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Le design comme moyen de reconstruction d'une identité territoriale. Cas de la ville de Saint-Etienne.

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par Inès Marandon
Kedge Business School - Master Ecole Supérieur de Commerce 2016
  

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1.3.2 Le réseau Unesco des villes créatives de design

La créativité renvoie à « la capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau » (Dictionnaire Trésor de la Langue Française, 2012). Le traité de Lisbonne en 2009 est la preuve d'une conviction quant au potentiel de la créativité et de l'innovation portée par la Commission européenne. Il souligne qu'une ligne créative est « moteur de croissance économique et comme stratégie de résistance face aux puissances économiques et industrielles émergentes. »

Les villes sont, d'après l'Unesco, « les principaux laboratoires où se développent de nouvelles stratégies, politiques et initiatives, visant à faire de la culture et de la créativité un moteur de développement durable et de la régénération urbaine en dynamisant la croissance et l'innovation, en promouvant la cohésion sociale, le bien-être des citoyens et le dialogue interculturel » (Réseau des villes créatives).

En effet, les villes sont face à des enjeux importants, comme la crise économique, les tensions sociales et politiques, la croissance démographique et les enjeux environnementaux : « Nous constatons que toutes les villes sont confrontées aux mutations du paysage urbain, aux questions d'identité urbaine, au changement climatique, à la gestion des déchets, à l'intégration de l'art dans la ville, à la mobilité et aux flux de communication. » (Franc, 2006). Elles ont donc un rôle crucial à jouer pour l'avenir, d'autant plus qu'elles représentent plus de la moitié de la population mondiale et en terme économique, elles rassemblent 3/4 de l'activité économique mondiale...

Le Réseau des villes créatives de l'UNESCO offre des opportunités inédites aux villes pour, à partir de processus d'apprentissage par des pairs et de collaborations, tirer pleinement parti de leurs atouts créatifs et bâtir sur cette base un développement durable, inclusif et équitable sur les plans économique, culturel, environnemental et social (Unesco). (Réseau des villes créatives)

Le réseau mondial de villes créatives est basé sur la notion d'économie créative. Même si la créativité n'est pas restreinte au champ culturel et artistique, le réseau met l'accent sur les domaines artistiques et culturels. D'après l'Unesco, en soutenant les industries créatives, et en coopérant avec la société civile et le secteur privé, les pouvoirs publics peuvent faire la différence et promouvoir un développement urbain plus durable, qui répond aux besoins

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concrets des populations locales. Pour l'Unesco, l'économie créative est croissante dans le monde, et les bénéfices sont nombreux : génération de salaires, création d'emplois, gains à l'exportations, génération de valeur non monétaire...

Le réseau UNESCO des villes créatives a été créé en 2004. Comme la carte ci-dessus le montre, ce réseau est mondial : il regroupe 116 membres dans 54 pays du monde entier, autour de sept domaines des industries créatives à savoir : cinéma, musique, artisanat et arts populaires, littérature, design, arts numériques et gastronomie. Par exemple, Leipzig en Allemagne est une ville créative Unesco pour l'art et la littérature, Lyon pour les arts numériques, et enfin, Berlin, Montréal, ou encore Shanghai pour le design.

Pour devenir « Ville Unesco de Design », une candidature doit être adressée par le Maire de la ville, confirmée et approuvée par l'Etat. La ville devra alors démontrer sa volonté et sa capacité de contribuer aux objectifs du réseau, en appuyant sur les atouts et la valeur ajoutée qu'elle apportera au réseau. Elle doit prouver l'existence de centres créatifs et de groupements socioculturels. La candidature est examinée par un comité de personnalités compétentes.

Certaines villes ont choisi le design « pour s'en sortir et créer une dynamique fédératrice qui rassemble la population autour d'un projet porteur » (Lacroix M.-J. , 2006). L'intérêt de ce Réseau pour les villes est de développer leur singularité créative.

Pour la Directrice de Relations Internationales à la Cité du design & Ecole supérieure d'art et design de Saint-Etienne, il ne s'agit ni d'un label, ni d'une compétition. Ce réseau permet de « promouvoir le développement culturel, social et économique des villes dans les pays développés et ceux en voie de développement ». Il contribue également à « mettre en valeur des pôles de création et le partage des savoir-faire, expériences et compétences que détiennent particulièrement les collectivités territoriales. ». Pour me montréalais Marc-André Carignan, le statut de Ville Unesco est « une reconnaissance du potentiel créatif de notre ville, une invitation à développer Montréal en misant sur le design de qualité, l'architecture durable et l'innovation. » (Carignan, 2015)

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Même si les conditions d'attribution de cette reconnaissance de ville créative du design restent relativement floues, cette désignation apporte des retombées non négligeables pour la ville » : visibilité internationale, dynamique territoriale, facilitation des échanges entre les collectivités membres du réseau, figurent parmi certaines conséquences de l'entrée dans ce réseau.

A l'heure actuelle, il existe 16 villes de design : Buenos Aires, Berlin, Montréal, Nagoya, Kobe, Shenzhen, Shanghai, Séoul, Saint-Étienne, Graz, Pékin, Bilbao, Curitiba, Dundee, Helsinki, Turin. Certaines de ces villes ont dû remédier à « des ralentissements économiques et ont misé sur le design pour convertir leur économie. Le faible coût de la vie leur a permis d'attirer et de retenir beaucoup de créateurs. » (Franc, 2006).

Nous allons désormais nous intéresser à certaines villes de design appartenant au réseau Unesco pour comprendre les raisons d'une telle qualification et ce qui les rend si uniques. Nous prendrons les villes de Montréal et de Berlin comme sujet d'étude.

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1.3.2.1 Montréal

Montréal est ville Unesco de design depuis 2006. Le design est reconnu depuis 1986 comme un secteur prioritaire de développement. La ville de Montréal a mis en place en 1991, un commissariat au design, consacré exclusivement au développement et à la promotion du design dans la métropole. Pour la ville de Montréal, « le design est une activité d'idéation, création, planification, production et gestion qui façonne la qualité de son cadre de vie, contribue à la compétitivité de son économie, participe à son expression culturelle, renforce son identité et celle de ses entreprises » (Lacroix M.-J. , 2006).

Pour comprendre pourquoi la ville s'est tournée vers le design pour se développer et se distinguer, il faut regarder dans le passé, les événements qui ont marqués la ville très fortement (Designmtl, 2014).

- La construction de la place Ville Marie en 1962, dont le bâtiment reste un symbole de la ville québécoise, a été le point de départ du début de l'histoire moderne de Montréal. « Ce ne fut qu'un début, car les projets qui suivirent furent riches en grands projets ».

- L'exposition universelle de Montréal en 1967 sur la thématique « Terre des Hommes », a accueilli plus de 50 millions de visiteurs et mobilisé les meilleurs talents créatifs. Parmi les rescapés de l'exposition : Habitat 67, le Pavillon des Etats-Unis devenu la Biosphère (architectes FABG), le Pavillon de la France (architecte Jean Faugeron) reconverti en casino.« Habitat 67, construite d'abord comme projet modèle d'habitation, est l'oeuvre du jeune architecte Moshe Safdie : ces logements préfabriqués conçus comme des logements abordables sont devenus des appartements de luxe très recherchés. »

- Les Jeux Olympiques de 1976 ont également dynamisé la ville au niveau du design, notamment avec la construction d'un stade aux formes atypiques.

Les rares oeuvres d'arts massives, convenons-en, on les doit aux années 1960. Le Stade olympique. Le pavillon de la France devenu casino. Habitat 67. Les stations du métro. (Cardinal, 2012)

Le passé industriel de Montréal, du à ses atouts géographiques (ile, fleuve immense et montagne au centre), notamment en terme de commerce maritime, a également permis à la ville de s'orienter vers le design : nombreux sont les anciens bâtiments industriels réhabilitées comme le Bota Bota, un ancien traversier transformé en spa (conçu par Sid Lee Architecture).

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Quelle est l'identité de Montréal ? D'après François Cardinal, chroniqueur à La Presse et spécialisé dans les affaires municipales et urbaines, « Montréal est design dans des petites choses comme les commerces, les restaurants, les espaces publics... ». « L'âme de Montréal se vit et se révèle par ses commerces, lieux de consommation et de convivialité, qu'ils soient ultra contemporains, ou emprunts d'une certaine rusticité. ». Le grand architecte montréalais Luc Laporte a réaménagé la Brasserie Française, et de nombreux restaurants et cafés se sont multipliés « des camions de rues rassemblent les gourmets. » Pour beaucoup, « le paysage montréalais ressemblent à des rues colorés, des duplex ou triplex, plus ou moins semblables... » Le montréalais aime les espaces extérieurs, les escaliers de toutes les formes, les lofts industriels... La ville est même envahie par les cyclistes.

Montréal possède une « expertise en ce qui concerne les projets participatifs, interactifs et surtout, poétiques » : c'est le lieu de nombreux festivals et manifestations, un patchwork de cultures, comme le sont aussi les murs recouverts d'affiches, permettant aux institutions culturelles aux graphistes d'exposer leur travail. De nombreux espaces publiques ont été conçus pour « lutter contre la grisaille hivernale ». « La rue, fait appel à ses créateurs, artistes, designers, paysagistes. ». Montréal qui manque de lumière en hiver est la source d'inspiration à de nombreux artistes et designers qui utilisent la lumière pour jouer avec les places, les murs et bâtiments : la lumière est devenue un réel leitmotiv dans la ville.

La ville est d'ailleurs deuxième pour le pourcentage de sa main d'oeuvre qui occupe des postes dans le « noyau super créatif11 » avec plus de 450 000 employés dans le secteur créatif. Le secteur créatif de Montréal est étendu et diversifié, ce qui permet à la ville de résister au ralentissement économique, ce qui rejoint la théorie de Richard Florida. Une étude réalisée par Statistiques Montréal révèle que la ville attire et retient les créateurs grâce à sa diversité : « Plus la diversité et la pluralité règnent dans une région, plus grandes sont les chances qu'elle attire des gens créatifs de tout acabit possédant des compétences et des idées variées. Un mélange hétéroclite de créateurs est propice à la création de différentes associations entre individus et groupes d'individus. » (Kevin Stolarick, 2005)

11Ceux qui travaillent dans les domaines de l'informatique, des mathématiques, de l'architecture, de l'ingénierie, des sciences naturelles, physiques et sociales, de l'éducation, de la formation, du savoir, des arts, du divertissement, du design et des médias font tous partie du noyau super créatif (Florida, 2004).

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D'après Marc-André Carignan, montréalais diplômé d'architecture, il y aurait un retour progressif à une culture architectural de qualité dans le paysage urbain de Montréal, avec par exemple les réalisations du Bureau du Design (bibliothèque). L'un des meilleur ambassadeur du design montréalais est le designer d'intérieur Jean de Lessard ! D'après lui, même s'il y a des choses superbes qui se font ailleurs sur la planète, Montréal se démarque d'une façon exceptionnelle avec ses capitaux « on fait des projets adaptés à nos réalités, on fait des projets humains ». Marc-André Carignan est d'accord avec lui, donc le sens où Montréal, bien qu'elle n'est pas encore prête à devenir une capitale mondiale du design, est une ville pleine de talents et de créateurs locaux. Même si auparavant, François Cardinal rêvait d'une icône architecturale symbolique (ex. Bilbao avec son musée Guggenheim par Frank Gehry qui a métamorphosé l'image de la ville), comme « tour audacieuse qui ferait tourner les têtes », aujourd'hui, il se dit que ça n'est pas nécessaire, car le design de Montréal est à son image : une ville à taille humaine, festive, où la création est omniprésente, « mais certainement pas une ville ostentatoire, une ville musée, ou même une belle ville selon les canons en vigueur » (Cardinal, 2012).

Montréal, c'est aussi une ville de savoir, occupant le premier rang au Canada pour son engagement dans la recherche universitaire. En tout, ce sont 11 établissements universitaires, et plus de 50 chaires de recherche pour développer de multiples réseaux internationaux.

Le design est donc porteur de développement au Québec et son impact économique se fait ressentir à Montréal. En effet, 65,3% des travailleurs québécois du design résident dans la métropole montréalaise, soit plus de 20 000 emplois avec des retombées économiques de plus de 750 millions de dollars (MONTRÉAL, VILLE UNESCO DE DESIGN / UNESCO CITY OF DESIGN, 2006). La ville de Montréal est donc très créative et exemplaire en matière de renouvellement urbain par les industries créatives comme le design.

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1.3.2.2 Berlin

Berlin est ville de design par l'Unesco depuis janvier 2006. Elle est la première ville européenne à avoir obtenu ce titre. Le sénateur Harald Wolf a d'ailleurs déclaré : « Cette distinction représente une importante reconnaissance internationale pour notre ville et pour tous les esprits créatifs qui travaillent, enseignent et vivent ici. Ces dernières années ont été le témoin de l'évolution d'une scène créative véritablement fascinante, distinguée par sa polyvalence, son caractère non conventionnel et sa qualité, faisant d'elle un facteur économique qu'il ne faut pas sous-estimer » (Unesco, 2005). L'entrée dans ce Réseau a pour visée de développer la ville, de consolider les compétences locales et d'augmenter la présence des produits culturels sur le marché international.

Le design présente un potentiel économique intéressant pour la capitale allemande : plus de 11 000 travailleurs dans le design (les secteurs liés étant la mode, les produits et meubles, l'architecture, les arts visuels et la photographie) dont 6 700 société de design, qui représentent 1,5 milliard d'euros en terme de ventes par an ( Unesco.org). Le design est donc au coeur de l'économie berlinoise. Le secteur est dynamique, comme le révèle son « taux de croissance supérieur à la moyenne, que ce soit en termes de nombre de sociétés, de chiffres d'affaires et d'emplois » (Berlin Paris Invest, 2015). Toujours dans une politique économique tournée vers le design, la ville a mis en place des prêts avantageux aux créateurs d'entreprises, mais également des programmes de formation et de coaching pour les entreprises des industries créatives.

Qu'est-ce qui attire cette « classe créative » à Berlin ? « L'environnement, l'espace et les excellentes conditions de base de la ville sont les fondations du travail créatif et du développement de produits novateurs. Les designers, les stylistes, les photographes et les architectes y trouvent la liberté artistique, des bureaux et des logements abordables, des réseaux et l'intérêt du public pour leur travail » (Unesco). Un autre élément attirant les créatifs, ce sont les événements culturels berlinois (comme le Festival international du design DMY), mais également toutes les possibilités d'études dans le domaine du design : la ville compte 5 universités dédiées aux arts et plusieurs écoles ce qui représenterait environ 5000 étudiants, des futurs créateurs.

Berlin est une ville exemplaire en matière de design : elle possède de nombreuses réalisations économiques, sociales et culturelles, influencées en partie par son héritage historique. On parle même de Berlin comme étant une pépinière artistique. De nombreux artistes vivent à Berlin et depuis longtemps, comme David Bowie qui déclarait déjà en 1970 « Je suis fasciné par Berlin à cause de la friction. Cette ville possède l'étrange capacité de vous faire écrire seulement les choses importantes »12. En effet, l'univers du design à Berlin est prépondérant, et fait preuve de dynamisme pour la capitale allemande.

Dès à présent, nous allons nous intéresser à la ville de Saint-Etienne qui a été l'objet d'une grande reconversion en terme de politique territoriale. De ce fait, nous étudierons les raisons qui l'ont amené à parier sur le design pour se développer.

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12 Interview de David Bowie dans `Rock & Folk', n° 146, 1979

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand