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La carte nationale d'identité dans l'Adamaoua: 1960-2013

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par Gabana Jean Francis
Université de Ngaoundéré - Master Recherches en Histoire 2013
  

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INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ AU CAMEROUN

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Historiquement, les systèmes d'identification les plus anciens permettant de prouver l'identité d'une personne physique sont ceux de l'état-civil suivi de la carte d'identité classique et du passeport ordinaire. Dans ces systèmes, l'identification, qui correspond à une logique de reconnaissance juridique des citoyens par l'État, se concrétise par l'établissement administratif d'identifiants comme le nom, le prénom, la date de naissance, le sexe et le lieu de naissance, etc. et leur stockage dans des supports en papier. Délivrés par les pouvoirs publics (maires, officiers de police, etc.), les premiers documents d'identité étaient détachés dans des cahiers dont les souches sont en général gardées par l'administration. Cette conservation facilitait les vérifications en cas de contrôle et garantissait l'authentification du citoyen.

De nos jours, les questions d'identification, qui traditionnellement étaient considérées comme des questions administratives et policières, sont devenues des enjeux majeurs pour le renforcement de l'État de droit et le développement économique d'un pays. En effet, sans possibilité de savoir avec le degré requis de certitude à qui l'on a affaire, les transactions et le contrôle de l'intégrité et de l'accès à un bien tangible ou à un service sont plus risqués et plus difficiles à réaliser. De même, il est beaucoup plus complexe pour lutter contre la fraude à l'identité et le crime. C'est pour gérer ces risques liés à la traçabilité des transactions et instaurer un véritable État de droit, ainsi que la confiance dans les échanges économiques que les gouvernements et les organismes publics et privés fournissant aux citoyens des droits et des services ont, de nos jours, fait de l'identification sans équivoque des personnes physiques une priorité majeure pour un contrôle permanent de l'intégrité et de l'accès à ces droits et services. Ce besoin d'identification des personnes physiques avec précision, a ainsi conduit la plupart des pays, le Cameroun particulièrement, à la mise en place des systèmes d'identification fiables et l'instauration de la carte nationale d'identité pour l'authentification de leurs citoyens. Ce document d'identité qui représente la preuve de l'identité du citoyen doit être présenté chaque fois que c'est nécessaire par celui-ci pour faire valoir ses droits ou avoir accès à certains biens ou services.

Dès lors qu'elle s'inscrit dans une perspective de longue durée, de la colonisation aux récents débats autour du 11 septembre 2001, l'histoire de la carte d'identité et de l'identification s'impose avec acuité et comme un domaine de recherche aux applications nombreuses. Parallèlement, elle souffre de ses contours instables qui

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sont sans cesse susceptibles de révision sur le plan politique, administratif, culturel et juridique. En effet, il est question dans ce chapitre de reconstruire le cadre historique pour rendre intelligible les variétés des phénomènes liés à l'élaboration d'un nouveau modèle d'identification au Cameroun. En s'inspirant du travail de Gérard Noiriel1 qui met en exergue les interactions entre institutions et sociétés, il sera question de parcourir la genèse du nouveau « savoir de l'État » à l'aune du concept d'identification. Les changements politiques et administratifs du Cameroun entre 1960/1961 et 1990 qui touchent les aspects cruciaux de l'existence de la population sont en fait précurseurs de la dynamique de la politique d'identification au Cameroun depuis 1960. Toutefois, en se penchant sur les années 1960 en étroite corrélation avec les notions de nationalité, citoyenneté et d'identification, nous allons nous imprégner de l'historiographie contemporaine et des différentes productions législatives relatives à la carte nationale d'identité pour déceler le contexte d'avènement de la carte nationale d'identité au Cameroun. Il s'agit de décrire les enjeux politiques et identitaires qui ont accompagnés la mise en oeuvre au Cameroun d'une nouvelle procédure d'encartement généralisée des citoyens au travers de la diffusion de la carte nationale d'identité. En retraçant le processus d'institutionnalisation de ce document, nous allons décrire avec précision le rôle déterminant joué par les productions législatives dans la rationalisation des techniques et des dispositifs d'identification mobilisés par les pouvoirs publics et analyser l'évolution des énonciations de la carte nationale d'identité. Tout en mettant en lumière l'historique de l'identification des Camerounais, l'organisation et le fonctionnement du système d'identification officielle du Cameroun seront examinés.

I-Historique des pièces d'identité officielles du Cameroun (1922-1960).

Introduite par les Allemands et développée par les Français et les Anglais, vainqueur pendant la première guerre mondiale, l'identification de la population de manière générale au Cameroun prend un tournant important à partir de 1916 et surtout en 1922 avec la présence effective de l'administration coloniale française via le mandat de la SDN.

1G. Noiriel, 2007, L'identification. Genèse d'un travail d'État, Paris, Belin.

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Aux termes des dispositions de l'Article 22 de la SDN2, le régime de mandat trouve son fondement dans l'incapacité reconnue aux populations camerounaises de s'administrer elles-mêmes, après le départ des Allemands. Aux termes du principal droit reconnu à la France comme puissance mandataire, elle avait plein pouvoir de législation et d'administration sur le Cameroun.

À partir de 1923, de nombreux textes législatifs et réglementaires interviennent pour consacrer la diversité des statuts et droits privés de personnes établissant ainsi la distinction entre les français et les administrés (Camerounais). Ainsi, dans ce contexte de colonisation, le concept d'identification mis sur pied par la puissance mandataire n'est qu'en fait le fichage des caractéristiques, des traits, ou des référentiels identitaires d'une personne. En d'autres termes, il était question d'unification des faits et actes liés à l'identification d'un individu dans le but de créer « des papiers d'identité » de celui-ci. L'identification de type occidental était organisée autour de deux systèmes : l'état-civil et la carte de résidence en métropole.

1. L'état-civil de l'époque coloniale.

L'avènement de l'identification de type occidental au Cameroun, comme dans d'autres pays africains, s'est fait dans un contexte de colonisation. La reconstruction identitaire a constitué un instrument majeur de la domination coloniale. Pendant la période coloniale, le discours de légitimation de la colonisation s'articule, pour l'essentiel, autour de l'idée d'une entreprise de civilisation. Il ne s'agissait pas de dominer ni d'exploiter mais de tirer les peuples colonisés de la barbarie. Ce discours est porteur d'un projet élaboré de reconstruction identitaire sur le dogme de la supériorité du modèle européen de civilisation illustré par les trois vecteurs principaux de l'identité : la race, la religion et la culture. Les éléments retenus qui différencient chaque personne des autres au plan de la jouissance et de l'exercice des droits civils sont : la nationalité, le mariage, la parenté, le domicile, l'alliance, etc.3

2 Article 22 « La colonisation constitue une mission sacré de civilisation puisqu'elle vise à assurer le bien-être et le développement des hommes. Les peuples libérés de l'occupation allemande et turque, qui ne sont pas capable de s'administrer eux-mêmes reçoivent les conseils et l'aide d'un État développé. Ce dernier intervient et agis pour le compte de la SDN... »

3 AMC, Cameroun français, arrêté portant organisation de l'état-civil indigène, 1er mars1935.

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Bien que les Allemands aient créé un système d'administration et un système judiciaire, l'état-civil n'était pas bien mis sur place. Ainsi après le départ de l'administration allemande du Cameroun et l'annexion immédiate de la France et de la Grande-Bretagne, l'état-civil va se mettre en place progressivement. Le Cameroun sous administration française, dont fait partie l'Adamaoua, va connaître l'implantation progressive d'un système d'identification de la population qui aboutit à la mise en place de l'état-civil dans les centres urbains essentiellement4. Il s'agit des opérations de collecte de données menées par l'administration coloniale française dont le but est de déterminer non seulement le nombre d'imposables, mais aussi renforcer davantage la politique de « diviser pour mieux régner » dans la mesure où, à cette époque, l'administration coloniale française avait organisé uniquement un état-civil pour les indigènes par les arrêtés du 30 juin 1917, du 16 mars 1935 et celui du 17 décembre 1948.

Dans les années 1920, l'état civil pour le recrutement extérieur des citoyens français à des fins de conscription est mise en place. Les premiers centres d'état-civil sont apparus dans l'Adamaoua sous administration française dans le contexte du développement des infrastructures administratives entre les deux guerres (1914-1918 et 1939-1945)5. Les principaux centres d'état-civil de l'Adamaoua furent installés dans les chefs-lieux des circonscriptions administratives tels que, Banyo, Ngaoundéré, Tibati, Meiganga et Tignère.

Dans les registres d'état-civil de cette période, on peut ainsi voir dans les fiches d'acte de naissance, la disposition des éléments qui fournissent des renseignements sur l'identification d'une personne. L'on a :

-Date de naissance .

-Sexe de l'enfant

-Nom et prénom de l'enfant

-Noms, prénoms, âge, profession, domicile, race de la mère et du père, ceux-ci étant substitués dans le cas des naissances hors mariage par le chef de famille

maternelle .

4 H. Roger, 2009, « L'état-civil au Cameroun de la période coloniale allemande au début du XXIe siècle », mémoire de DEA, université de Ngaoundéré, p. 68.

5 Ibid.

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-Noms, profession et domicile du déclarant et des témoins

La notion de race, qui apparaît sur les fichiers d'état-civil, trahit la politique coloniale au Cameroun et traduit clairement la théorie de la race supérieure que prônaient les colons. Cependant, l'entrée en métropole des Camerounais pendant la période coloniale était conditionnée par un autre document d'identité. Il s'agit de la carte de résidence en métropole.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand