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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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B. Les pistes pour la performance de l'exécution contractuelle

La nécessaire prise de conscience de l'importance de l'exécution contractuelle. L'exécution contractuelle des marchés publics n'était pas la préoccupation centrale des réformes qui ont eu lieu dernièrement. Elle est très peu réglementée, alors qu'elle pourrait être le lieu d'importantes économies598. Le rapport pour le compte de la CCI qu'Alain Buat a dirigé évalue à 2 milliards d'euros, les économies envisageables. Mais au-delà de ces économies, c'est véritablement un nouvel esprit avec la mise en place d'un véritable management de l'achat public qui est en jeu. Deux personnes morales très différentes doivent en effet se comprendre et faire vivre au mieux le contrat qui les lie. Comme le dit Alain Buat dans son rapport : « Les marchés publics devenant stratégiques, leur exécution aurait besoin

597 V. Sénat, Mission commune d'information sur la commande publique, op. cit., pp. 100-101.

598 A. BUAT, Pour un management performant des marchés publics, op. cit.

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d'un environnement juridique et politique plus propice à la performance et, notamment, plus adaptable et davantage ouvert à la concertation des cocontractants. »599

Le rééquilibrage de la relation acheteur-fournisseur. Comme dans tous les contrats administratifs, l'Administration dispose d'un certain nombre de pouvoirs exorbitants, dans le silence des textes et malgré le fait que le contrat soit normalement « la loi des parties ». Elle dispose en effet tout à la fois d'un pouvoir de contrôle, de surveillance, de sanction et de résiliation. La défiance qui naît de ce déséquilibre entre elle et son cocontractant est légitimée, dans une certaine mesure, pour la garantie du bon fonctionnement du Service Public qu'elle permet. Concernant les marchés publics, cette légitimation ne tient cependant plus, même si l'exécution de ce contrat concerne directement l'utilisation qui est faite des deniers publics. Un nouveau compromis s'impose, car il faut revenir au mode contractuel, au consensualisme et donc à un certain équilibre.

Le pouvoir de résiliation unilatéral pour motif d'intérêt général600 semble dès lors propice à certains aménagements, puisque cette résiliation unilatérale peut donner lieu à aucunes indemnités, si une clause d'exonération a été préalablement ajoutée au contrat601. Comme le fait justement remarquer Alain Bluat : « Si l'hypothèse d'une résiliation dans l'intérêt général sans indemnité peut paraître proportionnée à l'occasion d'un marché à bons de commandes sans minimum, elle est au contraire, dans les autres cas, très défavorable aux titulaires. » Au delà de l'aspect global que doit recouvrir la performance de l'achat public et qui suppose un minimum de bienveillance vis-à-vis des partenaires de l'Administration, ce déséquilibre ne profite pas à l'Administration et même détériore le lien contractuel. Une défiance s'installe.

Dans la même veine, une réflexion plus poussée sur les pénalités prévues au contrat par l'Administration serait bienvenue. Les pouvoirs adjudicateurs se contentent bien trop souvent de recopier des cahiers des charges absolument inadaptés. Cela a pour conséquence de rendre ces pénalités inapplicables. Parfois celles-ci sont même tellement inadaptées et disproportionnées qu'elles amènent le juge à les moduler602, cependant le juge intervient seulement en cas de disproportion manifeste et c'est insuffisant.

Par ailleurs, il ne faut pas abuser de ce pouvoir de sanction. Aussi est-il possible pour l'Administration d'y renoncer contractuellement ou unilatéralement. Pourtant l'abandon de

599 Ibid, p. 8.

600 CE Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, rec. p. 246.

601 CE, 19 décembre 2012, Sté AB Trans, n 350341.

602 CE 29 déc. 2008, OPHLM de Puteaux, n 296930.

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telles clauses est parfois vu comme un avantage injustifié qui est octroyé au titulaire du contrat, et qui tombe sous le coup du délit de favoritisme.

De même, la possibilité pour la personne publique de soulever une exception d'inexécution603, tandis que cette possibilité est par principe irrecevable pour l'opérateur privé604, contribue également à rompre la confiance nécessaire à une exécution performante. La jurisprudence a néanmoins évolué de belle manière en reconnaissant la possibilité pour l'opérateur de glisser une clause permettant une exception d'inexécution. Cette possibilité reste conditionnée, puisque l'objet du contrat incluant une telle clause ne saurait être rattaché au service public et qu'un motif d'intérêt général peut encore permettre à la personne publique de maintenir le contrat et doit également prévoir une telle clause605. Cette nouvelle capacité pour l'opérateur est donc suffisamment réduite pour que les intérêts de l'Administration soient préservés et qu'une relation de confiance puisse naître.

Enfin il semble nécessaire pour la collectivité publique d'avoir un interlocuteur désigné et stable, afin de pouvoir facilement communiquer avec son opérateur. De cette manière, le contrat se concrétise et un dialogue sain peut s'installer. Pourtant Alain Buat estime que même si la désignation d'un interlocuteur nommément désigné est prévue par le CCAG-travaux de 2012 et au sein des guides de bonnes pratiques successifs, il serait utile de l'imposer à tous les marchés publics.

Le suivi performanciel de l'exécution. François Villette considère que « la mission de l'acheteur s'arrête à la signature du contrat, alors que c'est après la signature de celui-ci qu'elle devrait réellement commencer. »606 De même cette phase d'exécution devrait être plus anticipée lors de la rédaction du marché, en fixant des objectifs de performance à atteindre ou en prévoyant la mise en oeuvre d'innovations607.

Un suivi « post-achat » doit être imposé. Plutôt que de perdre du temps sur des procédures de passation longues, il serait préférable de se concentrer sur cette évaluation contractuelle. Ainsi la bonne exécution est garantie et il est possible pour l'acheteur public de tirer des enseignements de cette exécution pour ces futurs contrats. On parle de démarche RECB (Remise en cause du besoin).

603 CE, 27 mars 1957, Carsalade, Rec. 216.

604 CE, 7 janv. 1976, Ville d'Amiens, n° 92888.

605 CE, 8 oct. 2014, Sté Grenke location, n° 370644.

606 F. VILLETTE, « Achats publics, arrêtons le gâchis ! », La Gazette, 2015.

607 V. en ce sens : Le manuel Steppin, Le Moniteur TP, Cahier détaché, 2009 in J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et réflexions », art. préc.

»608

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Un outil a été développé par François Villette à cette fin, au sein de la commune de Saint-Ouen : la fiche qualimétrique. Cela consiste à établir l'état précis de la qualité des prestations réalisées à la fin de chaque marché : «Respect du cahier des charges et des délais, fiabilité et disponibilité de l'entreprise... tout est passé au crible ! L'agent évaluateur complète une fiche qualimétrique dématérialisée comportant cinq niveaux de notation et un code couleur simple, de vert (très satisfaisant) à rouge (pas du tout satisfaisant).

Cet outil de management des achats et de bonne gestion financière favorise la prévision et l'anticipation des besoins. Il permet également de mettre en oeuvre le cas échéant les mesures correctives adaptées. En outre, au sein de la collectivité ou de la structure publique, mesurer la performance permet de faire parvenir un bilan permanent à la direction générale.

Par la suite ces informations sont partagées avec d'autres collectivités et avec les entreprises par voie dématérialisée afin que la collectivité ne soit pas la seule à pouvoir tirer des conséquences de cette évaluation. Ce partage suscite en effet des comparaisons qui permettent aux collectivités d'optimiser leurs achats futurs.

La nécessaire réforme du contentieux de l'exécution. Une augmentation du contentieux de l'exécution est notable609. Le droit de ce contentieux doit donc évoluer de deux manières.

D'abord, il doit être développé la possibilité de régler les litiges à l'amiable. La transaction610, la médiation par un tiers, les comités consultatifs611, l'arbitrage612, etc. sont autant de voies de droit qui mériteraient d'être plus utilisées, afin d'éviter des contentieux souvent couteux et longs613.

Mais surtout, pour le bien du contrat et conformément aux exigences de la vie des affaires, le contrat est souvent renégocié par voie d'avenant. Sans s'intéresser ni à la nécessité de faire évoluer un contrat qui n'est plus à discuter, ni aux conséquences des nouveaux textes

608 Citation de F. Villette in S. DYCKMANS, « Saint-Ouen évalue les fournisseurs avec une fiche qualimétrique », achatpublic.info.

609 N. KHALID, « Marché public - Le contentieux de l'exécution ne cesse de se développer », site internet du Moniteur, Actualités, 4 décembre 2013.

610 Circ., 6 avril 2011, relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits

611 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 142 (concernant les médiateurs et les comités).

612 V. not. en ce sens : P. TERNEYRE, C. VÉROT, « Le projet de réforme de l'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques est tout à fait viable », AJDA 2008.

613 V. en ce sens : M. THOREAU, Le règlement amiable des litiges dans les contrats publics, thèse, Paris XI, 2007.

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sur ces possibilités de modification614, il faut ici insister sur les risques d'une telle renégociation et sur son incidence sur la performance de l'achat public.

Il arrive parfois que ce ne soit pas l'entreprise ayant présenté l'offre la mieux-disante qui obtienne le marché, mais plutôt l'entreprise ayant le plus confiance dans sa capacité à renégocier ultérieurement le contrat. Un premier contrat est signé à des conditions désavantageuses pour le titulaire mais défiant toute concurrence, tout en ne pouvant pas qualifier son offre comme étant anormalement basse. Ensuite, l'Administration se trouve contrainte de renégocier le contrat, préférant un avenant à une nouvelle mise en concurrence. Finalement ce contrat ne sera pas performant, la concurrence initiale ayant été faussée.

La solution selon les économistes Stéphane Saussier et Jean Tirole est de faire en sorte que les cocontractants se sentent tenus par le contrat. Et c'est le principe de transparence qui vient à l'appui de cette revendication615. Une modification substantielle du contrat est théoriquement interdite, mais la coercition mise en place en la matière semble bien trop faible. En rendant la renégociation transparente, chacun des cocontractants seraient véritablement responsabilisés et le contrat initial serait respectueux de la concurrence, l'opérateur ne tablant pas sur une renégociation. Certes une publicité des avenants est obligatoire mais pas en toutes hypothèses616, le pouvoir adjudicateur est le seul juge de la nécessité de publier. Cette transparence doit donc être augmentée.

Il a également été proposé une nouvelle procédure de « référé avenant », afin que la vérification de la légalité de l'avenant puisse se faire rapidement, de manière confidentielle et sans nuire à l'exécution contractuelle617. Il serait également possible de modifier le référé contractuel actuel pour que des recours contre des avenants puissent se faire par ce biais. De plus « les propositions d'avenants seraient simultanément publiées et envoyées électroniquement aux entreprises ayant candidaté, à une liste à définir de tiers intéressés et plus généralement à tout tiers qui en aura fait préalablement la demande. Afin de rendre le recours effectif, la publication devra préciser le montant initial du marché, le montant de l'augmentation et l'objet de l'avenant. Toute personne qui en ferait la demande pourrait obtenir communication de l'avenant et de ses actes détachables. Le délai de recours d'un mois serait, comme en matière de référé précontractuel, un délai de standstill. »618

614 H. HOEPFFNER, « La modification des contrats », RFDA 2016, p. 280.

615 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc.

616 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 140.

617 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », art. préc. Le fonctionnement imaginé pour ce référé y est très développé (p. 10).

618 Ibid.

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D'aucuns estiment la charge de travail pour le juge administratif déjà trop importante et voient d'un mauvais oeil la création d'un nouveau recours. Pourtant cette évolution du contentieux de la modification semble être la dernière étape pour garantir un contentieux contractuel véritablement efficace.

La simplification de la passation contractuelle et la véritable prise en compte de l'importance de l'exécution contractuelle ne peuvent suffire à faire des acheteurs publics de véritables managers de l'achat public. Il reste à les professionnaliser tant institutionnellement que personnellement (II).

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote