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La carte nationale d'identité dans l'Adamaoua: 1960-2013

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par Gabana Jean Francis
Université de Ngaoundéré - Master Recherches en Histoire 2013
  

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3-Inconvénients de la carte nationale d'identité.

Plusieurs auteurs ou organismes privés ou publics rapportent les difficultés les plus fréquentes que l'on rencontre avec les moyens actuels d'identification. Au niveau du nom de chacun des individus, il faut bien constater que plusieurs individus peuvent porter le même nom; plusieurs résidents sont appelés à déménager sur une base régulière ce qui rend aléatoire l'adresse qui figure sur leurs cartes d'identité. La carte nationale d'identité camerounaise a été rendue obligatoire pour tous les citoyens en 1964.De ce caractère obligatoire, il s'ensuit des pénalités encourues par ceux qui ne pourraient l'exhiber une fois interpellés par un agent des forces de l'ordre ; donc, en tout temps, un citoyen peut se voir demander par un policier, sa carte nationale d'identité ; s'il ne l'a pas, l'agent des forces de l'ordre peut lui dresser une contravention et même l'amène au poste de police pour enquête. De même si un citoyen oubliait d'avertir l'Administration de son changement de nom, encore là, on pourrait lui dresser une contravention50. L'instauration d'un tel système serait de nature à amener de

50 Entretien avec Woulkane Norbert, tailleur, Banyo, 15 juin 2014.

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nombreux excès et acheminer la société vers le harcèlement policier, créant une névrose collective d'État policier.

Par ailleurs, il faut noter qu'il existe des points d'ombre concernant l'utilisation de carte nationale d'identité. L'officier de police d'un commissariat de la région de l'Adamaoua soulignait que dans de très nombreux cas, les renseignements personnels concernant les citoyens sont fichés à leur insu pour des fins qu'ils ignorent sans qu'ils en soient postérieurement informés et sans qu'ils puissent donc s'y objecter efficacement51. La multiplication de données personnelles détenues dans le secteur privé et public est susceptible de brimer ou de porter atteinte à la vie privée des citoyens. Comme l'ont souligné avec justesse Edith Deleury et al :

La vie privée participe de la dignité humaine. La vie privée permet à l'individu de s'épanouir par l'affirmation de ses singularités, d'acquérir un sens de soi à l'abri de l'indiscrétion ou du jugement d'autrui. Le développement d'une personnalité propre et unique passe obligatoirement par le respect d'une sphère individuelle au travers de laquelle l'individu assume et cultive ses différences52.

La vie privée est donc intimement liée à l'autonomie individuelle et constitue l'essence même de notre société libre et démocratique. Il y a en Europe une résistance réelle à l'idée d'une carte d'identification universelle, d'une carte d'identité obligatoire. Parmi les valeurs qui sont remises en question par une carte d'identité, on retrouve notamment les suivantes : l'autonomie individuelle, l'autodétermination en matière d'information, l'accès exclusif au contrôle de la sphère privée de l'individu, le droit à l'anonymat et à la solitude. Ainsi, Simon Rogerson justifiait par ailleurs que l'instauration d'une carte d'identité obligatoire est susceptible d'affecter les rapports entre l'État, la police et les citoyens, entre les demandeurs de renseignements personnels et les personnes concernées53.

51 Cet informateur a requis l'anonymat

52 E. Deleury, 1997, « Mémoire sur la carte d'identité et la protection de la vie privée », présenté à la commission de la culture de l'Assemblée nationale du Québec, Québec, Barreau du Québec, p. 7.

53There are many countries where it's become almost impossibly inconvenient not to have an ID card, because so many benefits and services depend on it. And by inexorable logic of «nothing to hide nothing to fear anyone not in possession of an ID card, or unwilling to produce one could easily become an object of suspicion-for a range of officials, from police to bank clerks. So even a voluntary scheme could easily increase the risk of harassment of minority groups.

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Par ailleurs, Simon Rogerson 54 renchérit que les groupes démunis et les minorités subissent davantage les inconvénients et le coût social de ces technologies. Ainsi concrètement :

- La carte nationale d'identité peut engendrer des abus quant à l'obligation pour le détenteur de la produire à tout moment à toute personne qui la requiert ;

- La carte nationale d'identité obligatoire pourrait altérer les relations entre les citoyens et policiers, si ceux-ci l'exigent en tout temps sans raison valable ;

- En plus, la carte d'identité porte un numéro unique permanent rattaché au détenteur, le fichier peut devenir l'objet de convoitise de beaucoup d'entreprises et d'organismes. Les entreprises et organismes voudront avoir accès au fichier afin de comparer les données qu'ils détiennent avec celles contenues dans le fichier pour vérifier l'éligibilité des citoyens aux services et programmes ou pour retracer ceux qui ne s'acquittent pas de leurs obligations. Le fichier pourrait également servir à la constitution de profils sur la consommation de services. Dans certains cas, la comparaison peut se faire à l'insu de la personne concernée et lui causer des préjudices si, à la suite de la comparaison, la personne se voit retirer un service ou une prestation sans qu'on lui ait donné la possibilité de se faire entendre55.

- La carte nationale d'identité peut s'avérer un document attrayant pour les criminels et favoriser la fraude et le crime en développant un marché pour cartes volées ou contrefaites.

- La carte nationale d'identité est onéreuse pour le gouvernement qui l'émet ou pour le citoyen qui doit se la procurer et la renouveler.

- la non-possession prive les citoyens de certains services publics et privés.

-Elle peut s'avérer très coûteuse à produire et à mettre à jour. Tel n'est pas toujours le cas, mais les coûts augmentent à mesure que s'ajoutent des éléments de sécurité et que la carte s'impose comme la principale pièce d'identité du citoyen.

-La production de la carte exige une structure administrative importante.

54We live in age where citizens are becoming more and more dependent on digital icons, such as credit card, national insurance numbers and PIN numbers, in order to live and work. Those not in possession of such icons will fin did difficult to exist and will become increasingly disadvantaged. The identity car did see as yet another icon but on which more embracing and having greater potential to alter society radically. S.Rogerson, 1995, « The Green paper on Identity cards, A response from the Center for Computing and social responsability »,United Kingdom, Center for Computing and social Responsibility, p. 1.

55Deleury, 1997, p.8.

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-Elle doit être produite avec une technologie appropriée. S'il n'y a pas d'électricité là où l'établissement se fait et où les cartes sont délivrées.

En somme. Bien qu'elle soit obligatoire, la carte nationale d'identité n'est pas à la portée de tous les citoyens à cause de son coût. Certaines minorités assument les conséquences de façon plus sensible que les autres citoyens. Une réglementation efficace de la transmission des renseignements personnels pose aussi un réel défi. Tout Camerounais résidant au Cameroun est, sous peine des sanctions prévues à l'article 370 du Code Pénal, tenu de déclarer à l'officier d'état-civil territorialement compétent les naissances, et plus tard à l'âge de 18 ans de se faire établir une carte nationale dans un poste d'identification de sa localité. Ceci concourt à l'identification de la personne physique. Ainsi, il y a trois manières de concevoir la carte nationale d'identité : il y a d'abord cet angle subjectif qui est celui de l'individu, et qui peut relever de la déclaration de l'identité individuelle. Là, on va précisément parler d'identité. Puis, il y a le point de vue de l'État qui, lui va se fonder plutôt sur des critères objectifs, voire des critères scientifiques qui sont aujourd'hui au centre de débats politiques et là, on va plutôt parler d'identification. La première conception débouche sur la sécurisation de l'identité et la seconde sur la base de données de population. Un troisième pan, qui va retenir notre attention est sa fonction d'ordre social. L'état des personnes recense donc des mesures de police prises pour identifier les personnes, pour assurer leur unicité. Pour cette raison, la carte nationale d'identité est constituée de règles d'ordre public et un instrument de contrôle et régulation de la sécurité, d'où la déclaration de Thierry Braspenning56,

L'institutionnalisation de l'identité et de la menace apporte, paradoxalement, la sécurité. Lorsque l'objet de la peur a été clairement identifié, on sait mieux ce qui est menacé et quelle attitude, quelle stratégie peut aider à s'en prémunir. La survie est une question d'identification. Elle est une interrogation sur le « qui », le « quoi », le « pourquoi » et le « comment ». Qui ou qu'est ce qui est menacé ? Par qui ou quoi ? Pourquoi ? Comment en sortir ? Les représentations sociales que sont les institutions insèrent la peur dans un cadre qui sécurise l'environnement systémique.

56T. Braspenning, 2000, « Group identity and the disintegration of the modern link between Security and fear », contribution présentée à l'occasion de la graduate conference in Political Theory à l'Universitéd'Essex du 12 au 13 mai 2000, p.12.

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Ces propos traduisent l'importance de la carte nationale d'identité dans la lutte contre le phénomène de l'insécurité.

Après avoir étudié le contenu de la carte nationale d'identité et appréhendé les différents éléments que le droit civil considère pour distinguer les personnes, il en ressort que l'autorité publique aurait intérêt à ce que ces différents éléments ne disparaissent pas pour que l'individualisation d'une personne ne puisse être reproduite sans autorisation, sauf usage personnel. En tout cas, le droit civil a toujours organisé un système de constatation de l'identité malgré les multiples contentieux qui l'émaillent.

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