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Slow media : émergence d'un journalisme narratif sur le web.

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par Elena JOSET
Université Sciences Humaines et Arts Poitiers - Master Information-Communication, Web éditorial 2016
  

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1.3.3- Le journalisme narratif en France depuis 2008 : des mooks aux pure players

Si, comme le rappelle Isabelle Meuret, le long format n'est pas quelque chose de nouveau, celui-ci « se diversifie et se réinvente grâce aux nouvelles technologies et au succès des magazines et des revues120 ». En effet, en proposant une presse de qualité répondant à une temporalité différente, les titres relevant du long format se distinguent par leur identité forte tant liée au fond qu'à la forme du média. « En s'écartant du domaine de l'information instantanée [...] le format long [...] remet au centre des priorités la qualité du texte, le respect du sujet, et la prise en compte du lecteur ».

Par ailleurs, Isabelle Meuret précise que si la place accordée au long format a diminué de manière croissante dans un contexte où il faut produire plus en moins de temps, « l'essoufflement du format long est imputable davantage à des facteurs économiques, plutôt qu'à un désintérêt des lecteurs pour un journalisme de qualité, fruit d'une longue maturation, basé sur une recherche approfondie, et à l'écriture soignée121 ».

En janvier 2008 est publié le premier numéro de la revue XXI, dont Laurent Beccaria est le directeur de la publication et Patrick de Saint-Exupéry est le rédacteur en chef. Revue trimestrielle, XXI se revendique du journalisme narratif puisqu'elle cite dans son premier éditorial « la figure mythique d'Albert Londres » et ajoute que « XXI se consacre à la narration ». Les responsables de la revue

120 MEURET, Isabelle. Op.cit.

121 Ibid.

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précisent : « Nous ne publions ni fictions ni analyses. La qualité du regard est essentielle122 ». La revue défend également sa dimension littéraire : « XXI rassemble tous les talents du reportage : des romanciers aguerris qui aiment raconter le réel, des journalistes de talent qui savent écrire au long cours, des photoreporters de terrain123 ». Alors que « XXI est un pari fou » pour leurs créateurs, la revue connaît un succès considérable puisque depuis son apparition, 45000 à 50000 exemplaires sont vendus pour chaque numéro selon les responsables de la revue124. Référence en matière de journalisme narratif et long format, XXI a par ailleurs ouvert la voie à d'autres titres de presse relevant d'un journalisme au long cours.

En effet, une vague de mooks - contraction de book et magazine - se revendiquant du « narrative writing », « ce journalisme de récit qui prend le temps d'aller voir et qui emporte le lecteur dans la lecture125 » s'est développé à partir de 2008 dans le paysage médiatique européen. Vendus en librairie et non kiosques, ces mooks s'apparentent à des livres. Marie Vanoost cite la revue Feuilleton. Créée en 2011 par Adrien Bosc, elle « propose principalement des traductions d'articles narratifs publiés outre-Atlantique126 ». À noter que la revue présente une collection « Feuilleton Non-Fiction » dédiée à des enquêtes « qui se lisent comme des romans », et une collection « Feuilleton Fiction », celle-ci consacrée à la littérature étrangère127. Également créée en 2011, la revue bisannuelle 6 Mois se consacre, quant à elle, à des récits journalistiques s'appuyant sur la photographie de presse.

Marie Vanoost rappelle qu'« il ne faudrait pas pour autant associer trop rapidement mooks et journalisme narratif. Si plusieurs des ces publications s'inscrivent dans une démarche narrative, d'autres se positionnent dans un registre plus analytique [...] ou présentent des modèles mixtes128 ». C'est le cas des revues Usbek & Rica et We Demain respectivement nées en 2010 et 2012, et dont les sujets s'articulent autour de l'évolution de nos sociétés et du futur.

Le journalisme narratif s'est également développé sur le web. En décembre 2012, l'article du New York Times « Snow Fall » a ouvert la voie, mais a surtout légitimé le long format sur le web en prouvant que l'un et l'autre n'étaient pas incompatibles. Saluée par les professionnels du journalisme, cette production multimédia raconte l'histoire d'un groupe de skieurs surpris par une avalanche. Captivant le lecteur par la convocation de contenus de natures différentes (infographies animées, vidéos, photographies) l'article a attiré en quelques jours des milliers de lecteurs. La durée moyenne de consultation de l'article était de douze minutes129.

122 VANOOST, Marie. Op.cit.

123 XXI. Qui sommes-nous ? [En ligne]. [Consulté le 2 février 2016]. http://www.revue21.fr/qui-sommes-nous/.

124 Ibid.

125 LEMENAGER, Grégoire. Le monde passé en revue. Interview de Laurent Beccaria. Bibliobs. [En ligne]. 16 janvier 2008. Mis à jour le 13 mai 2009. [Consulté le 3 février 2016]. Disponible à l'adresse : http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20080116.BIB0626/le-monde-passe-en-revue.html

126 VANOOST, Marie. Éthique et expression de l'expérience subjective en journalisme narratif. Sur le journalisme, vol. 2, n°2. [En ligne]. 15 décembre 2013. [Consulté le 31 décembre 2015]. Disponible à l'adresse : http://surlejournalisme.com/rev/index.php/slj/article/view/102/44

127 Feuilleton. Présentation. [En ligne]. [Consulté le 5 février 2016.] Disponible à l'adresse : http://www.editions-du-sous-sol.com/feuilleton/presentation/

128 VANOOST, Marie. Op.cit.

129 ANTHEAUME, Alice. Op.cit.

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Pour Alice Antheaume, le web n'est pas le « royaume du court et du bref130 ». Max Linsky, créateur de Longform131, un site web proposant quotidiennement une sélection de productions journalistiques long-format, le confirme : « 99 % de nos lecteurs vont jusqu'au bout de l'article, il y a une vraie opportunité à miser sur des formats de 10.000 signes au moins132 ». Mais pour Max Linsky, l'essentiel est moins la longueur de l'article que la qualité de l'histoire. Il précise au sujet de la quantité d'articles sélectionnés par jour : « nous avons compris que la limite a du bon. Il faut une quantité quotidienne «digérable» par les lecteurs ». Alice Antheaume ajoute que, si les internautes ressentent le besoin de se déconnecter, car ils sont saturés d'informations et que « [...] le droit à être déconnecté [et] à se déconnecter devient une revendication massive en réaction au temps réel, le journaliste numérique devra s'y adapter133 ».

En France, des pure players ont fait leur apparition en l'espace de très peu de temps. En effet, des titres comme Le Quatre Heures, Ulyces, Ijsberg, ou Les Jours ont été créés entre 2013 et 2016. Proposant des reportages long-format, ces pure players défendent l'exploitation des possibilités qu'offre le web en matière de narration. Alors qu'Ulyces se réclame ouvertement du journalisme narratif134, Le Quatre Heures et Ijsberg mettent plus en avant la notion de temps et de format éditorial. En effet, Le Quatre Heures se désigne comme étant un média de « slow info » et a pour ambition de « réconcilier web et grand reportage135 ». Les membres de l'équipe d'Ijsberg, quant a eux, sont « persuadés qu'il faut faire cohabiter plusieurs temps d'information, avec, à chacun, son format136 ». Ijsberg ne relève donc pas exclusivement du concept de Slow media, mais propose différents formats que le lecteur peut consommer « Promptement », « Calmement » ou « Lentement ». Ce dernier temps de lecture s'appuie ainsi sur de grands reportages. Quant au pure player Les Jours, celui-ci défend un traitement de l'actualité en profondeur, se déployant dans le temps.

Ainsi, l'intérêt pour le journalisme de temps long et notamment pour le journalisme narratif s'illustre par le nombre de titres apparut depuis 2008 en France. Par ailleurs, il semble que cet intérêt constitue une réaction à la surabondance de l'information qui tend à étouffer la création de contenus originaux. À l'inverse des médias délivrant de l'information de manière continue, les titres cités plus haut invitent à prendre le temps de consommer l'information, de la comprendre et découvrir des sujets loin des radars des médias traditionnels.

Toutefois, si ces pure players semblent a priori s'inscrire dans le concept de Slow media, il s'agit désormais de se pencher concrètement sur leurs revendications, leur fonctionnement ainsi que sur leur stratégie éditoriale mise en oeuvre afin de comprendre précisément en quoi ils se distinguent des médias en ligne plus traditionnels.

130 Ibid.

131 Longform. Disponible à l'adresse : http://longform.org/

132 Ibid.

133 ANTHEAUME, Alice. Op.cit.

134 Ulyces. Qui sommes-nous ? [En ligne]. [Consulté le 5 février 2016]. Disponible à l'adresse : http://www.ulyces.co/qui-sommes-nous/

135 Le Quatres Heures. Présentation. [En ligne]. [Consulté le 5 février 2016]. Disponible à l'adresse : https://lequatreheures.com/presentation/

136 Medium. Un meilleur journalisme est possible (manifeste d'Ijsberg). [En ligne]. 13 mars 2014. Mis à jour le 3 novembre 2015. [Consulté le 5 février 2016]. Disponible à l'adresse : https://medium.com/making-of/un-meilleur-journalisme-est-possible-d12f86117011#.oq6pni6cy

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