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Slow media : émergence d'un journalisme narratif sur le web.

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par Elena JOSET
Université Sciences Humaines et Arts Poitiers - Master Information-Communication, Web éditorial 2016
  

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1.3.2- Un journalisme qui s'inscrit a priori dans le concept de Slow media

En réaction aux fast-news à « une époque où l'information file à la vitesse de l'éclair, mais ne laisse pas toujours le temps de réfléchir et de vérifier la véracité des faits110 » s'est développé le mouvement Slow media en opposition directe à l'information instantanée, rapide et dénuée d'analyse.

En 2010, trois allemands coécrivent le manifeste du Slow media : Sabria David, chercheuse spécialisée dans les médias, le sociologue Benedikt Köhler, et Jörg Blumtritt, chercheur et analyste de marché. Revenant sur l'évolution du mouvement et son impact à travers le monde dans un article publié en 2015, Sabria David souligne que ce manifeste relève avant tout d'un travail collaboratif s'appuyant sur des conversations Twitter entre chercheurs qui se sont poursuivies lors de conférences. Le manifeste repose également sur des articles de blogs et leurs commentaires111. Elle rappelle également que ce manifeste a été rédigé en réaction à un débat stérile opposant les partisans des médias en ligne à ceux des médias imprimés, chacun considérant sa solution comme étant celle qui répondrait aux bouleversements causés par le numérique dans le domaine des médias.

107 MARION, Philippe. Narratologie médiatique et médiagénie des récits. Recherches en communication, n° 7, 1997. p.61-88. [En ligne]. [Consulté le 31 janvier 2016]. Disponible sur : http://sites.uclouvain.be/rec/index.php/rec/article/viewFile/1441/1291

108 ANTHEAUME, Alice. Op.cit.

109 The Slow web movement - A progressive way forward. [En ligne]. http://theslowweb.com/ [Consulté le 01 février 2016].

110 MEURET, Isabelle. Le Journalisme littéraire à l'aube du XXIe siècle : regards croisés entre mondes anglophone et francophone. Contextes. [En ligne]. 16 mai 2012. [Consulté le 12 octobre 2015] Disponible à l'adresse : https://contextes.revues.org/5376

111 DAVID, Sabria. The Slow media Manifesto and Its Impact on Different Countries, Cultures, and Disciplines. Acta Univ. Sapientiae, Social Analysis. [En ligne] 2015 [Consulté le 31 janvier 2016] Disponible à l'adresse : http://www.acta.sapientia.ro/acta-social/C5-1/social51-08.pdf

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Le terme Slow media fait référence au mouvement Slow Food créé à l'initiative de Carlo Petrini en réaction à l'important développement de la restauration rapide. En effet, le Slow Food naît en Italie en 1986, en réaction à la construction d'un Mac Donald en plein centre de Rome. À travers le Slow Food, Petrini défend le droit à la consommation d'une cuisine raisonnée, accessible à tous et dont le temps de préparation est considéré comme l'ingrédient indispensable à des repas de qualité. Désormais reconnu à l'échelle internationale par la FAO112, le mouvement incite les consommateurs à s'intéresser à l'origine des aliments, prône la production locale, et ce, tout en défendant le plaisir de consommer une nourriture de qualité113. Le Slow Food s'est par la suite appliqué à l'urbanisme, à la mode, à l'agriculture et à bien d'autres domaines.

Sabria David attire notre attention sur le caractère transnational du manifeste dédié au Slow media :

« The Slow media Manifesto was written in German, picked up an Italian concept of slowness, and referred to Anglophone publications. So, the Slow media Manifesto had, from its beginning, an intercultural and discursive character : it is the result of conversations and wants to talk to people114».

Suscitant un intérêt à travers le monde, essentiellement dans l'hémisphère nord ainsi qu'en Afrique du Sud, au Brésil et en Australie, David conclue en indiquant que le concept de Slow media est un phénomène interdisciplinaire et interculturel : « The Slow media discourse is a cross-cultural and interdisciplinary phenomenon115 ».

Seulement un mois après sa publication, soit en février 2010, le manifeste fut traduit en français. La même année, en novembre, Sabria David est invitée à participer à une conférence dédiée au Slow media, slow info, slow journalism aux Assises du journalisme de Strasbourg116, aux côtés des journalistes David Dufresne (auteur du webdocumentaire Prison Valley) et Patrick de Saint-Exupéry (directeur de la publication de la revue XXI). Cette invitation illustre bien l'intérêt de la part des professionnels du journalisme et des chercheurs en communication pour ce concept.

Si l'on se penche plus concrètement sur ce manifeste réunissant quatorze articles, on peut observer que leurs auteurs projettent de manière quelque peu floue que durant la seconde décennie du XXIe siècle, les gens - ainsi vaguement désignés - seront moins à la recherche de nouvelles technologies

112 Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

113 Slow Food France. [En ligne]. http://www.slowfood.fr/ [Consulté le 31 janvier 2016].

114 DAVID, Sabria. Op.cit.

« Le manifeste du Slow media a été rédigé en Allemagne, s'inspire d'un concept italien de la lenteur et fait référence à des publications anglophones. Le manifeste du Slow media a donc, depuis ses débuts, une caractéristique interculturelle et discursive : c'est le résultat de conversations et de la volonté d'échanger avec les gens. »

115 Ibid.

« Le discours du Slow media est un phénomène interculturel et interdisciplinaire. »

116 Journalisme.com. Programme des Assises du journalisme. 4e édition. « Du bruit ou de l'info ? ». [En ligne]. 1er mars 2011. [Consulté le 31 janvier 2016]. Disponible à l'adresse : http://www.journalisme.com/les-editions-precedentes/les-assises-2010/110-actualites-des-assises-2010/975-tlchargez-le-programme-complet-des-assises

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permettant de produire plus vite et à moindre coût, qu'à la recherche de réactions politiquement, culturellement et socialement appropriées à la révolution médiatique117.

Dans une dimension artistique, ce document constitue bien un manifeste dans la mesure où il s'agit d'une « déclaration écrite dans laquelle un artiste ou un groupe d'artistes expose une conception ou un programme artistique118 ». Ici, le manifeste ne propose pas un programme d'actions concrètes, mais plutôt un cadre conceptuel. Les coauteurs expriment davantage une idéologie, au sens entendu d'un « ensemble plus ou moins cohérent [d'] idées [...] propres à une époque, une société, une classe et qui oriente l'action119 ». Mais même si nous considérons ce document dans sa dimension la plus idéologique et philosophique - le manifeste évoquant même « l'aura » du Slow media - certains articles du manifeste suscitent quelques interrogations et illustrent par la même occasion ses limites.

Dans leur quatrième article, les auteurs évoquent la « qualité palpable » du Slow media. Il se démarquerait de ses homologues médiatiques au rythme plus rapide et aux contenus de courte durée par des interfaces « premium » et des design inspirants. Les auteurs du manifeste soulignent, à juste titre, que les médias lents ne représentent pas nécessairement quelque chose de nouveau sur le marché. Cependant, ils évoquent le fait que ces médias recherchent davantage à améliorer des interfaces fiables, robustes et accessibles répondant aux habitudes de consultation des utilisateurs. Mais de quelle interface parle-t-on ? Quel est son support ? Si le terme « accessible » est clair, qu'entend-on cependant par « fiable » et « robuste » ?

Par ailleurs, malgré sa vision « progressiste et non réactionnaire », le manifeste donne l'impression de situer le Slow media en opposition aux autres médias. Ce manque de précision participe au risque de légitimer un média plutôt qu'un autre et de réduire les médias « traditionnels » à des médias dépourvus de valeurs et sans éthique journalistique. En effet, dans son huitième article, le manifeste évoque le fait que « les Slow media respectent leurs usagers » et « ont une bonne idée de l'ironie et de la complexité de leurs utilisateurs ». De plus, les médias lents ne méprisent, ni ne se soumettent à leur public. Doit-on supposer que les médias plus traditionnels ne respecteraient pas leur public ?

Il demeure cependant intéressant, à travers ce manifeste, de se pencher sur les objectifs et les revendications qui se dégagent du concept de Slow media.

D'une part, le Slow media a pour objectif de s'inscrire dans le temps, qu'il s'agisse du temps de production des contenus que du temps de consommation de l'information par le lecteur. Par ailleurs, le manifeste du Slow media souligne que ce concept dépend du progrès technologique et d'une société connectée, puisque c'est à cause de l'accélération du rythme de production que le débat sur la lenteur a été possible.

D'autre part, le Slow media défend des contenus de qualité, qu'il s'agisse de la forme comme du fond. Il s'inscrit dans une démarche esthétique ayant pour objectif d'une part de répondre aux

117 Slow media. The Slow media Manifesto. [En ligne]. 2 janvier 2010. [Consulté le 31 janvier 2016] Disponible à l'adresse : http://en.slow-media.net/manifesto

118 Le Trésor de la langue française informatisé. Définition de « manifeste ». [En ligne]. [Consulté de 31 janvier 2016]. Disponible à l'adresse :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3141858315;r=1;nat=;sol=1;

119 Le Trésor de la langue française informatisé. Définition de « idéologie». [En ligne]. [Consulté de 31 janvier 2016]. Disponible à l'adresse :

http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=1921905675;r=1;nat=;sol=0;

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besoins de l'utilisateur en matière de confort de lecture et d'autre part, de valoriser les contenus tout en portant une attention particulière à l'évaluation des sources exploitées. De plus, la dimension humaine revendiquée par le Slow media en matière de production de contenus a pour objectif de participer à la qualité de celui-ci.

Enfin, le rôle du lecteur et sa prise en compte constituent le dernier point essentiel de ce manifeste. En effet, le Slow media a pour objectif de favoriser le débat et d' « alimenter les conversations » sur les médias sociaux, notamment à travers des contenus « discursifs». Ainsi, le Slow media vise à encourager une consommation « active » des médias, en opposition à une consommation passive. Il s'agit d'inciter les usagers, que le manifeste désigne par « prosumers », à « déterminer ce qu'ils veulent consommer et produire comme contenus, et de quelle manière ».

Revendiquant le droit à la lenteur, privilégiant les formats longs et plaidant pour un journalisme qualitatif, éthique, esthétique et respectueux de ses lecteurs, le manifeste, envisagé dans sa dimension philosophique, a le mérite de proposer de manière sous-jacente une réflexion sur les valeurs du journalisme, sur la production de contenus de qualité et la consommation de l'information, et plus globalement, sur l'avenir des médias.

Alors que le Slow media suscite de l'intérêt depuis 2010 auprès des professionnels de l'information, il semble que le journalisme narratif, de par ses caractéristiques, s'inscrive dans ce concept de média lent. Il s'agit, donc, de se pencher plus concrètement sur ce regain d'intérêt pour le journalisme long format depuis ces dernières années.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle