconnectées. Aussi contrat et performance peuvent à nouveau se rencontrer, cette fois plus spécifiquement au sein de la fonction achat de l'Administration. Cette collaboration entre personnes privées et publiques correspond en effet à une des relations que peut entretenir l'Administration avec le monde économique102 (B).

97 CE, 30 sept. 1983, Féd. départementale des associations agrées de pêche du Dépt. de l'Ain, nos 31875 et autres.

98 CE, 8 mars 1985, Association les amis de la Terre, n° 24557.

99 G. DESMOULIN, « La recherche de la performance des politiques publiques. De l'illusion à la raison ? », AJDA 2013, p. 894.

100J. MOREAU « De l'interdiction faite à l'autorité de police d'utiliser une technique d'ordre contractuel. Contribution à l'étude des rapports entre police administrative et contrat », AJDA 1965.

101 G. DESMOULIN, « La recherche de la performance des politiques publiques. De l'illusion à la raison ? », art. préc.

102 S. NICINSKI, Droit public des affaires, coll. Domat, LGDJ, 4e éd., 2014, p. 507.

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B. L'achat public : un acte économique saisie par l'exigence de performance

L'achat public, un acte économique régit par le droit public de l'économie. L'économie recouvre aussi bien les activités de production, de distribution, que de consommation des richesses. L'achat public se rapportant au volet « consommation » de l'économie, l'achat est un acte économique. L'Administration intervient donc à ce titre sur le marché. Les pouvoirs adjudicateurs vont donc être autant soumis à la libre concurrence au même titre que n'importe quel autre opérateur économique.

Cependant, le droit de l'Union Européenne a toujours considéré que les acheteurs publics n'avaient pas un comportement normal sur un marché, c'est à dire que dans certains cas ils pouvaient être guidés par des choix non-économiques. La crainte de l'Union Européenne est que les Etats membres favorisent leurs entreprises nationales. C'est notamment pour cette raison que le droit administratif français a été « saisi par la

concurrence »103.

Paradoxalement, ces procédures de mise en concurrence et de publicité signifient aussi que l'Etat « choisit de réduire son altérité et de se penser dans les formes communes de l'entreprise. »104 Le lien entre l'Etat et l'économie s'en trouve restauré. A l'austérité vis-à-vis du marché et de sa « logique dégradante »105 va succéder une logique partenaire entre le droit et l'économie, à tel point que l'Etat va se voir contraint de se réaliser « lui aussi, sur le terrain de l'économie. »106

La nature économique de l'achat suppose une lecture performancielle des procédures qui s'y rattachent. « Si les indicateurs financiers sont essentiels dans un cadre privé, ce n'est pas le cas pour le secteur public. Sauf dans l'hypothèse d'activités industrielles et commerciales »107 Or les marchés publics sont précisément le support d'une activité commerciale des personnes publiques. Il apparaîtrait donc logique qu'en matière d'achat, l'exorbitance laisse place à la performance.

Cette nouvelle conception juridique s'inscrit au sein du droit public de l'économie qui correspond à « la partie du droit public (qui régit l'action des personnes publiques), qui

103 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif français saisi par la concurrence ? », AJDA 2000, p.99.

104 Ibid.

105 Ibid.

106 Ibid.

107 G. DESMOULIN, « La recherche de la performance des politiques publiques. De l'illusion à la raison ? », art. préc.

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porte sur le domaine de l'économie »108. Ce droit depuis 1945 s'est en effet structuré autour de plusieurs thèmes, au nombre desquels on trouve évidemment les contrats de la commande publique109. Or ce droit économique, tout public soit-il, a ceci de précieux qu'il emprunte aux différentes branches du droit. Cette approche globale du droit public économique est revendiquée110, de telle sorte que la distinction traditionnelle entre droit privé et droit public ne fait alors plus sens. Il s'agit donc « du triomphe d'une troisième voie »111 car ce droit doit par essence régir les relations entre l'Administration et les opérateurs économiques112.

Finalement c'est à ce droit public de l'économie qu'il revient d'évoluer et de faciliter l'incorporation des méthodes du secteur privé. La logique de performance devrait donc pouvoir être prise en compte par le droit des marchés publics.

La prise en compte par le droit des marchés publics d'une logique de performance. « La rationalité managériale a pénétré dans l'administration, non pas en marge ou à côté du droit, mais en empruntant le canal juridique »113, révolutionnant de facto « la constitution juridique de l'Administration » 114 . Ainsi l'instrument ayant permis l'avènement d'un service public performant a bien été le droit.

Le droit administratif économique a donc bien sûr était remanié pour prendre en compte cette nouvelle exigence. Dans une optique d'optimisation des ressources utilisées par les administrations afin d'accomplir un service public de qualité, des réformes successives du Code des marchés publics ont permis d'assouplir les règles de passation.

La compatibilité de l'achat public avec une vision performante est désormais affirmée. De plus, la technique d'incorporation de cette exigence économique de performance est à présent connue : ce sera le droit public économique. Or l'adéquation de ce droit avec l'exigence de performance semble bien meilleure, puisque il s'agit d'un droit commun, qui n'est normalement en rien exorbitant, comme on avait pu le dire pour le droit administratif.

L'exorbitance du droit de l'achat public, un nouveau combat pour la notion de performance. Malgré le fait que les marchés publics soient des contrats qui de par leur objet

108 P. DEVOLVE, Droit public de l'économie, Dalloz, 1998, p.1.

109 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie, coll. Thémis Droit, PUF, 2015.

110 D. LINOTTE, R. ROMI, Droit public économique, 7e éd., LexisNexis, coll. Manuel, 2012, p. 11.

111 Ibid., p. 12.

112 S. NICINSKI, Droit public des affaires, op. cit., p. 9.

113 J. CHEVALLIER, « Le droit administratif vu de la science administrative », AJDA 2013, p.401.

114 J. CAILLOSSE, La constitution imaginaire de l'administration, coll. Les voies du droit, PUF, 2008.

sont des contrats administratifs identiques à ceux de droit privé. Ceci a pu être affirmé avec beaucoup de force par le passé115. Pourtant ce secteur est « un des secteurs où la spécificité du droit public s'est affirmé le plus clairement. » 116

L'achat public performant, en passant par le droit public économique, évite ainsi l'exorbitance originelle et contre performante du droit administratif. Cependant, il reste à accomplir une difficile et paradoxale conciliation de l'efficacité de l'achat public, avec les règles spécifiques applicables aux pouvoirs adjudicateurs et fondées sur la libre concurrence. Il faut ainsi faire face à une nouvelle forme d'exorbitance puisque seules les personnes publiques se voient contraintes dans leur comportement pour parvenir à une action en conformité avec une concurrence qui doit paradoxalement être libre. Cette exorbitance est certes un obstacle moindre que celle du droit administratif, puisque le droit public économique ne se définit pas à travers elle, pour autant la constitution juridique de l'achat public attend encore d'être révolutionnée et c'est tout l'enjeu de cette étude que de donner les clés pour parvenir à une pleine et entière correspondance entre l'exigence de libre concurrence et celle de performance, lorsqu'elles sont toutes deux appliquées aux personnes publiques.

Ce premier enjeu qu'il faut prendre en compte afin de définir une obligation de performance n'est pas le seul. Il est également indispensable de relever que la seconde difficulté pour garantir une performance de l'achat public, est la globalisation à laquelle obéit désormais cette dernière. Puisque loin d'avoir pour unique objectif de permettre un achat public efficace, cette performance se voit confier de multiples objets (section 2).

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115 F. LLORENS, Contrat d'entreprise et marché de travaux publics, LGDJ, 1981.

116 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. cit., p. 311.

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Section 2. Une performance globale

Plan. Il faut garder à l'esprit, que la consommation est un moyen d'action puissant, surtout lorsqu'elle représente un marché de près de 200 milliards d'euros, soit environ 10% du PIB117. La commande publique est donc devenue progressivement un outil au service de politiques publiques.

Lorsque l'on se place dans le cadre du développement durable, l'efficacité économique de l'achat public prend une dimension globale. L'efficacité économique vise, en effet, « à produire des biens de consommation et à répartir les richesses de cette production de manière équitable, durable, avec le souci de la protection de l'environnement et du renouvellement des ressources consommées ainsi que de la protection des hommes et des femmes qui y travaillent. »118.

Néanmoins cette diversification des objectifs de performance ne doit pas faire perdre de vue la recherche d'efficacité et d'efficience en terme de « coûts » pour la commande publique. Le risque est en effet de faire passer au second plan ce qui est pourtant l'objectif premier des contrats de la commande publique, à savoir répondre de manière performante aux besoins des personnes publiques.

Une politique d'achat responsable s'est belle et bien mise en place, apportant un gain de performance global bénéfique au développement durable (I). Néanmoins il est tout autant nécessaire que les bénéfices de cette responsabilisation de l'achat public puissent profiter à l'acte d'achat en lui-même (II).

I. L'achat responsable au service d'une performance globale

Plan. L'intégration des préoccupations de développement durable dans le droit de la commande publique (A), a fait naître l'achat responsable des personnes publiques (B).

117 Selon l'INSEE, pour les achats des administrations publiques uniquement, in Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, p. 30.

118 http://www.vedura.fr/economie.

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A. La prise en compte du développement durable par les marchés publics

Marchés publics et développement durable. Le développement durable peut se définir comme un développement « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »119. Cet objectif fut entériné lors de l'établissement de « l'Agenda 21 » au sommet de Rio en 1992.

Le développement durable possède trois composantes qui doivent être conciliées : croissance économique, équité sociale et respect de l'environnement. Cet objectif doit par ailleurs être rempli par l'ensemble des acteurs économiques, qu'ils soient privés ou publics120. « Les agendas 21 » ont d'ailleurs entérinés cette nouvelle obligation à l'échelon national121. Dès lors, la prise en compte de cet objectif de développement durable apparaissait inéluctable pour la commande publique. En particulier au regard du poids économique de cette dernière.

Code des marchés publics de 2001. L'intégration de l'objectif de développement durable dans le droit de la commande publique a néanmoins été difficile, en raison de la résistance aussi bien du gouvernement, que des juges.

La rédaction du Code des marchés publics de 2001 a en effet laissé peu de place à la prise en compte de telles exigences. Seules les conditions d'exécution des marchés prévoyaient la possibilité de fixer, dans les cahiers des charges, des conditions relatives à la promotion de l'emploi des personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à la lutte contre le chômage ou à la protection de l'environnement122. Une limite était par ailleurs prévue puisque ces considérations environnementales et sociales ne devaient pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des candidats.

Au niveau des critères de choix de l'offre, aucune référence expresse au développement durable n'existait123. Il était donc laissé au juge le soin de déterminer si ces critères sociaux ou environnementaux étaient les bienvenues. Or selon le Conseil d'État il était possible pour les pouvoirs adjudicateurs, même sous l'empire du Code de 2001, de

119 « Notre avenir à tous », Rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU, G. H. BRUNDTLAND (prés.), 1987.

120 Suite, plus précisément, à la Charte d'Aalborg en 1994 qui concernait plus largement l'ensemble des collectivités de l'Union Européenne : Chapitre 4 § 23 de l'agenda 21.

121 L. n° 95-115. 4 févr. 1995 relative à l'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, art. 25 II.

122 CMP 2001, art. 14.

123 CMP 2001, art. 53 II.

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choisir des critères d'attribution du marché qui n'étaient pas énumérés par le code ou de prévoir des clauses d'exécution prenant en compte les exigences de développement durable, à condition que celles-ci soient en lien avec l'objet du marché124. Cependant, le juge adopta une approche restrictive de ce lien125.

L'insistance internationale. Une prise en compte variable des objectifs de développement durable uniquement au niveau des conditions d'exécution, plutôt qu'au stade de la sélection et donc de la passation des marchés publics semblait absurde, voire même « byzantin »126 pour certains. « L'introduction de tels critères dans les cahiers des charges (pouvait) se révéler tout aussi discriminatoire que de les faire figurer au stade de l'offre. »127 Le respect du cahier des charges étant bien sûr pris en considération lors de la sélection de l'offre économiquement la plus avantageuse.

Aussi le Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002, aboutit à encourager « les autorités compétentes à tous les niveaux à prendre en compte le développement durable lors de la prise de décisions ayant trait notamment (...) à la passation des marchés publics. »128 C'est donc bien à la « passation » qu'il était fait référence, ce qui annonçait des évolutions.

L'encouragement européen d'un achat public durable. L'union européenne abonda dans ce sens. C'est d'ailleurs par l'intermédiaire de deux communications interprétatives que la Commission européenne expliqua les possibilités données aux acheteurs publics et encouragea de telles initiatives favorables au développement durable129. Toutefois, ces critères doivent toujours cumulativement se rapporter à l'objet du marché et apporter un avantage économique direct aux pouvoirs adjudicateurs.

De même, la jurisprudence de la Cour de justice a accepté de reconnaître un critère de « mieux-disant social» en 1988, dans une affaire «Beentjes»130, pour ensuite consacrer

124 CE, 25 juillet 2001, Cne de Gravelines, n°229666.

125 Voir en ce sens : CE, 10 mai 1996, Féd. nat. des travaux publics et a., n° 159979 ; TA Strasbourg, 30 nov. 1999, Préfet région Alsace, préfet Bas-Rhin c/ communauté urbaine Strasbourg, Sté Am Port'llnes.

126 O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », La Gazette du Palais, n°168, 2005,

pp. 4-19.

127 Ibid.

128 « Rapport du sommet mondial pour le développement durable », Nations Unies, 2002, A/Conf.199/20

129 CE, comm. sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés (4 juillet 2001, COM(2001)-274 final) ; CE, comm. sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des aspects sociaux dans lesdits marchés (15 octobre 2001, COM(2001)-566 final).

130 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Beentjes BV c/ État des Pays-Bas, Rec. CJCE p. 4635.

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pleinement la prise en compte de critères sociaux dans les marchés publics, même à l'occasion de l'analyse de l'offres, à condition de respecter les principes fondamentaux et notamment le principe de non-discrimination131. Ainsi en n'exigeant pas que le critère social procure un avantage économique pour le pouvoir adjudicateur, la CJCE apparaît plus souple que les communications de la Commission.

Par la suite et en adoptant le même raisonnement, ce fut au tour du critère environnemental d'être abondé par la Cour de justice132. C'est d'ailleurs sans doute inspirée par cette « ouverture » jurisprudentielle, vis-à-vis de telles considérations, qu'une nouvelle directive intégrant cette possibilité de prendre en compte le développement durable dans la commande publique a vu le jour en 2004133. Néanmoins, elle conserve une certaine « ambigüité »134 vis à vis des critères environnementaux et sociaux, en manquant de clarté quant aux limites de leur emploi135.

La charte de l'environnement. Ces évolutions ont été suivies de près par une progression de la norme constitutionnelle. L'article 6 de la Charte de l'environnement qui naît en 2004, dispose que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social »136. Dès lors, au plus haut niveau de l'ordre normatif français, le Code des marchés publics devient un outil au service d'une politique de développement durable.

Développement durable et sélection des offres : l'apparition des critères sociaux et environnementaux. La prise en compte de considérations environnementales dans les critères de sélection des offres fut finalement permise par le nouveau code de 2004. La protection de l'environnement fait donc expressément son entrée au nombre des critères à prendre en compte lors de l'appréciation de l'offre économiquement la plus avantageuse137.

131 CJCE, 2 septembre 2000, Commission c/ France, aff. C-225/98, BJCP no 14, p. 13.

132 CJCE, Concordia Bus Finland Oy Ab, anciennement Stagecoach Finland Oy Ab, et Helsingin kaupunki, HKL-Bussiliikenne, aff. C-513/99, BJCP no 26, p. 14.

133 Dir. 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

134 N. BOULOUIS, « Le contrat public au service des politiques de développement durable : limites et perspectives », RFDA 2014, p. 617.

135 Ibid. Consid. n° 1

136 L. const. n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement .

137 CMP 2004, Art. 53.

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Ce n'est qu'en 2005138, que l'article 53 va plus spécifiquement accueillir le critère des « performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté. »

La jurisprudence tant européenne139 que française140 a appuyé cette évolution. Ainsi l'utilisation d'un critère social ou environnemental au stade de l'analyse des offres est possible mais demeure conditionnée. Il doit effectivement y avoir, d'une part, un lien entre l'objet du marché et le critère ou la clause dite « durable », et d'autre part, la clause ou le critère ne doivent pas être discriminatoires, c'est à dire qu'aucune entreprise ne doit être favorisée, indépendamment de son offre. Ces exigences sont néanmoins interprétées de plus en plus largement. Ainsi l'achat public s'est mué en véritable outil au service des politiques publiques de développement durable.

Le Code de 2006 et l'institutionnalisation de la commande publique durable. C'est finalement en 2006 que les exigences liées au développement durable furent incluses à la définition des besoins141, à la sélection des candidatures142, ainsi qu'aux spécifications techniques143, comme ce que préconisait déjà la directive de 2004 précitée144.

Par ailleurs, non plus juridiquement, mais administrativement de nombreuse structures ont vu le jour pour encourager puis accompagner l'apparition de ces nouveaux objectifs. Lorsque l'achat public se structure, c'est autour de cette notion de développement durable.

On pense notamment, dès 2003 à la Stratégie nationale de développement durable (SNDD)145, puis à la nouvelle Stratégie nationale de développement durable pour la période 2010-2013 (SNDD)146 qui ont eu pour objet de concourir à une diminution de l'impact environnemental du fonctionnement de l'Administration. Le Groupement d'étude des marchés développement durable, environnement a aussi été créé147, tout comme, ensuite l'Observatoire économique de l'achat public148. Plusieurs circulaires149, ainsi qu'un « Plan

138 L. n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale.

139 CJUE, 10 mai 2012, aff. C-368/10.

140 CE, 25 mars 2013, Département de l'Isère, n° 364950.

141 Code des marchés publics de 2006, art. 5.

142 Ibid., art. 45.

143 Ibid., art. 6.

144 Ibid. Consid. n° 29 et Art. 23.

145 Adoptée le 3 juin 2003 par le Comité interministériel du développement durable (CIDD).

146 Adoptée le 27 juillet 2010 par le Comité interministériel pour le développement durable (CIDD).

147 JO 28 Janvier 2004.

148 En application de l'article 136 du Code des marchés publics, JO 13 novembre 2005.

149 Circ. 5 avr. 2005, sur les moyens à mettre en oeuvre dans les marchés publics de bois et produits dérivés pour promouvoir la gestion durable des forêts ; Circ. 28 sept. 2005, sur le rôle exemplaire de l'État en matière

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national d'action pour des achats publics durables »150 ont également poussé les services de l'Etat à plus de responsabilité dans leurs achats. La Révision générale des politiques publiques (RGPP) démarrée en 2007 et qui a été remplacé en 2012 par la Modernisation de l'action publique (MAP) ont toutes les deux mis en avant ces nouveaux objectifs151. Finalement, le Service des achats de l'État (SAE) a vu le jour en 2009152 et a été remplacé dernièrement par la Direction des achats de l'Etat (DAE) qui doit notamment veiller à ce que « les achats de l'État (É) respectent les objectifs de développement durable »153

La commande publique au service de politiques publiques. Les nouvelles directives de 2014154, ont marqué une nouvelle étape dans ce processus155. Les trois directives illustrent avec une même intensité l'importance qu'attache le législateur européen pour ces nouveaux objectifs. La directive relative à la passation des marchés publics donne la possibilité aux Etats membres de réserver certains lots ou marchés à des entreprises ayant un objet social156. De même, un « verdissement de la commande publique » est clairement constaté157. La commande publique, de part son poids économique est donc bien devenue un levier au service de politiques publiques comme l'insertion professionnelle ou la protection de l'environnement.

Le développement durable devient « l'objectif secondaire » 158 du droit de la commande publique, à côté du principal objectif de celle-ci qui est de répondre utilement aux besoins des personnes publiques. Guillaume Cantillon explique cette transformation du droit des marchés publics par la rencontre de deux objectifs différents que les administrations

d'économies d'énergie ; Circ. 2 mai 2008, relative à l'exemplarité de l'État en matière d'utilisation de produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective.

150 Adopté le 13 novembre 2006 par le Comité interministériel du développement durable (CIDD).

151 G. CANTILLON : « Marchés publics et développement durable », Fasc. 57, Jurisclasseur, LexisNexis.

152 D. n° 2009-300, 17 mars 2009 portant création du service des achats de l'État, art. 2.

153 D. n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de l'Etat.

154 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Dir. 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux ; Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

155 P. THIEFFRY, « Le verdissement de la commande publique, acte II : prise en compte de l'analyse du cycle de vie et des procédés et méthodes de production » RTD Eur. 2015 p.470.

156 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Consid. 36

157 P. THIEFFRY, « Le verdissement de la commande publique, acte II : prise en compte de l'analyse du cycle de vie et des procédés et méthodes de production », art. préc.

158 M. KARPENSCHIF, « Le contrat au service des politiques publiques : «Contrat public et Union européenne« », RFDA 2014, p.418.

doivent poursuivre : la recherche d'efficience et d'efficacité de l'achat public, ainsi que la poursuite du bien public159 (B).

B. Le prérequis nécessaire à la performance de l'achat public : l'achat responsable

Définition des achats responsables. L'achat responsable sert la performance globale. Il se définit comme « Tout achat intégrant dans un esprit d'équilibre entre parties prenantes des exigences, spécifications et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l'environnement, du progrès social et du développement économique. L'acheteur recherche l'efficacité, l'amélioration de la qualité des prestations et l'optimisation des coûts globaux (immédiats et différés) au sein d'une chaîne de valeur et en mesure l'impact. »160 Ainsi l'impact environnemental de l'achat doit être le moins élevé possible, tandis que les répercussions sociales doivent, quant à elles, être les meilleures possibles. Dans le même temps, un objectif de performance des finances publiques doit être poursuivi afin de d'acheter au meilleur coût.

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Source : ObsAR

L'origine de l'achat responsable : la RSE. L'achat responsable trouve certes son origine dans l'idée de développement durable, mais ce type d'achat est plus directement la suite logique des notions de Responsabilité sociale des entreprise (RSE) ou Responsabilité sociale des organisations (RSO).

Il s'agit de deux concepts imaginés en réaction à la thèse néolibérale de Milton Friedman, prix Nobel de l'économie, qui en 1970, dans les pages du New York Times utilisait déjà le terme de responsabilité sociale de l'entreprise à un tout autre dessein. En effet, il considérait cette responsabilité comme se résumant à la recherche du plus grand profit, « la

159 G. CANTILLON, « Création du «Service des achats de l'État« : vers un achat public performant et durable ? », Contrats et Marchés publics n° 5, 2009.

160 Définition de l'Observatoire des Achats Responsables, 2011.

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main invisible »161 décrite par Adam Smith permettant à l'intérêt général de s'élever par voie de conséquence, dès lors que la libre concurrence était respectée162.

Plus précisément la RSE, à proprement parler naît de la théorie des « Stakeholders »163, qui apparaît aux Etats-Unis dès les années 60. Selon cette théorie, maximiser les profits pour une entreprise n'est pas suffisant. Il est nécessaire de trouver le compromis équitable entre les intérêts de l'ensemble des personnes qui sont de près ou de loin rattachés à l'entreprise : employés, clients, gouvernés, gouvernants, collectivités, etc. L'entreprise s'engage alors sur certaines pratiques et accepte d'en rendre compte, d'où une certaine responsabilisation qui a été consacrée en droit français par la loi NRE de 2001164.

L'évolution de la RSE : la performance globale. Le concept de performance globale a émergé, en 2002 avec l'association du « Centre des jeunes dirigeants d'entreprises » (CJDE). La performance globale a alors pu être définie comme « la prise en compte d'un équilibre entre performance économique, sociale, sociétale et environnementale »165. Cette performance est une exigence pour les entreprises productrices qui pourrait être appliquée aux acheteurs publics consommateurs. Elle reposerait sur quatre dimensions complémentaires :

- performance sociale : elle repose sur la capacité du pouvoir adjudicateur à encourager les opérateurs économiques à rendre les hommes acteurs et auteurs ;

- performance sociétale : elle s'appuie sur la contribution de l'opérateur économique au développement de son environnement ;

- performance économique : elle honore la confiance des opérateurs économiques et des usagers et se mesure par des indicateurs ;

- performance environnementale : elle repose sur la capacité du pouvoir adjudicateur à encourager les opérateurs économiques à mettre en place des mesures de protection de l'environnement.

La différence avec la RSE réside dans le fait que la performance globale prend en compte les besoins et les réalités de l'organisme en question, alors que la RSE et le développement

161 A. SMITH, La richesse des nations, Gf-Flammarion, t. 1, 1999.

162 Cité par : Centre des jeunes dirigeants d'entreprises, Guide de la performance globale, éd. des organisations, 2004.

163 Littéralement : « ceux qui ont un intérêt dans l'entreprise », ce sont les parties prenantes, par opposition au « shareholders » qui sont les actionnaires.

164 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques

165 CJDE, Guide de la performance globale, éd. des organisations, 2004, p. 5

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durable, ne sont en effet pas centrés sur l'entreprise ou la collectivité, mais bien sur l'environnement, au sens large. Il semble donc que la performance globale soit une notion directrice mieux adaptée aux acheteurs publics. Cependant, il s'agit encore d'une notion vague de « performance », joint au qualificatif tout aussi abstrait de « globale » 166. Le CJDE se sert de la commande publique pour encourager cette performance globale des entreprises, dans le cadre du développement durable167. Au départ cette notion n'est donc pas censée profiter en premier lieu à l'Administration.

L'utilité de la performance globale pour l'Administration. Un achat public performant globalement nécessite un achat public responsable. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider d'orienter leur politique d'achat vers des achats responsables pour plusieurs raisons. D'une part, la réglementation et les initiatives internationales ou nationales peuvent l'encourager, voire le rendre obligatoire168. D'autre part, les achats dits responsables sont facteurs de stabilité et d'exemplarité pour les administrations. Cet atout en terme d'image, correspond à un gain politique, à court terme. Les usagers des services publics attendent cette exemplarité de l'Administration.

Il vient par ailleurs s'ajouter, à moyen et long terme, des gains financiers, parfois difficilement quantifiable. L'Administration peut en effet entrer dans une démarche novatrice visant à réduire les coûts énergétiques, à valoriser l'écosystème du pouvoir adjudicateur et des opérateurs économiques. Ainsi l'administration pourra également tirer un profit économique d'une démarche encourageant la performance globale.

Pour autant, afin que le pouvoir adjudicateur tire effectivement et directement profit de ses achats responsables, il est absolument nécessaire de bien définir dans quelles mesures l'achat public encourage une production conforme aux principes de développement durable. L'achat de l'Administration heurte le prisme de l'intérêt général et se disperse en une multitude d'exigences extrinsèques toute plus éloignées de la fonction de l'achat purement intrinsèque à l'origine. Ainsi, à l'image de la lumière rencontrant le prisme, c'est un spectre qui risque d'apparaître, troublant la vision performancielle que doit avoir l'Administration lorsqu'elle subvient à ses besoins (II).

166 V. en ce sens : Y. PESQUEUX, « La notion de performance globale », Forum international ETHICS, 2004.

167 V. Rapport du CJDE et de Communauté urbaine de Nantes, « Vers la performance globale de la commande publique », 2011.

168 V. supra.

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II. La mise en oeuvre performante de l'achat responsable

Plan. Pour que la performance globale d'abord et la performance de l'achat public ensuite soient effectives, il est nécessaire de concilier l'ensemble des objectifs de développement durable entre eux. Pour cela l'achat public doit être équitable (A) et ne doit pas être instrumentalisé (B).

A. L'achat public durable et performant : le choix de l'équité

Le commerce équitable. Le commerce équitable tout en étant respectueux des enjeux économiques, demeure socialement respectueux. Il lui a même été donné des vertus environnementales, puisque la Commission européenne a pu considérer qu'il avait « pour finalité de contribuer à l'établissement des conditions propres à élever le niveau de la protection sociale et environnementale dans les pays en développement »169. Ce type d'achat est au service du développement durable, comme le prouve la communication de la commission au Conseil et au Parlement Européens, ainsi qu'au Comité économique et social européen, intitulée « Contribuer au développement durable : le rôle du commerce équitable et des systèmes non gouvernementaux d'assurance de la durabilité liés au commerce. »170 De même, on peut lire dans une loi de 2005 que « le commerce équitable s'inscrit dans la stratégie nationale de développement durable. »171. Par conséquent, on remarque que l'achat public équitable serait un procédé ayant essentiellement des conséquences extérieures à l'Administration. Pourtant, elle doit aussi pouvoir en profiter en interne, autrement la performance globale ne pourrait jamais être pleinement accomplie, puisque la performance de l'achat public s'inscrit au sein de la composante économique de la performance globale172

169 Doc. COM, 29 nov. 1999, 619 final (non publiée au JOCE), in G. CANTILLON in Achat public équitable, concurrence pour le marché et concurrence dans le marché, Contrats et Marchés publics n° 2, Février 2011, étude 2.

170 COM (2009) 215, 5 mai 2009.

171 L. n° 2005-882, 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises, art. 60.

172 V. supra.

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L'achat public équitable. Communément un achat équitable désigne l'achat d'un produit dont la production a été respectueuse des producteurs, des chaînes de production, des salariés, etc. En l'occurrence, il semble nécessaire d'entendre plus largement cette notion « d'équité » de l'achat. Non seulement un achat équitable suppose le respect de la production, mais cet achat doit aussi être respectueux de l'acheteur public et des deniers publics.

La place de plus en plus importante de considérations environnementales ou sociales traduit l'établissement du fameux contrat naturel dont parlait Michel Serre. Ce dernier considérait en effet que la solution pour parvenir à un développement durable était un « contrat naturel passé réellement entre les humains et les choses, entre la nature et les nations, comme jadis nous pensâmes un contrat social passé seulement dans les nations, c'est à dire entre les humains seuls. »173 Néanmoins, il s'agit là encore d'un mode d'action conventionnel qui suppose que les intérêts de chacun soient défendus.

L'équité se définie comme « une qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû par référence aux principes de la justice naturelle »174. Un achat « juste », au regard des règles commerciales doit donc être un achat profitant aussi bien au vendeur, qu'à l'acheteur. Aussi encourager le développement durable ne doit pas se faire au détriment de l'acheteur public, au risque de ne plus être équitable.

L'efficacité et l'efficience de l'achat public dépendent de la compatibilité entre les mesures encourageant l'achat durable avec le principe de libre concurrence qui prend la forme des principes d'égalité de traitement, de libre accès à la commande publique et de transparence. Ces principes sont en effet au service de l'efficacité et de la bonne utilisation des deniers publics175.

La notion d'équité vise donc à réconcilier efficacité et durabilité de l'achat public. Autrement dit, un achat sera équitable s'il encourage certains modes de production afin de contribuer à des changements sociaux, économiques et environnementaux, tout en restant dans une logique d'efficacité intrinsèque de l'achat public176. Cette volonté de justice voulue par l'Etat doit être incarnée par un achat équitable.

L'opposition de principe entre durabilité et efficacité. Cependant, au premier abord, il semble inconcevable de favoriser certains types d'achat et donc certains

173 M. SERRES, « Le contrat naturel », coll. Champs, Flammarion 1990.

174 Larousse.fr.

175 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, Art. 1er.

176 P. DURAN, Penser l'action publique, coll. Droit et société, LGDJ, 1999.

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producteurs, tout en conservant une concurrence effective et efficace prérequis d'un achat public performant177. Sous l'empire du Code de 2001 et avant toutes les évolutions que l'on a listé plus haut, le juge constitutionnel avait d'ailleurs eu à connaître une disposition de la loi MURCEF visant à réserver certains marchés pouvant être exécutées par des « sociétés coopératives et des associations visant à promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à lutter contre le chômage ou à protéger l'environnement »178. A cette occasion les sages ont explicitement opposé ces considérations d'intérêt général aux principes d'efficacité de la commande publique et d'égalité de traitement des candidats. Les juges ont en effet rappelé la nécessité de concilier ces « préoccupations sociales » avec les principes précités, au risque dans le cas contraire de légitimer une instrumentalisation de l'achat public (B).

B. Le péril de l'instrumentalisation de l'achat public : un risque pour l'efficacité

Instrumentalisation et contre-performance. Sans donner ici les outils juridiques et économiques au service de la performance permettant de trouver un équilibre entre efficacité et développement durable, il est essentiel de préciser en amont à quoi correspond ce compromis fondamental, en particulier depuis la directive européenne de 2014 relative aux marchés publics.

Le risque principal de la poursuite de ces « objectifs secondaires » 179 par la commande publique est une instrumentalisation de cette dernière. Autrement dit, jusqu'à un certain point des bienfaits en termes d'efficacité de la commande publique sont effectivement permis par l'achat public responsable. L'effet performant de la prise en compte d'exigences environnementales ou sociales s'arrête, au moment où l'instrumentalisation commence.

L'occasion manquée de préciser les objectifs globaux de la commande publique. Au regard de l'intégration de plus en plus forte des objectifs environnementaux et sociaux au sein du droit des marchés publics tant à l'échelon européen que national, il aurait pu être

177 G. CANTILLON, « Achat public équitable, concurrence pour le marché et concurrence dans le marché », art. préc.

178 Cons. Const., 6 décembre 2001, n° 2001-452 DC, L. portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

179 M. KARPENSCHIF, « Le contrat au service des politiques publiques : «Contrat public et Union européenne« », art. préc.

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bienvenu pour le législateur national de préciser au sein des nouveaux textes la promotion d'objectifs non économiques.

L'article 1er du Code des marchés publics a été repris par la récente ordonnance en rappelant que l'objectif de la commande publique est avant tout économique puisque les principes fondamentaux qui la gouverne « permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »180 L'achat public est un acte avant tout économique ayant pour objet de répondre aux besoins des pouvoirs adjudicateurs et c'est sans doute pour ne pas perdre de vue cet objectif principal, qu'il fut décidé de ne pas inclure d'autres objectifs moins économiques, au sein de cette déclaration d'intention introduisant le nouveau texte.

Pourtant symboliquement, il aurait été approprié de les inclure pour être conforme à la vision du développement durable décrite par l'article 6 de la charte de l'environnement qui suppose une conciliation entre les préoccupations environnementales, économiques Ð telle que la bonne utilisation des deniers publics Ð et sociales181.

Il reste que, même sans que ce compromis soit explicitement mentionné au sein des principes régissant la commande publique, c'est bien cet équilibre entre efficacité de l'achat public et prise en compte du développement durable qui doit être recherché et il revient au juge administratif de parvenir à cette « amiable composition »182.

La prise en compte accrue du développement durable par l'ordonnance du 23 juillet 2015. La nouvelle directive relative aux marchés publics laisse aux Etats membres le soin de rendre ces objectifs de développement durable obligatoires ou facultatifs. Concernant la « définition préalable des besoins », le Code des marchés publics indiquait déjà qu'elle devait prendre en compte « des objectifs de développement durable »183. L'ordonnance de 2015, tout en conservant cette formulation, précise qu'il s'agit « d'objectifs de développement durable dans leurs dimensions économiques, sociales et environnementales. »184

De plus l'ordonnance permet de réserver des marchés à des opérateurs qui poursuivent des objectifs sociaux différents : ceux qui emploient des travailleurs « handicapés »185 et

180 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, Art 1er ; CMP 2006, art. 1er.

181 G. CARCASSONNE, La Constitution introduite et commentée, coll. Essai, Points, 2e éd., 2011 p. 444.

182 Comme cela se dit du produit d'un arbitrage.

183 CMP 2006, art 5.

184 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 30.

185 Ibid. Art. 36, I

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ceux employant des personnes défavorisées186. Il s'agit d'une nouveauté, puisqu'auparavant seules les entreprises employant des travailleurs handicapés pouvait être protégées187. De même, des marchés ou des lots d'un marché peuvent être réservés aux entreprises de l'économie sociale et solidaire188. C'est une autre nouveauté de l'ordonnance par rapport au Code des marchés publics.

Finalement, cette ordonnance élargit également la faculté pour les acheteurs d'insérer des considérations sociales ou environnementales dans les critères d'attribution ou les clauses de leurs marchés. Aussi l'insertion de conditions d'exécution relatives « à l'environnement, au domaine social ou à l'emploi »189, supportées par d'éventuels critères d'attribution permettant la sélection du titulaire d'un marché public190, est confortée par l'ordonnance, même si cette possibilité n'est pas explicitement rappelée en ce qui concerne les critères d'attribution191 et que la jurisprudence considère qu'un acheteur public n'est jamais tenu de retenir des critères d'attribution environnementaux ou sociaux192. Cette prudence vis-à-vis de la prise en compte de ces préoccupations au stade de la sélection est complétée par d'autres limitations.

La limitation de cette prise en compte. Les conditions d'exécution prenant en compte de tels objectifs doivent néanmoins être liées à l'objet du marché193. Cependant, dans le même temps, « sont réputées liées à l'objet du marché public les conditions d'exécution qui se rapportent aux travaux, fournitures ou services à fournir en application du marché public, à quelque égard que ce soit et à n'importe quel stade de leur cycle de vie »194. Il s'agit donc d'une transposition conforme à la nouvelle directive élargissant les possibilités pour les pouvoirs adjudicateurs de prendre en compte des considérations sociales ou environnementales.

Critique de la poursuite de tels objectifs secondaires. La nécessité d'une conciliation de ces nouveaux objectifs et l'efficacité de la commande publique ne transparait pas réellement du texte. Aussi le principe de neutralité de la commande publique est en train

186 Ibid. Art. 36, II

187 CMP 2006, art. 15.

188 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 37.

189 Ibid., art. 38.

190 P. BOURDON, « L'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : premier acte de la rationalisation du droit de la commande publique », RDI 2016 p. 8.

191 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 52.

192 CE, 23 nov. 2011, Communauté d'agglomération de Nice-Côte d'Azur, n° 351570.

193 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 38-I al. 1er.

194 Ibid., art. 38, al. 2

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d'être de plus en plus atteint. D'aucuns le justifient et s'en félicitent, considérant ce principe comme excessif, globalement contre-performant et risquant de rentrer en conflit avec les principes de développement durable195.

Une incompatibilité continue d'être dénoncée par d'autres, comme les économistes J. Tirole et S. Saussier qui considèrent que « charger la commande publique d'atteindre des objectifs sociaux, environnementaux ou d'innovation est inefficace. »196, ceci pour trois raisons selon eux.

D'abord, car cela va uniquement contribuer à une répartition différente du marché. Les entreprise peu polluantes ou solidaires vont faire des marchés publics leur spécialité, tandis que les entreprises restantes ne tenteront pas d'améliorer leurs pratiques mais iront à la conquête des autres marchés.

Ensuite, une politique publiques, selon les deux professeurs, doit être « uniforme et globale »197 pour pouvoir venir à bout de la « défaillance de marché »198 visée. Utiliser de multiples outils, très éloignés les uns des autres comme la taxe, les subventions ou l'achat public nuit fortement à la conduite de la politique public de développement durable. En outre, mesurer si de tels objectifs ont été atteints est difficile. De la même façon, le calcul du gain environnemental ou social hypothétique, lors de la sélection des offres ne se vérifiera pas nécessairement au cours de l'exécution. Par ailleurs, l'ajout de ces exigences va augmenter la différenciation entre les opérateurs, nuisant à une concurrence intense entre elles.

L'ajout de ces critères, difficilement vérifiable augmente le risque de favoritisme qui outre le risque pénal, nuit nécessairement à l'efficacité de l'achat, en étant la pire transgression aux principes fondamentaux, par exemple en mettant « une pondération importante sur le contenu en emploi local. »199 En résumé, « Faire reposer l'atteinte de ces objectifs sur la commande publique, sous prétexte que la puissance publique doit être exemplaire, constitue »200 selon certains « au mieux une solution de deuxième ordre, au pire une solution coûteuse qui ne permet pas de s'approcher des objectifs visés. »201

195 N. PORTE, « Vers l'abandon du principe de neutralité de la commande publique ? », RDP 2014, n°5, p.

1249.

196 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », Notes du conseil d'analyse économique, 2015/3 (n° 22).

197 Ibid.

198 Ibid.

199 Ibid.

200 Ibid.

201 Ibid.

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Le compromis de l'achat équitable. Certes, une clause d'insertion sociale ou environnementale peut en effet exclure certaines entreprises candidates de l'appel d'offres et réduire ainsi la concurrence, ce qui serait bien sûr contre productif. Néanmoins, cela risque davantage de se produire si les clauses environnementales ou sociales sont des critères d'attribution, que s'il s'agit de conditions d'exécution202. D'ailleurs cela avait été au départ, le choix privilégié par le législateur et c'est aujourd'hui ce que préconise aussi bien la mission d'information sénatoriale qui a rendu son rapport en 2015, que le rapport de M. Buat au nom de la CCI d'île de France en 2014203. Il suffira ensuite de vérifier que de telles conditions ne soient pas inaccessibles pour le titulaire. Même si un équilibre doit être trouvé, les préjugés à l'égard de la commande publique durable sont encore nombreux, alors qu'il suffirait d'éviter de généraliser les effets de ces exigences de développement durable au sein du droit de la commande publique204. Dans l'attente de trouver ce compromis, il faut recommander de la modération dans le choix de la pondération de ces critères d'attribution, afin de ne pas noter la politique sociale et environnementale, mais bien se contenter d'évaluer une offre205. Enfin, les critères sociaux et environnementaux ne doivent pas être mis sur le même plan.

La performance de l'achat public est une notion juridique à en devenir et qui devra rendre compte de deux enjeux majeurs. La globalité de ses objets, ainsi que son inscription au sein du secteur public réticent originellement à toute idée de performance, devront être pris en compte au moment de déterminer le contenu d'une éventuelle obligation de performance, qu'il s'agit maintenant de rechercher (Chapitre 2).

202 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, p. 71.

203 A. BUAT, Pour un management performant des marchés publics, CCI Paris, 2014.

204 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », art. préc.

205 N. BOULOUIS, « Le contrat public au service des politiques de développement durable : limites et perspectives », art. préc.

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Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de performance
de l'achat public

Plan. L'obligation de performance n'est pas explicitement présente en droit positif. Cependant, de nombreux éléments juridiques semblent implicitement faire état d'une telle exigence de performance (Section 1). Pour qu'une telle obligation puisse un jour exister, il faut dès maintenant en définir ces contours et s'interroger sur son bien-fondé, son utilité et ses inconvénients (Section 2).

Section 1. Les fondements juridiques utiles à l'émergence d'une obligation de performance

Plan. Si l'évolution des finances publiques vers une logique de performance semble être le fondement principal à cette nouvelle exigence pour les marchés publics (I). Cette dernière peut et doit désormais prendre appui sur la législation spécifique aux marchés publics, guidée par la garantie de libre concurrence (II).

I. L'origine financière de l'exigence de performance au service de sa

reconnaissance juridique

Plan. La LOLF marque un changement de paradigme dans la gestion publique. Aussi la mise en place progressive d'une logique de performance par une loi organique peut être vu comme la première traduction juridique de la notion de performance qui est avant tout économique et managériale (A). La commande publique va être profondément marquée par ce changement de vision (B).

A. La LOLF ou l'apparition d'une logique juridique de performance

L'impérative rationalisation des dépenses publiques. A partir de la première guerre mondiale, l'Etat va changer radicalement de rôle et devenir de plus en plus interventionniste. On parlera d'Etat providence. Il est alors amené à intervenir de plus en plus car les progrès techniques appellent une correction d'un certain nombre d'inégalités. L'Etat se fait d'abord le

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bienfaiteur de l'éducation en devenant le principal éducateur, puis il fait sien le domaine social. L'Etat va peu à peu intervenir dans tous les domaines de l'économie. Enfin la dépense publique qui est utilisée pour l'ensemble de ces interventions ne peut jamais véritablement baisser, puisque le progrès économique est conditionné par elle selon la « loi Wagner », théorisée dès le 19ème siècle206. L'accroissement de la dépense publique est donc avéré et est quasi-continu depuis la Première Guerre Mondiale.

Il intervient de manière tant structurelle que conjoncturelle, si bien que l'Etat agit également pour corriger les crises économiques. Les crises pétrolières de 1973 et 1979 ont obligé l'Etat à intervenir massivement dans l'économie afin de soutenir l'emploi et d'indemniser le chômage. La croissance économique ralentie et avec elle les recettes fiscales sensées financer la dette publique, qui finit donc par fortement augmenter, au même titre que les taux d'intérêt de celle-ci. Les néo-libéraux tel que Thatcher et Reagan ont ensuite imposé de baisser les impôts et la dépense publique pour sortir de la crise et combattre des déficits publics récurrents. Cette méthode vient mettre un terme aux politiques dites keynésiennes qui sont de moins en moins efficaces.

Parallèlement à cette situation financière et budgétaire tendue ont assiste à une augmentation des attentes des administrés vis-à-vis de l'Etat et des services publics. De même l'avènement de l'Union économique et monétaire a contraint les Etats membres à réduire leurs déficits et à rationaliser l'utilisation des deniers publics207. Finalement, c'est donc bien la gestion des services publics qui est mise en cause. Un certain nombre d'outil vont progressivement apparaître toujours dans le but de rationaliser la dépense publique au niveau national. Le premier de ces outils sera la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001208.

La perception de l'économie dans les finances publiques ayant évoluée, les lois de finances ne peuvent déterminer à elles seules un équilibre économique globale. Au contraire, elles doivent en tenir compte. C'est un changement important et maintenant quand on lit l'article 1er de la LOLF on peut voir que « les lois de finances tiennent compte d'un équilibre économique définit ».

206 A. WAGNER, Les fondements de l'économie politique, coll. Science Social, Hachette Livre BNF, 1904

207 R. (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ; R. (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

208 L. organique, n° 2001-692 du 1er août 2001, relative aux lois de finances.

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La logique de performance. Cette nouvelle constitution budgétaire, véritable « miracle politique »209 a instauré une nouvelle logique, celle de la performance. Le but recherché est d'obliger ainsi l'administration à se demander si l'argent dépensé l'a été utilement. Auparavant les lois de finances étaient votées sous l'empire d'une ordonnance de 1959210. Or celle-ci est en partie responsable de la situation de surendettement actuelle. Aucune évaluation des dépenses, ni justifications n'était exigée, puisque 95% du budget (les services votés) était automatiquement revoté pour l'année suivante, sans véritable discussion, remise en cause ou critiques.

La démarche de performance va changer radicalement cette façon de faire puisque désormais une justification des dépenses est imposée. Les crédits donnés aux administrations sont accompagnés d'indicateurs de performance. La logique de moyen consistait en effet à ne s'intéresser qu'au montant des crédits alloués, alors que la logique de résultat est inspirée de l'entreprise privée et prend en considération les objectifs à atteindre. Avec la logique de résultat, si l'objectif n'est pas atteint cela signifie que la politique mise en place est mauvaise, que le financement est mauvais, etc. Il faut raisonner en terme de politique publique et non de ministère, ce qui entraîne d'ailleurs une rénovation de la forme du budget, puisque les autorisations budgétaires sont désormais accolées à une politique publique et ne sont donc plus strictement réparties de façon organique, selon les ministères211.

L'efficacité de la dépense devient donc centrale et cette préoccupation possède un fondement juridique. L'efficacité de la gestion a fait l'objet d'une mise en forme juridique, remettant en cause le système financier originel qui semblait pourtant très bien établi. L'ensemble des administrations ont dû alors adopter de nouvelles méthodes de gestion pour permettre à cette « culture de la performance »212 de s'imposer. Plus précisément, les gestionnaires des administrations ont dû s'atteler à mettre au point une stratégie budgétaire. Ce changement est laborieux, mais la modernisation était pourtant indispensable, à tous les niveaux et dans toutes les fonctions de l'Etat, à commencer par sa fonction achat.

Les valeurs communes de l'achat public et de la performance financière. La performance au sens de la LOLF « n'a pas pour but de définir le niveau des moyens en

209 P. SUET, « Après la réforme de la LOLF. Un nouveau partage des responsabilités », RFFP 2003, n°82, p. 53.

210 Ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

211 C. WALINE, P. DESROUSSEAUX, S. GODEFROY, Le budget de l'Etat, Doc. fr., 2012, p. 177.

212 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, 10ème éd., coll. Manuel, LGDJ, 2010, p. 32.

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fonction des objectifs et des résultats attendus ou réalisés mais, pour un niveau de moyens donné, d'optimiser les résultats : elle doit permettre, sous contrainte budgétaire, d'apprécier et d'améliorer l'efficacité de la dépense publique et celle de la gestion des responsables de programmes et d'évaluer la pertinence des actions financées »213. Chercher à optimiser l'achat public en tant qu'il est source de dépenses publiques, dans un contexte budgétaire tendu, s'inscrit donc dans le prolongement direct de la rénovation de la logique budgétaire voulue par la LOLF.

D'ailleurs, c'est également en 2001 que le premier Code des marchés publics « eurocompatible » fait son apparition. On peut y lire pour la première fois que « l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. »214. Cette mention de l'efficacité et de la préservation des deniers publics, au moment de transposer la directive européenne, et alors que cette dernière n'en fait aucune fois mention, ne peut être une simple coïncidence. Il s'agissait d'un décret215 préparé par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, simultanément à l'élaboration de la LOLF, en discussion au Parlement, sous le contrôle de ce même ministère.

Les procédures de mise en concurrence et de publicité ont alors trouvées, du même coup, une justification autre que seulement la « libre concurrence » ou l'achèvement du marché intérieur. De plus cela s'inscrivait pleinement dans le nouveau rôle de gendarme budgétaire que l'Europe se construit depuis le Traité de Maastricht de 1992. Mais surtout, cette nouvelle justification avait l'immense avantage d'être purement française et en lien avec la nouvelle vision propagée par la LOLF. Jusqu'aux directives de 2014216, cette idée n'était que secondaire pour l'Union Européenne. Il s'agissait seulement pour cette dernière d'une sorte d'effet collatéral bienvenu, rien de plus.

213 H. BIED-CHARRETON, « La démarche de performance dans le cadre des lois de finances », Les notes bleues de Bercy, 10 mars 2006, n° 304.

214 CMP 2001, art. 1er.

215 D. n° 2001-210, 7 mars 2001, portant code des marchés publics.

216 Par exemple la préservation des deniers publics est mise en avant aux considérants 63 (à propos des systèmes d'acquisition dynamique) et 47 (à propos de l'encouragement pour l'innovation). De même, le rapport coût/efficacité est mis en avant à de nombreuse reprise afin de décrire à quoi correspond une offre économiquement avantageuse.

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Enfin la LOLF « reprend à son compte un certain vocabulaire contractuel (responsabilisation sur des objectifs et des engagements négociés, autonomie dans la gestion des moyens, évaluation de la performance au moyen d'indicateur) »217

Cette nouvelle justification de la soumission des personnes publiques aux procédures de mise en concurrence et de publicité devient de fait utile pour légitimer une application de cette logique de performance à l'achat public (B).

B. L'application de la logique de performance à l'achat public

La performance de l'achat public : une véritable politique publique. « Le droit des marchés publics a eu pour ambition dès ses origines de constituer un régime juridique devant assurer la conclusion du meilleur contrat. Il s'agissait d'imposer à une administration prodigue des obligations garantissant une utilisation parcimonieuse des deniers publics. »218 Les finances publiques sont donc en grande partie la première légitimation d'un droit contractuel particulier appliqué à l'achat.

De plus, la « culture de gestion » a fait une entrée remarquée au sein de l'Administration, puisqu'elle s'est heurtée à de nombreux obstacles. La logique « coût-efficacité », importée du secteur privé, était pour certains esprits corporatistes radicalement incompatibles avec le service public. Néanmoins, la LOLF pleinement en vigueur depuis 2006, puis la RGPP de 2007 et finalement la nouvelle MAP de 2013 ont tout de même aidé à inscrire cette nouvelle méthode de gouvernance dans les esprits219.

Or au sein de ces différentes politiques de modernisation, l'achat public s'est toujours trouvé en bonne place, comme lorsque le Conseil de modernisation des politiques publiques a fixé comme objectif en 2007 de réduire le coût des achats de l'Etat220. La première finalité est le moindre coût pour les finances publiques. Ainsi, comme on avait déjà eu l'occasion de le relever brièvement, la performance de l'achat public devient elle même une politique publique dont l'efficacité doit être recherchée.

Il faut donc s'intéresser à « la performance de la performance » en matière d'achat public. Le droit de l'achat public doit donc être revu à l'aune de cet objectif, car c'est ainsi que cette fonction abandonnera une culture purement administrative, pour s'adapter à la

217 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2009, p. 45.

218 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA, 2009, p.1696.

219 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 123.

220 Conseil de la modernisation des politiques publiques, 12 décembre 2007.

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« culture de marché » dont parle Stéphane Braconnier dans son manuel de droit public de l'économie. Cette nouvelle logique anime désormais, qu'on le veuille ou non de plus en plus l'action publique221, et ce d'autant plus depuis les crises financières et bancaires de 2008 et 2010 qui ont fait apparaître la vulnérabilité des « dettes souveraines »222.

Une situation financière préoccupante au service d'une rénovation de l'achat public. Comme l'écrivait Gaston Jèze, « la plupart des grandes réformes politiques ou sociales ont eu des causes financières »223. De même, Léon Duguit rendait lui aussi plus précisément l'économie responsable des évolutions juridiques puisqu'il considérait que « le droit évolue avant tout sous l'action des besoins économiques (É) l'objet même des obligations de l'Etat et le sens de son action se trouvent déterminés par la situation économique du pays et les besoins de ses habitants »224. Ainsi tant politiquement que juridiquement, la situation financière a poussé au changement. Les contrats vont être les premiers impactés, avec notamment des montages au service du financement privé d'équipement et d'infrastructures, tels que les contrats de partenariats225.

Il devient essentiel de mesurer l'efficacité de l'achat public afin d'en tirer toutes les conséquences pour le fonctionnement des administrations et les règles de l'achat public. De nécessaires économies pourraient en effet être faites, comme le signale fort justement Jean-Arthur Pinçon, dans son livre « Le gâchis »226, qui dénonce une politique des achats publics qui coûterait 30 milliards d'euros par an aux contribuables : « On peut estimer que sur ces 300 milliards (somme consacrée aux achats publics consacrés à l'acquisition de biens et de services), 10 %, au minimum, sont gaspillés. 30 milliards partent donc en fumée chaque année (É), c'est tout simplement l'équivalent de la recette liée à l'impôt sur le revenu. »227

Maintenant que politiquement cette volonté est belle et bien affirmée à travers le SAE et désormais le DAE228, au sein du ministère de l'économie et des finances, l'importance des sommes en jeu laisse ainsi présager des changements juridiques.

221 M. BOUVIER, Les finances locales, LGDJ, coll. Systèmes, 11e éd. 2006, p.15.

222 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie, Op. cit., p. 48.

223 G. JÈZE, Cours de finances publiques, Giard, 1925-1931.

224 L. DUGUIT, « Les transformations du droit public », La mémoire du droit, 1999, p. 50 et 51

225 Ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariats.

226 V. J.-A. PINÇON, Le gâchis. 30 milliards d'euros perdus par an dans les Achats Publics, l'Harmattan, 2015.

227 JDE Edition Loire-Atlantique, 4 septembre 2015.

228 D. n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de l'Etat

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L'évolution du droit des finances publiques à l'appui du plaidoyer pour l'évolution du droit des marchés publics. Les principes directeurs qui ont régis la réforme du système financier sont similaires à ceux qui doivent aujourd'hui mener l'évolution de ce qu'on pourrait appeler le « système acheteur ». Comme il était admis que « l'essence des finances (était) l'ordre »229, « les responsables de la passation des marchés ont tendance à se focaliser sur le respect de la règle, parfois aux dépens de la rationalité économique »230. Comme ce fut autrefois le cas pour le droit public financier, le droit de la commande publique se trouve confronté à « l'urgence de modifier les dispositifs existants en vue de mieux les adapter »231.

Cependant, l'expérience des évolutions juridiques qui ont concerné les finances publiques doit également nous guider dans la théorisation des réformes futures qui sont aujourd'hui nécessaires pour le droit de l'achat public. Dès lors, si le droit doit être réadapté et prendre en compte des impératifs de gestion, il ne faut pas que le corpus juridique applicable aux acheteurs soit remis en cause par une conception gestionnaire. « L'absence de prise en compte », par la « conception juridique », de la « conception gestionnaire » du contrôle des deniers publics était la cause en finances publiques d'un grave manque de pertinence232. Cette ignorance mutuelle de la gestion et du droit est d'ailleurs dénoncée par le professeur Linditch au sujet du droit des marchés publics, puisqu'il considère que si la notion de performance « occupe aujourd'hui une place prépondérante elle le doit davantage aux praticiens, au management de la commande publique qu'au droit lui-même. »233.

Il vient que concernant l'achat public, il faut parvenir, comme pour les finances publiques à « concilier la recherche de l'efficacité de gestion et celle du respect de règles juridiques »234. La correspondance de cette recommandation financière avec celle qui fut faite par Laurent Richer est troublante. Ce dernier considère en effet la contrainte réglementaire comme l'éternel adversaire du « meilleur achat public »235. De même Florian Linditch admet que « le droit de la commande publique produit de la non performance »236. C'était également le cas du « droit public financier qui, il est vrai, a souvent pu être ressenti comme un frein à la dynamique gestionnaire, notamment en raison des contrôles de régularité qu'il

229 L. SAY, Nouveau Dictionnaire d'économie politique, BNF Gallica, 1894.

230 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., p. 329.

231 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 27.

232 Ibid., p. 30

233 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

234 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 30.

235 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., p. 329.

236 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

impose ; d'où l'image passéiste voir archaïque qui lui a été volontiers accolée, à l'inverse de la logique de la gestion privée, ressentie comme une voie innovante, celle de la modernité »237. La LOLF a dans ce contexte a été salvatrice, en donnant au nouvel engouement pour la logique de performance, un cadre juridique adapté.

Ce nouveau droit financier qui a donné une assise à la nouvelle gestion publique a donc dû se transformer, mais au même titre que le droit des marchés publics, c'est bien au sein de la « nébuleuse du droit économique et des nouvelles régulations que ce droit prend maintenant place »238. Droit et finance, au même titre que les services publics sont donc devenus « des objets fondamentalement économique »239. Aussi le droit des marchés publics doit il devenir économiquement compatible à travers la prise en compte d'une obligation de performance, qui suppose de profondes modifications.

Finalement, il semble essentiel pour l'achat public de se doter d'une « Constitution de l'achat public », c'est-à-dire d'un cadre juridique susceptible non seulement de prendre en compte mais aussi parfois de permettre les évolutions de l'achat voulues par la pratique. Or ce cadre doit nécessairement être intégré au corpus juridique existant. C'est ainsi que les principes fondamentaux traduisent la nouvelle vision économique qu'il faut avoir de la commande publique (II).

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237 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 36.

238 Ibid.

239 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie, Op. cit., p. 48.

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II. L'impératif de performance inhérent aux principes fondamentaux de la commande publique

Plan. Le développement du droit de la concurrence, avec l'extension du respect du principe de libre concurrence aux personnes publiques a justifié un rapprochement entre les principes fondamentaux de la commande publique et l'exigence d'efficacité de la commande publique (A), cependant cette formalisation de la performance de l'achat public n'a pas pour autant été permise (B).

A. Les prémisses d'une formalisation juridique de la performance par la soumission des personnes publiques au droit de la concurrence

La libre concurrence au service de l'efficacité économique. La concurrence se justifie par l'efficacité économique qu'elle permet, puisqu'elle lutte « contre le pouvoir de monopole ou de marché, c'est-à-dire la capacité dont dispose une entreprise ou un groupe d'entreprises contrôlant une part relativement importante du marché, d'induire une hausse des prix en réduisant les quantités offertes et en obligeant ainsi les consommateurs à se détourner vers d'autres biens, au risque de gaspiller des ressources économiques rares. »240

« La libre concurrence n'est pas une fin en soi, c'est un moyen d'atteindre une fin donnée. »241 De manière générale, Montesquieu résumait que « c'est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui établit les vrais rapports entre elles. »242. L'utilité de cette notion est de faire ressortir le bon sens économique des rapports commerciaux, de façon à ce que ceux-ci soient le plus équitables possibles. Il faut s'efforcer de dompter la compétition inhérente au marché car c'est précisément une compétition commerciale « saine » qui permet d'obtenir les meilleurs produits et services aux meilleurs prix. Une concurrence librement exercée, qui s'oppose à une compétition commerciale déloyale, a donc pour objectif premier de dompter la mondialisation en permettant l'efficacité économique. Or la garantie d'une concurrence « loyale » est permise par le droit de la concurrence.

La libre concurrence s'est progressivement imposée, puisque les acteurs économiques « au lieu de se livrer à une lutte acharnée » finissent souvent par se rapprocher et s'entendre.

240 L. VOGEL, Traité de droit commercial, M. GERMAIN (dir.), LGDJ, 2001, 18e éd., p. 561-562.

241 N. KROES, « La libre concurrence n'est pas une fin en soi... », Revue des droits de la concurrence, n° 3, 2007.

242 MONTESQUIEU, « De l'esprit des lois », GF Flammarion, 1993.

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Il en résulte une restriction, voir une suppression de toute concurrence qui est fortement préjudiciable pour l'économie.243 D'où un encadrement de la concurrence qui s'impose. Ainsi le droit de la concurrence se justifie par l'imperfection du marché244.

La libre concurrence signifie que les opérateurs économiques sont donc libres d'exercer leur activité économique de production, de vente ou de consommation et l'Etat ne fait que réguler le marché. Grâce à la rivalité entre les personnes, qui est garantie par le droit de la concurrence, on souhaite que le prix d'une marchandise soit continuellement en train de « «graviter« autour de son prix «naturel«, c'est-à-dire son coût de production. » 245 Autrement dit, la garantie d'une libre concurrence est efficace car elle permet le meilleur prix.

Le droit de la concurrence appliqué à l'achat public. Depuis longtemps maintenant, le droit de la concurrence s'applique en Droit public246, ainsi qu'en matière de marchés publics247. Ces règles de concurrence sont complétées par les règles de mise en concurrence développées au sein des directives. D'une part, le droit de la concurrence protège l'acheteur public face aux risques d'ententes ou d'abus de position dominante. Il est mis en oeuvre par l'Autorité de la concurrence. Mais d'autre part, le juge administratif contraint l'acheteur public. L'Union Européenne a en effet depuis longtemps identifié la nécessité pour la commande publique d'être encadrée, afin de réaliser le marché intérieur. Les directives Travaux de 1971 et Fournitures de 1976 248 , faisaient suite aux deux directives « libéralisation » de 1969 et 1971, qui mirent théoriquement fin à la préférence nationale en matière de marché fournitures et de travaux. Puis sous l'impulsion de Jacques Delors, une coercition fut mise en place pour garantir l'application de procédures de mise en concurrence, l'absence de sanction ayant effectivement ruiné toute chance de survie des directives précédentes. Ces directives font suite à la remise d'un Livre blanc qui avait identifié l'ouverture à la concurrence européenne des marchés publics comme une nécessité pour mettre en oeuvre le marché unique souhaité par le Président de la Commission Jacques

243 M. PEDAMON, Droit commercial, commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrats du commerce, Dalloz, 1994, p. 399.

244 A. et G. DECOCQ, Droit de la concurrence. Droit interne et de l'Union européenne, 3 éd., LGDJ, 2008, p.9.

245 M. GLAIS, « Les fondements d'une politique de la concurrence », in Concurrence et régulation des marchés, Cahier français, n° 313, 2003, p. 20.

246 CE, 3 nov. 1997, Société Millions et Marais, n° 169907.

247 CE, 8 nov. 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, n° 222208.

248 V. en ce sens : C. BRECHON, « l'échec des directives Travaux et Fournitures de 1971 et 1976 », RFDA 1989, p. 8.

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Delors249. Finalement l'Acte unique Européen est signé en 1987 et donne un cadre juridique au développement des prochaines directives relatives aux marchés publics250.

L'objet du droit de la mise en concurrence. Le droit de la concurrence a normalement pour objet de faire adopter aux entreprises « un comportement concurrentiel afin de maintenir les structures et assurer un meilleur fonctionnement des mécanismes du marché. »251 A cet égard, il est important de garantir, par l'application des règles, une autonomie dans la détermination du comportement que l'opérateur doit avoir, notamment au regard du choix de ses offres, de ses ventes et de ses achats252. Le droit de la mise en concurrence semble être quant à lui le complément nécessaire du droit de la concurrence, puisqu'il a pour objet de garantir le libre accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence tant lors de la passation, que de l'exécution.

Les personnes publiques sont théoriquement soumises autant que les personnes privées à ce principe de libre concurrence. Pourtant paradoxalement les directives européennes et leurs transpositions successives en droit français ne semblent pas permettre une véritable liberté pour les personnes publiques. Un ensemble de règles contraignantes vient encadrer leurs achats, car les personnes publiques sont susceptibles de faire des choix non-économiques. Celles-ci peuvent en effet décider, selon le postulat du droit européen, de mettre en oeuvre un protectionnisme économique à l'égard des entreprises nationales ou même locales lors de leurs achats. C'est d'ailleurs ce qu'a pu juger la CJCE, qui a effectivement considéré que la « finalité du droit communautaire des marchés publics était d'éviter qu'un « organisme financé ou contrôlé par l'Etat, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public se laissent guider par des considérations autres qu'économiques. »253 La concurrence est alors davantage vue comme un modèle économique

249 Commission européenne, Livre Blanc sur l'achèvement du marché intérieur, COM(1985) 310 final, 1985,

Bruxelles.

250 Pour plus de détail sur l'évolution des directives européennes jusqu'au dernière directives de 2014 : V. L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., pp. 323-324.

251 C. BOUTAYEB, Droit matériel de l'Union européenne, LGDJ, coll. Lextenso éditions, 3e éd., 2014, p. 208.

252 Idem.

253 CJCE, 12 déc. 2002, Universal Bau AG, aff. C-470/99, Rec. p. I-11617, point 52 et 3 oct. 2000, University of Cambridge, aff. C-380/98, Rec. I p. 8035, point 16 ; CJCE, 1er févr. 2001, Commission c/ France, aff. C-237/99, Rec. I p. 939, point 41.

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et social254 et la libre concurrence, comme un principe d'organisation permettant de le réaliser. Ce principe de libre concurrence servant de fondement à un ensemble normatif255.

Ces contraintes sont donc spécifiques aux marchés publics. Des procédures « complexes, plus longues et plus onéreuses » sont imposées aux acheteurs publics, faisant naître un risque contentieux élevé, absent en droit privé256. L'existence de ce risque explique que l'impératif de sécurité juridique des marchés publics ait pris le pas sur celui de l'efficacité, paradoxalement à l'objet premier du droit de la concurrence.

Les traces d'une exigence de performance fondées sur la libre concurrence en droit national. Comme cela a déjà pu être souligné, l'ordonnance du 23 juillet 2015 fait valoir que « les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »257. L'ordonnance reprend ainsi sur ce point le Code des marchés publics de 2006. Sous l'empire du Code de 2001, l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics étaient « assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. »258

La définition préalable des besoins et la recherche de l'offre économiquement la plus avantageuse sont des conditions indispensables pour assurer la performance de l'achat public car « La dépense publique efficace est celle qui maximise la contrepartie obtenue en réduisant autant que possible les charges administratives. » 259 Par suite, la mise en concurrence est supposée permettre une allocation optimale des ressources. Enfin il faut ajouter comme facteur de la performance de l'achat public la participation de la mise en place d'un achat durable260.

254 L. ZEVOUNOU, Le concept de concurrence en droit, Thèse de doctorat en droit, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2010, p. 11.

255 P. BONASSIES, «Les fondements du droit communautaire de la concurrence: la théorie de la concurrence moyen », in Mélanges en l'honneur de A. Weill, Dalloz-Litec, 1983, p.51-67.

256 B. NAYRAUD, L'optimisation de l'offre et la demande en Marchés publics, Mémoire Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2012, p. 28.

257 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 1er.

258 CMP 2001, art. 1er.

259 L. Richer, « la concurrence concurrencée : à propos de la directive 2014/24 du 26 février 2014 », Contrats et Marchés publics, n° 2, 2015.

260 L'absence de ce dernier outil a pu être critiquée plus haut.

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Mise en concurrence et rationalisation des dépenses publiques : une corrélation pas toujours évidente. Cependant, la libre concurrence au sens européen a toujours exclu toute considération financière, car comme le relevait déjà il y a presque 20 ans Philippe Terneyre, « on pourrait dire qu'en droit communautaire un marché public n'a pas pour objectif de faire en sorte, comme en France, que les finances publiques du «pouvoir adjudicateur« soient préservées, mais seulement d'obliger ce dernier à traiter, dans un environnement concurrentiel et de façon égale, des entreprises candidates, de toutes nationalités et de toutes tailles. »261 Les nouvelles directives font mention de cette exigence d'efficacité de la dépense publique262 afin de légitimer les règles de soutien aux PME, qui n'ont pas pour but de garantir le principe de libre concurrence. Le principe de bonne utilisation des deniers publics est ainsi détourné de son utilité d'origine par le droit européen.

Pourtant, les phénomènes parallèles de discipline budgétaire et de saisine du droit des contrats administratifs par le droit de la concurrence se rejoignent en droit français, au sein de l'article 1er de la nouvelle ordonnance. L'exigence de performance implicitement contenue dans cet article démontre surtout l'adéquation des principes de libre concurrence et de protection des deniers publics. L'efficacité économique est en effet l'objet du droit de la concurrence, mais est également le principal outil, d'une bonne utilisation des deniers publics.

Dès lors l'efficacité Ð et par voie de conséquence la performance Ð devrait être une notion sanctionnée juridiquement, avec une valeur normative propre et autonome. Il serait alors possible de considérer qu'il s'agit d'une notion juridiquement effective au-delà de son existence formelle au sein des principes directeurs de la commande publique (B).

B. La consécration du principe d'efficacité de l'achat public

Les traits communs de la performance et de la concurrence, une source d'inspiration. La trajectoire suivie par la notion de concurrence est source d'inspiration pour notre recherche d'identité juridique de la performance. La concurrence est en effet, avant tout, une notion économique. On parle en sciences économiques de « workable competition ». Cependant, cette notion a été conceptualisée juridiquement (« competition law ») et « le droit de la concurrence constitue (aujourd'hui) le vecteur le plus dynamique de pénétration

261 P. TERNEYRE, « L'influence du droit communautaire sur le droit des contrats administratifs », AJDA 1996, p.84.

262 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, Consid. 2.

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du Droit privé dans le champs de la commande publique »263. Or on a déjà mis en avant le fait que la performance de l'achat public, pour être effective, doit être conceptualisée juridiquement, mais que cela nécessite une approche moins dichotomique du droit.

Aussi, si l'on file la comparaison jusqu'au bout, on s'aperçoit que la libre concurrence en tant qu'impératif juridique, est parvenue à s'imposer aux marchés publics en passant par le haut de la pyramide des normes, à savoir le droit communautaire. Cependant, cette exigence n'était que peu effective au départ puisqu'aucune coercition n'étant encore permise. Actuellement la performance est face à une difficulté un peu différente qui nuit comme pour le droit de la mise en concurrence à son effectivité. Cette notion s'est en effet imposée par le bas en terme de hiérarchie juridique, n'étant accueillie que par la science administrative.

Néanmoins, sa proximité avec la nouvelle philosophie financière qui est quant à elle consacrée par une loi organique, ou son objet commun avec la libre concurrence, laisse penser que pour s'imposer la performance doit nécessairement être consacrée. La première étape vers la systématisation de la notion de performance semble aujourd'hui accomplie, mais la seconde partie fait encore et toujours défaut, la faute à une notion bien trop large et insaisissable.

La performance est théoriquement constitutionnellement garantie. Au regard de la décision du 26 juin 2003264, rendue par le Conseil Constitutionnel, il ressort que ce dernier considère les principes de bonne utilisation des deniers publics et d'efficacité de la commande publique comme étant des « exigences à valeur constitutionnelle » puisqu'il a jugé d'une part, que la loi qu'il avait à connaître « serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics »265. D'autre part, et plus spécifiquement, les sages rappellent que le gouvernement qui est habilité par cette loi à simplifier le droit par voie d'ordonnance, devra « respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle » et que doivent être inscrits au nombre de ces principes, ceux de la commande publique266. Or au sein de l'article 1er du Code l'efficacité de la commande publique est présente au même titre que la protection des deniers publics.

Cependant, l'objectif d'efficacité semble plus exactement procéder de l'impératif de

263 S. BRACONNIER, Précis du droit des marchés publics, le moniteur, 2e éd., 2009, p. 31.

264 Cons. Const., 26 juin 2003, n 2003-473 DC, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

265 Ibid. Consid. 18.

266 Ibid. Consid. 10.

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bonne utilisation des deniers publics et lui serait donc inférieur.

Enfin, il apparaît que dans la formulation de l'article 1er, ces différents principes doivent certes guider l'acheteur public lorsqu'il se situe en dessous des seuils de procédure formalisée267, comme le prévoit désormais l'article 42 de l'ordonnance268. Mais, ces principes fondamentaux ont aussi vocation à s'appliquer à l'ensemble des marchés passés par les acheteurs publics.

Les sages ont ainsi cherché à « protéger les intérêts patrimoniaux des personnes publiques et, plus encore, à éviter que l'intervention publique vienne fausser la concurrence sur le marché » et « c'est donc à l'aune de ces principes qu'il convient d'apprécier toute règle ou toute solution régissant la commande publique » 269, car comme le soulignait le commissaire du gouvernement Didier Casas « on doit (...) reconnaître à ces principes, qui constituent ensemble le droit commun de la commande publique, une valeur constitutionnelle. »270

Le Conseil Constitutionnel rattache ces exigences à l'article 14 de la DDHC qui fonde davantage la transparence des dépenses publiques, puisque celles-ci sont permises par l'argent du contribuable. Mais surtout, ce principe d'efficacité a pu également par la suite faire intervenir l'article 15 de cette même DDHC271. Or derrière cet article qui donne le droit « à la société de demander compte à tout Agent public de son administration », c'est un « point de responsabilités exercées sans responsabilité assumée », selon la formule de Guy Carcassonne272. Il faut responsabiliser l'Administration dans les dépenses qu'elle effectue. Aussi cet article fonde l'intervention des juridictions financières, mais fonde surtout l'exigence de « bonne administration ». La responsabilité dont il est question est en réalité démocratique. Toutefois, Carcassonne relève qu'un « exercice plus méthodique et déterminé » de cette responsabilité, sans tomber pour autant dans l'abus, permettrait de résoudre le problème d'endettement chronique du pays.

La véritable assise du principe de performance de l'achat public est donc trouvée, néanmoins cela ne suffit pas à une reconnaissance dudit principe et à une efficace répression de l'achat inefficace. Il apparaît donc comme étant nécessaire de donner à cette notion

267 25 000 € aujourd'hui, depuis D. n° 2015-1163 du 17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics.

268 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

269 G. ECKERT, « Réflexions sur l'évolution du droit des contrats publics », RFDA 2006, p.238.

270 Concl. D. CASAS sous l'arrêt CE, 23 févr. 2005, Association pour la transparence et la moralité des marchés publics et autres, n° 264712, RFDA 2005, p. 483.

271 Cons. Const., 24 juillet 2008, n° 2008-567 DC, Loi relative aux contrats de partenariat.

272 G. CARCASSONNE, La Constitution introduite et commentée, Points, coll. Essai, 2e éd., 2011, pp. 420-421.

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d'efficacité de la commande publique un contenu plus large, en théorisant une obligation de performance, ceci afin de parvenir un jour peut-être à son autonomie (Section 2)

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Section 2. La caractérisation d'une obligation de performance appliquée à l'achat public

Plan. L'objectif de performance doit être conceptualisé juridiquement afin que sa prise en compte soit la plus efficace possible. Cette obligation n'existe pas pour l'instant, pour autant elle apparaît dans le discours, dans les institutions, dans la science administrative et même dans les textes normatifs. Dès lors sa maîtrise devient une nécessité. Il faut donc s'attacher à être prospectif.

« L'obligation » semble être le modèle juridique qui est le plus à même d'accueillir, l'exigence de performance globale car celle-ci permet une responsabilisation tant des acheteurs publics que des opérateurs répondant à la commande publique (I), cependant pour avoir de véritables effets, cette obligation devrait être garantie par un contrôle efficace (II).

I. L'obligation de performance ou la responsabilisation des acheteurs publics

Après s'être intéressé à catégoriser juridiquement une telle obligation de performance de l'achat public (A), il sera possible de nous intéresser à la problématique de la sanction d'une telle obligation (B).

A. Typologie de l'obligation de performance

Une obligation de bien contracter semble émerger. L'obligation de performance de l'achat public rejoint en partie une obligation de bien contracter qui a récemment émergée de la jurisprudence du Conseil d'Etat273. Cependant, le juge administratif semble avoir exclu les marchés publics de ce phénomène.

Le juge administratif qui avait à connaître un contrat de partenariat devait vérifier que les conditions de l'ordonnance de 2004274, à savoir, alternativement, l'urgence, la complexité ou l'opportunité étaient remplies. Aussi cette analyse in concreto pouvait parfois ressembler à s'y méprendre à un véritable contrôle de l'opportunité. Avec l'ordonnance du 23 juillet 2015

273 M. SENO, « Existe-t-il une obligation de bien contracter dans les contrats publics ? », Gazette du Palais, 2010, n° 275, p. 14.

274 O. n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, art. 2.

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ce contrôle subjectif s'est accru puisque désormais, pour passer un contrat de partenariat, l'acheteur doit démontrer que « compte tenu des caractéristiques du projet envisagé, des exigences de service public ou de la mission d'intérêt général dont l'acheteur est chargé, ou des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet. »275 Un contrôle très précis du choix d'un marché de partenariat devra donc être effectué. Cette analyse du juge s'appuie plus précisément sur « les aspects financiers, juridiques et administratifs, ainsi qu'en termes de performance, de partage des risques et de délai, des options étudiées »276.

Le juge en fit de même concernant les délégations de services publics. Le juge a effectivement décidé de contrôler la durée de ses contrats, dans le silence des textes. La durée optimale est une condition essentielle du « bon contrat ». Le juge par ce contrôle s'immisce dans le contrat sur le fondement d'une obligation de bien contracter, qu'il a créé de toutes pièces.277

Néanmoins, le juge semble avoir créé une telle obligation en raison des nécessités de plusieurs espèces, plus que dans un objectif global. Ce contrôle du bon contrat est très réduit, en matière de marchés publics. Le contrôle du bon contrat se limite en effet à vérifier que la procédure de passation a été respectée, puisque le juge des référés précontractuels doit se contenter « de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. »278 Même si son contenu semble encore trop rétréci, la qualité du contrat est bien sanctionnée et l'obligation de bien contracter existe bel et bien279.

Il faut donc s'attacher à lui donner un contenu plus large, en s'appuyant sur cette brèche ouverte par le Conseil d'Etat, d'où l'utilité d'une obligation se rapportant spécifiquement à l'achat public. Surtout que, comme l'a déclaré le vice président du Conseil d'Etat Jean-Marc Sauvé, « le juge administratif est chargé d'assurer l'intégrité et

275 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 75.

276 CE, 23 juillet 2010, SNSO, n° 326544.

277 CE, Ass., 8 avr. 2009, Cie générale des eaux et commune d'Olivet, n° 271737 et 271782 ; confirmé par CE, 11 aout 2009, Sté Maison Comba, n° 303517 ; conf. CE, 21 mai 2010, cne de Bordeaux, n° 334845.

278 CE, 3 oct. 2008, SMIRGEOMES, n° 305420.

279 J.-D. DREYFUS, « Pour un renouveau du référé précontractuel », AJDA 2010, p. 1553.

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l'efficacité »280 des contrats publics, sans exception. Le « bon contrat » est une notion trop subjective qui est incluse dans la notion plus large de performance. Il peut être définie comme un contrat « clair, lisible et équilibré »281.

Or de telles qualités semblent d'une part bien insuffisantes pour constituer un achat performant, et d'autre part, on peut douter que ces éléments soient toujours utilement vérifiés par le juge, sans tomber dans un subjectivisme absolue et dangereux pour la liberté contractuelle. De même afin d'encadrer les pouvoirs du juge et préserver la liberté contractuelle, ainsi que pour garantir une certaine prévisibilité qui est essentielle aux relations d'affaire, il semble nécessaire de préciser le contenu de l'obligation de performance.

Un devoir moral de performance. « La cohésion d'un groupement repose sur une multitude d'obligations de caractère juridique allant souvent de concert avec des pouvoirs ou des autorités reconnus activement à d'autres personnes. »282 La performance est avant tout une obligation morale, qui s'est imposé à tous, au fur et à mesure que la logique de marché progressée. Il faut en effet optimiser la rencontre de l'offre et de la demande.

Le débiteur de ce devoir moral de performance en l'espèce est la personne publique, mais le créancier de cette obligation a une personnalité plus imprécise car multiple. La personne publique est en effet redevable d'une obligation de performance de son achat auprès de la société, puisqu'elle accomplit effectivement des activités de services publics, en utilisant l'argent du contribuable pour répondre à ses besoins qui sont nécessairement liés auxdits services. Cependant comme l'écrit François Terré à propos du devoir moral, une telle notion d'obligation « ne saurait être entendue efficacement de manière aussi diluée. »283 C'est pourquoi il faut tenter de préciser cette obligation pour pouvoir en faire une véritable obligation juridique qui se définit comme un « un lien de droit, (É) entre deux personnes en vertu duquel l'une d'elles, le créancier, peut exiger de l'autre, le débiteur, une prestation ou une abstention. »284

280 J.-M. SAUVÉ, « Discours d'ouverture de la 4e édition des entretiens du Palais Royal : «Contrat de partenariat, marché public, délégation de service public... Que et comment choisir ?« », LPA, n° 170-171, n° spécial, 2010, p. 3.

281 S. DUHR, op. cit., p. 22.

282 F. TERRE, Les obligations, Dalloz, coll. Précis, 10e éd., 2009, p. 1.

283 Idem.

284 Idem.

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La nature de l'obligation. L'exigence de performance pourrait théoriquement prendre la forme tant d'une obligation de moyen que de résultat.

D'abord il pourrait s'agir d'une obligation de moyen. Le débiteur devrait alors tout mettre en oeuvre pour que cette exigence de performance soit prise en compte. Il doit être « prudent et diligent » et « faire de son mieux ». L'obligation de moyen semble plus adaptée qu'une obligation de résultat car il n'est pas possible de déterminer de manière péremptoire ce qu'est un résultat performant.

Il serait cependant tout à fait possible de fixer préalablement un certain nombre de résultats à atteindre au cours de l'exécution d'un contrat. On sanctionnerait alors la nonperformance soit à raison du manque d'ambition des résultats attendus, soit dans l'hypothèse où les objectifs fixés préalablement n'auraient pas été atteints au cours de l'exécution.

Il semble que l'obligation de performance de l'achat public puisse se partager en deux types d'obligations.

Dans un premier temps, le législateur devrait être soumis à une obligation type « obligation de moyen ». Il serait en effet bienvenu que ce dernier se sente davantage concerné par un souci d'efficacité. Pour cela il devrait être obligé d'élaborer des lois respectant un principe fondamental de performance, mais cela implique nécessairement au préalable une affirmation constitutionnelle et législative de cette exigence de performance.

Dans un second temps, l'acheteur public devrait être quant à lui soumis à une « obligation de résultat », à condition que le contenu de cette dernière soit au préalable précisément décrit par le législateur et le gouvernement.

Il vient finalement que l'obligation de performance de l'achat public doit par conséquent agir à tous les niveaux de la hiérarchie des normes.

La source de l'obligation : la responsabilité. Cette obligation de performance trouve sa source dans la responsabilité puisqu'il s'agit « d'une obligation de répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer les conséquences envers la société. »285 La faute en question serait la contre-performance et le préjudice serait une mauvaise utilisation des deniers publics ou une utilisation non-optimale de ceux-ci. Pourtant habituellement lorsque l'on parle d'une réparation à l'égard de la société, on se situe plus dans le volet pénal, alors qu'en l'occurrence il s'agit seulement d'une obligation administrative.

285 G. CORNU, Vocabulaire juridique, coll. Quadrige, Puf, 2011, p. 908.

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Cette responsabilisation est essentielle. Les acheteurs publics doivent se sentir concernés non seulement par la régularité de leurs contrats d'achat, mais également par l'efficacité de ceux-ci. Autrement dit, la dimension managériale de la responsabilité publique doit se concilier avec la dimension juridique de cette même responsabilité286. Cette responsabilisation des gestionnaires publics sur leurs résultats est née avec la LOLF, puisqu'alors « la dimension auparavant implicite des référentiels de responsabilité rendant complexe la mise en cause personnelle des gestionnaires, laisse place à une dimension explicite par des référentiels et indicateurs prévus au sein des programmes. »287 Le corollaire de la performance de l'achat public est donc bien la responsabilité de l'acheteur public.

Il reste que derrière cette notion de responsabilité, apparaît immédiatement après la problématique de la réparation (B).

B. La difficile sanction de l'obligation

A la recherche d'une coercition performante. La performance a ceci de particulier qu'il est difficile de la sanctionner. Exiger le paiement d'une somme en raison d'un comportement anti-performant est critiquable au regard des difficultés financières des personnes publiques, qui justifient elles-mêmes le recours à une vision performante. L'incitation semble davantage adaptée.

Pour autant il faut se demander si l'utilisation d'une sanction pécuniaire sanctionnant la non-performance ne permettrait pas de faire comprendre aux personnes publiques qu'une vision davantage stratégique et managériale, serait un changement de bon augure pour elles. A l'image du référé contractuel qui n'est que peu utilisé, l'ombre de la sanction pourrait suffire à convaincre les services achats d'user de nouveaux outils et de veiller à une vision performancielle de leurs achats.

L'absence de sanction pour faute de gestion contractuelle. Un mauvais management n'est pas sanctionné juridiquement. Il peut l'être politiquement, mais seulement pour de graves manquements. Cette responsabilité politique est pourtant insuffisante car elle est incertaine.

286 J. DESMAZES, « Achats publics : la problématique conciliation des dimensions managériale et juridique de la responsabilité publique », in Politiques et management public, vol. 19, n° 1, 2001. Les nouvelles exigences de la responsabilité publique, Actes du dixième colloque international, Paris, 2000, T. 1, pp. 81-102.

287 A. BARILARI, « Réforme de la gestion publique et responsabilité des acteurs », AJDA, 2005, p. 696.

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Seule une pénalisation des pratiques irrégulières des responsables politiques est prévue. On pense notamment au délit de favoritisme288, à la prise illégale d'intérêts289, au trafic d'influence290 ou encore à la corruption291. Il est certain que ces pratiques doivent être sanctionnées. Toutefois, seul le favoritisme permet indirectement une sanction de l'efficacité à proprement parler. C'est en effet le non respect des principes fondamentaux qui est alors sanctionné, or on a déjà vu que le respect de ces principes était aussi gage d'efficacité.

Ainsi non seulement la contre-performance n'est pas sanctionnée, mais le choix de la voie pénale est aussi symptomatique de l'inadaptation du contrôle de l'efficacité de l'achat public.

Le contrôle pénal vise les personnes ayant eu des comportements irréguliers, tandis que les sanctions administratives visent davantage les institutions. Cette pénalisation est une thérapie et a une fonction dissuasive. La matière des marchés publics a été entachée de nombreux débordements et atteintes à la réglementation. Sévir pénalement a donc eu un but pédagogique afin que la réglementation des marchés publics soit respectée292. Cependant, à l'heure où une approche managériale des marchés publics doit rattraper son retard, cette pénalisation constitue une rigidité qui participe à une vision trop juridique de l'achat public. Les acheteurs se focalisent sur la réglementation par peur de la sanction pénale. Sans compter que certaines de ces sanctions dans leurs rédactions actuelles peuvent parfois faire obstacle à des pratiques qui seraient pourtant les bienvenues, comme le sourcing par exemple. La pénalisation devait faire peur. C'est réussi. Toutefois cette logique punitive ne saurait être parfaitement adaptée pour cette fois servir l'efficacité.

L'incitation contractuelle. Des mécanismes contractuels existent pour que les personnes publiques encouragent et veillent à un comportement performant de la part de leurs partenaires. Aussi l'article 17 du décret relatif aux marchés publics de mars 2016 traite des prix et prévoit que « des clauses incitatives peuvent être insérées dans les marchés publics notamment aux fins d'améliorer les délais d'exécution, de rechercher une meilleure qualité des prestations et de réduire les coûts de production. »293 L'incitation plus que la sanction

288 Code pénal, Art. L. 432-14.

289 Code pénal, Art. L. 432-12.

290 Code pénal, Art. L. 432-11.

291 Code pénal, Art. L. 432-11.

292 C. PREBESSY-SCHNALL, « la pénalisation du droit des marchés publics », coll. Bibliothèque de droit public, LGDJ, 2002.

293 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, Art. 17.

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semble être une contrainte plus efficace. Cela revient au paiement de prime à la performance294. Cependant ce type de clause n'est d'une part pas obligatoire et ne s'attache d'autre part qu'à garantir la performance qu'au stade de l'exécution du contrat.

Des pénalités sanctionnant la performance peuvent être prévues également, mais leur mise en oeuvre est bien souvent plus cher que la pénalité elle-même et surtout, cette méthode ne favorise pas une relation de confiance avec le prestataire. L'équilibre contractuel peut vite se rompre avec un usage excessif de pénalités. De même ces pénalités n'agissent qu'au stade de l'exécution.

Au-delà de la sanction, c'est le contrôle la performance qui joue un rôle central (II).

II. Le nécessaire contrôle de l'efficacité de l'achat public

Comme le fait justement remarquer Jean-Philippe Dolor dans son mémoire295, ce contrôle s'il comporte certaines faiblesses (A), tend de plus en plus à se développer afin de garantir une efficacité économique des contrats d'achat public (B).

A. Un contrôle de l'efficacité encore insuffisant

La faiblesse du contrôle organique interne. Cette faiblesse est dénoncée par Jean-Philippe Dolor dans son mémoire.

La commission consultative des marchés publics (CCMP)296 qui a été supprimée en 2013297, était dépourvue de compétence de contrôle. Au fur et à mesure des réformes, le pouvoir réglementaire a en effet supprimé cette compétence alors qu'à une époque, la commission spécialisée des marchés (CSM)298 crée en 2001, avait une véritable prérogative en la matière299. Pourtant ce contrôle apparaissait utile, puisqu'elle pouvait alors rejeter un marché inefficace et intimer au pouvoir adjudicateur de se justifier pour pouvoir poursuivre dans cette voie. Il n'y a donc plus d'organe indépendant destiné à ce contrôle de l'efficacité.

294 Voir en ce sens : « Les clauses incitatives : un outil au service de la performance des achats », interview de D. ADDA, conseil en propriété intellectuelle au sein du Cabinet TPC, locatis.info, 2015.

295 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2012, p. 5.

296 D. n° 2009-1279 du 22 octobre 2009 relatif à la commission consultative des marchés publics.

297 D. n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif.

298 D. n° 2001-739 du 23 août 2001 relatif aux commissions spécialisées des marchés.

299 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit. pp. 7-8.

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De plus un contrôle efficace suppose des moyens financiers, humains et techniques, ce dont sont globalement dépourvus l'Etat et les collectivités territoriales. Faute de ressources financières, il raisonne en effet en terme de moyen, plutôt que de se prêter à un véritable contrôle des dépenses, au regard des objectifs préalablement fixés300.

De même, tant qualitativement que quantitativement le personnel chargé d'un tel contrôle est également insuffisant, puisqu'il faut non seulement des juristes maîtrisant les procédures d'achat mais il faut également qu'ils aient une bonne connaissance économique. Aussi les acheteurs doivent être parfaitement conscients des préoccupations des différents services techniques. Ces derniers sont un rouage essentiel de l'efficacité puisqu'ils doivent veiller à exprimer le plus précisément et le plus justement possible leurs besoins301.

Si les élus disposent d'un pouvoir de contrôle global sur les affaires de la commune302, ils doivent aussi être obligatoirement informés des contrats sur le point d'être passé, préalablement à une assemblée plénière303. De même la transparence administrative, outre le fait qu'il s'agisse d'un principe fondamental, est l'objet de la loi CADA de 1978. Aussi les conditions semblent remplies pour que les élus puissent mettre en oeuvre ce contrôle. Cependant, le fait majoritaire prive bien souvent les élus de ce contrôle. Qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, le plus souvent ils n'osent pas ou ne parviennent pas à remettre en cause des contrats qui se révèleront par la suite inefficace.

Les institutions chargées du contrôle externe ne disposent pas de pouvoir de sanction suffisant. Pourtant au même titre que l'absence de mise en concurrence et de publicité, l'inefficacité devrait pouvoir être sanctionnée par des organes dédiés à ces questions. Le respect du droit de la mise en concurrence n'est pas suffisant pour que la commande publique soit efficace.

Certes la Cour des comptes (CDC) et les Chambres Régionales des Comptes (CRC) contrôlent indirectement l'efficacité globale des marchés publics une fois terminés304, puisqu'elles ont la compétence pour examiner la gestion de l'Etat, des collectivités

300 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 13 ; R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 23.

301 Idem.

302 CGCT, art. L. 2121-13.

303 CGCT, art. L. 2121-12 et CAA Douai, 11 mai 2000, Commune Sangatte, n° 2000-134731.

304 J.-D. DREYFUS, les contrôles des collectivités territoriales, Jurissclasseur, Contrats et marchés publics n°5, 2007, étude 8.

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territoriales, ainsi que de leurs établissements publics respectifs305. Elles procèdent à la vérification de la sincérité des comptes, l'équilibre financier des opérations, ainsi qu'une comparaison des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus. Dès lors les politiques publiques, tel que l'achat public sont contrôlées du point de vu de l'efficacité.

Toutefois, ce contrôle est trop peu contraignant, puisque de simples lettres d'observation sont envoyées. Or ces lettres n'ont qu'un rôle préventif. Elles ont pour objet d'alerter et seulement d'alerter. Elles sont rendues publiques, font l'objet d'un débat en assemblée délibérante et une réponse de l'institution concernée est permise. Pourtant « l'observateur (n'a) aucun moyen d'intervention directe pour corriger les défauts, dysfonctionnements, voire irrégularités, constatés. » Il s'agit en effet « de normes techniques et non de normes juridiques, échappant par conséquent au domaine du droit. »306 Cette vision est cohérente avec les considérations du juge administratif qui considère que le contrôle de gestion « ne présente pas le caractère de décision faisant grief »307. Il a d'ailleurs jugé la même chose, plus spécifiquement, au sujet d'un avis rendu par des juridictions financières concernant des contrats passés par des collectivités308.

Ainsi il ne reste plus que la responsabilité politique des institutions défaillantes, qu'il serait possible d'engager en cas d'inefficacité contractuelle. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un contrôle juridictionnel, mais bien d'un hypothétique contrôle démocratique permis par la transparence.

D'ailleurs il est possible d'expliquer cette réticence à donner de véritables moyens d'agir aux juridictions financières par la nécessité de protéger la décision politique de tout contrôle d'opportunité309. Il s'agit en effet d'un prérequis nécessaire à la libre administration des collectivités territoriales, qui est elle-même consacrée constitutionnellement310.

Finalement l'imprécision des objectifs des politiques publiques mis en place par les collectivités311, ainsi que le fait pour les CRC de privilégier un contrôle des coûts et de la régularité pour les marchés publics viennent renforcer l'inefficacité du contrôle

305 Constitution du 4 octobre 1958, art. 47-2 ; Code des juridictions financières pour les CRC, arts. 211-1 et 2118.

306 H.-M. CRUCIS, Droit des contrôles financiers des collectivités territoriales, coll. AJDA, le Moniteur, p.413.

307 TA Marseille, 1er mars 1995, Société Semica et commune de la Ciotat.

308 CE, 8 déc. 1995, Département de la Réunion, n° 154042 et s.

309 Réaffirmé par L. n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

310 Constitution du 4 octobre 1958, art. 72.

311 J.-L. GOUSSEAU, « Les chambres régionales des comptes et l'évaluation des politiques publiques locales », la revue du Trésor, n°1, 2008, p. 21.

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d'efficacité312. Tandis qu'en « matière de marchés publics, il est attendu des pouvoirs adjudicateurs, non seulement qu'ils en maîtrisent suffisamment la technique pour mener leurs actions en conformité avec la réglementation, mais encore que sur cette base, ils mettent à profit toutes les marges de manoeuvre que le code leur laisse pour tendre vers un achat efficient »313.

De la même façon, le juge administratif, en l'état actuel des choses, ne saurait de lui-même sanctionner la passation ou l'exécution d'un marché public au motif que le coût pour le contribuable serait trop élevé ou que la procédure utilisée ne serait pas adéquate pour obtenir le meilleur contrat. L'opportunité ne doit pas en effet se confondre avec la légalité. Le juge se limite donc à sanctionner l'erreur manifeste d'appréciation concernant le choix des critères et leur pondération314. Cette liberté accordée au pouvoir adjudicateur n'est que la suite logique de la jurisprudence européenne315. Mais surtout, cette liberté de choix des critères par le pouvoir adjudicateur ne doit souffrir d'aucune limite, car c'est ce qui permet de dire que la liberté contractuelle existe belle et bien, malgré l'encadrement juridique du choix du cocontractant316. Néanmoins, « cette position pourrait se comprendre en considérant que dans la mesure où les exigences en termes d'énonciation et d'exhaustivité des critères ont été satisfaisantes, le juge n'a plus qu'à craindre une sorte de dénaturation dans la comparaison des offres. »317 Sauf que ce n'est pas le cas et qu'un contrôle normal semblerait donc plus approprié. Pour autant, si l'opportunité demeure à l'écart de tout contrôle, le juge peut tout de même vérifier l'adéquation entre la prestation demandée et les besoins de la collectivité. Il s'adjoint ainsi à un contrôle de la proportionnalité du besoin avec l'objet du contrat et son prix318, sanctionnant toute disproportion319.

Cette impuissance des juridictions financières, comme du juge administratif, vient directement du fait qu'aucune norme n'impose de garantir une action contractuelle efficace afin de lier véritablement les collectivités territoriales à cette exigence320.

312 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 23.

313 L. RENOUARD, « le contrôle des juridictions financières », Actes du 15ème colloque de l'AFAC, in Commande publique : les contentieux de la passation, comment les gérer ?, Paris, 27 janvier 2011, p. 86.

314 CE, 1er avril 1998, Département de Seine et Marne, n° 157602.

315 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Beentjes BV contre État des Pays-Bas.

316 CE, 12 juin 1987, Cne de Cestas, n° 71507, 71961.

317 P.-M. CLOIX, « Contrôle juridictionnel et critères de choix », ACCP, juin 2007, p. 58.

318 P. NDIAYE, « Du contrôle de l'efficacité économique des contrats publics », in Mélanges en l'honneur du professeur Michel Guibal, G. Clamour, M. Ubaud-Bergeron (dir.), coll. Mélanges, Presses de la Faculté de Montpellier, 2006.

319 CE, 18 nov. 1998, Min. de l'intérieur c/ SARL « Les voyages Brounais », n°76131.

320 Conc. C. CHANTEPY sous. CE, 8 déc. 1995, Département de la Réunion, préc.

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Le contrôle externe est matériellement dépourvu. D'abord pour ce qui est l'inefficacité matérielle, Alain Ménéménis, au moment de relever les points forts du Code de 2006 mettait en exergue l'apport important de l'article 1er, mais a rapidement exclu toute ambition plus large que celle de garantir la libre concurrence : « On voit mal que puisse être sanctionnée une illégalité tirée de ce qu'aurait été méconnu l'objectif très général d'efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des deniers publics. »321Autrement dit, cet article permet de sanctionner l'acheteur qui aurait fait un choix autre qu'économique, mais il n'a pas la prétention d'être un gage de performance en tant que tel.

Tout au moins, l'efficacité devrait aussi guider le législateur dans l'élaboration de la norme applicable aux marchés publics. Cette exigence de performance si elle anime les débats actuellement, ne saurait être néanmoins utilisée pour sanctionner directement les normes qui produisent de mauvais achats. Par exemple, il faudrait pouvoir sanctionner une procédure de mise en concurrence certes légale mais bien trop contraignante, ou le refus du législateur d'étendre les possibilités de négocier pour l'acheteur public.

Le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d'Etat pour vérifier l'effectivité du principe d'efficacité de l'achat public vont se restreindre à vérifier qu'une mise en concurrence et une publicité suffisante seront mises en oeuvre. Pourtant, une procédure de concurrence trop restrictive, un acheteur public s'en remettant uniquement à un critère du prix, ou encore une mauvaise définition des besoins, sont autant de comportements pouvant être parfois préjudiciables pour l'efficacité de la commande publique, tout en demeurant bel et bien légaux.

Le Tribunal Administratif de Lille a cependant déjà pu considérer en 2011 que l'obligation de rejet des offres anormalement basses reposait sur l'objectif d'efficacité de la commande publique322. Le choix d'une telle offre pouvant effectivement conduire à une mauvaise exécution et à des pertes importantes pour le pouvoir adjudicateur. C'est une des rares fois que l'efficacité a été entendue comme un principe autonome, mais cela signifie également qu'il est possible de s'appuyer davantage sur cette exigence d'efficacité afin de contrôler au mieux l'achat public (B).

321 A. MENEMENIS, « Code des marchés publics 2006 : quelques points forts », AJDA 2006, p.1754.

322 TA Lille, 25 janvier 2011, Société Nouvelle SAEE, n° 0800408.

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B. Un contrôle de l'efficacité destiné à se développer

Un nouvel organe d'expertise. L'incorporation de la performance dans la sphère publique avec la LOLF a contribué non seulement à faire évoluer le cadre juridique des marchés publics, mais a également permis un renforcement du contrôle de l'efficacité des contrats publics, qui conserve néanmoins les tares tenaces et très handicapantes que l'on a évoqué plus haut.

Un nouvel organe d'expertise a en effet pu voir le jour. L'observatoire économique de l'achat public est assuré par la Direction des affaires juridiques du ministère chargé de l'économie, depuis 2005323. Il a pour mission de rassembler toutes les données économiques traitant de l'achat public afin de les analyser et d'établir un dialogue constructif avec les acheteurs publics pour améliorer leur consommation.

Le contrôle de légalité. Le contrôle de légalité est effectué par le préfet324, à posteriori de la passation des contrats. Cependant, par définition, il ne saurait juger de l'opportunité de tel ou tel contrat. Il contrôle donc seulement la légalité, c'est à dire la régularité de la procédure et du contenu du contrat. Pourtant ce contrôle objectif vise évidemment à garantir les principes fondamentaux et de fait c'est bien la performance de l'achat public des collectivités territoriales qui dépend indirectement de l'efficacité de ce contrôle.

Dans l'optique d'un contrôle plus efficace, le contrôle de légalité a été redéfini en 2006, puisque la commande publique est alors devenue une priorité pour ce contrôle325 et cette place centrale de l'achat public demeure d'actualité326. Pour que ce contrôle soit efficace il faut en définir les limites pour que les services du préfet ne soient pas débordés. Dès lors seuls les contrats les plus importants en termes de coûts et de risques seront transmis327. Néanmoins, tous les contrats aux enjeux importants seront également transmis sans s'attarder sur leurs montants ou sur le fait qu'ils aient été passés en procédure adaptée. De même, le préfet a le droit de demander communication à tout moment d'un acte non

323 A. du 10 novembre 2005 pris en application de l'article 130 du code des marchés publics et relatif à l'Observatoire économique de l'achat public.

324 Constitution, 4 octobre 1958, art. 72.

325 Circ., 17 janv. 2006, relative à la modernisation du contrôle de légalité.

326 Circ., 25 janvier 2012, relative à la définition des actes prioritaires en matière de contrôle de légalité.

327 Idem.

soumis à l'obligation de transmission328. Le préfet ne peut pas sanctionner lui-même le contrat, mais il peut enclencher un contrôle qui pourra déboucher sur une annulation juridictionnelle de l'acte. Les préfets sont aussi de plus en plus responsabilisés quant à ce contrôle puisqu'il a été admis une responsabilité de l'État en cas de carence dans l'exercice du contrôle de légalité329, mais il doit s'agir d'une faute grave.

Néanmoins les actes locaux sont si nombreux (8 millions d'actes par an) que les préfectures contrôlaient un pourcentage infinitésimal d'actes. Par conséquent, outre la réduction du nombre d'actes transmissibles par la loi de 2004330 et par une ordonnance de 2009331 et la dématérialisation du contrôle par télétransmission des actes, il a été décidé de concentrer le contrôle sur quelques domaines importants, lesquels peuvent changer d'années en années en fonction des priorités. Des circulaires sont ainsi adoptées pour les fixer, les préfets ajoutant les domaines qui localement apparaissent importants. Leur expertise juridique a été en outre renforcée grâce à la création du pôle inter-régional d'appui au contrôle de légalité créé à Lyon en 2002 et composé d'agents spécialisés sur certaines questions. Ces évolutions sont salutaires mais il demeure un problème insoluble : l'inégalité du contrôle sur le territoire, certaines préfectures étant plus attentives que d'autres.

Finalement, cette exigence de performance, si elle n'existe pas encore formellement en tant qu'obligation, oriente d'ores et déjà les acheteurs publics, mais souffre d'un déficit d'effectivité, en raison d'un contrôle particulièrement délicat à mettre en place. Il faut néanmoins étudier la manière dont cette exigence de performance est mise en oeuvre par le droit des marchés publics, ainsi que d'identifier les obstacles à son effectivité (Partie 2).

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328 CGCT, art. L. 2131-3.

329 CE, 6 oct. 2000, Min. de l'Intérieur c/ commune de Saint-Florent, n° 205959.

330 L. n° 2004-809, 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

331 O. n° 2009-1401, 17 novembre 2009 portant simplification de l'exercice du contrôle de légalité.

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Partie 2 : La prise en compte de l'exigence de

performance par le droit de l'achat public

Plan. L'obligation de performance de l'achat public peut être mise en oeuvre de deux manières. D'une part, elle peut se faire « par » le contrat et d'autre part, il est possible de la mettre en oeuvre « pour » le contrat. Le droit des marchés publics peut faire aussi bien usage de l'une ou l'autre de ces deux techniques, mais cette utilisation peut ne pas être optimale. Il faut donc s'appliquer à optimiser la mise en oeuvre de cette exigence de performance (Chapitre 1).

Quel que soit le moyen par lequel cette obligation de performance s'exprime, elle doit être la représentation tant de la sécurité juridique, que de l'efficacité de l'achat. Autrement dit, le comportement de l'acheteur public doit idéalement s'inscrire au sein d'un compromis entre la régularité de la procédure et l'achat efficace. Il est néanmoins nécessaire pour cela que le droit des marchés publics non seulement le permette mais l'encourage. Et c'est donc aux règles applicables à l'achat public qu'il revient de mettre en oeuvre ce compromis (Chapitre 2).

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Chapitre 1 : La performance mise en oeuvre « par » et
« pour » le contrat

Plan. La mise en oeuvre d'une exigence de performance peut se faire de deux façons qui sont complémentaires l'une de l'autre. Ainsi sa prise en compte peut se faire au moyen d'un contrat qui aurait pour principal objet d'accomplir une telle exigence (Section 1).

Il est également envisageable de prendre en compte cette préoccupation dans l'ensemble des contrats d'achats, en donnant davantage de libertés aux acheteurs lors de l'établissement desdits contrats (Section 2).

Section 1. La performance « par » le contrat : L'efficacité relative des contrats ayant la performance pour objet

Plan. Tant les marchés de partenariat (I), que les autres contrats globaux (II), ont la performance comme point de mire. L'objectif d'efficacité est clairement à l'origine de l'existence de ces contrats et on y retrouve donc une série de critères de performance.

I. Les marchés de partenariat

Plan. Les marchés de partenariat, bien que dérogatoires au droit commun sont fortement imprégnés d'une « culture de performance » (A). Pourtant paradoxalement des dérives ont pu être pointées du doigt et l'efficacité n'a pas toujours été satisfaite (B).

A. L'esprit d'efficacité des marchés de partenariat

Un contrat à la définition et aux origines performancielles. Ces contrats sont de vraies incitations à l'efficacité pour les collectivités publiques332. Un marché de partenariat, anciennement contrat de partenariat333 ou PPP est un marché public « qui permet de confier à un opérateur économique ou à un groupement d'opérateurs économiques une mission globale ayant pour objet (non seulement) la construction, la transformation, la rénovation, le

332 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., p. 692.

333 O. n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.

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démantèlement ou la destruction d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l'exercice d'une mission d'intérêt général ; (mais également) tout ou partie de leur financement. Le titulaire du marché de partenariat assure la maîtrise d'ouvrage de l'opération à réaliser. »334

Sans qu'il soit utile d'en faire ici l'historique, il faut rappeler que ces contrats sont inspirés de la Private Finance Initiative (PFI) britannique. Or cette politique publique qui apparaît dans les années 90, vise à « favoriser la participation du secteur privé à la réalisation d'infrastructures et de services publics » 335 La redynamisation de l'action publique est donc visée, dès le départ.

« Les atouts des PPP comme mode de commande publique performant sont inscrits dans leurs définitions et caractéristiques mêmes, qui organisent des modalités de gouvernance et de surveillance, combinées à une procédure concurrentielle. » 336 La globalisation de l'économie et du droit a favorisé l'émergence des PPP337. Il s'agit en effet d'un contrat global qui doit permettre de faire des économies d'échelle et d'avoir une meilleure coordination entre les différentes prestations, en évitant les problèmes d'interface sur de vaste chantier. Aussi ce contrat permet de transférer une partie des risques de construction, de conception, de maintenance, d'entretien, ou d'exploitation à l'entreprise partenaire. Ceci doit permettre un meilleur respect des coûts et d'assurer une gestion raisonnable. On cherche à optimiser les ressources dont on dispose338.

De même, les pénuries financières, humaines et techniques, sont renforcées par les contraintes budgétaires d'origines européennes qui viennent limiter les possibilités de déficit et d'endettement. Surtout que dans le même temps les besoins en infrastructures augmentent et la croissance économique demeure le principal objectif. Ce préfinancement privé est en effet une « relance keynésienne compatible avec les critères de Maastricht »339.

Ces contrats deviennent même à partir de 2009340 le fer de lance d'une nouvelle dynamique de construction et d'investissement public développée autour des PPP. Ces derniers doivent en effet faciliter, voire soutenir totalement, l'investissement public, sans pour

334 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 67.

335 S. BRACONNIER, Partenariats public-privé, fasc. 646, Jurissclasseur, LexisNexis.

336 E. CAMPAGNAC, G. DEFFONTAINES, « Une analyse socio-économique critique des PPP », Revue d'économie industrielle, n° 140, 2012, p. 46.

337 V. en ce sens : J.-B. AUBY, La globalisation, le droit et l'État, Montchrestien, 2003, p. 37.

338 V. en ce sens : OCDE, Les partenariats public-privé. Partager les risques et optimiser les ressources., 2008.

339 P. LIGNIERES, « L'influence de la dette publique et des normes Eurostat sur les contrats publics », DA 2004.

340 L. n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

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autant alourdir à l'excès l'endettement des collectivités publiques, notamment des collectivités locales. De même la loi de 2008341 contribue également à une plus grande flexibilité, preuve que cette liberté est souvent synonyme d'efficacité. En effet, « face au succès mitigé du contrat de partenariat, la loi n° 2008-735 de 2008 est venue prendre toute une série de dispositions pour en faciliter le recours. Toutefois, la violente crise financière a contraint le législateur à remettre sur le métier l'ouvrage contrat de partenariat. Et la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés est venue permettre, désormais, la conclusion de contrats de partenariat financés en partie par la personne publique, voire majoritairement lorsque le montant du contrat est supérieur à 40 millions d'euros hors taxes »342

Néanmoins, les collectivités publiques ne peuvent justifier le recours à ce type de contrat seulement pour la flexibilité qu'il permet343. De la même façon, le recours aux PPP pour éviter l'application de la loi MOP, comme du droit des marchés publics sont de mauvaises raisons.

Le recours à ce contrat doit être justifié par le « gain global »344qu'il procure, selon Laurent Richer. C'est d'ailleurs ce qui ressort de la philosophie britannique concernant ces partenariats. Ce n'est pas simplement un moyen de faire face aux difficultés budgétaires. C'est une nouvelle façon d'agir pour les personnes publiques.

La philosophie britannique qui a inspiré cette politique permet de comprendre pourquoi les marchés de partenariat ne sont pas seulement un moyen de faire face aux problèmes financiers. Les PPP ne sont pas seulement un moyen permettant d'acheter ou de construire de l'immobilier à crédit, en externalisant le crédit auprès du secteur privé. Au contraire, les PPP apparaissent, au regard de l'expérience britannique, comme une nouvelle forme d'action pour les pouvoirs publics.

De nombreux avantages sont liés à ce contrat. Afin d'illustrer au mieux cette « ambiance de performance » qui s'attache à ces contrats, il est utile d'indiquer les principaux avantages du recours à de tels contrats. Cette liste345 n'est pas exhaustive mais

341 L. n 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat.

342 A. BUREL, « Le nouveau marché global de performance, un outil de plus pour les collectivités ? », AJCT 2012 p. 34.

343 MINEFI, « Les contrats de partenariat - Principes et méthodes », 2011, p. 18.

344 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. cit., p. 587.

345 Tiré de l'intervention de J.-P. NADAL à Beyrouth, le 26 octobre 2011, « L'expérience française de l'appui au partenariat public-privé ».

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laisse entrevoir une véritable performance lors de l'acquisition d'un bien par l'intermédiaire de ce contrat :

1) Un coût global du projet intéressant grâce à une intégration des phases du projet : conception, construction, exploitation, maintenance ;

2) Des délais de réalisation du projet plus courts ;

3) Un partage des risques liés au projet entre les personnes publiques et privées ;

4) Une disparition, par la contractualisation, des phénomènes de « stop & go » liés aux aléas budgétaires ;

5) Une meilleure qualité de services grâce à la rémunération à la performance ;

6) Un lancement plus rapide du projet grâce au préfinancement privé ;

7) Une expertise publique sur les services externalisés ;

8) Une meilleure concentration de la personne publique sur la définition du service à définir ;

9) Un dialogue compétitif qui permet à la personne publique de tirer profit de l'innovation et de la créativité du secteur privé.

Il faut également retenir, qu'il s'agit d'un système alternatif faisant siens les avantages de part et d'autre de la dichotomie habituelle concession / marché public346. Ce contrat emprunte l'étalement du prix à la concession, tout en faisant par contre en sorte que la rémunération vienne bien de la collectivité et non pas des usagers comme c'est le cas pour tous les marchés publics. C'est donc un système hybride dont la flexibilité permet l'élaboration d'un contrat sur-mesure pour des projets d'envergure.

Certes, depuis juillet 2015, il doit être qualifié de marché public, mettant un terme bienvenu au décalage entre le droit français et celui de l'Union Européenne. Pour autant, ces contrats restent la véritable réhabilitation des marchés d'entreprises de travaux public qui avaient pourtant été interdits suite à leur qualification de marchés de travaux par le juge administratif347 et l'interdiction du paiement différé en 2001. En effet, comme ces contrats, les PPP permettent une mission globale, une maîtrise d'ouvrage public et l'étalement du prix, autant de dérogations au droit commun de l'achat public.

346 S. NICINSKI, Droit public des affaires, op.cit. p. 702.

347 CE, 8 fév. 1999, Cne de La Ciotat, n 150931.

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La rémunération liée à des objectifs de performance. Depuis 2008, il s'agit d'une véritable obligation348, dont la réalisation sera ensuite vérifiée, au cours de l'exécution du contrat349. Il faudra alors notamment prendre en compte pour calculer ladite rémunération : « la qualité des prestations de services, la qualité des ouvrages, équipements ou biens immatériels, les conditions dans lesquelles ils sont mis à la disposition de la personne publique et, le cas échéant, leur niveau de fréquentation. »350 C'est une véritable « révolution culturelle »351 pour la commande publique.

Il est d'ailleurs officiellement relevé que cette rémunération « est liée à des objectifs de performance : l'objet premier d'un contrat de partenariat est l'amélioration du service rendu aux usagers, il est donc légitime que la rémunération tienne compte des résultats obtenus en la matière. Il importe donc que ces objectifs fassent l'objet d'une négociation très poussée entre les deux partenaires. En effet, il ne s'agit pas seulement de répondre aux besoins propres de la collectivité ou à ceux des usagers, mais d'optimiser la prestation rendue. Cette logique performancielle permet d'imposer au titulaire du contrat de partenariat des objectifs de résultat (É). Le non-respect de ces objectifs conduit à une pénalisation financière du cocontractant, sous la forme d'une minoration de sa rémunération. »352

Le recours à ces marchés de partenariat est conditionné par l'efficacité. En premier lieu, le recours à un tel contrat ne peut être justifié seulement si « l'acheteur démontre que, compte tenu des caractéristiques du projet envisagé, des exigences de service public ou de la mission d'intérêt général dont l'acheteur est chargé, ou des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un avantage. »353

Le projet d'ordonnance supprime la condition de complexité et celle d'urgence, présentes auparavant dans l'ordonnance de 2004. Il ne reste plus que la condition du bilan

348 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 83.

349 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 165.

350 CGCT, art. 1414-12. Même si cet article est aujourd'hui abrogé par l'Ordonnance du 23 juillet 2015, il exprime toujours aussi justement la méthode de fixation de la rémunération du partenaire en fonction de la performance.

351 E. CAMPAGNAC, G. DEFFONTAINES, Une analyse socio-économique critique des PPP, Op. cit., p. 49.

352 Circ., 29 novembre 2005 relative aux contrats de partenariat à l'attention des collectivités territoriales.

353 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 75-I.

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favorable. Autrement dit, il est possible de recourir à ce contrat seulement à condition qu'il corresponde à la solution la plus efficace pour une espèce donnée.

Même si l'ordonnance de 2015 fait apparaître des seuils de recours, l'exigence d'une étude préalable354, ainsi que d'une étude de soutenabilité355 confirment qu'un tel contrat demeure dérogatoire et que l'utilisation de ce contrat reste avant tout conditionné par son efficacité. De même les différents avis et autorisations préalables nécessaires, constituent des garde-fous supplémentaires pour éviter théoriquement une fuite en avant vers un endettement déraisonnable.

Ainsi l'ensemble des études à effectuer au préalable et des avis à obtenir, s'inspire du modèle anglais dont le but était déjà d'obtenir la « best value for money » grâce à une comparaison avec l'achat public traditionnel356.

Il reste que l'esprit de cet outil n'a pas toujours résisté à la concrétisation (B).

B. Les dérives des marchés de partenariat

Des contrats à la mode. Le PPP rassemblait beaucoup de promesses. Les collectivités n'ont d'ailleurs pas hésité à l'utiliser puisque « Au mois d'août 2014, la mission d'appui aux partenariats public-privé (MAPPP) comptabilisait ainsi 149 contrats de partenariat signés par des collectivités locales, pour un montant d'investissement de 4,07 Md€, à comparer aux 10,7 Md€ de contrats de partenariat signés dans le même temps par l'État. »357. L'innovation de l'achat public que permettait ce contrat a donc rencontré un franc succès.

Les promesses de ce contrat sont assez bien résumées par Elisabeth Campagnac et Géry Deffontaines358 :

- « la délégation de certaines fonctions de la maîtrise d'ouvrage publique dans une perspective « partenariale » ;

- la réorganisation de la gestion de projet sous l'effet de l'introduction du contrat global incitatif ;

354 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 74 ; D. n 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 147.

355 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 74; D. n 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 148.

356 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. cit., p. 596.

357 Cour des comptes, Rapport public annuel, T. 1, 2015, p. 147.

358 E. CAMPAGNAC, G. DEFFONTAINES, Une analyse socio-économique critique des PPP, Op. cit., p. 49.

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- une gouvernance du projet définie par les contrats et assurée à long terme par les acteurs du financement ;

- une procédure concurrentielle sophistiquée mettant en concurrence des solutions complexes comprenant solution technique, coût global, et structure de gouvernance. »

Des résultats en demi-teinte après plus de 10 ans d'existence. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour des Compte dresse un triple constat359.

De prime abord, en réalité il n'est pas possible de connaître, faute de recul, la performance de ce mode contractuel, par rapport aux autres modes d'achat public.

Ensuite, les bienfaits budgétaires d'un tel contrat sont évidents à court-terme, puisque la personne publique n'a pas à préfinancer son projet. Par contre, à long terme il s'agit en réalité d'un financement par la dette, qui est bel et bien assumé par la personne publique. Ainsi le gain sur le long terme est loin d'être garantie et ce serait même plutôt l'inverse.

Enfin, la Cour constate « une insuffisance d'analyse et de mise en concurrence qui favorise le choix et l'attribution du contrat de partenariat ».

Un contrat pas toujours tenable sur le long terme. Un bon contrat est un contrat équilibré de bout en bout. Or la Cour met en exergue le risque d'une rupture de cet équilibre sur le long terme. De plus, ce contrat a une utilité car le pouvoir de sanction de l'Administration qui existe comme dans n'importe quel contrat administratif peut ici être utilisé dans un but de performance, puisque des objectifs ont été préalablement posés.

Certes ces contrats permettent un paiement différé normalement inenvisageable pour les personnes publiques souhaitant s'équiper. Cependant il s'agit bien d'un endettement qui se fait auprès du cocontractant. On ne voit pas la dette. Alors pour que cet endettement soit considéré comme étant conforme aux critères de Maastricht, il faut que suffisamment de risques soient effectivement assumés par le partenaire privé selon EUROSTAT (tant formellement au moment de la passation, que matériellement durant l'exécution).

Enfin la mission de maintenance des ouvrages est une garantie de plus. Elle permet d'assurer un service rendu automatiquement une fois l'ouvrage terminé, cependant cela entraîne, selon la Cour, « un coût systématiquement plus élevé pour les collectivités. »

359 Cour des comptes, Rapport public annuel, Op. cit.

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Un suivi insuffisant par les collectivités. La Cour constate en effet un déséquilibre du contrat au profit du partenaire. En effet, « les collectivités ne se dotent pas des moyens techniques et humains nécessaires pour suivre des contrats par nature complexes, tandis que l'efficience et les coûts du contrat de partenariat sont difficiles à établir, faute d'outils fiables de comparaison entre un projet réalisé en contrat de partenariat et en procédure classique. »

En outre les clauses obligatoires dans ce type de contrat ont vocation à protéger le pouvoir adjudicateur, pourtant certaines ne sont parfois pas présentes. De même le partage des risques se fait parfois au dépend de l'Administration, sans doute à cause d'un manque de savoir-faire en matière de négociation des agents publics.

Résumé des risques et inconvénients360 :

· Les inconvénients du contrat de partenariat :

1) Il est réservé aux projets d'ampleur suffisante ,
·

2) Il présente un risque non négligeable pour la personne publique dans la mesure où il engage les finances publiques pour longtemps ,
·

3) Il requiert de la part de la personne publique un certain niveau de connaissances juridiques et financières.

· Les risques d'une mauvaise utilisation du contrat de partenariat :

1) L'utiliser pour s'affranchir des règles budgétaires ,
·

2) L'utiliser pour contourner le code des marchés publics, pour éviter de passer plusieurs marchés ,
·

3) L'utiliser pour se dessaisir au profit de la personne privée ,
·

4) L'utiliser lorsque la motivation de l'étalement financier que propose le contrat de partenariat trouve sa source dans l'absence de moyens financiers suffisants au regard du projet et non dans la recherche d'une linéarisation des coûts du projet ,
·

5) Procéder à une mauvaise définition du niveau de la rémunération du cocontractant privé : s'il est sous-estimé, l'acteur privé risque de ne pas tenir le niveau de service dans la durée et s'il est sur-estimé, l'acheteur public perd un des intérêts de son projet ,
·

6) Ne pas assurer le rôle pilote de la prestation dans le temps avec la même exigence et rigueur.

360 Tiré de l'intervention de J.-P. Nadal à Beyrouth, le 26 octobre 2011, « L'expérience française de l'appui au partenariat public-privé ».

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Perspectives. En 2015, la Cour des comptes formulait un certain nombre de propositions telles que celle d'intégrer dans le débat d'orientation budgétaire le compte rendu annuel d'exécution du contrat de partenariat, d'éviter de recourir au même partenaire contractuel comme assistant à maîtrise d'ouvrage pour l'évaluation préalable et de l'aide à la passation, ou encore de ne recourir à ce contrat qu'après une expertise méthodique assurant notamment la capacité de la collectivité à suivre un tel contrat. Il s'agit de recommandations pour les collectivités, qui n'ont pas été reprises par les nouveaux textes de 2015.

Par contre, sa proposition d'étendre l'obligation d'effectuer une étude de soutenabilité aux collectivités361 passant de tels contrats a été retenue. Ensuite, l'obligation d'adopter plusieurs changements comptables pour assurer un véritable suivi de tels contrats a également été prise en compte.

Ce ne sont pas les seuls contrats globaux envisageables, même si ces autres contrats ne permettent pas quant à eux de paiements différés du prix, à l'inverse du marché de partenariat (II).

II. Les autres marché public globaux

Plan. Il faut à ce stade distinguer les marchés publics globaux en tant que simple exception au principe d'allotissement (A), de ceux énumérés spécifiquement par la nouvelle ordonnance (B).

A. Les marchés publics globaux de l'article 32 : une exception au principe d'allotissement

Le principe de l'allotissement ou le compromis de deux performances. L'allotissement est une technique qui permet de découper un marché public en plusieurs lots, obligeant ensuite le pouvoir adjudicateur à apprécier lot par lot les offres reçues et à attribuer les lots aux meilleures offres. Depuis 2006, l'allotissement est devenu une véritable

361 D. n 2012-1093 du 27 septembre 2012 complétant les dispositions relatives à la passation de certains contrats publics.

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obligation. La concurrence s'élargie et un choix plus large - et donc plus performant - est offert à l'acheteur public.

A contrario, le marché global ne doit rester qu'une exception, lorsque l'allotissement est techniquement difficile ou plus coûteux362. Si le cadre juridique des marchés globaux a été « rationalisé » selon les rédacteurs de l'ordonnance363 et que l'allotissement a semble-t-il était « renforcé »364 de l'avis des plus avertis, il demeure néanmoins possible de passer par un marché global, sans compter que le juge valide en général facilement ce type de recours365.

De plus, l'ordonnance consacre de nouvelles formes particulières de marchés globaux. Dans certains secteurs notamment en matière de constructions destinées aux services publics de justice, gendarmerie, pompiers, etc., il est possible d'avoir recours aux marchés globaux car ce type d'ouvrage est particulier. Ainsi malgré la règle de l'allotissement, les marchés globaux perdurent.

L'allotissement, tout en permettant une mise en concurrence plus large, - qui on le rappel est au service de l'efficacité et du bon usage des deniers publics - ouvre un accès à l'achat public aux Petites et Moyennes Entreprises (PME). Tout dépend de la situation d'espèce. Il faut reconnaître qu'ainsi l'achat public est certes utilisé comme un moyen de mise en oeuvre d'une politique publique économique ayant pour objet le soutien au PME, mais l'intérêt de l'Administration n'est pas pour autant perdu de vue. C'est un bon compromis et les conditions permettant la mise en oeuvre de l'exception à ce principe expriment d'ailleurs avec justesse les hypothèses dans lesquelles les intérêts de l'Administration devraient prendre le dessus sur ceux des PME : « s'ils ne sont pas en mesure d'assurer par eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ou si la dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations. »366. La performance de deux politiques publiques est ainsi garantie : celle visant à soutenir économiquement les PME par l'achat public, tout comme celle encourageant le meilleur achat public pour l'Administration.

362 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 32.

363 Rapp. au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, 24 Juillet 2015, texte n° 37.

364 F. LINDITCH, « Allotissement et marchés globaux », Contrats et Marchés publics n° 10, 2015, dossier 6.

365 À titre d'exemple : TA Lille, 1er fév. 2016, Société Agysoft, n° 1600193.

366 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 32.

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L'allotissement, comme principe peut être un obstacle à la performance. Florian Linditch fait justement remarquer que l'allotissement peut entraîner plusieurs surcoûts en raison de « perte d'effet de volume » ou de la « démutualisation des frais d'installation des chantiers », par exemple367. C'est pourquoi il propose plutôt que de faire de l'allotissement le principe, « de faire confiance aux pouvoirs adjudicateurs qui détermineraient alors eux-mêmes l'opportunité d'y recourir lorsqu'ils savent que des PME sont susceptibles d'intervenir sur le marché considéré ».

En attendant, les marchés globaux se développent (B).

B. Les marchés publics globaux de la section 4 de la nouvelle ordonnance

Le développement des marchés publics globaux. La section 4 de l'ordonnance de 2015 énumère quatre types de marché global, autre que ceux permis par dérogation à l'article 32 : les marchés de conception-réalisation368, les marchés publics globaux de performance369 et les marchés publics globaux sectoriels370.

Ces marchés diffèrent du marché de partenariat, car le paiement différé n'est pas autorisé, que la mission de financement ne peut être déléguée et que la maîtrise d'ouvrage sera nécessairement publique, conformément à la réserve d'interprétation du Conseil Constitutionnel371.

Passer par un marché global peut servir l'efficacité, à condition qu'il soit toujours justifié par des circonstances d'espèces particulières. Cette appréciation in concreto est nécessaire puisque le marché global oscille entre deux écueils.

D'un côté, un tel marché peut permettre des économies d'échelle, de réduire les risques liés aux problèmes d'interface fréquents lors de chantiers importants, sans compter que la procédure est alors nécessairement raccourcie et donc moins coûteuse en termes de temps et d'énergie.

D'un autre côté le recours à de tel contrat a pour conséquence de réduire la concurrence, en réduisant les choix de titulaires possibles, or la mise en concurrence est en principe au service de l'efficacité. Il peut y avoir des exceptions et c'est en cela que laisser cette possibilité de recourir à des marchés globaux est louable.

367 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

368 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 33.

369 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 34.

370 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 35.

371 Cons. Const., 26 juin 2003, préc.

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Plan. C'est en réalité, une flexibilité et même une certaine liberté qui est ainsi garantie au service de l'efficacité (1), même si ce n'est pas le cas pour l'ensemble des contrats globaux de cette section 4 (2).

1) Des contrats globaux au service de l'efficacité

Les marchés publics de conception réalisation. Reprenant les articles 37 et 69 du Code, la nouvelle ordonnance dispose que « les acheteurs peuvent conclure des marchés publics de conception-réalisation qui sont des marchés publics de travaux permettant à l'acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux ».

Aussi les pouvoirs adjudicateurs soumis à la loi MOP devront démontrer que cette globalisation se justifie pour des raisons d'ordre technique, ce qui ne laisse que peu de possibilités selon le Professeur Linditch, ou en raison d'un engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendant nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage372, laissant cette fois de larges possibilités de motivations toujours selon le Professeur Linditch. Il s'agit en effet d'une dérogation à l'alinéa 2 de l'article 7 de la loi MOP, qui interdit de confier à un même opérateur une mission de conception et une mission de construction.

Cette possibilité est laissée aux marchés quel que soit leur montant. Mettre en place un seuil pour recourir à ces contrats aurait été un non-sens, puisque les montants des marchés varient avant tout selon la taille de la collectivité.

Le choix de l'efficacité peut donc être fait lorsque les circonstances imposent un regroupement des missions de conception et de réalisation.

Marchés publics globaux de performance. La globalisation s'élargie dans ce cas. Il devient possible de remettre à un même opérateur, en supplément des missions de conception et de réalisation, les missions d'exploitation et/ou de maintenance373. Reste à savoir si maintenance et exploitation pourront être mis ensemble374.

372 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 33.

373 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 34.

374 F. LINDITCH, « Allotissement et marchés globaux », art. préc.

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La performance est cette fois explicitement présente puisque pour recourir à de tels contrats, il faut fournir « des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique », ainsi que « des engagements de performance mesurables »375.

Cette nouvelle place de la performance énergétique résulte du rapport remis au ministre de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement en mars 2011 par Maître Ortega, qui préconisait qu'à l'occasion de la création de ces contrats globaux de performance, la performance puisse être « notamment énergétique »376.

Ces contrats, comme ceux de conception-réalisation trouvent en effet leur origine dans les contrats de performance énergétique (CPE) apparus en 2006 en droit de l'Union Européenne377, introduits en 2009 en droit français378, puis encouragés par un décret de 2011 qui vient leur donner la forme d'un marché global379. Le CPE se définissait comme « tout contrat conclu entre le maître d'ouvrage d'un bâtiment et une société de services d'efficacité énergétiques visant à garantir au cocontractant une diminution des consommations énergétiques d'un bâtiment ou d'un parc de bâtiments, vérifiée et mesurée dans la durée, par un investissement dans des travaux, des fournitures ou des services »380

Ainsi non seulement il est fait le choix de la performance à proprement parlé puisque les objectifs à atteindre vont être fixés et leur accomplissement sera ensuite vérifié. De plus, ces objectifs s'entendent très largement, ce qui laisse un large éventail de possibilités, pour peu que ces critères de performance soit « mesurables ». On peut donc analyser cette possibilité de marché global comme un triomphe de la performance. On sait que les collectivités affectionnent le marché global, aussi on leur propose d'y recourir en échange d'inclure une démarche de performance. Il est d'ailleurs d'autant plus regrettable que la notion de performance ne soit pas mieux définie à cette occasion.

Cependant, ces critères de performance qu'il faut fixer semblent s'imposer du fait de l'ajout de la mission d'exploitation et ces objectifs ne semblent être destinés qu'à cette mission. C'est regrettable de ne pas pouvoir poser des objectifs sur les missions de

375 Idem.

376 O. Ortega, Les contrats de performance énergétique, mars 2011.

377 Dir. 2006/32/CE, 5 avril 2006, sur l'efficacité énergétique.

378 L. n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite « loi Grenelle I ».

379 D. n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique et pris en application de L. n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle 2 » ; codifié à l'article 73 du CMP.

380 O. Ortega, Les contrats de performance énergétique, op. cit., p. 76.

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conception et de réalisation qui seraient susceptibles de faire varier le prix (qui est payé intégralement après service fait, sans pouvoir différer le paiement afin de vérifier la réalisation d'éventuels objectifs des missions de conception et de réalisation).

Il faut noter également que « l'impossibilité de faire financer le coût de l'équipement par le titulaire de ce contrat, et donc d'insérer une clause de paiement différé permettant de lisser le paiement de la part des travaux sur la durée globale, réduira certainement l'intérêt que pourrait représenter un tel marché dans le cadre duquel le cocontractant de la personne publique s'engage sur les performances de ses réalisations. »381

C'est pourquoi, l'intérêt d'un tel contrat (poser des indicateurs, etc.) en matière de gain d'efficacité reste résiduel, surtout que le marché de partenariat a vu son accès facilité avec l'apparition de seuils. Il garde néanmoins un avantage comparé au marché de partenariat, celui de profiter de certaines facilités procédurales, comparé aux études et avis à recueillir préalablement au marché de partenariat.

2) Un recours à la globalisation méconnaissant parfois les exigences de performance

Les marchés publics globaux sectoriels. La nouvelle ordonnance dispose que « les acheteurs publics peuvent confier à un même opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l'aménagement ou encore l'entretien et la maintenance d'immeubles ou d'infrastructures affectés à certains services publics : défense et sécurité, établissements pénitentiaires, centres de rétention et zones d'attente, établissements publics de santé et organismes visés à l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale gérant des établissements de santé et des structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique. » 382 Ce nouvel article remplace les contrats globaux à paiement public différé qui étaient fondés sur une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive de droits réels (AOTDR) ou sur un bail emphytéotique administratif (BEA), qui ont été tous les deux supprimés383. Cependant, ces nouveaux

381 A. BUREL, « Le nouveau marché global de performance, un outil de plus pour les collectivités ? », Op. cit.

382 S. BRACONNIER, « Les nouveaux marchés publics globaux et marchés de partenariat », AJDA 2015, p. 1795.

383 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 101.

marchés globaux ne peuvent pas faire l'objet de paiements différés, contrairement aux anciens baux sectoriels384.

A nouveau, comme pour les deux autres contrats globaux et le marché de partenariat, la globalisation dans certaines circonstances d'espèce, à l'instar de services publics régaliens, est utile. Ces contrats sectoriels permettent certes de faire des économies en gagnant notamment en efficacité, en abaissant les coûts, etc., cependant, ces contrats s'inscrivent nettement moins dans une démarche de performance que les deux autres. Les conditions de cette globalisation sont organiques et ne traduisent plus des nécessités liées à l'espèce ou ne prévoient pas non plus des indicateurs de performance.

Le service public, en raison de son caractère régalien justifie visiblement que la performance soit perdue de vue. Allons au plus vite, dépensons sans compter, réduisons la concurrence, cela n'a pas d'importance, ou du moins cela se justifie, puisque cette activité est de service public. Sauf que ce manque de performance se répercutera d'une façon ou d'une autre sur les usagers.

La performance trouve donc dans la plupart de ces contrats globaux des moyens d'expression. Du moins, l'inspiration de tels contrats vient d'une véritable volonté de performance, c'est indéniable. Ces dérogations au droit commun des marchés publics peuvent d'ailleurs être vues comme l'octroi d'une plus grande liberté contractuelle.

Reste qu'une performance durable et étendue ne saurait se contenter de contrats spécifiques. Il faut changer de paradigme, en permettant à la liberté contractuelle des personnes publiques de s'étendre tout en étant maîtrisée, c'est la clé d'un contrat performant (Section 2).

99

384 CGPPP, arts. L. 2122-15 ; CSP, L. 6148-2.

100

Section 2. La performance « pour » le contrat : la garantie effective d'une liberté contractuelle suffisante

Plan. La liberté contractuelle comporte traditionnellement quatre dimensions, à savoir : la liberté de choisir de contracter385, la liberté de choisir le type de contrat386, la liberté de choisir son cocontractant387, la liberté du contenu du contrat388.

La liberté contractuelle, est parfois limitée au profit d'une certaine performance, à l'image de la limitation des montages contractuels complexes (I). Cependant, il est a contrario préjudiciable que les procédures de passation de droit commun soient aussi encadrées (II)

I. La limitation des montages contractuels complexes justifiée par une exigence de performance

Plan. Si les montages contractuels complexes ont au départ été développés par les personnes publiques afin d'être performantes dans leurs acquisitions, en exploitant pleinement leur liberté contractuelle (A). Seulement cette stratégie de contournement des règles de droit commun permise par les contrats complexes, a surtout permis aux personnes publiques de se libérer de règles qui étaient en réalité protectrices (B).

A. Le développement des MCC au nom de la performance

Définition des Montages contractuels complexes. Ces contrats sont difficiles à définir. Ce que l'on appel un montage contractuel complexe n'a pas seulement pour objet, la construction d'un ouvrage, la fourniture d'un bien ou d'un service, comme un marché public. Au contraire, c'est un contrat aux multiples objets, interdépendants les uns des autres. Si bien que l'un des critères de qualification de ces montages est leur caractère composite (soit un contrat avec plusieurs objets389, soit plusieurs contrats390).

385 V. en ce sens à propos de la liberté de choix du mode de gestion du service public: CE, 6 avril 2007, Cne d'Aix-en-Provence, n° 284736.

386 Voir en ce sens : CE, sect., 8 fév. 1991, Région Midi-Pyrénées, n° 57679.

387 CE, 12 juin 1987, Cne de Cestas, précit.

388 CE, 3 juillet 2012, Cne d'Aix-en-Provence, n° 358512.

389 À titre d'exemple : BEA « aller-retour » - CE, 25 février 1994, Sofap-Marignan Immobilier, n°144641 et s.

101

L'autre critère cumulatif à la qualification d'un montage contractuel complexe est le caractère incertain d'un tel contrat. Autrement dit, ce contrat innomé et non appréhendé par le droit positif n'est que transitoire. Dès lors certains contrats peuvent être complexes un temps et cesser de l'être une fois pris en compte par le droit positif, comme ce fût le cas pour les contrats de partenariat. Il est également possible que de tels contrats finissent par être interdits, comme ce fut le cas pour les marchés d'entreprises de travaux publics (METP) avec l'interdiction au paiement différé apparue avec le Code de 2001.

Il existe toute une série de contrats qualifiables de montages complexes. Les METP391, les beaux emphytéotiques administratifs « aller-retour », les cessions d'immeubles avec charges, le crédit-bail, la vente en l'état de futur achèvement392, etc. On retrouve notamment à travers ces produits de l'innovation contractuelle les avantages des contrats globaux et des marchés de partenariat, qui ont déjà été abordés.

Les raisons du recours aux montages contractuels complexes. Philippe Terneyre faisait valoir en 1994, trois raisons principales à l'émergence de ces contrats : la liberté, les pénuries et la volonté d'esquiver des règles contraignantes393. Les praticiens grâce à de tels montages font face à la raréfaction des deniers publics, tandis que les besoins en équipements publics augmentent. Ils cherchent également à échapper à certaines règles contraignantes et veulent notamment éviter les risques pénaux associés aux marchés publics, ainsi que l'obligation de la maîtrise d'ouvrage public, la domanialité publique ou encore les règles de comptabilité et de finances publiques. Dès lors, ces inspirations des praticiens pourraient s'apparenter à un désir de performance. Surtout que se sont des innovations, et on sait à quel point innovation et performance sont intimement liés394. Enfin la nouvelle ère libérale qui s'est ouvert dans les années 80, dont on a déjà pu parler, a imposé l'idée que le partenariat public-privé au sens large et l'externalisation devenaient nécessaires. Cette idée s'accompagne en effet du postulat que le partenaire privé est vecteur « de toutes les vertus du temps, à savoir l'efficacité, la rentabilité, la productivité, l'adaptation constante. »395 Aussi à

390 À titre d'exemple : la convention de stationnement globale - CAA de Bordeaux, 29 mai 2000, Sté Auxiliaire des Parcs, n° 96BX01642.

391 CE, 11 déc. 1963, Ville de Colombes, Rec. CE, p. 612.

392 Code civil, art. 1603-1.

393 P. TERNEYRE, « Les montages contractuels complexes », AJDA 1994, p. 43.

394 V. en ce sens : D. LAMETHE, « L'innovation contractuelle », Rec. Dalloz 2008, p.1152.

395 Idem.

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moins d'être antimoderne, « il allait alors de soi que les règles de droit public ne pouvaient, ne devaient pas faire obstacle à ce partenariat. »396

Le préfinancement privé a en effet pour but de préserver les deniers publics en profitant du paiement différé, ainsi que du préfinancement privé, à la différence d'un marché public de travaux classique.

Ensuite ces contrats sont l'expression de la liberté contractuelle. Ils ont en effet l'avantage de permettre une incorporation complète de techniques de droit privé (cessions d'immeubles avec charges), à des contrats passés par les personnes publiques. Il est également possible sans incorporer totalement une technique de droit privé, de la mêler au droit public en la rendant compatible à certaines contraintes purement publiques telle que l'inaliénabilité avec les BEA, qui permettent l'obtention de droits réels sur le domaine public normalement inaliénable. Il est également possible de sortir tout simplement des catégories de contrats préétablies pour créer de toute pièce des contrats sur-mesure (METP ou BEA « aller-retour »).

Ainsi on retrouve le désir d'efficacité à l'origine de ces contrats, puisque le sur-mesure permit par cette flexibilité, par cette liberté, est le moyen d'avoir des solutions contractuelles adaptées aux exigences et contraintes des personnes publiques. Ces contrats ont d'ailleurs été validés par le Conseil d'Etat, avant même que la liberté contractuelle ne soit véritablement affirmée. Cette absence de contrôle juridictionnel sur l'opportunité d'un choix contractuel a effectivement été clairement énoncée par le Conseil d'Etat dès 1988397.

Il reste que les règles qui sont ainsi contournées avaient malgré tout, une utilité et n'étaient pas contraignantes sans raison. Elles étaient également performantes (B).

B. Un rétrécissement bienvenu des montages contractuels complexes

Le rétrécissement des montages complexes. Ces montages ont vu leur périmètre se réduire progressivement. Ils ne seraient en effet que des « pratiques déviantes »398, d'après Florian Linditch.

Certes la liberté d'emprunter des techniques contractuelles de droit privé est consacrée de longue date par la jurisprudence administrative399. La vente en l'état de futur achèvement

396 Idem.

397 CE, 18 mars 1988, Loupias et autres c. Commune de Montreuil-Bellay, n 57893.

398 F. LINDITCH, Le droit des marchés publics, coll. Connaissance du droit, Dalloz, 2009.

399 CE, 1923, Société générale des transports maritimes.

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(VEFA) fût donc utilisée par les personnes publiques. Elle est en effet très avantageuse car elle permet un transfert progressif de la propriété au fur et à mesure de l'avancement des travaux (au départ le contrat n'entraîne que le transfert de la propriété du sol). Cette technique autorise donc la personne publique à ne pas assumer la maîtrise d'ouvrage et à acquérir des équipements en différant leur paiement. Cependant, tout en considérant qu' « aucune disposition législative n'interdit aux collectivités publiques de procéder à l'acquisition de leurs biens immobiliers en utilisant le contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) prévu à l'article 1601-3 du code civil »400, le Conseil d'Etat a affirmé en 1991 qu'une limite à son utilisation existait. Le recours à la maîtrise d'ouvrage privée que permet la VEFA pouvait se faire à condition qu'il n'y ait pas de détournement de procédure.

De même, concernant une autre limite à la liberté contractuelle l'arrêt Teleaustria de 2000 permit à la CJCE d'étendre les principes fondamentaux à des contrats qui de par leur objet ne sont normalement pas soumis aux directives, au nom du principe de nondiscrimination. L'ensemble des contrats passés par les personnes publiques dès lors qu'ils octroient un avantage économique à un opérateur, devront se soumettre à une mise en concurrence et une publicité adaptée. Le Conseil d'Etat a néanmoins résisté en considérant « qu'aucun texte ni aucun principe n'impose à une personne publique d'organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un contrat lorsqu'elles ont pour seul objet l'occupation d'une dépendance du domaine public. »

401

Finalement, l'ordonnance du 23 juillet 2015 a bel et bien mit fin aux BEA dit « aller-retour », par l'intermédiaire de son article 101. Ce choix n'est pas contraire à l'efficacité de l'achat public. Ces montages autorisaient un contournement irrationnel des contraintes. La loi MOP, ainsi que les procédures de mise en concurrence ont toutes deux un objectif commun de bon usage des deniers publics. Aussi ces contrats complexes avaient certes un objectif de simplification, mais il ne s'agit pas de simplifier tout et n'importe quoi.

Les collectivités ont néanmoins beaucoup plus de difficultés, en particulier avec la baisse des dotations de l'Etat pour répondre à leurs besoins en terme de construction. Il demeure que le détournement de procédure vis-à-vis de la loi MOP ou des procédures de mise en concurrence et de publicité, ne peut être justifié par cette pénurie.

400 CE, sect., 8 fév. 1991, Région Midi-Pyrénées, n 57679.

401 CE, 3 déc., 2010, Ville de Paris c. Ass. Paris Jean Bouin, n 338272 et s.

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Complexité et efficacité. Il ne faut pourtant pas voir dans cette interdiction une négation de la complexité. La réalité est complexe, aussi une analyse juridique qui prendrait en compte cette donnée de départ et qui ne chercherait plus à tout simplifier, tout unifier serait un paradigme nouveau, bien plus efficace402. Un droit qui saisirait la diversité des achats publics, ainsi que la multiplicité des personnes publiques, tout en refusant pour autant un droit éclaté et peu prévisible.

Aussi ces montages complexes deviennent symptomatiques de l'inadaptation du droit des marchés publics. Il faut un droit commun de l'achat public, et l'affirmation de principes fondamentaux est en cela un excellent début. Il reste que parallèlement à ces principes auxquels le juge doit encore donner un véritable contenu pour constituer un socle commun essentiel, il faut donner aux pouvoirs adjudicateurs de véritables moyens d'expression contractuels afin que le contrat s'adapte à la réalité des situations d'espèce, plutôt que l'inverse qui n'est pas viable (II).

II. Une liberté contractuelle résiduelle

Plan. Au moment d'acheter, les personnes publiques ne sont pas libres puisqu'elles sont contraintes par un certains nombre de règles principalement procédurales qui nuisent à leur liberté contractuelle, alors que cette dernière est un prérequis à toute démarche de performance (A). C'est sans doute ce qui explique que réforme après réforme du droit des marchés publics, les personnes publiques se voient octroyer des libertés lors de leurs achats (B).

A. La liberté contractuelle comme prérequis performanciel

La liberté contractuelle des personnes publiques est au fondement de la distinction contre performante entre l'achat public et l'achat privé. Selon Laurent Richer, « la liberté contractuelle de l'Etat peut être conçue comme un investissement du champs politique par le droit civil, ce qui va dans le sens d'une «dépolitisation« du droit public, d'un rapprochement avec la société civile. »403 Alors même que le Professeur Richer s'empresse d'ajouter qu'à l'image de la propriété des personnes publiques, la liberté

402 M. DELMAS-MARTY, « Réinventer le droit commun », Recueil Dalloz 1995, p. 1.

403 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. cit., p. 7.

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contractuelle des personnes publiques possède sa propre originalité, son propre contenu, il apparaît que le canal pour pouvoir s'inspirer des techniques privatistes est matérialisé par la liberté contractuelle. L'origine de la divergence contre-performante entre achat public et achat privé se situe dans le contenu donné à la liberté contractuelle.

Sur l'existence de la liberté contractuelle des personnes publiques. Pour beaucoup d'auteurs cette liberté est inexistante. Les contrats administratifs ne seraient pas fondés sur l'autonomie de la volonté404, celle-ci n'existerait pas en droit administratif, au motif qu'il s'agirait d'un « principe essentiellement civiliste »405. Certains diront même qu'il n'y a même pas de véritable contrat en droit administratif406. La plupart sont moins extrêmes et considèrent simplement que la liberté contractuelle des personnes publiques est tellement moindre comparée à celle des personnes privées, qu'elle ne peut fonder un contrat. D'autres encore estiment qu'il s'agit d'une compétence accordée par la loi, permettant aux personnes publiques de signer des contrats. Ils reprennent ainsi la thèse du Professeur Vedel qui soutenait qu'il n'y a pas de cause contractuelle en droit administratif407. Dès lors la liberté contractuelle n'existerait pas et les personnes publiques bénéficieraient « simplement, et le cas échéant, de pouvoirs plus ou moins discrétionnaires d'user du procédé contractuel »408, autrement dit cette liberté ne serait qu'une affaire de compétence.

Pourtant la liberté contractuelle a bien été consacrée en 2006 par le Conseil Constitutionnel409. Cela n'a rien d'étonnant car comme le dit très bien Laurent Richer : « l'Administration est en négociation permanente avec les acteurs économiques » et ces relations s'apparentent donc à celles qu'ont les particuliers entre eux. Il fallait donc une protection adéquate. Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs, bien plus tôt, consacré cette liberté410.

Sans volonté, pas de performance. « Le rôle de la volonté demeure l'essence du contrat et son critère le plus sûr : le contrat est en effet le mode volontaire de souscription des obligations »411 autonomie de la volonté et liberté contractuelle sont donc bien les

404 G. PEQUIGNOT, Théorie générale du contrat administratif, Thèse Montpellier, 1944.

405 Concl. GAND sous CE, 28 nov. 1958, Langlois, Rec. 590.

406 COHEN-TANUGUI, Le droit sans l'Etat, PUF, 1985.

407 G. VEDEL, Essai sur la notion de cause en droit administratif français, Sirey, 1934.

408 E. PICARD, « La liberté contractuelle des personnes publiques constitue-t-elle une liberté fondamentale ? », AJDA 1998, p. 651.

409 Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, Loi relative au secteur de l'énergie.

410 CE 20 janv. 1989, SA GBA Berry-Loire, n° 49756 ; CE, 28 janvier 1998, Sté Borg Warner, n°138650.

411 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll. Thémis droit privé, PUF, 2004, p. 58.

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fondements des contrats de droit civil. L'existence de cette volonté est ce qui permet la validité du contrat. C'est le règne du subjectivisme.

Le droit des marchés publics est l'exact opposé. Son fondement est la contrainte. Le droit des marchés publics existe dans un seul but : choisir l'offre économiquement la plus avantageuse. Fondamentalement, la dernière chose qui doit de fait intervenir lors d'un achat par les pouvoirs adjudicateurs est la volonté tant de l'opérateur, que de l'acheteur. Dès lors, le contrat est quant à lui, validé par « l'économie des volontés »412. Cette vision va à l'encontre même de l'utilisation du mode contractuel. On parle cette fois « d'objectivisme contractuel »413.

Aussi Frédéric Allaire considère très justement que « cette logique fondamentale, induite par l'obligation de mise en concurrence et sa chronologie, s'avère impropre à réaliser les objectifs de performance qui sont assignés au droit des marchés publics parce que l'économie des volontés ne coïncide pas avec l'économie de l'acte contractuel. » Autrement dit, la logique de l'adjudication Ð même si elle a été fortement améliorée avec le passage du choix moins-disant à celui du mieux-disant Ð a été conservée, tandis que l'instrument formalisant cette commande est devenu le contrat, avec l'équilibre et la subjectivité qu'il suppose.

S'en remettre au droit objectif pour parvenir à une rencontre optimale de l'offre et de la demande est utopique. Aussi le droit des marchés publics doit seulement permettre d'éviter Ð et encore pas toujours Ð une disproportion manifeste entre l'offre et la demande. C'est insuffisant pour parvenir à un achat efficace, car « n'ayant pu dépasser sa fonction palliative, le droit des marchés publics est même iatrogène en ce qu'il affecte l'exigence de gestion administrative performante. »414 Aussi « s'il est envisagé de satisfaire une exigence de performance, le droit doit rompre avec la tentation de l'évaluation objective du contrat et par conséquent accepter de reconsidérer l'acheteur public. »415.

Avec les récents octrois de libertés, il semble que le droit des marchés publics prenne progressivement cette direction et fasse de plus en plus confiance aux acheteurs publics (B).

412 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

413 Idem.

414 Idem.

415 Idem.

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B. Les nouvelles libertés des acheteurs publics

Une prise de conscience à venir ? Ainsi le nerf de la guerre en termes de performance de l'achat public prend la forme de la liberté contractuelle.

Or celle-ci, si elle a bien été consacrée pour les personnes publiques, demeure purement formelle en matière d'achat public. Les acheteurs publics ne semblent en effet pas capables de l'utiliser. Raymond Aron considérait d'ailleurs à propos des libertés purement formelles comme celle-ci qu'on n'en « tire aucun profit », si on « n'est pas capable de les utiliser », car « il ne suffit pas que la loi accorde des droits, il faut encore que l'individu se donne les moyens de les exercer (É) être libre est une chose, être capable est une autre chose. »416

Aussi afin de placer les acheteurs publics dans de bonnes dispositions et de les « éduquer » à avoir plus de liberté lorsqu'ils achètent, la procédure adaptée va être mise en place (1) et la négociation va être progressivement étendue (2).

1) La procédure adaptée

Une procédure plus libre. L'article 27 du nouveau décret relatif aux marchés publics perpétue la possibilité pour l'acheteur qui existe depuis 2004, de recourir à une procédure adaptée qui l'autorise à déterminer « librement, les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre, ainsi que des circonstances de l'achat. »417 Les acheteurs publics doivent néanmoins respecter les principes fondamentaux.

La peur de la liberté. Pourtant la procédure adaptée a d'abord été vue uniquement par le prisme du risque juridique qu'elle véhicule. La liberté fait aussi peur. Les procédures formalisées sont certes lourdes, mais elles sont pourtant rassurantes. Aujourd'hui, selon Florian Linditch « la peur de la liberté s'est muée en intérêt pour la procédure adaptée, désormais utilisée avec efficacité. »418 Cette procédure adaptée fait d'ailleurs échos à la

416 R. ARON, Essai sur les libertés, Calmann Levy, 1965.

417 D. n 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 27.

418 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », art. préc.

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proposition que faisait Jean-Marc Peyrical dès 2004, de prendre le régime des délégations de service public comme modèle pour le droit des marchés publics419.

Il reste que cette liberté ne produit pas toujours de la performance, ou en tous cas elle est souvent insuffisante pour cela. Il en est de même pour les marchés inférieurs à 25 000 euros qui sont passés en procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalable. C'est ce que pointe du doigt le Professeur Linditch en dénonçant une « sous-réglementation » qui nuit à la rencontre du contrat et de la performance420. D'autres estiment qu'une telle réglementation serait au contraire mal venue421.

Il faut en tout état de cause que cet encadrement reste prudent pour ne pas vider ces procédures d'une liberté bienvenue. Concrètement, il faudrait préciser la portée des principes fondamentaux pour que ces différentes procédures non formalisées portent leurs fruits en terme de performance. C'est d'ailleurs ce que le juge a tenté de faire, mais le législateur devrait se saisir de cette question422. La récente réforme de la commande publique apporte cependant peu de précisions sur ce point.

Finalement la principale qualité de cette procédure adaptée est qu'elle permet de procéder à une négociation, à condition que le pouvoir adjudicateur l'ait précisé dans les documents de la consultation transmis aux candidats423.

2) La négociation

La négociation et la performance. Négociation et performance sont le plus souvent présentées comme ne faisant qu'un en matière d'achat public. La rencontre de la performance et du contrat d'achat public a pour prérequis la rencontre entre l'offre et la demande. Or cette rencontre suppose une optimisation de l'offre et de la demande.

A cette fin la définition des besoins de l'Administration doit être la plus précise possible, de façon à ce que les offres correspondent au maximum à ce que souhaite l'Administration. De plus, une connaissance approfondie du marché est nécessaire. Ces prérequis sont cependant très rarement réunis lors de la passation d'un marché public, comme

419 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », AJDA 2004, p.2136.

420 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc

421 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

422 CE, 30 janv. 2009, ANPE, n° 290236.

423 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 27.

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le souligne Marion Ubaud-Bergeron424. Refuser dès lors la négociation serait une démarche utopique et tout sauf pragmatique, car seule cette technique peut permettre d'accomplir ces prérequis devant précéder toutes acquisitions. Jean-Marc Peyrical lui aussi explicite parfaitement cette ambition irréaliste d'un appel d'offre qui serait amplement suffisant, car continuer à n'accepter la négociation que dans de très rares cas signifie que pour le reste « les cahiers des charges préparés par les collectivités publiques doivent parfaitement traduire la définition de leurs besoins, tant sur le plan financier que technique, afin que les offres présentées par les candidats soient les plus adaptées possible à de tels besoins. Etant donné que l'on se situe, en cas d'appel d'offres, dans le domaine des contrats d'adhésion, les possibilités d'ajustement entre l'offre et la demande se trouvent particulièrement restreintes et nécessitent une compétence aiguë de la part de l'administration afin qu'elle puisse contracter avec l'entreprise la plus à même de fournir la prestation attendue. »425

Ce manque de réalisme qui sclérose à tous les niveaux le droit des marchés publics atteint son paroxysme avec le refus de la négociation qui est la figure de proue des fervents défenseurs de la performance. Si bien que les voeux d'ouverture à la négociation des marchés publics se multiplient426, au nom d'une plus grande efficacité de l'achat public.

Les avantages de la négociation. Il est parfois essentiel de négocier. La négociation permet de prime abord « de discuter des conditions économiques de la réalisation de la prestation. »427 Aussi s'impose-t-elle seulement lorsqu'il ne s'agit pas de choisir une offre portant sur un service ou un produit courant, et pour lesquels la concurrence est suffisante. Dans ces cas là, le prix suffit en effet à départager les différentes offres (on retrouve ici les deux conditions sine qua non du recours à la négociation : une mauvaise connaissance du marché et une définition imprécises des besoins).

Dans l'hypothèse inverse où la négociation s'impose, celle-ci permet d'avoir un « échange réel Ð et constructif Ð entre l'administration et ses candidats »428. Ainsi cette

424 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation », Contrats-Marchés publics, 2014, dossier 7.

425 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », art. préc.

426 V. en ce sens quelques exemples : F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc. ; M. UBAUD-BERGERON, « La négociation », art. préc. ; F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », art. préc. ; F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un vrai) management de l'achat public », www.achatpublic.info, 2014. ; J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », art. préc.

427 A. JOSSAUD, « Marchés publics : dialoguer n'est pas négocier », AJDA 2005, p. 1718.

428 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », art. préc.

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procédure se justifie pour trouver l'offre économiquement la plus avantageuse lorsque celle-ci n'apparaît pas immédiatement et objectivement.

Les opérations complexes qui ne sont pas pour autant des marchés de partenariat, doivent pouvoir donner lieu à des négociations qui permettraient à la personne publique non seulement de préciser ses besoins, tout en permettant aux opérateurs de proposer des solutions « concurrentielles non anticipées, éventuellement innovantes »429.

Ensuite une bonne négociation évite de recourir par la suite à des avenants430, ce qui est un gain de sécurité juridique et qui permet d'éviter les surcoûts engendrés par de telles renégociations.

La négociation permet également aux pouvoirs adjudicateurs d'exiger des justifications des opérateurs sur leurs offres, ce qui permettrait d'éviter notamment de choisir des entreprises qui pour remettre une offre aussi séduisante ne respecteraient pas le droit de la concurrence431.

La négociation implique nécessairement la possibilité de modifier tant la commande que l'offre, au fur et à mesure des discussions avec les candidats. Aussi un point de rencontre de l'offre et de la demande se dessine progressivement grâce à elle. La négociation représente « l'acte de commercer »432 par essence. Surtout ce droit à la négociation est le principe en droit privé car la liberté contractuelle suppose fondamentalement de pouvoir « contracter en toute compétence et connaissance de cause. »433

La directive fait également valoir dans son considérant 42 que « les offres transnationales obtiennent un taux de réussite particulièrement élevé dans le cas de marchés passés par une procédure négociée avec publication préalable. » 434 Lorsque plusieurs cultures administratives, commerciales ou juridiques doivent se concilier, la négociation devient rapidement nécessaire.

L'extension de la négociation ne fait néanmoins pas l'unanimité puisque certains

429 P. BAJARI, R.S. MCMILLAN et S. TADELIS: « Auctions versus Negotiations in Procurement : An Empirical Analysis », Journal of Law, Economics, and Organization, vol. 25, n° 2, 2009, pp. 372-399, in S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

430 J-L GUASCH., J-J. LAFFONT et S. STRAUB : « Renegotiation of Concession Contracts in Latin America: Evidence from the Water and Transport Sectors », International Journal of Industrial Organization, vol. 26, n° 2, 2008, pp. 421-442, in S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

431 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

432 Plus exactement, c'est la « transmission des effets du commerce », www.Larousse.fr.

433 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions », AJDA 2009, p. 965.

434 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, Consid. 42.

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comme le Professeur Allaire, sont d'avis que l'effet d'une telle ouverture ne serait que relatif. Il fustige la doctrine économique d'avoir une telle idée, en mettant en avant le déséquilibre originel, qui existe en faveur de l'Administration au moment de contracter. Autrement dit, le rapport de force contractuel qui existe dans chaque contrat public penche en faveur de l'Administration et ne saurait être rééquilibré par la négociation 435 . A choisir l'Administration devrait donc plutôt ne pas négocier et imposer ses propres conditions. Sauf que celles-ci pourraient être non viables économiquement, annonçant du même coup un contrat dont l'exécution sera rythmée par de nombreuses péripéties contre-performantes (avenants, tensions, retard, etc.). Ces considérations datent toutefois de 2009 et l'évolution de la pratique et du droit des marchés publics semble ne pas aller dans ce sens.

Constat : La négociation comme simple dérogation. La sélection des offres annoncent de nombreuses difficultés que les Professeurs Saussier et Tirole ont tâchés d'énumérer : « risque de collusion lorsque les marchés sont concentrés ; risque de «malédiction du vainqueur« (lorsque la meilleure offre émane du partenaire le plus optimiste et non du plus efficace) ; risque de recevoir des offres excessivement agressives afin d'être retenu, avec l'idée de renégocier ensuite le contrat ; risque de corruption. »436 Or la négociation devrait permettre de réduire ces différents risques, mais ces procédures de négociation sont trop peu utilisées en Europe (dialogue compétitif inclus).

L'article 42 de l'Ordonnance du 23 juillet 2015 met en avant quatre procédures possibles lorsque le marché à passer se situe au-dessus des seuils et qu'il ne s'agit pas d'un marché de partenariat : l'appel d'offre, le dialogue compétitif, la procédure concurrentielle avec négociation et la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalable. Ces différentes opportunités se différencient les unes des autres par la place que chacune laisse à la négociation437 : interdite ou asymétrique - où soit seuls les besoins peuvent varier (dialogue compétitif), soit seules les conditions de l'offre peuvent varier (procédure concurrentielle avec négociation ou la procédure négociée sans mise en concurrence ni publicité préalables). Pour autant la pleine négociation où chacune des parties

435 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

436 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

437 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation », Contrats et Marchés publics, n° 6, 2014.

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peuvent faire évoluer leurs propositions est exclue dès lors que le marché a une valeur qui le situe au-dessus des seuils européens de passation438.

Aujourd'hui, avec les nouveaux textes, la procédure de principe reste l'appel d'offre, tandis que pour négocier des conditions doivent être remplies439. Contrairement aux règles applicables aux entités adjudicatrices, un libre choix n'est donc pas permis440. Lorsque l'on parle d'extension de la négociation ou d'ouverture de celle-ci, cela signifie que les conditions à remplir pour y recourir sont de plus en plus larges.

Finalement, la négociation reste non seulement dérogatoire mais, même lorsqu'elle est admise, en procédure formalisée, celle-ci est restrictivement entendue (toujours asymétrique). Pour autant, il faut reconnaître quelques récentes avancées.

Une ouverture progressive441. Les directives européennes de 2014 ont été à la hauteur des attentes, quant à l'élargissement des possibilités de négociation. Ces avancées sont reconnues par la majorité des auteurs, dont Laurent Richer442.

Désormais, d'après les directives, la négociation (dialogue compétitif ou procédure concurrentielle avec négociation) peut désormais être utilisée dès lors que le service, le produit ou les travaux commandés ne sont pas « standardisés » selon le Professeur Richer443, qui voit dans cette progression de la négociation une atténuation significative de l'écart entre le régime applicable aux pouvoirs adjudicateurs et celui des entités adjudicatrices.

Si le Professeur Richer semble se contenter de cette ouverture, le Professeur Ubaud-Bergeron considère plutôt et à juste titre que cette évolution reste inachevée puisqu'une totale liberté du choix de la procédure n'est toujours pas reconnue. Il a du être jugé trop difficile de savoir si un achat mérite ou non le recours à une négociation.

438 On ne traitera pas ici la possibilité de négocier pour passer un marché de partenariat, qui est la procédure négociée avec mise en concurrence préalable.

439 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, arts. 25-I (procédure concurrentielle avec négociation ou le dialogue compétitif) et 30 (Marchés publics négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables). Les conditions de recours au dialogue compétitif ou aux marchés publics négociés sont équivalentes.

440 Ibid., art 26.

441 V. pour les conditions de recours à la négociation sous l'empire du Code de 2006 à l'article 35 : « la négociation n'était au final permise qu'en raison du caractère exceptionnel de la nature de l'achat ou des circonstances de l'achat », résume Marion Ubaud-Bergeron.

442 L. RICHER, « la concurrence concurrencée : à propos de la directive 2014/24 du 26 février 2014 », art. préc. Dans le même sens : M. UBAUD-BERGERON, « La négociation », art. préc.

443 V. en ce sens les six hypothèses dans lesquelles le dialogue compétitif ou la procédure concurrentielle avec négociation sont autorisées : D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 25-II.

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La subjectivité attachée à ce choix de la procédure est pourtant la conséquence directe de l'utilisation de l'instrument contractuel qui ne doit pas sans cesse être objectivée, par la soumission de sa passation à un certain nombre de critères objectifs tout aussi malléables les uns que les autres.

Les raisons de la frilosité du législateur et des acheteurs publics à l'égard de la négociation. Il existe deux raisons principales à cette méfiance vis-à-vis de la négociation. D'une part, il y a des doutes quant à la capacité des acheteurs publics à négocier, et d'autre part, le respect des principes fondamentaux de la commande publique lors d'une négociation n'est pas garanti. La problématique est ainsi résumée par Jean-Marc Peyrical, qui au moment de s'intéresser à la négociation écrit que se pose « la problématique de la capacité des structures publiques à mener à bien des politiques d'achat à la fois sécurisées juridiquement et efficaces économiquement. »444 Ces raisons ont été détaillées, puis relativisées par Marion Ubaud-Bergeron445.

De prime abord, lors de négociations le principe d'égalité risquerait de ne pas être pleinement respecté, puisque la personne publique serait susceptible de favoriser certains candidats en leur donnant des informations les avantageant. De même, la modification des besoins de la personne publique en cours de négociation, pourrait porter atteinte à la liberté d'accès à la commande publique ainsi qu'à l'égalité de traitement entre les candidats effectifs et potentiels, puisque certains opérateurs auraient pu vouloir participer à la procédure s'ils avaient eu connaissance d'un tel changement. En outre, le secret des affaires et le respect de la confidentialité des offres seraient également susceptibles d'être ignorés lors d'une négociation.

Toutes ces considérations qui ont trait à la sécurité juridique de la procédure ne sauraient être retenues, car si cette inquiétude est légitime, refuser la négociation pour ces motifs relève de l'excès de prudence. Il faudrait plutôt encadrer d'avantage la négociation. Formaliser davantage cette procédure de négociation semble donc être l'alternative adéquate446. Or le Professeur Ubaud-Bergeron met en avant que le législateur européen s'est

444 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions », art. préc.

445 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation », art. préc.

446 A. JOSSAUD, « Marchés publics : dialoguer n'est pas négocier », art. préc. : l'auteur après avoir relevé le risque de la négociation quant à l'égalité de traitement, considère qu'il est nécessaire de se poser la question suivante : « comment organiser la discussion de façon à ce qu'elle (la négociation) ne devienne pas inégalitaire, au risque de mettre en péril l'efficacité de l'achat (?) ».

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récemment attaché à encadrer, non plus le recours, mais bien la forme que doit prendre cette négociation.

Enfin, cette méfiance peut également s'expliquer par une surprotection des personnes publiques, qui ne seraient pas capables de négocier. N'étant par formées à la conduite de négociations, elles seraient susceptibles d'en sortir perdantes. Or il est approprié de soulever un manque d'expérience, mais celui-ci est directement lié à la limitation de la pratique des négociations, et surtout ce retard est en train de se réduire447.

Une professionnalisation des acheteurs quant à la négociation semble néanmoins nécessaire et si la formation a nécessairement un coût, on opposera à ces atermoiements la fameuse réplique attribuée à Abraham Lincoln : « if you think education is expensive, try ignorance. »448. De plus, l'ouverture à la négociation contribuerait du même coup à la banaliser449.

Un refus de la négociation inconstitutionnel et inconventionnel ? Cette frilosité vis-à-vis de la négociation serait légitimée juridiquement, ce qui contribuerait à freiner son extension450.

La liberté contractuelle permet de laisser le choix aux cocontractants, ou au moins à l'un des deux, de négocier ou non, comme c'est le cas pour les contrats dits « d'adhésion » qui sont très répandus dans le secteur privé. La passation d'un contrat n'impose donc pas de procéder à une négociation. Toutefois si la liberté contractuelle ne recouvre pas forcement « un droit à négocier »451, cette liberté impose qu'au moins l'un des cocontractants en ait fait le choix. Libre à l'un des cocontractants de conditionner son consentement à une passation non-négociée, pour autant, les pouvoirs réglementaire ou législatif ne sauraient l'imposer, si l'on s'en remet au seul principe constitutionnel de liberté contractuelle.

Il apparaît cependant que cette fâcheuse restriction de la liberté contractuelle trouve sa justification dans un autre principe constitutionnel, avec lequel il faut concilier cette liberté de négocier : le principe d'égalité de traitement. Il reste que ce principe est issu du

447 Ibid.

448 Trad. : « Si vous pensez que l'éducation est cher, essayez l'ignorance ». Citation attribuée à A. Lincoln ou D. Bok, avocat et président de l'Université d'Harvard 1971-1991, in F. Linditch, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art préc.

449 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation », art. préc.

450 Ibid.

451 Ibid.

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principe de libre-concurrence et qu'il se fonde sur l'efficacité et le bon usage des deniers publics qu'il doit permettre.

Si l'on s'accorde sur ce postulat de départ, il est alors aisément possible de considérer qu'égalité de traitement et négociations ne s'opposent plus, mais servent le même objet : l'efficacité. Dès lors refuser l'usage de plein droit de la négociation aux pouvoirs adjudicateurs, sous prétexte qu'un risque pour l'égalité de traitement existe, ne tient plus. Il reste pour autant nécessaire de garantir cette égalité de traitement au cours de la négociation, mais la juste conciliation des deux principes ne va pas de pair avec une régulation aussi drastique de la négociation.

En outre, la négociation, ainsi que les principes fondamentaux applicables à l'achat public, tel que l'égalité de traitement des candidats, sont comme le souligne le Professeur Ubaud-Bergeron, autant l'un que l'autre destinés à placer les personnes publiques dans les conditions d'un acheteur « normal » du marché452. Autrement dit, le principe européen de libre concurrence n'est pas non plus respecté en refusant un plein accès à la négociation.

Ce faisant, en ignorant le but dans lequel ont été instaurés les principes fondamentaux de la commande publique, il n'est pas étonnant que l'efficacité de l'achat public ne soit pas optimale.

Les évolutions à apporter. Il reste que la négociation demeure une mesure d'exception, mais que l'imprécision des conditions qui sous-tendent son utilisation contribue à placer les pouvoirs adjudicateurs dans une certaine insécurité juridique. La négociation n'est certes pas indispensable pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, cependant seul le pouvoir adjudicateur est capable d'en juger. Il n'est de fait pas adéquat de laisser le juge valider son utilisation. Il serait préférable de laisser le libre choix de la procédure aux personnes publiques, tout en laissant au juge la possibilité de sanctionner une éventuelle erreur manifeste d'appréciation.

Il faudrait par ailleurs continuer à encadrer l'utilisation de cette procédure de négociation. Si les guides de bonnes pratiques ou même les textes normatifs peuvent et doivent être utilisés, il doit revenir également au juge administratif de forger « une culture et une éthique de la négociation. »453 Autrement dit, il faudrait permettre un meilleur contrôle

452 Ibid.

453 Ibid.

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de ces négociations en garantissant une certaine transparence454, tout en préservant la confidentialité. C'est dans ce sens que Stéphane Saussier et Jean Tirole proposent de rendre obligatoire l'établissement par le pouvoir adjudicateur de deux rapports synthétiques portant sur l'analyse des offres, avant et après la clôture des négociations455, afin de rendre compte des acquis de celle-ci. Ce rapport trouverait une utilité bien supérieure, comparé au rapport justifiant actuellement le recours à la négociation. De même il faudrait que le pouvoir adjudicateur prenne les dispositions nécessaires pour prouver que les principes fondamentaux ont été respectés au cours de la négociation. Autrement dit, il faut laisser la place au principe de traçabilité, car une négociation doit être vue comme un surplus de concurrence et non pas l'inverse.

Finalement, même après plusieurs avancées, permises par les nouveaux textes, il reste que les marchés publics sont encore trop souvent des contrats d'adhésion456. La négociation doit donc encore se développer et les praticiens doivent par ailleurs être formés en ce sens.

C'est une véritable liberté qui doit être recherchée. Aussi s'il semble à l'heure actuelle difficilement contestable, que « le contrat administratif (pris dans son ensemble) est hermétique à ce dogme »457 de la liberté contractuelle, il n'est pas certain qu'il ne faille pas différencier l'acte d'achat, de la masse uniforme formée par l'ensemble des contrats administratifs. Car contrairement à ce qui est soutenu par Sophie Nicinski, il semble que l'intérêt des parties prenantes d'un achat public ne soit pas dépassé458. Au contraire la protection de la concurrence, le bon usage des deniers publics, ainsi que la performance « sont de l'intérêt même de la personne publique »459 à condition de garder comme objectif que les droits découlant d'une telle liberté permettent d'aboutir à un équilibre entre efficacité et sécurité juridique, c'est à dire entre une vision managériale de l'achat public et une vision bien trop juridique et contraignante de ce dernier (Chapitre 2).

454 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », art. préc.

455 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

456 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions », art. préc.

457 S. NICINSKI, « le dogme de l'autonomie de la volonté dans le droit des contrats administratifs », in Contrats publics, Mélanges Guibal, Montpellier 2005, T.1, p. 45 et s.

458 Idem.

459 B. NAYRAUD, « L'optimisation de l'offre et la demande en Marchés publics », Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2012, p. 32.

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Chapitre 2 : Du juriste au manager de l'achat public

Plan. Comme le soutenaient deux praticiens, dès 2005 : « La balance de l'achat public comporte donc deux plateaux : la sécurité juridique, et la logique économique. La vocation de l'acheteur public est de réaliser le bon équilibre entre ces deux paramètres, et non pas seulement de faire de simples gains financiers. »460 Il convient de s'interroger ici sur les sous-objectifs que doivent avoir tant l'acheteur public que le droit des marchés publics, afin de mettre en place une politique d'achat performante. Il s'agit donc d'élaborer une stratégie d'achat, qui consiste à déterminer la manière d'atteindre cette performance.

A cette fin deux objectifs doivent tout d'abord s'équilibrer, de façon à avoir une importance équivalente lors de l'élaboration de cette stratégie : la régularité du contrat et une passation ainsi qu'une exécution efficace. Or il s'impose rapidement le constat d'un retard de l'objectif d'efficacité de l'achat au dépend d'une stratégie axée exclusivement sur la sécurité juridique de ce dernier (Section 1).

Dès lors, il semble nécessaire de décrire ce que devrait être une stratégie d'achat proactive, en se concentrant sur les différentes techniques permettant un achat efficace. Ces techniques doivent être destinées d'une part à avoir une meilleure gestion du contrat, et d'autre part à professionnaliser les acheteurs publics (Section 2).

Section 1. L'achat public ou l'objectif d'équilibre entre l'efficacité managériale et la sécurité juridique

Plan. Aussi, après s'être intéressé à l'utilité d'une sécurisation juridique de l'acte d'achat (I), il faudra mettre en avant le retard qu'accusent les préoccupations liées à l'efficacité des acheteurs publics (II).

I. La sécurité juridique, gage d'efficacité

Plan. La sécurité juridique, tant dans son aspect formel, que dans son aspect matériel, s'inclut pleinement dans une stratégie de performance. Cet objectif devrait guider tant l'élaboration du droit applicable de l'achat public (A), que sa mise en oeuvre (B).

460 V. LEBON (Attachée territoriale), F. PISTONE (acheteur), « Le coût économique de la sécurité juridique des marchés publics », AJDA 2005, p.1817.

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A. La sécurisation du droit applicable

L'exigence de qualité de la norme. Dans une optique d'efficacité de l'achat public, la sécurisation du droit en lui-même semble évidemment recommandable. La sécurité juridique et l'efficacité juridique sont étroitement liées.

La sécurité juridique dans sa dimension matérielle, exige une norme de qualité. Cette exigence a même été consacrée constitutionnellement, à travers les objectifs à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi461. Cette exigence appliquée au droit des marchés publics est depuis longtemps réclamée et s'est progressivement précisée au fur et à mesure, depuis l'époque où Michel Guibal réclamait en 1994 une « simple » codification462 de ce droit des marchés publics. Cette sécurisation du droit fût de tout temps un enjeu d'efficacité.

La lisibilité du droit applicable aux marchés publics : une nouvelle ordonnance porteuse d'espoir. La nouvelle ordonnance de 2015 était porteuse de beaucoup d'attentes quant à la clarification du droit des marchés publics. François Brenet exprime parfaitement un certain optimisme lorsqu'il écrit qu' « il faut espérer qu'elle concrétise le début d'une ère nouvelle, marquée par une plus grande lisibilité et une plus grande facilité d'accès à la règle juridique, le tout au service d'une meilleure efficacité de l'achat public. »463. Il semblerait donc que cette réforme ait répondu aux attentes de simplification et de consolidation, servant ainsi une intelligibilité, qui est créatrice de performance. Le professeur Noguellou se range également à cet élan positif puisque, selon elle, « l'ordonnance du 23 juillet 2015 marque, à n'en pas douter, une simplification du droit français des marchés publics. »464.

Les raisons de cette simplification et de cette consolidation du droit de l'achat public se rattachent selon le Professeur Brenet à deux facteurs. Bien sûr, d'une part, l'Union Européenne avec sa nouvelle directive relative aux marchés publics avait initié un mouvement de clarification et de rationalisation du droit applicable à l'achat public. D'autre part, et c'est là le facteur le plus intéressant pour nous, il semblerait que se soit la situation économique problématique qui ait poussé les décideurs politiques à des changements

461 Cons. Const., 16 déc. 1999, n° 99-421, L. portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

462 M. GUIBAL, « Codification et simplification du droit des marchés publics », AJDA 1994, p.6.

463 F. BRENET, « Les nouvelles bases du droit des marchés publics », AJDA 2015, p.1783.

464 R. NOGUELLOU, « Le nouveau champ d'application du droit des marchés publics », AJDA 2015, p.1789.

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radicaux. Les bienfaits économiques d'un texte intelligible seraient donc bien présents dans leurs esprits.

La simplification du droit des marchés publics par l'ordonnance du 23 juillet 2015. Cette ordonnance abroge le Code des marchés publics, l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices non soumis au CMP, ainsi que celle du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat465. La doctrine s'accorde à dire que le gouvernement a sur-transposé les directives. Le droit de la commande publique était trop sophistiqué. Si bien que de trop nombreux textes disparates s'appliquaient.

Or ce défaut avait depuis longtemps été relevé puisque « l'éclatement des sources écrites et non écrites applicables en matière de contrats publics (É) (était) en contradiction avec la nécessaire sécurisation juridique des décisions prises par les collectivités publiques. »466 Plus particulièrement, ce sont les créations successives de contrats globaux sur-mesure qui sont venues contribuer à ce « trop plein législatif ». Selon Gabriel Eckert « la multiplication des contrats spéciaux, chargés chacun de répondre, plus ou moins efficacement à une difficulté circonstancielle ou aux besoins de tel ministère, apparaît comme la négation même de la loi, laquelle doit avoir une vocation générale. »467 En outre, la simplification est intervenue à deux autres niveaux.

D'abord la notion de marché public s'est trouvée unifiée et étendue, notamment par la réunification des notions de marché et de contrat de partenariat, ce dernier ayant vocation à devenir un marché de partenariat. Aussi la « concrétisabilité »468 de cette notion de marché public fût donc permise. Un texte normatif est clair non seulement lorsqu'il répond à une exigence de lisibilité, mais également lorsqu'il est aisément concrétisable par le juge qui doit statuer dans un cas d'espèce.

Ensuite, un fondement législatif a été donné au droit des marchés publics, mettant un terme plus que souhaitable aux constructions maladroites et improbables du juge administratif pour tenter de légitimer la mainmise du gouvernement sur la « réglementation » des marchés publics. Cette question est symptomatique des difficultés de modernisation du

465 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 102.

466 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », art. préc.

467 G. ECKERT, « Réflexions sur l'évolution du droit des contrats publics », RFDA, 2006, p.238.

468 Terme théorisé par A. FL†CKIGER, « Le principe de clarté de la loi ou l'ambiguïté d'un idéal », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21, 2007.

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contrat administratif, puisque de facto ce dernier n'a pas la même protection juridique que son homologue privé, alors que la notion de contrat est commune aux deux corpus juridiques. Ceci alors que les droits de propriété, privés ou publics469 ou la liberté contractuelle privée et publique, ont certes leurs particularités respectives, mais disposent théoriquement de la même protection constitutionnelle.

C'est en effet la compétence réglementaire qui était retenue, pour élaborer les textes applicables aux marchés publics aussi bien de l'Etat470, que des collectivités471. Le Code ne serait en effet, d'une part, qu'un « code de procédure administrative. », permettant à l'Etat de « se l'imposer à lui-même par voie réglementaire. »472 et d'autre part, la survivance d'un décret d'habilitation de 1938 justifiait la compétence du gouvernement pour mettre en place cette fois les règles applicables aux marchés publics des collectivités territoriales.

Outre le fait que cette construction juridique était très critiquée473 et fortement instable, le véritable enjeu selon Yves Gaudemet est « ni plus ni moins de reconnaître dans le contrat administratif un véritable contrat, nettement dégagé de la gangue des procédures, un accord de volontés générateur d'obligations, et non plus seulement une modalité particulière d'administration »474. Pour cela il fallait donc reconnaître que l'article 34 de la Constitution impose au législateur d'élaborer ce droit, au même titre que les contrats de droit privé475. Autrement dit, les obligations juridiques, qu'elles naissent d'un contrat de droit civil ou de droit administratif ont la même nature. Selon Yves Gaudemet il s'agit dans tous les cas d'obligations civiles. La protection accordée à l'une ou l'autre doit donc être la même et doit surtout être consacrée à l'échelon constitutionnel476. Peut-être même, que les atermoiements, hésitations et autres imprécisions qui entourent depuis toujours le droit des marchés publics trouvent en partie leur explication dans ce déséquilibre et cette place bien trop importante qui était accordée au gouvernement ? En tout état de cause, la simplification du droit des marchés publics est née avec son rehaussement législatif.

469 Cons. const., 25-26 juin 1986, n° 86-207 DC, relative à la Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

470 CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, n° 238039.

471 CE, Ass., 29 avr. 1981, Ordre des architectes, n° 12851.

472 Concl. D. PIVETEAU, sous CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, préc.

473 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, p. 316.

474 Y. GAUDEMET, « Le contrat administratif, un contrat hors-la-loi », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 17, 2005.

475 Cité par Y. GAUDEMET dans l'article précité : F. LUCHAIRE, « Fondements constitutionnels du droit civil », Revue trimestrielle de droit civil, 1982, p. 245.

476 V. en ce sens : Y. GAUDEMET, « Prolégomènes pour une théorie des obligations en droit administratif français », Recueil en l'honneur de Jean Gaudemet, Nonagesimo anno, 1999, p. 613.

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Finalement la simplification se retrouve aussi dans le détail des mesures, puisque les notions de pouvoir adjudicateur et d'entité adjudicatrice ont elles aussi été simplifiées. La notion de marché de travaux est également simplifiée en se démarquant de la maîtrise d'ouvrage publique477. Un rapprochement opportun des législations européenne et nationale peut être observé, ce qui est là encore facteur de lisibilité, de sécurité et donc de performance.

Un droit stable. Quoi qu'il en soit, cette réforme doit être la dernière. Il faut que le droit des marchés publics se stabilise, car c'est un prérequis pour la performance.

»478

Pouvoir anticiper, pouvoir maîtriser l'ensemble des règles, ainsi que leur portée est essentiel pour mettre en place une politique d'achat performante. Il faut que des pratiques puissent naître et s'améliorer et surtout perdurer. Cette exigence performancielle d'un droit stable fait échos aux recommandations qui avaient déjà été faites en 2005, après la seconde réforme, par le professeur François Lichère : « L'efficacité de la commande publique mais aussi sa rentabilité, en ces temps favorables à l'analyse économique du droit, s'accommodent mal de changements intempestifs en raison des pertes de temps liées à l'adaptation à la norme et des coûts induits (achats de nouveaux logiciels, formation du personnel, etc.).

C'est dire si aujourd'hui cette revendication mériterait d'être entendue, plus de 10 ans déjà après qu'elle ait été formulée.

B. La sécurisation du contrat

Plan. Pour qu'un contrat soit sécurisé juridiquement, il est essentiel qu'il soit non seulement légal (1), mais qu'il soit également stable (2).

1) Un contrat légal

La copie à tout prix ? Il est évident que dans l'optique d'un meilleur achat public, s'inspirer des techniques du secteur privé est recommandé. Cependant, cet entêtement des praticiens ne doit pas non plus se faire au mépris du droit des marchés publics. Il est certain que ce corpus juridique mérite des changements, c'est l'objet de ce travail. En attendant, de nombreux praticiens recherchent sans arrêt la dernière technique à la mode, sauf que le

477 V. pour plus de détail : P. BOURDON, « L'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : premier acte de la rationalisation du droit de la commande publique », RDI 2016, p. 8.

478 F. LICHERE, « Code des marchés publics : faut-il réformer la réforme de la réforme ? », AJDA 2005, p. 1.

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respect du droit en vigueur, tout imparfait soit-il, demeure essentiel479. Autrement dit, le sujet était jusqu'ici la performance économique, néanmoins il faut également veiller à ne pas perdre de vue ce qu'il serait possible d'appeler la « performance juridique ».

En outre, s'il est vrai pour Balzac que « copier, c'est vivre »480, il reste que pour Victor Hugo il ne faut « imitez rien ni personne » car « un lion qui copie un lion devient un singe. » 481 Les acheteurs publics doivent donc s'inspirer, tout en se méfiant car la réglementation à laquelle ils sont soumis reste justifiée à bien des égards.

Il est vrai qu'un parallèle entre ces deux mondes, peut et doit être établi, puisque d'une part l'un et l'autre ont des comptes à rendre en matière de performance, respectivement aux citoyens et au conseil d'administration, d'autre part, la recherche de l'efficience par l'intermédiaire de l'innovation dans les techniques d'achat existe tant chez les acheteurs privés que publics.

Les acheteurs publics et privés évoluent cependant dans des sphères différentes. L'acheteur public a une responsabilité globale qui suppose la recherche d'une performance globale, aussi il ne peut se contenter de rechercher le profit, son action s'intègre dans un espace plus large dans lequel l'aménagement du territoire, le service public ou le développement durable doivent notamment rentrer en compte, pas seulement dans un but marketing comme c'est le cas pour une entreprise privée, mais bien en vertu de l'intérêt général.

Ainsi la politique d'achat public subséquente qui est mise en place doit demeurer conforme au cadre juridique actuel, parallèlement au fait que ce cadre doive nécessairement évoluer.

2) Un contrat stable

Une exigence juridique de stabilité. Le principe de sécurité juridique signifie dans sa dimension formelle que le droit doit pouvoir être prévisible et que les cadres juridiques doivent demeurer stables. À l'origine, le fondement d'un tel principe est celui de non-rétroactivité de la loi482, cependant la sécurité juridique est devenue elle-même un principe général du droit483.

479 Ibid.

480 H. DE BALZAC, OEuvres diverses, T. 1, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1996.

481 V. HUGO, OEuvres complètes. Océan., coll. Bouquins, Robert Laffont, 2002.

482 Code civil, art. 2.

483 CE, Ass., 24 mars 2006, Sté KPMG, n 288460 et s.

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Le risque contentieux. De part la nature palliative et très contraignante du droit des marches publics, l'achat public s'accompagne d'un risque contentieux élevé. La question rhétorique que pose François Villette est néanmoins pertinente : « à combien se chiffre le coût, pour une collectivité, de construction contractuelle bâclée ou désuète par manque de temps, ou de non-choix de recours à des procédures d'achat innovante par peur du recours « croque- mitaine « ? »484 Ces contentieux sont effectivement peu nombreux485. Un juste compromis doit être trouvé entre l'innovation et le respect scrupuleux du droit applicable.

Mais alors comment trouver le compromis parfait en pratique ? Il semble qu'une fois les règles spécifiques mises en oeuvre, il faille s'en remettre aux principes fondamentaux, comme se fût d'ailleurs consacré pour la procédure adaptée486. Or la vacuité de ces principes reste problématique. Pour autant les acheteurs publics doivent se les approprier, aussi bien pour saisir l'utilité des procédures formalistes, que pour tenter de savoir si une technique innovante tel qu'une fiche qualimétrique ou du sourcing, sur lesquels on reviendra, peut être utilisée ou non. Il est également souhaitable selon certains de « remonter à l'origine de la spécificité de ces achats vis-à-vis du rôle de l'action publique et de l'intérêt général »487 pour saisir toute la portée des principes fondamentaux.

Le contentieux des contrats administratifs, un droit qui arrive à maturité. La relation d'affaire qu'implique l'achat public entre le pouvoir adjudicateur et l'opérateur économique rendait impraticable le contentieux dit Martin488. Celui-ci ne marchait que trop bien et il avait fallu attendre 2007 et l'arrêt Tropic 489 pour voir le plein contentieux s'ouvrir aux candidats évincés. Mais c'est véritablement l'arrêt Tarn-et-Garonne490 qui a entraîné un « choc de sécurisation »491 du contrat en 2014. Stéphane Braconnier voit dans cet arrêt trois évolutions majeures, contribuant chacune à une sécurisation du contentieux contractuel et du contrat administratif : simplification, clarification et sécurisation.

484 F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un vrai) management de l'achat public », art. préc.

485 Environ 6 000 par an devant le tribunal administratif, ce qui représente 1,5 % des contrats. En partant de l'hypothèse que 400 000 contrats sont conclus chaque année (le cas échéant dans le cadre de marchés allotis), in Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit.

486 CE, Avis, 29 juillet 2002, Sté MAJ Blanchisseries de Pantin, n°246921.

487 M. TORT (Consultant formateur en matière de réglementation et d'achat public), « Combiner sécurité juridique et efficience en matière d'achat public ? », Le Blog de la performance publique ( www.blogacpformation.fr), 2013.

488 CE, 4 août 1905, Martin, p. 749.

489 CE, Ass., 16 juil. 2007, Sté Tropic Travaux Signalisation, n° 291545.

490 CE, 4 avril 2014, Dépt du Tarn et Garonne, n° 358994.

491 S. BRACONNIER, « Contentieux des contrats : le choc de sécurisation ? », AJDA 2014, p. 945.

124

Avec cette décision le Conseil d'Etat permet d'abord une « simplification » en étendant le recours de plein contentieux à l'ensemble des tiers, aussi le juge du contrat sera en principe saisi et le juge de l'excès de pouvoir n'intervient plus qu'à de rares exceptions en matière contractuelle.

De plus, cet arrêt permet une « clarification» du droit avec l'extension du recours de plein contentieux à tous les tiers, ainsi qu'aux parties492. Ce recours est un recours subjectif, bien plus en adéquation avec la nature subjective du contrat. L'analyse in concreto que fait le juge en prenant en compte la légalité, mais également les intérêts en présence, la valeur juridique du contrat ou l'intérêt général, contribue à inscrire ce recours dans la réalité du contrat, tout en limitant son accès puisqu'il est exigé une preuve d'un intérêt à agir et de moyens invocables pour le remettre en cause.

Aussi bien la clarification que la simplification, ont un impact en terme d'efficacité, puisque le contentieux contractuel devient ainsi un contentieux réaliste, qui s'attache à saisir l'ensemble des tenants et aboutissants du contrat. Les parties ne sont plus à la merci du juge de l'excès de pouvoir, qui ne pouvait choisir qu'entre l'annulation et la poursuite des relations contractuelles. Cette « révolution » jurisprudentielle apporte donc de la lisibilité au contentieux, ainsi que de la stabilité aux relations contractuelles.

Enfin c'est une sécurisation du contrat. La remise en cause du contrat n'est plus chose aisée, les pouvoirs de modulation du juge sont décuplés et le risque d'une remise en cause du contrat par les tiers est amoindri. Les contrats sont alors plus ambitieux et les relations contractuelles sont plus apaisées. Autant de facteurs de performance pour l'achat public.

De même, si les tiers au contrat se contentaient de demander plutôt que l'annulation et l'indemnisation, seulement la réparation alors, là encore, le risque financier qui pèse sur la personne publique serait amoindri, puisque seuls les candidats évincés qui avaient des chances sérieuses d'emporter le marché obtiendront la réparation de leur manque à gagner493. Autrement, seul le remboursement des frais engagés pourrait être décidé par le juge, mais encore faudrait-il que celui-ci considère que le candidat évincé « n'était pas dépourvue de toute chance » d'emporter le marché. Ainsi le risque d'une condamnation est non seulement évaluable mais reste raisonnable pour la personne publique qui peut aborder sereinement ses procédures de passation. Reste que les procédures de modification demeurent exemptes d'une

492 CE, 28 déc. 2009, Cne de Bézier, n° 304802.

493 CE, 18 juin 2003, ETPO Guadeloupe, n° 249630.

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véritable surveillance et d'une prise en compte suffisante de ces renégociations par le contentieux, la faute à un principe de transparence délaissé494.

Un contrat trop sécurisé ? Cette sécurisation du contrat au stade du contentieux est préférable et demeure une véritable avancée, mais paradoxalement les acheteurs publics ont tendance à se focaliser sur la conformité des marchés, tant au droit européen, qu'au droit pénal ou au droit national des marchés publics. Le paradigme doit maintenant changer et la performance économique doit devenir la principale préoccupation des acheteurs et du législateur495. S'il n'est pas déjà atteint, l'objectif de sécurité juridique est en tout cas sur le point de l'être, tandis que l'efficacité, comme l'efficience de l'achat public sont encore et toujours placées au second plan496 (II).

II. L'efficacité et l'efficience, deux objectifs injustement au second

plan dans l'établissement des politiques d'achat public

Plan. La prise en compte de la performance passe par une responsabilisation des acheteurs publics, puisque cette responsabilité publique est la source de l'obligation de performance. Ainsi au moment de fixer les contours d'une politique d'achat public performante Ð qui consiste à déterminer les objectifs à suivre pour l'acheteur public Ð la question de l'objet de cette responsabilisation se pose. Or d'après le Professeur Desmazes, la responsabilité publique a plusieurs dimensions : « dimension politique, dimension éthique et morale, dimension économique et managériale, dimension juridique. » 497 Seules les dimensions managériale et juridique sont utiles à la mise en place d'une politique d'achat performante. Actuellement c'est davantage la dimension politique de la responsabilité des personnes publiques qui est exploitée pour parvenir à un achat performant. Celle-ci est cependant largement insuffisante.

Ainsi l'objectif de la fonction achat doit être de concilier les dimensions juridiques et managériales de la responsabilité publique (A). L'objectif d'efficacité occupe cependant une place moins importante (B).

494 V. Supra.

495 S. BRACONNIER, « Performance et procédures d'attribution des contrats publics », in Performance et droit administratif, N. ALBERT (dir.), LexisNexis, Coll. Colloques & débats, 2010.

496 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art préc.

497 J. DESMAZES, « Achats publics : la problématique conciliation des dimensions managériale et juridique de la responsabilité publique », in Politiques et management public, vol. 19, n° 1, 2001.

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A. L'objectif juridico-managérial de la fonction achat, au service de la performance

L'aspect managérial de l'achat public : la recherche d'économies sur les coûts de transaction. Oliver Williamson qui remporta le Prix Nobel d'économie en 2009 a théorisé le concept de coûts de transaction498. Cette théorie s'intéresse aux coûts préalables à toutes transactions. On parle d'économies transactionnelles. Cette théorie des coûts de transaction (dite TCT) « indique que les caractéristiques des transactions (leur incertitude, leur fréquence, le degré d'actifs ou d'investissements spécifiques qui leur sont nécessaires) ainsi que le contexte dans lequel celles-ci se déroulent (le nombre d'acteurs, leur opportunisme ou leur degré de rationalité) entraînent des coûts de transaction qui diminuent la performance. »499

Williamson a comme postulat de départ que les acheteurs sont dotés seulement d'une rationalité limitée lorsqu'ils achètent500, ce qui ne les empêchent pas d'être opportunistes dans leur choix. Aussi toute opération commerciale sur un marché entraîne des coûts en amont de la transaction.

On peut lister un certain nombre de ces coûts, qui existent autant dans le secteur public que privé, même si certains de ces coûts diffèrent, à titre indicatif les entreprises privées sont soumises aux coûts suivants :

3) « Les coûts de recherche et de négociation initiale d'un contrat avec un partenaire économique (É) ;

4) les coûts de contrôle du bon déroulement du contrat ;

5) les pertes possibles en raison d'un contrat initial inadapté à la situation réelle ;

6) les coûts de sa renégociation éventuelle ;

7) les coûts d'opportunité dus à l'immobilisation du capital destiné à garantir éventuellement le respect des clauses du contrat (couverture, caution...). » 501 Williamson cherche donc ensuite à limiter ces coûts. Les acheteurs doivent choisir la forme institutionnelle la plus adaptée, soit le marché (contrats classiques), la forme hybride

498 O.E. WILLIAMSON, Markets and Hierarchies: Analysis and Antitrust Implications, Free Press, 1975.

499 G. NOGATCHEWSKY, C. DONADA, « Vingt ans de recherches empiriques en marketing sur la performance des relations client-fournisseur », Recherche et Application en Marketing, 2005, p. 7.

500 Thèse développée dans : H. SIMON, Models of Man: Social and Rational. Mathematical Essays on Rational Behavior in a Social Setting, Wiley, 1957.

501 Liste tirée de : J.-M. LEHU, L'encyclopédie du marketing commentée et illustrée, coll. Références, Eyrolles, 2012, pp. 210-211.

127

(contrats néo-classiques tels que la sous-traitance, concession, réseau, etc.) ou la hiérarchie (intégration développée par Ronald Coase en 1937502)503.

Modélisation de la « fonction objectif » de l'acheteur public. Jean Desmazes tente d'appliquer cette théorie des coûts de transaction aux marchés publics et entreprend de modéliser quasiment mathématiquement ce qu'il appel la « fonction objectif de l'acheteur public » afin d'en tirer une politique d'achat performante504.

Pour cela il considère que cette fonction-objectif doit être décomposée en trois sous-objectifs qui sont les suivants :

- « un sous-objectif d'efficience visant la maximisation du rapport qualité / prix de la fourniture à acheter ,
·

- un sous-objectif de maximisation de la sécurité juridique de l'achat (de minimisation du risque de sanction due à un achat non conforme aux règles prescrites par le Code des Marchés Publics) ,
·

- un sous-objectif de maximisation de la marge de liberté de choix de la fourniture et du fournisseur »505.

On l'a vu auparavant, la « sévérité et la complexité »506 du droit des marchés publics nécessites encore aujourd'hui de laisser une place à la protection juridique au sein des objectifs de l'acheteur. De même les acheteurs publics sont au service de l'intérêt général et ont des préoccupations non-économiques qui peuvent intervenir lors de l'achat, en favorisant une entreprise locale plutôt qu'une autre par exemple. Cette liberté de choix sera prise en détournant autant que possible les règles afin de ne pas se mettre pour autant dans l'illégalité.

Chacun de ces sous-objectifs est pondéré, c'est à dire que leur importance au sein de la politique d'achat à mettre en place varie selon différents facteurs. Ces trois sous-objectifs sont objectivement déterminés, tandis que les facteurs en question sont déterminés subjectivement afin de prendre en contre les préférences subjectives de chaque acheteur public.

Finalement cela donne la fonction mathématique suivante :

502 R. H. COASE, The Nature of the Firm, Economica, 1937.

503 G. NOGATCHEWSKY, C. DONADA, « Vingt ans de recherches empiriques en marketing sur la performance des relations client-fournisseur », op. cit., p. 8.

504 J. DESMAZES, « Achats publics : la problématique conciliation des dimensions managériale et juridique de la responsabilité publique », op. cit.

505 Ibid.

506 Ibid.

128

Source : J. Desmazes, « Achats publics : la problématique conciliation des dimensions managériale et juridique de la responsabilité publique », Op. cit..

Dès lors, le niveau de performance - se confond avec ce que le professeur Desmazes nomme « le niveau de satisfaction de l'achat » - dépend de l'importance donnée à chaque « coefficient subjectif ».

Il faut insister sur l'importance de l'efficience, restée depuis trop longtemps au second plan dans la pratique des acheteurs publics. Certains d'entre eux considèrent les pratiques pouvant améliorer la performance économique de leurs achats comme trop « génératrices d'une dégradation de la sécurité juridique. »507 Il vient que l'efficacité et l'efficience, en tant que composantes de la performance, doivent désormais être revalorisées afin de mettre en oeuvre une politique d'achat efficiente (B).

B. Le nécessaire rééquilibrage des impératifs d'efficacité et d'efficience en tant qu'objectifs de la fonction achat

Plan. Tant l'efficacité que l'efficience sont des exigences qui accusent un retard préoccupant lors de la détermination des objectifs que doivent respecter les acheteurs publics (1), tandis que l'intégration de ces impératifs est une nécessité pour le service public (2).

507 Ibid.

129

1) La difficile revalorisation des notions d'efficacité et d'efficience

Un certain optimisme. Certains auteurs ont fait valoir des signes encourageant en faveur de cette efficacité. Florian Linditch faisait en effet remarquer que nous étions passé du marché public à l'achat public. Aussi en 2012 il avançait que ces marchés publics, « depuis une dizaine d'années, (n'étaient) plus conçus comme une fin en soi, mais comme un véritable acte économique. »508 Pour lui « marchés et achats sont devenus indissociables et combinent objectifs économiques et respect de la réglementation. »509 Il est certain qu'une prise de conscience a eu lieu. Pour autant des progrès restent nécessaires.

Un objectif d'efficacité au second plan. Pour autant, encore en 2015, une note émanant du Conseil d'Analyse Économique a permis à deux économistes, Stéphane Saussier et le prix Nobel d'économie de 2014, Jean Tirole, de s'exprimer sur les techniques et changements juridiques à faire valoir pour « Renforcer l'efficacité de la commande publique »510. Aussi cette question reste centrale car « si la commande publique doit viser la meilleure performance possible en termes de coûts et de services, elle est régulièrement montrée du doigt pour son inefficacité. »511

De même le Sénat en 2015 a également rédigé un rapport consacré à la commande publique, avec une troisième partie dédiée à la formulation de « propositions (É) pour une commande publique plus simple, plus efficace et au service de l'économie. »512

Ces critiques trouvent un certain écho dans les écrits du Professeur Allaire qui faisaient état en 2009 « d'une tension constante entre la critique des contraintes qu'il fait supporter aux pouvoirs adjudicateurs et la résistance à rompre avec celles-ci. »513. Selon lui la « lourdeur du formalisme » des procédures de marchés publics trouve son origine dans la crainte d'un retour de la corruption qui avait marqué le début des années 90. Pourtant cette inquiétude est selon lui sans fondement, puisque le cadre juridique mis en place concernant le financement des partis politiques avait déjà amplement vidé de leur substance les liens entre corruption et achats publics.

508 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », art. préc.

509 Ibid.

510 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », Art. préc.

511 Ibid.

512 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Op. cit.

513 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

130

L'extrême inverse : la proposition de suppression du code. Loin d'être satisfait par le droit des marchés publics, certains ont entamé un plaidoyer pour la suppression du Code des marchés publics. L'ancien ministre du budget, père de la LOLF, Alain Lambert, qui en 2012 est alors sénateur, propose un projet de décret ayant pour objet la suppression du Code des marchés publics pour en faire uniquement un code de bonnes pratiques, ne pouvant être utilisé contre les acheteurs publics. Le but recherché étant « de favoriser la relance de l'économie (É), d'optimiser la qualité des achats, de parvenir à une meilleure gestion des deniers publics, grâce notamment à une application proportionnée à la commande passée permettant ainsi de garantir l'objectif qu'elle vise sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. »514 Cette initiative n'a pas fait beaucoup d'émules, ne méritant qu'une vague « alerte » trois mois après, dans la revue contrats et marchés publics (de laquelle s'échappe une pointe d'ironie) par le Professeur Linditch515. Alain Lambert est un adepte de la simplification. Il considère en l'occurrence que les directives européennes sont amplement suffisantes, nul besoin d'« infantilisés avec des procédures interminables, coûteuses et inefficaces » les agents publics516. Il se repose ainsi sur le droit souple récemment consacré par le Conseil d'Etat517. François Villette, directeur de la commande publique de la ville de Saint-Ouen, s'est fait le relai de ces propositions, en y ajoutant une critique du corporatisme juridique, seule raison selon lui au maintien d'un tel code.518

Il semble que si cette idée était suivie, on tomberait alors dans l'extrême inverse. Il s'agirait en effet d'un déséquilibre en faveur cette fois de l'efficacité. Outre la discutable opportunité d'une telle proposition totalement utopique, cela reviendrait à nier le caractère essentiel de la sécurité juridique dans une optique de performance. « La sécurisation et l'archivage de documents retraçant les échanges avec les fournisseurs constituants des éléments de preuve du discernement exercé » ne pouvant suffire à sécuriser les achats. Il semble par ailleurs opportun de rappeler qu'en 2004 les acheteurs publics, rien qu'à la vue de la procédure adaptée avaient au départ reproduit à l'identique les procédures formalisées en vigueurs, même pour des achats d'un montant inférieur aux seuils519.

514 A. LAMBERT, « projet de décret portant abrogation du Code des marchés publics », art. 2, www.alain-lambert.org (aujourd'hui supprimé), 2013.

515 F. LINDITCH, « Suppression du code par le sénateur Lambert », Veille, Contrats et Marchés publics, alerte n°2, 2014.

516 A. LAMBERT, « projet de décret portant abrogation du Code des marchés publics », art. préc.

517 V. en ce sens : Conseil d'Etat, Étude annuelle, Le droit souple, La Doc. fr., 2013.

518 F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un vrai) management de l'achat public », art. préc.

519 S. D'AUZON, « Et si la meilleure façon de simplifier le Code des marchés publics était de l'abroger ? », www.lemoniteur.fr, 2013

131

Cette liberté doit en effet nécessairement s'accompagner d'une responsabilisation. Aussi cette proposition serait elle envisageable à condition de développer parallèlement un objectif de performance, accompagné d'un contrôle de gestion, et d'une réforme ayant pour objet de professionnaliser les acheteurs publics, quant à la logique économique à adopter.

Autrement dit, ce n'est pas d'envolées lyriques, de propositions médiatisées et provocatrices dont l'achat public a besoin. La performance de l'achat public ne sera pleinement accomplie qu'au moyen du droit dans toute sa rigidité, car comme le précise d'ailleurs le Vice-Président du Conseil d'Etat Jean-Marc Sauvé, « l'hyper-oxygénation peut être cause de grands troubles »520. Plutôt que de remettre la responsabilité de 15% de la richesse nationale au droit souple, il serait préférable de privilégier un changement de paradigme521, en ne construisant ni le droit des marchés publics, ni les différentes politiques d'achat public « contre » quelque chose - en l'occurrence les dérives « certaines » des organismes publics - mais plutôt « pour » quelque chose : la performance.

L'absence d'une culture du contrôle de l'efficacité, au profit d'un contrôle de la régularité522. Outre les carences matérielles que l'on a déjà pu observer, la culture qui anime les acheteurs publics est aussi un facteur important de ce déséquilibre qu'accuse l'efficacité. Si bien que les choix non-économiques que peuvent faire les personnes publiques, bien qu'encadrés dans des règles strictes, peuvent s'expliquer par ce que Raphael Galligani appelle dans son mémoire « l'effet culture ». La volonté des acheteurs publics est alors mise en cause, puisque ce sont eux qui exercent parfois une préférence locale.523

Aussi en l'absence d'une telle culture de l'efficacité, le contrôle de la régularité prime. Les organes de contrôles externes donnent la priorité aux risques juridiques, plutôt qu'aux risques de gestion. Originellement, même le contrôle effectué par les CRC était un contrôle de « régularité des recettes et des dépenses, c'est à dire leur conformité avec les lois, décrets et règlements » afin de vérifier la légalité des mesures prises par les ordonnateurs et non leur efficacité, sans pour autant se substituer aux tribunaux administratifs524.

520 J.-M. SAUVÉ, « Avant-propos », Éditorial, in Conseil d'Etat, Étude annuelle, Le droit souple, Op. cit., p. 6.

521 V. en ce sens : F. Allaire, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc..

522 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 23 ; J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 16 et s..

523 P. PENAUD, Y. JONCOUR, « L'achat public. Optimiser la fonction achat-approvisionnement dans le secteur public », coll. Service public, Éditions d'organisation, 2000, p. 282.

524 J. RAYNAUD, « Les contrôles ces chambres régionales des comptes », Ed. Sornan, 1995, p. 165.

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Puis ce contrôle s'est mué en contrôle de gestion notamment avec une loi de 2001525. Il s'agit alors pour la Chambre régionale de vérifier que les objectifs fixés préalablement par les actes de gestion sont bien respectés. L'opportunité de fixer tel ou tel objectif est cependant laissée à la discrétion des collectivités.

Finalement, il reste que les services d'achat internes se focalisent sur le respect de la norme526, alors que l'efficacité devrait les accaparer compte tenu de son importance pour l'intérêt général (2).

2) L'efficacité de l'achat public : une nouvelle exigence du service public

L'efficacité économique, un principe additionnel du service public527. Cette notion d'efficacité n'est pas souvent accolée à celle de service public. Les services publics ne sont pas destinés à être rentables. Les contraintes et obligations auxquelles la gestion des services publics est soumise ne vont pas non plus dans le sens de la performance.

Pourtant, le principe d'adaptabilité ou de mutabilité du service public issu des « lois Rolland » recommande une adaptation constante des services publics afin que ceux-ci correspondent au mieux aux besoins des usagers, comme à l'intérêt général528. Ainsi le service public gagne en qualité et améliore son fonctionnement. Ce principe s'entend juridiquement, économiquement, socialement et techniquement529.

Il est possible de considérer ce principe comme découlant de la continuité du service public, mais il semble tout de même que ces principes se séparent, puisque le principe de mutabilité s'intéresse autant à garantir un service public de qualité, plutôt qu'à seulement permettre d'en assurer la continuité530. Or cette exigence de qualité semble pouvoir être le socle d'un principe d'efficacité du service public.

C'est sans doute la raison pour laquelle efficacité et mutabilité ont été rapprochées. Conformément à ce principe, il faudrait en effet adapter « les moyens à la disposition du service pour lui permettre de fournir sa prestation dans des conditions optimales »531. Il vient

525 L. n 2001-1248 du 21 décembre 2001, préc.

526 P. NDIAYE, « Du contrôle de l'efficacité économique des contrats publics », Op. cit., p. 375

527 V. en ce sens : G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., 2011, p. 690 et s.

528 P.-L. FRIER, J. PETIT, Droit administratif, 9e éd., coll. Domat, LGDJ, 2014.

529 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., p. 629.

530 M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN G. DUPUIS, Droit administratif, 12e éd., coll. Université, Sirey, 2010.

531 A.-S. MESCHERIAKOFF, Droit des services publics, coll. Droit fondamental, PUF, 1997, p. 189.

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que l'activité du service public doit s'adapter aux défaillances du marché, en vertu d'un principe de performance, grâce au droit de la concurrence532. Il est alors possible de trouver au sein des principes fondamentaux du service public, un fondement à la performance de l'achat public, dont l'objet est justement de donner les moyens au service public de mettre en oeuvre sa mission d'intérêt général.

Surtout que le principe de mutabilité oblige l'Administration à s'adapter lorsque l'intérêt général l'impose. Aussi les évolutions de l'intérêt général doivent entraîner, sur ce même fondement, des évolutions du droit ou du comportement des agents publics a fortiori. Le juge a d'ailleurs donné les moyens aux administrations d'honorer ce principe en considérant que nul n'avait un droit au maintien d'un service public, si l'intérêt général imposait sa suppression et qu'il n'était pas « obligatoire È533. De la même façon, la personne publique est tenue à de tels changements lorsqu'ils s'imposent. Elle pourra même être sanctionnée sur le fondement de la responsabilité pour faute en cas d'inaction ou d'une adaptation insuffisante.

Finalement, ce principe peut être un outil de légitimation d'une action publique performante. Ce principe de mutabilité sous-entendrait effectivement un devoir de performance pour les services publics et de fait l'achat public pourrait en profiter. Efficacité, rentabilité, qualité ou transparence sont autant de règles qui sont nées de l'adaptation nécessaire du service public au marché. La RGPP est un bon exemple de cette nouvelle dynamique pour les services publics.

La faiblesse juridique du principe de mutabilité empêche la performance de devenir une nouvelle « loi Rolland ». Originellement ce principe est un droit pour les personnes publiques, quand il est une obligation seulement pour les usagers qui doivent accepter sans broncher les modifications du fonctionnement des services publics. Alors même que cette vision un peu archaïque du service public est fortement critiquée534, il semble peu probable qu'un tel principe puisse fonder un véritable droit à l'adaptation pour les usagers et un véritable devoir pour les personnes publiques. De plus, ce principe demeure « infra-juridique »535 et n'a jamais été pleinement consacré. Finalement, la notion d'efficacité

532 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., p. 694

533 CE, Sect., 27 janvier 1961, Sieur Vannier, Rec., p. 60.

534 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, op. cit., p. 629.

535 Ibid.

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reste incompatible avec l'idée fondatrice du service public et cette incompatibilité joue en défaveur de l'achat public.

Une revalorisation du sous-objectif d'efficacité est donc au préalable nécessaire pour aboutir à une stratégie d'achat permettant à l'Administration d'acheter de façon performante. Il est possible de passer par le haut de la hiérarchie des normes en imposant de respecter une obligation de performance. Cette méthode permettrait une évolution plus efficace des pratiques. Il reste que c'est davantage une transformation par le bas qui a lieu. Ces changements concernent aussi bien les hommes que les procédures (Section 2).

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Section 2. L'efficacité des hommes et des procédures

Plan. Un objectif de performance, pour être atteint, nécessite la mise en place d'une stratégie d'achat performante. Cette stratégie doit être la traduction concrète d'un changement de paradigme pour l'achat public, afin que celui-ci ne soit plus seulement axé sur le respect de la réglementation, mais sur la recherche d'efficacité.

Les efforts doivent pour cela se concentrer sur la gestion contractuelle plutôt que sur la sécurisation du contrat (I). De plus, cette nouvelle gestion doit être accompagnée par une professionnalisation des acheteurs publics (II).

I. La gestion contractuelle performante

Plan. La gestion contractuelle se décompose en deux phases : la passation (A) et l'exécution (B). Aussi tout au long de la vie du contrat, les acheteurs publics doivent s'appliquer à être efficaces. C'est seulement ainsi que l'achat pourra être considéré comme un levier de performance, et par la suite comme permettant des économies pour les administrations.

A. Vers une passation plus efficace des contrats d'achat public

Plan. Il existe plusieurs voies d'amélioration de la performance pour ce qui est de la passation d'un contrat d'achat. Si une définition satisfaisante des besoins est un pré-requis qui a été identifié depuis longtemps pour permettre un meilleur achat (1), des innovations issues du secteur privé se multiplient en pratique (2). Il reste que la passation d'un marché public passe par une procédure contraignante. Aussi la rationalisation de cette dernière devient essentielle à la revalorisation de l'efficacité de l'achat public (3).

1) Une définition satisfaisante des besoins

La définition des besoins, une étape primordiale. Cette étape se caractérise par l'élaboration du cahier des charges. « Lors de la préparation des marchés, l'évaluation des besoins publics est LE temps fort. La définition précise du programme par le maître d'ouvrage, une étude convenable du projet par le maître d'oeuvre, un cahier des charges

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précis et complet, ménageront par la suite l'intérêt financier de la personne publique. Dans ces conditions, en effet, les règles de transparence et de concurrence détaillées par le Code des marchés publics, grâce à des procédures appropriées, permettront d'obtenir de bonnes conditions de qualité et de prix. »536 C'est ainsi qu'Anthony Taillefait fait valoir l'importance financière de cette étape pour l'Administration lorsque celle-ci réalise des ouvrages. Plus largement, cette étape « conditionne l'efficacité du processus d'achat dans son ensemble. »537 Un achat efficace est avant tout un achat qui répond à des besoins préalablement et précisément définis. Cet adage existe de manière équivalente dans le privé538. Cette définition des besoins est donc une nécessité opérationnelle, puisque si elle n'est pas satisfaisante, cela peut notamment conduire à « des achats inadaptés, des fonctions pas ou peu remplies, des achats non utilisés, des pertes financières, pertes de crédibilité de l'acheteur, etc. »539

Une obligation de définir ses besoins. Cette précision dans la définition des besoins est depuis longtemps une obligation juridique540. Aussi la nécessité pratique est donc soutenue par une obligation juridique qui, tout en restant vague, a le mérite d'être rappelée541. Ensuite ces besoins doivent encore être formulés tout aussi précisément, au risque de voir le marché annulé542. Il faut également que chacun des candidats potentiels disposent d'une information claire et équivalente, ce qui suppose que le besoin puisse être compris de tous. Aussi ce besoin doit être exprimé au moyen d'objectifs de performance ou encore par références à des normes, agréments techniques ou labels, reconnus au niveau européen ou national543. Enfin la définition des besoins qui fait partie intégrante de la définition d'un marché public, ce qui témoigne de son caractère fondamental544.

536 A. TAILLEFAIT, Administratif, Fasc. 127-10 : Budgets Locaux, Jurissclasseur, LexisNexis, 2006, in S. THELLIEZ-HUGODOT, La définition de la commande publique par le pouvoir adjudicateur, Op. cit., p. 14.

537 B. ROMAN-SEQUENSE, « De la définition des besoins aux procédures de passation des marchés publics : les impacts de la transposition », Contrats et Marchés publics, n° 10, 2015.

538 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

539 Le blog de la performance, L'analyse des besoins, une nécessité économique et juridique, 2013.

540 CMP 2001, art 1er.

541 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 30.

542 À titre d'exemples : CAA Douai, 17 janv. 2013, n°12DA00780 ; TA Grenoble 13 octobre 2000, Préfet de Haute-Savoie, n° 00774 ; CE 8 mars 1996, Commune de Petit-Bourg, n° 165075.

543 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 31.

544 Ibid, art. 4.

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Faire remonter les besoins. D'abord, les acheteurs rencontrent beaucoup de difficultés pour anticiper ce besoin et bien le programmer. La faute à une mauvaise communication entre les services techniques et le service achat.

La constitution de services achat ayant spécifiquement en charge de satisfaire les besoins des différents services, est une évolution qui prouve que l'achat public est désormais considéré comme un acte économique à part entière545. Pour autant, cette nouvelle gouvernance de l'achat suppose que les besoins remontent jusqu'au service dédié aux marchés publics. Des procédures spécifiques doivent donc être mises en place et une programmation à long terme des achats doit être élaborée. La dématérialisation contribue également à renforcer cette synergie au sein des pouvoirs adjudicateurs.

Les commandements pratiques d'une définition des besoins réussie. Afin de favoriser une définition des besoins efficace, quatre pratiques sont mises en avant par le Guide de bonnes pratiques mis à disposition des acheteurs publics546 :

- « l'analyse des besoins fonctionnels des services sur la base, par exemple, d'états de consommation. » Autrement dit, une bonne connaissance du fonctionnement et des activités du pouvoir adjudicateur sont nécessaires. Aussi il peut être bien vu de recourir à un guide de procédure et à une nomenclature interne. Ce qui est en jeu ici, c'est la cohérence de la stratégie d'achat. C'est dans cette optique que le benchmarking, ainsi qu'un bon suivi de l'exécution des achats antérieurs a son importance.

- « la connaissance, aussi approfondie que possible, des marchés fournisseurs, qui peut s'appuyer par exemple sur la participation de l'acheteur à des salons professionnels ou sur de la documentation technique. » Une bonne connaissance de l'environnement économique et de son fonctionnement est effectivement nécessaire afin de se rendre compte par exemple, de conditions particulières d'exécution ou de modalités particulières concernant le chiffrage des prestations, etc. C'est à cette occasion que la technique du sourcing trouve toute son utilité.

- « la distinction, y compris au sein d'une même catégorie de biens ou d'équipements, entre achats standards et achats spécifiques » Il s'agit cette fois d'une allusion à la segmentation des achats.

545 Ibid.

546 Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, 2014, pp. 17-18.

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- « lorsqu'elle est possible, l'adoption d'une démarche en coût global prenant en

compte non seulement le prix d'achat, mais aussi les coûts de fonctionnement et de maintenance associés à l'usage du bien ou de l'équipement acheté. » Cette analyse en coût global trouve à s'appliquer, tant lors de la définition des besoins, qu'au moment de l'analyse des offres.

Le but recherché est d'encourager une définition des besoins la plus précise possible par le pouvoir adjudicateur, de façon à ce que les offres proposées le soient également et qu'ainsi la correspondance entre la demande et l'offre soit optimale. Un renouvellement des pratiques de l'achat public est en cours, car les enjeux économiques de celui-ci sont désormais pris au sérieux547.

Il faut encore préciser la marche à suivre pour parvenir à cette définition satisfaisante des besoins, en détaillant les techniques commerciales qui peuvent être ici utilisées pour diminuer les coûts. Ces techniques sont usuelles dans le secteur privé, mais tardent encore à s'imposer chez les personnes publiques (2).

2) Présentation de quelques techniques issues du droit privé, véritables leviers de performance lors de l'achat

Plan. La segmentation des achats (a), le sourcing (b), le benchmarking (c) et le raisonnement en coût global (d), sont autant de techniques inspirées du secteur privé, qui doivent permettre de rendre l'achat plus performant, au moment de la passation du contrat.

a) La segmentation des achats

Définition. Cette technique se rapporte à un classement. Il faut regrouper les achats par groupe d'achats homogènes. L'achat public devient ainsi un processus dynamique, puisque chaque groupe d'achat fait ensuite l'objet d'une analyse précise.

Les différentes segmentations. Il existe deux types de segmentations.

En premier lieu, la segmentation par l'enjeu économique revient à classer les différents groupes d'achats équivalents selon leur importance économique. Cette segmentation permet de concentrer d'éventuels efforts sur les segments les plus importants économiquement, afin de réduire les dépenses des administrations.

547 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

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En second lieu, une segmentation par nature revient à classer les segments d'achat en fonction de leur technicité ou des risques potentiels qu'ils font supporter à la collectivité publique. Ainsi pourrait-on retrouver des segments tels que : prestations complexes, prestations standards ou achats de frais généraux, achats d'énergie et de fluides divers, achats d'investissements, prestations complexes, etc.

Utilité. En raisonnant ainsi, une cartographie des achats devient possible. Pour chacun de ces segments une stratégie, un diagnostic et un suivi vont pouvoir être mis en place. Ainsi une recherche de performance pour chaque segment d'achat va devenir possible. La démarche de performance devient ainsi « adaptée », « sur-mesure ». Des objectifs de performance peuvent être posés et vont varier d'un segment à l'autre.

Il naît ainsi tacitement une véritable obligation de résultat quant à ces objectifs, ce qui rend nécessaire un plan d'action destiné à atteindre de tels objectifs. Aussi faut-il également faire usage de d'autres outils pour établir ledit plan d'action. Or l'une de ces techniques est le sourcing (b).

b) Le sourcing

Définition. C'est la « base d'un bon achat » selon Michel Grévoul, directeur du DAE548. Dans l'optique de mettre en place un plan d'action efficace pour l'achat d'un produit, de services ou de travaux, il semble utile de faire appel à la technique du sourcing. Cette technique permet là encore une meilleure définition des besoins. Concrètement cela revient à effectuer des recherches, préalablement à un achat, afin d'avoir une meilleure connaissance des tiers susceptibles de répondre à son besoin. Autrement dit, la nature et la qualité des opérateurs économiques sur un marché sont passées au crible avant même la procédure de publicité. Cette « inspection » sera plus ou moins poussée suivant l'importance de l'achat ou sa particularité (courant ou non, etc.).

Le sourcing est une méthode d'analyse marketing appliquée à la « fonction achats », afin de définir le marché fournisseur sur quatre axes : le couple produit/fournisseur, le secteur industriel, le marché des fournisseurs et les caractéristiques de l'environnement, économique, commercial, juridique et environnemental du marché. Le sourcing est donc une méthode de recherche et d'évaluation des fournisseurs, en fonction de critères d'évaluation découlant des

548 Propos recueillis in Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., p. 120.

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critères de performance du produit ou du service identifié, lors de l'élaboration du cahier des charges, et permettant à l'acheteur de faire jouer la concurrence au maximum549.

Les apports de cette technique. Il vient que les acheteurs publics ont alors une meilleure connaissance du secteur concerné, permettant ainsi à la demande qu'il va formuler, de se rapprocher au mieux de l'offre. Il rédige ainsi un cahier des charges en lien avec la réalité, au moyen d'un dialogue avec les fournisseurs. Sa stratégie d'achat est immédiatement plus performante, et cela se manifeste particulièrement lorsque des négociations ont lieu.

Le caractère concurrentiel du marché est questionné. S'agit-il d'un monopole, d'un oligopole ? La concurrence est-elle réelle au sein du marché en question ? La politique tarifaire, les nouvelles technologies proposées, gammes de produits, services associés, etc. L'étude du marché doit permettre l'obtention d'un maximum d'informations. C'est également l'occasion pour le pouvoir adjudicateur de contrôler la santé financière ou la renommée des firmes présentes sur le marché.

La mise en oeuvre du sourcing. Ce sourcing se fait à l'aide de tous les outils accessibles tels que les revues spécialisées, les sites internet, les salons professionnels et autres conférences. Des personnes extérieures telles que les associations, syndicats professionnels, clubs ou forums peuvent également rendre service à la personne publique. La mission sénatoriale propose quant à elle, pour développer l'utilisation de cet outil, d'accroitre le nombre de rencontres entre acheteurs et fournisseurs, grâce notamment aux organismes consulaires tels que les chambres de commerce et de l'industrie ou les chambres des métiers et de l'artisanat550.

Les obstacles à sa mise en oeuvre. Le sourcing est une pratique de plus en plus courante, néanmoins elle n'a pas été consacrée par l'ordonnance de 2015, alors qu'elle est explicitement encouragée par les directives européennes. Selon le sénateur Philippe Bonnecarrère, rejoint ensuite par Jean-François Finon, directeur juridique de la ville de Sens. Cette non-mention serait due au fait qu'en encourageant une telle pratique, le sourcing pourrait amener les acheteurs à avoir des pratiques potentiellement répréhensibles sur le fondement du délit de favoritisme551. Or même si la mission sénatoriale considère ce risque

549 Décision-achats.fr, glossaire des achats et de l'achat public.

550 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., p. 125.

551 J.-F. FINON, « Sourcing et délit de favoritisme », AJDA 2015, p. 2289.

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contentieux comme surévalué552, il est en effet possible que les acheteurs soient considérés comme ayant « procurés [ou tentés de procurer] à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics (É) »553. Les acheteurs peuvent à l'occasion du sourcing rentrer en contact avec les entreprises qui composent un marché ou - comme on l'a déjà vu - d'autres personnes tierces. Aussi il y a un risque que « des informations privilégiées sur son projet, informations de nature à rompre l'égalité de traitement des candidats requise en matière de commande publique. »554

Ce délit de favoritisme plus généralement, ne trouve plus d'utilité aujourd'hui et devrait être supprimé, car il est devenu contre-performant. Il est en outre inutile, puisqu'il existe aujourd'hui suffisamment de moyens contentieux, pour ne pas laisser perdurer un contrat passé au mépris des règles de mise en concurrence555.

De plus, il était possible de mentionner le sourcing dans la nouvelle ordonnance, néanmoins il aurait fallut l'accompagner de règles de droit souple donnant précisément la conduite déontologique à suivre.

Finalement, cette technique du sourcing malgré quelques obstacles qui subsistent, permet de donner à l'acheteur une véritable dimension managériale lors de la définition de ses besoins, au même titre que le benchmarking (c).

c) Le benchmarking

Définition. S'inspirer. Voilà en quoi consiste cette technique largement répandue chez les opérateurs privés. Le benchmark est l'outil de performance par excellence, puisqu'il permet à une collectivité publique de comparer la performance de sa fonction achat aux autres. Ainsi il est possible de connaître les produits, techniques et entreprises recommandables, de manière objective et en faisant abstraction des effets conjoncturels, comme la baisse des dotations aux collectivités territoriales, l'inflation ou le coût de l'énergie... Il en résulte une amélioration des pratiques d'achat et la mise en place d'un réseau territoriale de l'achat.

552 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., p. 120.

553 Code pénal, art. 432-14.

554 J.-F. FINON, « Sourcing et délit de favoritisme », art. préc.

555 Ibid.

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Un développement difficile. Cet outil tarde cependant à se développer car les informations sont difficilement communiquées, pour des raisons politiques ou même par manque de mesures de la performance. Le sénateur Bourquin dans son rapport met d'ailleurs en exergue un « trou noir statistique » en matière de commande publique556.

Les recommandations. Concrètement, il faut commencer par collecter un certain nombre d'informations de partenaires équivalents en faisant apparaître les coûts réels de leurs achats. Ces données peuvent être partagées directement ou un tiers peut être chargé de le faire. L'OEAP pourrait se voir confier une telle mission de recensement et de calcul des performances, mais ceci nécessiterait évidemment de lui donner davantage de moyens. Ses statistiques sont en effet critiquées à cause notamment des sous-évaluations que l'observatoire fait sur les marchés publics des collectivités territoriales. La solution la plus envisageable qui est proposée par la mission sénatoriale en 2015 est de relier effectivement le logiciel budgétaire et comptable utilisé par les collectivités à l'application qu'utilise l'OEAP, comme cela est censé être le cas depuis 2011557. Enfin les données de l'INSEE devraient également être utilisées par l'OEAP558.

d) Le raisonnement en coût global

Définition. L'acheteur public doit envisager chaque achat de manière global. Se focaliser sur le prix n'est pas suffisant. Le coût global signifie que lors d'un achat, il est possible d'identifier plusieurs coûts distincts qui s'ajoutent seulement au paiement du prix d'achat. L'ensemble des dépenses afférentes à un achat doivent être prises en compte afin de faire le choix de l'offre la mieux-disante. Derrière le coût d'acquisition, un certain nombre de coûts viendront effectivement s'ajouter tout au long de la durée de vie du produit, des travaux ou du service (à moins forte raison).

On retrouve avec le coût global la problématique de la performance qui doit être regardée globalement. Un achat ne peut être performant à un « instant T » et sa durabilité a un coût.

556 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., p. 126.

557 A. du 21 juillet 2011 relatif au recensement économique de l'achat public, art. 5.

558 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., p. 131.

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Les différents coûts. D'abord, le coût d'acquisition se compose lui-même de plusieurs sous-coûts : le prix d'achat unitaire, les différents coûts administratifs nécessaires à l'achat (sourcing, appel d'offres), les coûts induits (licences pour logiciel, formation, documentation...), ainsi que les conditions de règlement (prix fermes, ajustables, révisables). Il peut également y avoir un coût à organiser une négociation. Les achats internationaux supposent de prendre en compte le coût de la devise, etc.

Ensuite vient les coûts d'approvisionnement, tels que le coût du transport, du stockage, de la réception, de l'adaptation informatique, ainsi que les différentes personnes mises à contribution jusqu'à finaliser l'achat : le prescripteurs, les acheteurs, les juristes, les comptables, etc.

Une fois l'achat finalisé, la possession d'un bien ou de travaux a aussi un coût. Les réparations non prises en compte par une garantie, le coût d'un dysfonctionnement, de litiges, etc.

Enfin le coût du cycle de vie559, suppose de prendre en compte le coût du recyclage ou du reconditionnement par exemple. Il se confond souvent avec le coût global. De même, l'acheteur doit être conscient de la gestion administrative de la fin de vie d'un produit ou du coût de la revente du produit ou de l'ouvrage. Il faut distinguer en son sein des coûts directs supportés par l'acheteur et des coûts indirects supportés par une « masse indéfinie ». On retrouve avec ce coût les problématiques de développement durable qui sont de plus en plus présentes dans le droit des marchés publics. Cependant, cette fois-ci, l'objectif de durabilité accolé à l'achat public, rejoint celui du meilleur rapport qualité / prix. Prendre en compte le cycle de vie n'est pas seulement bon pour la planète, c'est aussi économiquement profitable pour la collectivité publique. Jean-Marc Joannès parle alors « d'efficience », qui est une composante de la performance560. La prise en compte du coût du cycle de vie a d'ailleurs depuis peu une véritable valeur normative561, même s'il reste difficile de garantir l'effectivité de cette prise en compte.

559 Sur cette question : P. COSSALTER, « Le coût du cycle de vie, nouveau Graal des acheteurs publics ? », Contrats et Marchés publics, n° 6, 2014.

560 V. en ce sens : J.-M. JOANNES, « Commande publique : objectif Performance ! », La gazette des communes, 2015.

561 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, arts. 67 et 68 ; D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, arts. 62 et 63 (il est alors presque confondu avec le coût global au sein de l'article 62).

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3) Une procédure à rationaliser

Position du problème. Le rapport de la mission sénatoriale consacrée à la commande publique a pointé du doigt une procédure qui serait trop coûteuse tant pour les acheteurs publics, que pour les entreprises candidates562. Non seulement ce coût peut dissuader certaines entreprises à candidater, ce qui contribue à réduire la concurrence, mais cette procédure représente surtout des dépenses publiques parfois superflues.

C'est pourquoi, plusieurs outils sont en cours de développement pour permettre de rationaliser la procédure d'achat.563 Cette procédure de passation se partage entre une phase de candidature (a) et une phase de sélection des offres (b), aux cours desquelles les leviers d'efficacité diffèrent. Enfin la dématérialisation, de manière plus générale, marque un tournant majeur dans la démarche de rationalisation de la procédure de passation (c).

a) La phase de candidature

Les caractéristiques de la sélection des candidats. Durant la phase de candidature, de nombreux documents sont demandés par les pouvoirs adjudicateurs afin de vérifier que l'entreprise candidate respecte un certain nombre de critères564, qui doivent permettre de vérifier son aptitude à exercer l'activité professionnelle ou sa capacité économique, financière, technique et professionnelle nécessaire à l'exécution du marché. Ce stade de la candidature est long, fastidieux et donc coûteux pour l'entreprise qui doit souvent répondre à plusieurs marchés simultanément. Il en est de même pour l'Administration qui doit procéder à une vérification systématique. Aussi il est nécessaire de proposer quelques exemples d'améliorations qui se sont mis en place progressivement.

Les marchés publics simplifiés. La possibilité expérimentée depuis 2014 de passer des marchés publics simplifiés consiste à dire que « les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et renseignements que le pouvoir adjudicateur peut obtenir directement par le

562 « Selon la Commission européenne, le coût de la mise en concurrence dans le cadre des marchés publics est en moyenne dans l'Espace économique européen de l'ordre de 30 000 euros par marché, répartis entre environ 6 000 euros pour les pouvoirs adjudicateurs et 4 000 euros pour chacune des 6 entreprises candidates » ; V. Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., pp. 93-94.

563 J. VIAU, « Pratiques relationnelles et commande publique : enjeux et perspectives », Market Management 2003/2 (Vol. 3), p. 3-38.

564 A. 28 aout 2006, fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs.

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biais d'un système électronique de mise à disposition d'informations administré par un organisme officiel ou d'un espace de stockage numérique, à condition que figurent dans le dossier de candidature toutes les informations nécessaires à la consultation de ce système ou de cet espace et que l'accès à ceux-ci soit gratuit. »565 Aussi « le pouvoir adjudicateur peut prévoir, dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation, que les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et renseignements qui lui ont déjà été transmis dans le cadre d'une précédente consultation et qui demeurent valables. »566 On met donc en place un profil opérateur. Cette nouvelle possibilité de simplification s'intègre au projet « dites-le nous une seule fois » et fait appel à la fois à la mutualisation et à la dématérialisation, deux techniques dont les destins sont intimement liés à la mise en place d'une procédure plus simple et moins coûteuse567.

Le DUME. Dans ce but, il a été également mis en place le Document Unique des Marchés Européens (DUME) par les directives de 2014568 et le décret de 2016569. Il s'agit d'un formulaire par lequel l'entreprise candidate montre patte blanche en déclarant sur l'honneur qu'elle remplit les critères de sélection des candidatures, ce qu'elle prouvera plus tard lors de la phase de sélection des offres.

L'interdiction de soumissionner aux entreprises non-performantes. La tentation de se fonder sur l'exécution des contrats passés pour accueillir ou refuser une candidature est forte. Il existe désormais une interdiction de soumissionner pour l'entreprise qui a été défaillante au cours de l'exécution d'un précédent contrat570. Cette possibilité n'est cependant que facultative et concerne uniquement le cas où une résiliation pour faute aurait eu lieu. Cette hypothèse étant très limitée, ce n'est pas encore pleinement satisfaisant. De plus, cette mesure devrait s'accompagner d'une mise en commun bien plus précise et efficiente de la « réputation »571 des entreprises candidates.

565 D. n° 2014-1097, 26 septembre 2014 portant mesures de simplifications applicables aux marchés publics, art

5.

566 Idem.

567 V. Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », op. cit., pp. 95-96.

568 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, art. 59.

569 D. n° 2016-360, 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 49.

570 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 48 ; Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, art. 57.

571 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

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Là encore, mutualisation et dématérialisation pourraient converger et permettre l'émergence d'une véritable base de données des performances contractuelles des entreprises soumissionnaires. Or il faudrait nécessairement pour cela, au préalable, un véritable suivi des performances au cours de l'exécution du contrat572, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Pour cela les professeurs Tirole et Saussier proposent « une extension de la Plate-forme des achats de l'État (PLACE) existante » qui « pourrait renforcer l'efficacité de la commande publique. »573

b) La phase de sélection des offres

Le coût global. Le pouvoir adjudicateur doit choisir l'offre économiquement la plus avantageuse. Depuis les années 2000 la politique d'achat public de mieux-disant a remplacée celle du moins-disant, pour laquelle seul le prix avait une importance. La nécessité d'avoir une vision de l'achat en coût global intervient à ce moment précis574.

Augmenter la transparence. Comme cela a déjà été remarqué, la performance de l'achat public est étroitement dépendante d'une responsabilisation de l'achat public. Cette responsabilisation pourrait prendre appui sur les principes fondamentaux, à condition de faire découler ceux-ci d'une obligation de performance575. Dès lors il est logique d'avancer qu'un renforcement de la transparence, particulièrement au stade du choix de l'offre économiquement la plus avantageuse, contribuerait à la performance de l'achat public. En conséquence, les professeurs Tirole et Saussier proposent de rendre obligatoire la publication en ligne d'un rapport d'analyse des offres, qui viendrait s'ajouter aux publications ex-post déjà obligatoires576. Ce rapport est déjà rentré dans les moeurs, puisque le ministère de l'économie a déjà commencé à encourager cette pratique consistant à analyser la procédure. Cette analyse prend la forme d'un rapport de choix (mais pas la publication). Des modèles de rapports de choix ont en effet été mis à la disposition des acheteurs.

D'une part, ces rapports permettent à la personne publique de comparer par la suite son choix, à l'exécution du contrat, afin de s'améliorer dans la mise en oeuvre des procédures de mise en concurrence futures.

572 V. infra.

573 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

574 V. supra.

575 V. supra.

576 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

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D'autre part, la publication d'un tel rapport est utile puisque de cette manière le candidat évincé pourra également s'améliorer, et surtout les pouvoirs adjudicateurs seront plus vigilants quant à leurs choix. Une véritable responsabilisation des acheteurs publics, quant à la performance de leurs achats sera alors permise.

Enfin il est nécessaire de rendre cette publication obligatoire du rapport de choix, car actuellement, ce n'est pas automatique. Certes le candidat évincé peut demander sa communication, mais si l'Administration refuse il faut alors s'en remettre à la CADA. Sans compter que cette publication grâce à la dématérialisation est désormais très aisée.

L'insuffisante réglementation des offres anormalement basses. L'ordonnance de juillet 2015577, comme le Code des marchés publics578 sont incomplets en matière de définition des offres anormalement basses. Il est presque « impossible d'exclure une offre traduisant un dumping social ou financier. »579 Or l'exclusion d'une offre pour un tel motif devrait pouvoir s'appuyer sur une législation forte et incontestable. Autrement dit, les critères de l'offre anormalement basse devraient être clairement identifiés. Le risque est de se voir refuser une telle qualification et d'être contraint par jugement, de choisir une offre qui se révèlera soit intenable, soit de mauvaise qualité, etc. Vivre avec ce risque est contre-performant, car la stratégie de l'acheteur doit s'appuyer sur une procédure rationnelle, qui ne le sera qu'à condition de garantir le plus faible niveau de risque possible580.

c) L'impact performanciel de la dématérialisation et des nouvelles technologies

La consécration récente de la dématérialisation. De manière générale, les directives européennes de 2014 rendent obligatoire l'utilisation de nouveaux moyens de communication, aussi bien pour garantir une meilleure publicité (information), qu'une procédure plus vertueuse581. « La dématérialisation concerne aujourd'hui environ 11 % du montant des marchés en France selon l'OEAP, tandis que la directive européenne prévoit une dématérialisation totale à l'horizon 2018. »582

577 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, Art. 53.

578 Code des marchés publics, Art. 55.

579 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

580 J. VIAU, « Pratiques relationnelles et commande publique : enjeux et perspectives », art. préc.

581 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, Consid. 52 et Art. 22.; O. n° 2015899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, Art. 43.

582 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

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Les avantages des procédures dématérialisées. La dématérialisation permet « de simplifier considérablement la publicité des marchés publics et de rendre les procédures de passation de marché plus efficaces et transparentes »583. D'abord grâce à cette technique, la concurrence augmente, puisque les informations concernant les besoins de la personne publique, sont plus facilement communiquées. Les PME accèderont bien plus facilement aux marchés publics, de même que les opérateurs des autres Etats membres584. Par cet élargissement de la concurrence, la diversité des offres et la baisse des prix doivent être permises.

Ensuite, comme cela a déjà été souligné, la transparence accrue permet de responsabiliser davantage les acheteurs publics et d'éviter certaines lourdeurs administratives585.

Mais ces procédures dématérialisées permettent surtout aux pouvoirs adjudicateurs de gagner du temps et de faire des économies. Il reste que la réduction des délais minimums de réception des offres ne sera possible qu'avec une adaptation de l'AMP par l'OMC586. Sans compter que la réduction du délai de réception des offres n'est pas vue par tous comme une condition de performance, bien au contraire587. D'importantes économies sont également mises en avant par la Commission européenne, puisque les coûts attachés à la procédure sont drastiquement réduits588.

Une nouvelle communication encore en construction. Pour autant un certain nombre de questions se posent, quant à l'étendue de l'obligation de passer désormais par une « communication totalement électronique »589. De même, la mise en place de ces nouveaux outils doit se faire sans préjudice des principes fondamentaux de la commande publique et

583 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, Consid. 52.

584 V. en ce sens : M. AMILHAT « Les enjeux de la dématérialisation des marchés publics », Contrats et Marchés publics, n° 6, 2014.

585 V. supra.

586 M. AMILHAT « Les enjeux de la dématérialisation des marchés publics », art. préc.

587 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

588 Comm. UE, comm., 20 avr. 2012, « Une stratégie pour la passation électronique des marchés publics », COM/2012/0179 final : « l'utilisation des moyens de communication électroniques devrait permettre une économie d'au moins 5 % sur le coût total de ces derniers » (M. AMILHAT « Les enjeux de la dématérialisation des marchés publics », art. préc.).

589 A propos des problématiques que la dématérialisation posent et que nous ne pouvons traiter ici : M. AMILHAT « Les enjeux de la dématérialisation des marchés publics », art. préc ; L. DAYET, La dématérialisation des contrats administratifs, Mémoire de fin d'étude, Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2016.

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dans le but de renforcer le marché intérieur, ce qui suppose notamment une standardisation des systèmes de communication européen. De la même façon la dématérialisation doit être accompagnée par des processus de centralisation des informations et d'uniformisation des procédures dématérialisées, autrement les bienfaits de cet outil seront fortement amoindris590. Enfin, ce changement technologique peut parfois impliquer d'importants investissements, ce qui est un obstacle de plus à franchir, particulièrement pour les collectivités publiques de petites tailles.

Finalement, l'obligation de dématérialiser, que prévoient les directives, concerne seulement la procédure de passation. « L'utilisation obligatoire de moyens de communication électroniques ne devrait concerner aucun aspect de la procédure postérieure à l'attribution du marché, ni la communication interne au sein du pouvoir adjudicateur. »591 Aussi les Etats membres peuvent choisir d'aller plus loin que la simple dématérialisation de la procédure.

La carte achat. Grâce à cette carte l'acheteur public détenteur de la carte passe commande au fournisseur référencé par tous moyens. Le fournisseur transmet alors pour validation et autorisation, la demande à l'établissement bancaire, qui le paye dans un délai court (moins de 5 jours). La livraison de la commande peut alors être effectuée et l'établissement bancaire transmet pour règlement le relevé d'opération à la collectivité, qui dispose de 45 jours pour régler la banque. Ce fonctionnement a plusieurs avantages.

D'abord pour l'acheteur public cette carte permet un achat simple, avec des délais d'approvisionnement réduits (c'est un achat immédiat). De même les stocks de la collectivité sont fortement diminués.

Le comptable peut également établir grâce à cet outil un mandat unique (plutôt qu'une succession de mandats à plusieurs fournisseurs différents) sur la base du relevé fourni par la banque.

Enfin le fournisseur voit ses délais de paiement réduits et n'a pas de relances de facturation à effectuer.

Tout le monde est donc gagnant. Même si cet outil n'est destiné qu'aux achats de très faibles montants592, ne nécessitant pas de procédure de mise en concurrence, ces achats coûtent effectivement très chers en traitement administratif. Ils représentent en moyenne 4% des dépenses totales d'une collectivité mais 70% du temps de travail administratif et

590 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

591 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, Consid. 52.

592 Souvent moins de 150 euros, appelés aussi les MRO (Maintenance, Repairs and operational Material).

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comptable de la structure. Les achats en question ne participent pas directement à l'accomplissement des objectifs de l'organisme public, mais ils demeurent essentiels à son activité : fournitures de bureau, mobilier, produits d'entretien, vêtements de travail, papiers, pièces détachées, réservations de voyages, etc.). Il faut pourtant que la facture atteigne un montant de 1 500 euros pour que le coût complet de traitement soit inférieur à 5 % du montant de la facture

Les nouvelles techniques électroniques et particulières d'achat593. D'autres outils mettant à profit les nouvelles technologies, permettent de mettre en oeuvre des procédures plus rapides, plus simples ou plus concurrentielles. Les catalogues et enchères électroniques ou les systèmes d'acquisition dynamique594 tendent de plus en plus à s'imposer. Ces nouvelles techniques se veulent innovantes et participent à une nouvelle vision de la matière, puisque l'on cherche à rendre la commande publique performante. Autrement dit, il est avant tout recherché avec ces nouvelles techniques, un véritable objectif d'efficacité et de rentabilité595. Au travers de ces techniques, souvent inspirées du secteur privé, on remarque la volonté du secteur public de s'aligner sur des techniques modernes, faisant ressortir l'aspect avant tout économique de l'acte d'achat. Il faut enfin étudier les possibilités de cumuler l'ensemble de ces techniques entre elles, afin de décupler la puissance performancielle de celles-ci596.

Ces techniques peuvent être rapidement définies de la manière suivante :

- le système d'acquisition dynamique comme étant un « processus entièrement électronique de passation de marché public, pour des achats d'usage courant par lesquels l'acheteur attribue, après mise en concurrence, un ou plusieurs marchés spécifiques à l'un des opérateurs économiques préalablement sélectionnés. »

- L'enchère électronique désigne une technique d'achat qui consiste à sélectionner des offres par voie électronique, en permettant aux candidats de réviser leur prix à la baisse ou de modifier la valeur de certains autres éléments quantifiables de leur offre.

- Pour les catalogues électroniques, le principe est de présenter une offre sous forme électronique en utilisant un catalogue qui permet de présenter différentes offres pour un même besoin sous forme d'une liste de choix.

593 D. n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics 2016, Arts. 81 à 87.

594 V. en ce sens : S. MOUTOUALLAGUIN, « Les TIC et les changements des pratiques contractuelles », Contrats et Marchés publics, n° 6, 2014.

595 T. LAJOIE et L. HISLAIRE, Les marchés publics dématérialisés, coll. guides juridiques, Le Moniteur, 2004.

596 L. DAYET, La dématérialisation des contrats administratifs, op. cit.

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Les logiciels d'assistance à la rédaction des marchés597. Il s'agit de logiciels permettant la rédaction quasi-automatique des pièces du marché (acte d'engagement, cahier des clauses administratives particulières, etc.). Un certain nombre d'éléments sont remplis au préalable et les procédures restent différenciées. Ainsi les pièces n'auront pas la même teneur suivant qu'il s'agisse de travaux ou de services par exemple. Un certain nombre de questions rapides doivent être passées en revue par l'acheteur, qui peut ensuite demander au logiciel de générer les différentes pièces. La rédaction d'un marché occupe alors beaucoup moins de temps et de personnels. Des gains financiers sont donc immédiatement générés.

Ces outils sont progressivement en train de s'imposer aux acheteurs, qui ne doivent pour autant ne pas oublier une véritable démarche d'achat. Ces logiciels doivent permettre à l'acheteur public de mettre à profit le temps gagné, pour se concentrer sur l'efficacité et la sécurité de sa procédure, et plus globalement de son marché. La performance demande du temps, et ces logiciels permettent d'en gagner considérablement.

Même si l'ensemble des propositions et développements qui viennent d'être exposés n'ont pas l'ambition d'être exhaustifs. Ils donnent une illustration de l'innovation qui doit animer encore et toujours les acheteurs publics, afin d'être toujours plus performants. Pour autant, agir seulement au stade de la passation n'est pas suffisant. L'exécution est bien souvent délaissée (B).

B. Les pistes pour la performance de l'exécution contractuelle

La nécessaire prise de conscience de l'importance de l'exécution contractuelle. L'exécution contractuelle des marchés publics n'était pas la préoccupation centrale des réformes qui ont eu lieu dernièrement. Elle est très peu réglementée, alors qu'elle pourrait être le lieu d'importantes économies598. Le rapport pour le compte de la CCI qu'Alain Buat a dirigé évalue à 2 milliards d'euros, les économies envisageables. Mais au-delà de ces économies, c'est véritablement un nouvel esprit avec la mise en place d'un véritable management de l'achat public qui est en jeu. Deux personnes morales très différentes doivent en effet se comprendre et faire vivre au mieux le contrat qui les lie. Comme le dit Alain Buat dans son rapport : « Les marchés publics devenant stratégiques, leur exécution aurait besoin

597 V. Sénat, Mission commune d'information sur la commande publique, op. cit., pp. 100-101.

598 A. BUAT, Pour un management performant des marchés publics, op. cit.

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d'un environnement juridique et politique plus propice à la performance et, notamment, plus adaptable et davantage ouvert à la concertation des cocontractants. »599

Le rééquilibrage de la relation acheteur-fournisseur. Comme dans tous les contrats administratifs, l'Administration dispose d'un certain nombre de pouvoirs exorbitants, dans le silence des textes et malgré le fait que le contrat soit normalement « la loi des parties ». Elle dispose en effet tout à la fois d'un pouvoir de contrôle, de surveillance, de sanction et de résiliation. La défiance qui naît de ce déséquilibre entre elle et son cocontractant est légitimée, dans une certaine mesure, pour la garantie du bon fonctionnement du Service Public qu'elle permet. Concernant les marchés publics, cette légitimation ne tient cependant plus, même si l'exécution de ce contrat concerne directement l'utilisation qui est faite des deniers publics. Un nouveau compromis s'impose, car il faut revenir au mode contractuel, au consensualisme et donc à un certain équilibre.

Le pouvoir de résiliation unilatéral pour motif d'intérêt général600 semble dès lors propice à certains aménagements, puisque cette résiliation unilatérale peut donner lieu à aucunes indemnités, si une clause d'exonération a été préalablement ajoutée au contrat601. Comme le fait justement remarquer Alain Bluat : « Si l'hypothèse d'une résiliation dans l'intérêt général sans indemnité peut paraître proportionnée à l'occasion d'un marché à bons de commandes sans minimum, elle est au contraire, dans les autres cas, très défavorable aux titulaires. » Au delà de l'aspect global que doit recouvrir la performance de l'achat public et qui suppose un minimum de bienveillance vis-à-vis des partenaires de l'Administration, ce déséquilibre ne profite pas à l'Administration et même détériore le lien contractuel. Une défiance s'installe.

Dans la même veine, une réflexion plus poussée sur les pénalités prévues au contrat par l'Administration serait bienvenue. Les pouvoirs adjudicateurs se contentent bien trop souvent de recopier des cahiers des charges absolument inadaptés. Cela a pour conséquence de rendre ces pénalités inapplicables. Parfois celles-ci sont même tellement inadaptées et disproportionnées qu'elles amènent le juge à les moduler602, cependant le juge intervient seulement en cas de disproportion manifeste et c'est insuffisant.

Par ailleurs, il ne faut pas abuser de ce pouvoir de sanction. Aussi est-il possible pour l'Administration d'y renoncer contractuellement ou unilatéralement. Pourtant l'abandon de

599 Ibid, p. 8.

600 CE Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, rec. p. 246.

601 CE, 19 décembre 2012, Sté AB Trans, n 350341.

602 CE 29 déc. 2008, OPHLM de Puteaux, n 296930.

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telles clauses est parfois vu comme un avantage injustifié qui est octroyé au titulaire du contrat, et qui tombe sous le coup du délit de favoritisme.

De même, la possibilité pour la personne publique de soulever une exception d'inexécution603, tandis que cette possibilité est par principe irrecevable pour l'opérateur privé604, contribue également à rompre la confiance nécessaire à une exécution performante. La jurisprudence a néanmoins évolué de belle manière en reconnaissant la possibilité pour l'opérateur de glisser une clause permettant une exception d'inexécution. Cette possibilité reste conditionnée, puisque l'objet du contrat incluant une telle clause ne saurait être rattaché au service public et qu'un motif d'intérêt général peut encore permettre à la personne publique de maintenir le contrat et doit également prévoir une telle clause605. Cette nouvelle capacité pour l'opérateur est donc suffisamment réduite pour que les intérêts de l'Administration soient préservés et qu'une relation de confiance puisse naître.

Enfin il semble nécessaire pour la collectivité publique d'avoir un interlocuteur désigné et stable, afin de pouvoir facilement communiquer avec son opérateur. De cette manière, le contrat se concrétise et un dialogue sain peut s'installer. Pourtant Alain Buat estime que même si la désignation d'un interlocuteur nommément désigné est prévue par le CCAG-travaux de 2012 et au sein des guides de bonnes pratiques successifs, il serait utile de l'imposer à tous les marchés publics.

Le suivi performanciel de l'exécution. François Villette considère que « la mission de l'acheteur s'arrête à la signature du contrat, alors que c'est après la signature de celui-ci qu'elle devrait réellement commencer. »606 De même cette phase d'exécution devrait être plus anticipée lors de la rédaction du marché, en fixant des objectifs de performance à atteindre ou en prévoyant la mise en oeuvre d'innovations607.

Un suivi « post-achat » doit être imposé. Plutôt que de perdre du temps sur des procédures de passation longues, il serait préférable de se concentrer sur cette évaluation contractuelle. Ainsi la bonne exécution est garantie et il est possible pour l'acheteur public de tirer des enseignements de cette exécution pour ces futurs contrats. On parle de démarche RECB (Remise en cause du besoin).

603 CE, 27 mars 1957, Carsalade, Rec. 216.

604 CE, 7 janv. 1976, Ville d'Amiens, n° 92888.

605 CE, 8 oct. 2014, Sté Grenke location, n° 370644.

606 F. VILLETTE, « Achats publics, arrêtons le gâchis ! », La Gazette, 2015.

607 V. en ce sens : Le manuel Steppin, Le Moniteur TP, Cahier détaché, 2009 in J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions », art. préc.

»608

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Un outil a été développé par François Villette à cette fin, au sein de la commune de Saint-Ouen : la fiche qualimétrique. Cela consiste à établir l'état précis de la qualité des prestations réalisées à la fin de chaque marché : «Respect du cahier des charges et des délais, fiabilité et disponibilité de l'entreprise... tout est passé au crible ! L'agent évaluateur complète une fiche qualimétrique dématérialisée comportant cinq niveaux de notation et un code couleur simple, de vert (très satisfaisant) à rouge (pas du tout satisfaisant).

Cet outil de management des achats et de bonne gestion financière favorise la prévision et l'anticipation des besoins. Il permet également de mettre en oeuvre le cas échéant les mesures correctives adaptées. En outre, au sein de la collectivité ou de la structure publique, mesurer la performance permet de faire parvenir un bilan permanent à la direction générale.

Par la suite ces informations sont partagées avec d'autres collectivités et avec les entreprises par voie dématérialisée afin que la collectivité ne soit pas la seule à pouvoir tirer des conséquences de cette évaluation. Ce partage suscite en effet des comparaisons qui permettent aux collectivités d'optimiser leurs achats futurs.

La nécessaire réforme du contentieux de l'exécution. Une augmentation du contentieux de l'exécution est notable609. Le droit de ce contentieux doit donc évoluer de deux manières.

D'abord, il doit être développé la possibilité de régler les litiges à l'amiable. La transaction610, la médiation par un tiers, les comités consultatifs611, l'arbitrage612, etc. sont autant de voies de droit qui mériteraient d'être plus utilisées, afin d'éviter des contentieux souvent couteux et longs613.

Mais surtout, pour le bien du contrat et conformément aux exigences de la vie des affaires, le contrat est souvent renégocié par voie d'avenant. Sans s'intéresser ni à la nécessité de faire évoluer un contrat qui n'est plus à discuter, ni aux conséquences des nouveaux textes

608 Citation de F. Villette in S. DYCKMANS, « Saint-Ouen évalue les fournisseurs avec une fiche qualimétrique », achatpublic.info.

609 N. KHALID, « Marché public - Le contentieux de l'exécution ne cesse de se développer », site internet du Moniteur, Actualités, 4 décembre 2013.

610 Circ., 6 avril 2011, relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits

611 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 142 (concernant les médiateurs et les comités).

612 V. not. en ce sens : P. TERNEYRE, C. VÉROT, « Le projet de réforme de l'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques est tout à fait viable », AJDA 2008.

613 V. en ce sens : M. THOREAU, Le règlement amiable des litiges dans les contrats publics, thèse, Paris XI, 2007.

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sur ces possibilités de modification614, il faut ici insister sur les risques d'une telle renégociation et sur son incidence sur la performance de l'achat public.

Il arrive parfois que ce ne soit pas l'entreprise ayant présenté l'offre la mieux-disante qui obtienne le marché, mais plutôt l'entreprise ayant le plus confiance dans sa capacité à renégocier ultérieurement le contrat. Un premier contrat est signé à des conditions désavantageuses pour le titulaire mais défiant toute concurrence, tout en ne pouvant pas qualifier son offre comme étant anormalement basse. Ensuite, l'Administration se trouve contrainte de renégocier le contrat, préférant un avenant à une nouvelle mise en concurrence. Finalement ce contrat ne sera pas performant, la concurrence initiale ayant été faussée.

La solution selon les économistes Stéphane Saussier et Jean Tirole est de faire en sorte que les cocontractants se sentent tenus par le contrat. Et c'est le principe de transparence qui vient à l'appui de cette revendication615. Une modification substantielle du contrat est théoriquement interdite, mais la coercition mise en place en la matière semble bien trop faible. En rendant la renégociation transparente, chacun des cocontractants seraient véritablement responsabilisés et le contrat initial serait respectueux de la concurrence, l'opérateur ne tablant pas sur une renégociation. Certes une publicité des avenants est obligatoire mais pas en toutes hypothèses616, le pouvoir adjudicateur est le seul juge de la nécessité de publier. Cette transparence doit donc être augmentée.

Il a également été proposé une nouvelle procédure de « référé avenant », afin que la vérification de la légalité de l'avenant puisse se faire rapidement, de manière confidentielle et sans nuire à l'exécution contractuelle617. Il serait également possible de modifier le référé contractuel actuel pour que des recours contre des avenants puissent se faire par ce biais. De plus « les propositions d'avenants seraient simultanément publiées et envoyées électroniquement aux entreprises ayant candidaté, à une liste à définir de tiers intéressés et plus généralement à tout tiers qui en aura fait préalablement la demande. Afin de rendre le recours effectif, la publication devra préciser le montant initial du marché, le montant de l'augmentation et l'objet de l'avenant. Toute personne qui en ferait la demande pourrait obtenir communication de l'avenant et de ses actes détachables. Le délai de recours d'un mois serait, comme en matière de référé précontractuel, un délai de standstill. »618

614 H. HOEPFFNER, « La modification des contrats », RFDA 2016, p. 280.

615 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

616 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 140.

617 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc. Le fonctionnement imaginé pour ce référé y est très développé (p. 10).

618 Ibid.

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D'aucuns estiment la charge de travail pour le juge administratif déjà trop importante et voient d'un mauvais oeil la création d'un nouveau recours. Pourtant cette évolution du contentieux de la modification semble être la dernière étape pour garantir un contentieux contractuel véritablement efficace.

La simplification de la passation contractuelle et la véritable prise en compte de l'importance de l'exécution contractuelle ne peuvent suffire à faire des acheteurs publics de véritables managers de l'achat public. Il reste à les professionnaliser tant institutionnellement que personnellement (II).

II. La professionnalisation des acheteurs publics, gage de performance

Plan. Des nouvelles procédures et plus généralement un nouveau droit des marchés publics impliquent nécessairement une évolution des agents qui les mettent en oeuvre. C'est pourquoi un changement doit avoir lieu, tant institutionnellement avec le développement de la mutualisation de l'achat (A), que personnellement, avec une prise de conscience managériale des acheteurs publics (B).

A. La professionnalisation institutionnelle ou les bienfaits économiques de la mutualisation de l'achat public

Présentation. La mutualisation des achats par les collectivités publiques est une autre expression de la liberté contractuelle, et plus exactement de la liberté de choisir son mode d'organisation. Aussi les collectivités publiques peuvent faire le choix de définir leurs besoins à un autre niveau. Autrement dit, les différents pouvoirs adjudicateurs peuvent se regrouper lors de leurs achats, notamment de fournitures ou de services courants. Il existe deux techniques pour permettre un tel mécanisme de mutualisation : la centrale d'achat et le groupement de commande. Ces deux techniques ont en effet bénéficié depuis plusieurs années d'une forme « d'adoubement juridique ». Comme le souligne Philippe Terneyre619, la sécurisation juridique de ce type d'entreprises n'étant plus à faire, il est maintenant temps de veiller à leur favorisation et à leur amélioration en termes de performance.

619 P. TERNEYRE, « L'avenir de la coopération entre personnes publiques : un avenir réel mais limité », RFDA 2014, p.407.

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La centrale d'achat620. Il s'agit d'une technique très utilisée dans le secteur privé. La grande distribution en fait usage, mais aussi les particuliers qui se regroupent grâce à des sites internet afin d'être plus efficaces lors de la négociation des prix pour l'achat d'équipement ou la réalisation de travaux.

Deux rôles peuvent être assignés aux centrales d'achat. Elles permettent d'acheter des produits pour les revendre par la suite aux pouvoirs adjudicateurs, qui achètent donc sur catalogue. Les prix sont alors plus élevés, mais la simplicité de l'acte d'achat est indéniable, car il n'y a aucune contrainte de forme ou de temps lors de l'achat pour la collectivité. Il faut faire des estimations et les comparer pour savoir si le prix de la procédure reste inférieur à celui du catalogue ou non. C'est ainsi que l'organisme public pourra choisir de passer ou non par une centrale d'achat. Les marchés et accords-cadres vont donc non seulement permettre un achat simplifié mais aussi faire l'économie des procédures de passation.

Les centrales d'achat sont aujourd'hui soumises à l'ordonnance du 23 juillet 2015. Dès lors, l'ensemble des développements précédents leurs sont applicables. Plus encore, ces entités se consacrent uniquement à l'achat et doivent de ce fait servir d'exemple en matière de performance.

Elles sont créées par voie réglementaire ou par constitution d'une association loi 1901. Le meilleur exemple de centrale d'achat est sans aucun doute l'UGAP621, dont le poids des commandes se limite à 2 milliards d'euros622. Il passe des marchés ou accords-cadres de travaux, fournitures ou services destinés à tous les organismes soumis à l'ordonnance de 2015. De plus en plus d'EPCI et certains syndicats mixtes créés par ailleurs des « services unifiés ayant pour objet d'assurer en commun des services fonctionnels (É) concourant à l'exercice des compétences des collectivités intéressées sans être direct. »623 Il en est de même pour les sociétés d'économie mixte (SEM)624 qui peuvent agir en tant que centrale d'achats, dès lors que leurs statuts le prévoient.

Le groupement de commande625. Il est également possible, toujours dans la même optique, que plusieurs pouvoirs adjudicateurs se regroupent entre eux pour passer un marché

620 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, arts. 26 et 27.

621 D. n°85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP).

622 www.ugap.fr.

623 CGCT, arts. L. 5111-1-1 et L. 5211-4-2.

624 V. en ce sens : J.-M. PEYRICAL et C. SABATTIER, « Une SEM peut-elle devenir une centrale d'achat ? » Contrats et marchés publics, n° 47, sept. 2005, p. 61.

625 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 28.

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unique à destination de l'ensemble des membres du groupement. Ils concluent pour cela une convention constitutive dont le contenu est variable et qui permet de désigner un coordonnateur du groupement. Ce groupement ne se justifie que dans la mesure où chacune des entités composant le groupement a un intérêt certain, notamment en termes d'économie d'échelles, à mutualiser un besoin. Elle trouve son fondement dans « l'organisation, la structuration, la sécurisation des achats tout en réalisant des économies. »626 L'objectif de telles institutions est la performance. Ce n'est donc pas étonnant que ce type de mutualisation soit plébiscitée par les EPCI, qui pour 83% d'entre eux déclarent l'utiliser627.

Les difficultés d'exécution du marché et la mutualisation des achats. En outre ce type de mutualisation permet de « déléguer » la gestion de l'exécution du marché à cette centrale. Cet avantage en apparence, peut aussi entraîner plusieurs difficultés. Les difficultés rencontrées lors de l'exécution devront se régler nécessairement par l'intermédiaire de la centrale. La communication du problème et la réponse à celui-ci ont tendance à retarder le traitement de ces difficultés d'exécution, à moins d'institutionnaliser et de prévoir contractuellement le règlement de ces difficultés. L'anticipation des difficultés d'exécution est donc nécessaire.

Parfois, les pouvoirs adjudicateurs devraient aussi prévoir une intégration moindre, excluant l'exécution de la mutualisation, mais la flexibilité d'une centrale d'achat tel que l'UGAP n'est pas de ce point de vu aussi étendue que pour un groupement de commande par exemple.

Il existe, en premier lieu une limite juridique lorsque l'exécution de contrats d'achat public est intégrée, puisque le coordonnateur ou la centrale n'est pas toujours autorisé à assurer l'exécution, notamment financière, des marchés et des accords-cadres. Par exemple, les membres d'une centrale ou d'un groupement peuvent être des personnes morales de droit privé ou de droit public, répondant à des règles de comptabilité ou à des règles budgétaires qui diffèrent fortement d'un membre à l'autre et qui ne sont pas toujours en adéquation avec les contrats passés par la centrale ou par le groupement..

En second lieu, d'un point de vue opérationnel cette fois, il est essentiel que le contrat prévoit précisément la procédure de constat de manquement des titulaires. Il doit en être de

626 Réponse du Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire au sénateur B. PIRAS, JO Sénat, 25 janv. 2007, p. 188.

627 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, p. 113.

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même pour la procédure ou les contrôles, afin que les pénalités puissent être appliquées de manière cohérente et efficace.

La mutualisation : un outil de performance contrasté. Jean-Marc Peyrical considère que la mutualisation est le « moteur de l'efficacité dans la commande publique. »628 Cette technique contribue en effet à améliorer la compétence des acheteurs et constitue du même coup « une voie d'avenir »629 selon Stéphane Saussier et Jean Tirole. Pour autant, certaines critiques visent la déresponsabilisation des acheteurs engendrée par une telle technique et qui, on le sait, nuit à un achat performant. Dès lors un compromis doit être trouvé pour une utilisation optimale de cet outil.

Comme le souligne la Cour des comptes, il existe plusieurs avantages économiques à mutualiser ses besoins630. D'abord il sera possible d'obtenir des prix inférieurs grâce à des commandes en plus grandes quantités. L'importance de la commande peut contribuer également à responsabiliser le fournisseur quant à la qualité de son produit. En outre le coût de procédure est bien sûr globalement restreint, puisque il y en a moins à mettre en oeuvre et que la centrale ou le coordonnateur peut négocier plus efficacement avec les fournisseurs. Enfin lorsque des personnes privées font partie de groupements ou de centrales, celles-ci peuvent également utiliser des techniques souvent plus élaborées et en faire ainsi bénéficier les acheteurs publics631. De manière générale, la mutualisation permet donc un partage des bonnes pratiques d'achat632.

Il existe également des atouts juridiques à la mise en oeuvre d'un achat mutualisé. A coup sûr, les procédures sont formalisées, en raison de l'importance des achats, c'est systématique. Cela permet, de fait, une plus grande sécurité juridique, qui on l'a vu, est également une condition sine qua none d'un achat performant. Enfin les intérêts des membres du groupement sont mieux garantis, puisqu'ils sont de la responsabilité à part entière d'un autre organisme qui est chargé d'effectuer le meilleur achat pour eux. Pour autant cette déresponsabilisation des acheteurs est par ailleurs problématique, puisqu'il en résulte « des prix plus élevés, une lenteur d'exécution ou une offre limitée et peu flexible face à des besoins

628 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions », AJDA 2009, p. 965.

629 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

630 V. en ce sens : Rapport demandé à la Cour par le Sénat au titre de l'art. 58-2 de la LOLF sur la mutualisation des moyens départementaux de la sécurité civile, sept. 2013, rendu public le 25 nov. 2013.

631 C. DELON DESMOULIN, « De la mutualisation des achats à la mutualisation des pratiques d'achat : quelles libertés pour les collectivités territoriales ? », AJ Collectivités Territoriales 2015, p. 260.

632 Ibid.

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spécifiques. »633 Pour remédier à ces difficultés liées à la centralisation des achats, les professeurs Tirole et Saussier se font encore force de proposition et évoquent une clause d'« opt-out » afin d'obliger l'organe centralisant les achats à une certaine réactivité, mais cela en réduit du même coup l'efficacité. Ils évoquent également la possibilité de mettre en concurrence plusieurs centrales d'achat afin de faire baisser les prix et les forcer - elles aussi - à une gestion performante de leurs achats. Le risque du choix d'organe centralisant qui serait davantage politique qu'économique plane néanmoins au-dessus de cette idée. Il faudrait donc garantir l'indépendance de ces centrales ou de ces groupements et de leurs fournisseurs.

Cette démarche est par ailleurs techniquement bienfaitrice puisque l'externalisation de l'achat à une centrale ou à un coordinateur au sein d'un groupement permet de déléguer l'achat, soulageant du même coup l'ensemble de l'organisation de la structure du pouvoir adjudicateur634. Cela profite plus particulièrement aux collectivités et aux établissements publics de petites tailles (communes, CCI, préfectures, etc.), en leur permettant de se professionnaliser grâce à cette mutualisation, ces petits organismes ne pouvant pas recruter d'acheteurs par manque de moyens635.

De même la directive européenne de 2014 permet aux pouvoirs adjudicateurs de passer des contrats d'assistance à la passation de contrats d'achat, diversifiant l'activité des centrales d'achat en faisant d'elles de véritables « auxiliaires d'achat. »636

Pour une pleine efficacité technique de la mutualisation, une réflexion sur le niveau de centralisation s'impose. C'est-à-dire qu'il semble nécessaire de se demander si cette mutualisation doit se faire au niveau national, régional, intercommunal ou départemental.

D'un autre côté, l'entreprise peut mieux s'organiser grâce à une standardisation des demandes. Du même coup, elle peut réduire ses coûts de fonctionnement et consacrer toute son attention sur la qualité des produits, grâce à une meilleure planification. Ainsi la concurrence est favorisée, compensant à coup sûr la diminution des références à disposition des organismes publics, qui est souvent critiquée.

Finalement, il reste que la démarche de mutualisation doit être encouragée637. De plus, outre les économies d'échelle, il faut souligner que la mutualisation permet une plus grande

633 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

634 C. DELON DESMOULIN, « De la mutualisation des achats à la mutualisation des pratiques d'achat : quelles libertés pour les collectivités territoriales ? », art. préc.

635 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

636 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, Consid. 70 et art. 2 ; O. n° 2015899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 26.

161

professionnalisation de la fonction achat, de la même manière que la création de services consacrés à l'achat au sein des administrations avait été salvatrice en son temps. La professionnalisation passe en premier lieu par la spécialisation des acheteurs (B).

B. Du juriste spécialisé en contrats publics au manager de l'achat public

La professionnalisation de l'achat public. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, considère que « le développement des procédés contractuels suppose un professionnalisme exemplaire de l'administration. »638 La professionnalisation de l'achat revient à rendre l'activité d'acheter suffisamment professionnelle. Les acheteurs doivent être très compétents. Les organes publics dévolus à l'achat doivent donc nécessairement être tournés vers une professionnalisation de l'achat, mais les acheteurs, eux aussi, doivent être sensibilisés à l'exigence de performance. Une plus grande efficacité de l'achat passe par une véritable compétence des administrations lorsqu'elles achètent. De plus, il est nécessaire que les acheteurs demeurent intègres afin de choisir objectivement la meilleure offre. Enfin il est essentiel que les acheteurs soient suffisamment informés. Ainsi la gouvernance de l'achat public sera optimale.

Or pour être pleinement compétents, les acheteurs doivent encore se familiariser avec une vision économique et gestionnaire lorsqu'ils achètent. Planifier, budgéter, répartir les risques ou choisir le bon contrat lors de la procédure de passation, sont des problématiques loin d'être juridiques. De même, lors de l'exécution du contrat, il faut anticiper les difficultés, maintenir l'équilibre contractuel de départ, réagir correctement aux manquements du titulaire, etc. Il serait également bienvenu que les acheteurs se tiennent informés des évolutions technologiques et de l'actualité économique, ce qui n'est majoritairement pas le cas.

Une formation insuffisante. La formation des acheteurs publics est presque exclusivement juridique, même si certains diplômes tentent de mettre en oeuvre une vision d'achat et non plus seulement de commande, comme le souligne Jean-Marc Peyrical639. La formation des acheteurs publics est donc insuffisante640. Cette affirmation tend néanmoins à

637 V. en ce sens : Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, pp. 110-117.

638 J.-M. SAUVÉ, Editorial du rapport public du Conseil d'Etat pour l'année 2008, Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, op. cit., p. 9.

639 J.-M. PERYCAL, « Achats publics : le décryptage du rapport sénatorial », Les échos, 2 déc. 2015.

640 Sénat, Mission commune d'information sur la commande publique, op. cit., p. 105.

162

se réduire, puisque l'UGAP considère que 63 % des acheteurs publics n'ont pas de profils juridiques641.

La gouvernance des ressources humaines de l'achat public est inadaptée. Comme le souligne Jean Tirole et Stéphane Saussier les agents responsables de l'achat changent souvent de poste, limitant du même coup leur apprentissage pratique et le suivi de contrats qui s'étendent souvent sur plusieurs années. Il faudrait au contraire les sécuriser dans leur poste et leur permettre de se former en parallèle, à une nouvelle approche de la commande publique. Ainsi, il faudrait pleinement reconnaître le métier d'acheteur public et ne pas laisser des fonctionnaires ou des contractuels vaguement formés à ces questions, occuper ces postes clés. Ce retard est parfaitement exprimé par la mission sénatoriale de 2015 qui dénonce « qu'il n'existe ni de corps ni de cadre d'emplois spécifiques à l'achat public. »

Entre le titulaire et l'acheteur public, comme entre l'acheteur public et l'acheteur privé, il demeure un véritable décalage, tant en termes de compétences, que d'informations. Or cette « asymétrie » est souvent la cause de contrats déséquilibrés, d'un mauvais choix ou de « renégociations opportunistes », au bénéfice de l'entreprise titulaire.

Responsabilité, compétence et performance. Ce professionnalisme permet de pouvoir pleinement se reposer sur les acheteurs publics et sur leur capacité à se servir de l'achat comme d'un levier d'économies. Une approche davantage portée sur l'analyse économique d'un marché ou sur l'aspect financier de l'achat, ne doit pas pour autant faire passer au second plan l'approche juridique l'achat. Le droit des marchés publics est un outil qu'il faut pouvoir mettre au service de la performance, mais il est nécessaire pour cela de le maîtriser.

641 Enquête réalisée par l'UGAP et le magazine Décision Achats au cours du deuxième trimestre 2011, à laquelle 370 responsables d'achat ont répondu in S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

163

CONCLUSION

La recette d'un achat public performant. Il faut pouvoir s'inspirer du secteur privé afin d'adopter une vision économique et managériale de l'achat public. Autrement dit, il est aujourd'hui nécessaire de rationaliser l'achat public grâce aussi bien au droit privé, qu'à des techniques entrepreneuriales.

L'analyse de la fonction achat, pousse à joindre des outils que l'on croyait incompatibles, la faute à une vision dépassée de l'Administration et à une philosophie surannée de l'achat public. L'une des lois du physicien Newton est la suivante : « lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double ». En l'occurrence, le management et le droit doivent se joindre pour permettre à l'achat d'être performant. La performance de l'achat public est une politique publique qui se décompose effectivement en deux chantiers.

En premier lieu, il faut pouvoir faire de la performance de l'achat public, le principal objectif d'un acheteur public, au moment où il définit sa politique d'achat. Pour cela il faut au préalable savoir quel sera l'objet de cette performance de l'achat. Il est essentiel de savoir au nom de quoi, il est nécessaire d'être efficient et efficace lorsque les pouvoirs adjudicateurs achètent. C'est lors de cette implantation de la performance en tant qu'un des fondements principaux de l'achat public que le droit s'impose, comme l'outil de la cohérence et de la réussite d'une telle entreprise. Il permet en effet de responsabiliser les acheteurs publics quant à cette vision performancielle.

En second lieu, une fois qu'il a été déterminé que l'objet de la performance de l'achat public est de parvenir au meilleur rapport qualité-prix lorsque l'Administration achète, plutôt que de garantir le marché intérieur ou le développement durable, alors la stratégie d'achat peut être élaborée. C'est à cette occasion que des techniques managériales venues du secteur privé, ou que divers contrats d'achat encourageant la performance, ou encore que des techniques juridiques inspirées du droit privé, vont tenter de s'imposer afin d'encourager la performance de l'achat public.

164

La performance de l'achat public : une utopie. Selon Jacques Attali, « l'utopie est la volonté de modeler l'image de la Société à partir d'un idéal éthique, d'une certaine conception de la justice, du bonheur, de l'efficacité, de la responsabilité. »642 La performance de l'achat public est une utopie. La performance est loin de toujours être synonyme de progrès, mais en matière d'achat c'est indéniablement un idéal de gouvernance vers lequel il faut tendre. Elle doit permettre aujourd'hui de parvenir à un achat qui se ferait au meilleur coût et qui offrirait la meilleure qualité aux produits utilisés par l'Administration.

Duguit écrivait que le service public est « indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale »643. Il fait donc partie intégrante de la société. Chacun des organismes publics chargés d'une mission de service public ont des besoins auxquels il faut subvenir pour qu'ils puissent accomplir une telle mission. Un achat performant permettra de renforcer la qualité du service public en lui donnant d'avantage de moyens et le quotidien des citoyens s'en trouvera de fait impacté.

Par ailleurs, agir pour un achat public performant, suppose une plus grande efficacité de l'acte d'achat. Cette efficacité est dépendante d'une responsabilisation des acheteurs, quant à une vision davantage managériale de l'achat public, mais aussi quant à la sécurisation juridique d'un tel acte. De même, cette responsabilité implique de conférer une valeur et un contenu juridique à la performance.

Cette notion de performance est finalement le reflet d'un compromis entre économie et droit, entre management et sécurité, ou encore entre secteur public et secteur privé. Il faut également savoir lorsque l'objectif de performance ne doit plus dominer et laisser la place à la non-performance qui est parfois tout autant essentielle. La performance est donc affaire de compromis et donc de justice.

Le juste équilibre, lui, varie constamment et la performance, comme tout idéal n'est jamais vraiment atteinte, car comme l'écrivait le philosophe Alain, l'idéal est un « modèle qu'on se compose, en vue de l'admirer et de l'imiter. L'idéal est toujours nettoyé d'un peu de réalité qui ferait tache. »644Il faut sans cesse adapter sa vision performancielle à la réalité administrative. Aujourd'hui la situation tendue des finances publiques pousse à se concentrer sur le coût et la qualité des achats, tandis que demain l'achat écologiquement et économiquement sain devra s'imposer au dépend parfois des intérêts propres de l'Administration.

642 J. ATTALI, Fraternités - Une nouvelle utopie, Fayard, 1999.

643 L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, t. 2, Sirey, 1923, p. 55.

644 ALAIN, Les aventures du coeur, Paul Hartmann, 1945.

165

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 13

PARTIE 1: LA NECESSAIRE CONSECRATION D'UNE IDENTITE JURIDIQUE POUR LA PERFORMANCE

DE L'ACHAT PUBLIC 24

Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation juridique de la performance 25

Section 1. Une performance publique 25

I. L'idée contre-nature d'une gestion publique performante 25

A. Le droit administratif, un droit réfractaire à l'idée de performance 25

B. La modernisation de la gestion publique 28

II. « La rencontre » naturelle de la performance et du contrat d'achat public 32

A. Le contrat, un outil de performance publique 32

B. L'achat public : un acte économique saisie par l'exigence de performance

36

Section 2. Une performance globale 39

I. L'achat responsable au service d'une performance globale 39

A. La prise en compte du développement durable par les marchés publics 40

B. Le prérequis nécessaire à la performance de l'achat public : l'achat

responsable 45

II. La mise en oeuvre performante de l'achat responsable 48

A. L'achat public durable et performant : le choix de l'équité 48

B. Le péril de l'instrumentalisation de l'achat public : un risque pour

l'efficacité 50

Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de performance de l'achat public 55

Section 1. Les fondements juridiques utiles à l'émergence d'une obligation de

performance 55

I. L'origine financière de l'exigence de performance au service de sa

reconnaissance juridique 55

A. La LOLF ou l'apparition d'une logique juridique de performance 55

B. L'application de la logique de performance à l'achat public 59

II. L'impératif de performance inhérent aux principes fondamentaux de la

commande publique 63

A. Les prémisses d'une formalisation juridique de la performance par la

soumission des personnes publiques au droit de la concurrence 63

B. La consécration du principe d'efficacité de l'achat public 67

Section 2. La caractérisation d'une obligation de performance appliquée à l'achat public

71

I. L'obligation de performance ou la responsabilisation des acheteurs publics 71

A. Typologie de l'obligation de performance 71

B. La difficile sanction de l'obligation 75

II. Le nécessaire contrôle de l'efficacité de l'achat public 77

A. Un contrôle de l'efficacité encore insuffisant 77

B. Un contrôle de l'efficacité destiné à se développer 82

166

PARTIE 2 : LA PRISE EN COMPTE DE L'EXIGENCE DE PERFORMANCE PAR LE DROIT DE L'ACHAT

PUBLIC 84

Chapitre 1 : La performance mise en oeuvre « par » et « pour » le contrat 85

Section 1. La performance « par » le contrat : L'efficacité relative des contrats ayant la

performance pour objet 85

I. Les marchés de partenariat 85

A. L'esprit d'efficacité des marchés de partenariat 85

B. Les dérives des marchés de partenariat 90

II. Les autres marché public globaux 93

A. Les marchés publics globaux de l'article 32 : une exception au principe

d'allotissement 93

B. Les marchés publics globaux de la section 4 de la nouvelle ordonnance 95

1) Des contrats globaux au service de l'efficacité 96

2) Un recours à la globalisation méconnaissant parfois les exigences de

performance 98

Section 2. La performance « pour » le contrat : la garantie effective d'une liberté

contractuelle suffisante 100

I. La limitation des montages contractuels complexes justifiée par une exigence

de performance 100

A. Le développement des MCC au nom de la performance 100

B. Un rétrécissement bienvenu des montages contractuels complexes 102

II. Une liberté contractuelle résiduelle 104

A. La liberté contractuelle comme prérequis performanciel 104

B. Les nouvelles libertés des acheteurs publics 107

1) La procédure adaptée 107

2) La négociation 108

Chapitre 2 : Du juriste au manager de l'achat public 117

Section 1. L'achat public ou l'objectif d'équilibre entre l'efficacité managériale et la

sécurité juridique 117

I. La sécurité juridique, gage d'efficacité 117

A. La sécurisation du droit applicable 118

B. La sécurisation du contrat 121

1) Un contrat légal 121

2) Un contrat stable 122

II. L'efficacité et l'efficience, deux objectifs injustement au second plan dans

l'établissement des politiques d'achat public 125

A. L'objectif juridico-managérial de la fonction achat, au service de la

performance 126

B. Le nécessaire rééquilibrage des impératifs d'efficacité et d'efficience en tant

qu'objectifs de la fonction achat 128

1) La difficile revalorisation des notions d'efficacité et d'efficience 129

2) L'efficacité de l'achat public : une nouvelle exigence du service public
132

167

Section 2. L'efficacité des hommes et des procédures 135

I. La gestion contractuelle performante 135

A. Vers une passation plus efficace des contrats d'achat public 135

1) Une définition satisfaisante des besoins 135

2) Présentation de quelques techniques issues du droit privé, véritables

leviers de performance lors de l'achat 138

 

a)

La segmentation des achats

138

 

b)

Le sourcing

139

 

c)

Le benchmarking

141

 

d)

Le raisonnement en coût global

142

3)

 

Une procédure à rationaliser

144

 

a)

La phase de candidature

144

 

b)

La phase de sélection des offres

146

 

c)

L'impact performanciel de la dématérialisation et des nouvelles

 

technologies 147

B. Les pistes pour la performance de l'exécution contractuelle 151

II. La professionnalisation des acheteurs publics, gage de performance 156

A. La professionnalisation institutionnelle ou les bienfaits économiques de la

mutualisation de l'achat public 156

B. Du juriste spécialisé en contrats publics au manager de l'achat public 161

CONCLUSION 163

TABLE DES MATIÈRES 165

BIBLIOGRAPHIE 1688

168

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· 173

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· Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics

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· Décret n° 2004-1298 du 26 novembre 2004 relatif à diverses dispositions concernant les marchés de l'Etat et des collectivités territoriales

· Décret n° 2009-300, 17 mars 2009 portant création du service des achats de l'État

· Décret n° 2009-1279 du 22 octobre 2009 relatif à la commission consultative des marchés publics

· Décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique

· Décret n° 2012-1093 du 27 septembre 2012 complétant les dispositions relatives à la passation de certains contrats publics

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· Décret n° 2014-1097, 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics

· Décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics

· Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de l'Etat

· Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics

Arrêtés

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· Arrêté, 21 juillet 2011 relatif au recensement économique de l'achat public.

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· CE, Ass., 8 avr. 2009, Cie générale des eaux et commune d'Olivet, n° 271737 et 271782

· CE, 11 aout 2009, Sté Maison Comba, n° 303517

· CE, 28 déc. 2009, Cne de Bézier, n° 304802

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· CE, 23 juillet 2010, SNSO, n° 326544

· CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris c. Association Paris Jean Bouin, n° 338272, 338527

· CE, 23 nov. 2011, Communauté d'agglomération de Nice-Côte d'Azur, n° 351570

· CE, 3 juillet 2012, Cne d'Aix-en-Provence, n° 358512

· CE, 19 décembre 2012, Sté AB Trans, n° 350341

· CE, 25 mars 2013, Département de l'Isère, n° 364950

· CE, 4 avril 2014, Dépt du Tarn et Garonne, n° 358994

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Cours Administratives d'appel

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Tribunaux administratifs

· TA Marseille, 1er mars 1995, Société Semica et commune de la Ciotat.

· TA Strasbourg, 30 nov. 1999, Préfet région Alsace, préfet Bas-Rhin c/ communauté urbaine Strasbourg, Sté Am Port'llnes.

· TA Grenoble 13 octobre 2000, Préfet de Haute-Savoie, n° 00774

·

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TA Lille, 25 janvier 2011, Société Nouvelle SAEE, n° 0800408

· TA Lille, 1er fév. 2016, Société Agysoft, n° 1600193

Conseil Constitutionnel

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· Cons. Const., 16 déc. 1999, n° 99-421, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes

· Cons. Const., 6 décembre 2001, n° 2001-452 DC, Loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier

· Cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit

· Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, Loi relative au secteur de l'énergie.

· Cons. Const., 24 juillet 2008, n° 2008-567 DC, Loi relative aux contrats de partenariat

· Cons. Const., 22 mars 2012, n° 2012-651 DC, Loi de programmation relative à l'exécution des peines

CJCE / CJUE

· CJCE, 20 sept. 1988, Gebroeders Beentjes BV c/ État des Pays-Bas, aff. 31/87

· CJCE, 2 septembre 2000, Commission c/ France, aff. C-225/98

· CJCE, 1er févr. 2001, Commission c/ France, aff. C-237/99

· CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland Oy Ab, anciennement Stagecoach Finland Oy Ab, et Helsingin kaupunki, HKL-Bussiliikenne, aff. C-513/99

· CJCE, 12 déc. 2002, Universal Bau AG, aff. C-470/99

· CJCE, 3 oct. 2000, University of Cambridge, aff. C-380/98

· CJUE, 10 mai 2012, Commission / Pays-Bas, aff. C-368/10






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery