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Slow media : émergence d'un journalisme narratif sur le web.

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par Elena JOSET
Université Sciences Humaines et Arts Poitiers - Master Information-Communication, Web éditorial 2016
  

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3.3.4- Tendances d'évolution du concept de Slow media

Si le concept de Slow media peine à être défini, demeure flou, et est sujet à diverses interprétations, il a le mérite de nourrir le débat à propos de l'identité journalistique.

Utilisé pour distinguer cette « seconde génération » de pure players (pour reprendre les termes de Raphaël Garrigos) des grands titres bi-médias inscrits dans une logique de flux, le terme Slow media a également le mérite d'intriguer et donc de faire l'objet de publications dans les médias généralistes et blogs pour présenter des médias en recherche d'innovations éditoriales. De ce point de vue, l'utilisation du terme Slow media aurait peut être même joué un rôle marketing. Finalement, le terme « Slow media » relève plus d'un imaginaire renvoyé au lecteur ou à l'internaute lui permettant d'appréhender la temporalité dans laquelle s'inscrit la stratégie éditoriale d'un média.

Par ailleurs, on peut envisager que le concept de Slow media n'est pas prêt de se préciser dans la mesure où non seulement les professionnels du journalisme n'emploient par le terme, mais que les médias plus traditionnels tendent à explorer les contenus long-format.

En effet, en avril 2013, L'Equipe.fr a lancé L'Equipe Explore205, un espace en ligne dédié au « grand reportage numérique, interactif, multidimensionnel, qui va à l'inverse des idées préconçues sur le web où l'information est nécessairement immédiate et périssable206 ». Depuis 2013, 40 reportages ont été publiés. Ces derniers reposent parfois uniquement sur de la vidéo. D'autres, exploitent les codes de la « nouvelle vague » de pure players : photographie ou vidéo plein écran introduisant le reportage, navigation linéaire ne nécessitant que le « scroll » de l'internaute, convocation de médias multi-supports, photos grand format, jeu sur les typographies, jeu de superposition d'éléments (effet « parallax »), etc. En somme, de la même manière que Les Jours, ou Le Quatre Heures, L'Equipe Explore propose des reportages hybrides nécessitant, comme le rappelle Marc Lits, de « penser ensemble la structure narrative et le support qui la véhicule207 ».

C'est également le cas du site LeMonde.fr qui dédie une rubrique aux « Grands formats208 » et dont la forme est qualifiée par le journal de « visuel interactif ». De la même manière que L'Equipe Explore, et à l'inverse de pure players tels que Le Quatre Heures ou Les Jours, chaque format est unique : il n'y a pas une structure visuelle et technique qui se déclinerait à l'ensemble des productions journalistiques.

Bien qu'elle ne relève pas de la presse écrite, la chaîne d'information en continu France 24 est également un exemple parlant. En effet, depuis 2013, la chaîne multiplie sur son site web les expérimentations en matière de formats éditoriaux209. « Webdocumentaires », « infographies », « diaporama photos et sonores », « cartes », « reportage interactifs » sont autant de formats qui permettent à la chaîne d'exploiter ses contenus pluri-médias : texte, photographie, et bien évidemment, vidéo. Si la rubrique était majoritairement alimentée aux alentours de 2013 par des webdocumentaires différents les uns des autres, les formats qui viennent compléter la catégorie

205 L'Equipe Explore. http://www.lequipe.fr/explore/

206 L'Equipe présente : L'Equipe Explore. Lequipe.fr [En ligne] 25 avril 2013 [Consulté le 18/06/2016] Disponible à l'adresse : http://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/L-equipe-presente-l-equipe-explore/366210

207 LITS, Marc. Op. cit.

208 Le Monde - Grands formats. http://www.lemonde.fr/grands-formats/

209 France 24 - Webdocumentaires. http://www.france24.com/fr/webdocumentaires/

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tendent à s'uniformiser. En effet, les dernières productions journalistiques publiées relèvent majoritairement de récits multimédias que France 24 qualifie cependant de « webdocumentaires ». Or ces productions possèdent la même forme et reposent sur une navigation linéaire où l'histoire défile au « scroll » de l'internaute.

Ainsi, l'adoption du long format par des médias traditionnels témoigne d'une recherche de nouvelles écritures et de formes éditoriales répondant à de nouveaux usages en matière de consommation de l'information, eux-mêmes favorisés par la démocratisation des smartphones et le développement des tablettes. Désormais, il s'agit pour les éditeurs de contenus journalistiques de proposer des contenus répondant à des usages qui s'inscrivent dans des temporalités différentes. Le journal Le Monde, par exemple, a lancé en mai 2015, « La Matinale du Monde210 », une application « qui cible les attentes des lecteurs au réveil211 ». À travers une sélection d'une vingtaine d'articles par jour, cette application propose des « formats qui donnent l'impression au lecteur de gagner du temps tout en prenant son temps212 », car délivrés en « temps opportun ». L'enjeu pour les éditeurs de contenus serait donc de diffuser des contenus aux formats différents selon la disposition mentale des internautes à consommer l'information, que ce soit au réveil, dans les transports, durant une pause déjeuner, ou le soir, au coucher.

Ainsi, si le long format permet de donner toute sa place à l'analyse, à l'enquête et au reportage, celui-ci tend à s'inscrire en complément des médias de flux. Alors que les dépêches, les informations de dernière minute ou les live, permettent d'alerter, les contenus mettant en récit l'événement, une fois celui-ci achevé, permettent d'informer.

Dans cette logique, le retour du narratif dans l'écriture journalistique semble apparaître non pas comme une « alternative à l'accélération de l'information et à la réduction d'articles aussi vite écrits que lus213 » dont parle Lits, mais plutôt comme une méthode journalistique venant compléter des dispositifs d'information permettant à l'internaute d'être alerté en temps réel des événements sur lesquels se construit l'actualité.

Alors que les smartphones permettent de consulter, mais aussi de produire de l'information partout et tout le temps, les missions du journaliste qui consistent à trier, vérifier, hiérarchiser, médiatiser ces contenus sont plus que jamais nécessaires. Proposer des articles long-format, fruit d'analyses, d'enquêtes et d'investigations peut constituer un moyen de répondre à la crise identitaire de la figure du journaliste et des médias dans leur ensemble.

Par ailleurs, dans un déluge quotidien d'informations, la mise en récit peut également être envisagée comme une manière de se réapproprier l'événement pour mieux l'analyser et le comprendre. Le journalisme narratif constitue en effet une méthode journalistique permettant de proposer à travers des récits authentiques, plus qu'une simple collection de faits.

210 La Matinale du Monde. LeMonde.fr [En ligne] Mai 2015 [Consulté le 19/06/2016] Disponible à l'adresse : http://www.lemonde.fr/lamatinale/

211 DOINA SCHMELCK, Clara. L'avenir du slow journalisme est dans l'expérience du lecteur. In SCHERER, Eric (dir.) Journaliste designer. Meta-media.fr. p.54-57. [En ligne]. 13 décembre 2015 [Consulté le 20/05/2016]. Disponible à l'adresse : http://meta-media.fr/files/2015/12/MetaMediaFTV10SCREEN1.pdf

212 Ibid.

213LITS, Marc. Op. cit.

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De plus, à l'heure des dépêches d'agences « bâtonnées » et de la diffusion d'informations quasi identiques, le récit en journalisme apparaît comme une « alternative à la forme objectivante de l'écriture journalistique traditionnelle, fondée en partie sur une communication à sens unique et la conception d'un public passif 214».

En effet, alors que le journalisme narratif réconcilie fonction intrigante et configurante du récit, tout en replaçant un événement « dans un ou plusieurs contextes mieux définis », Marie Vanoost évoque la « prise de conscience - voire une prise d'action - citoyenne 215» que suscite cette mise en récit. En s'appuyant sur des histoires individuelles, et l'« engagement émotionnel » que le récit provoque auprès du lecteur, le journalisme narratif pousserait celui-ci à s'intéresser de manière plus engagée à la problématique traitée. Citée par Marie Vanoost, la reporter Jacqui Banaszynski, qui a reçu le prix Pulitzer de l'article de fond en 1988, estime en effet que « sans récit, l'information devient une abstraction que l'on peut facilement écarter, par rapport à laquelle il n'est pas besoin de prendre position et de se demander si la société agit d'une façon qui nous convient 216».

Ainsi, si le concept de Slow media fait l'objet de différentes interprétations et de plus ou moins de reconnaissance, celui-ci a le mérite d'avoir mis en lumière plusieurs choses : d'une part, puisqu'il a fait l'objet d'un « manifeste », le concept témoigne d'une prise de conscience d'un métier en crise identitaire, mais surtout d'une volonté d'apporter des solutions en mettant au coeur du débat les valeurs éthiques et déontologiques du journaliste.

D'autre part, le Slow media a permis de mettre en valeur le « bouillonnement éditorial » qui marque le paysage de la presse et de l'édition numérique depuis le milieu des années 2010, incarné par des pure players « ayant fait le pari de l'innovation » et investissant « toutes les ressources du numérique pour imaginer, expérimenter, créer les formes d'un volet inédit du paysage des médias d'information217». Enfin, le concept de « Slow media » a permis de témoigner d'un retour du journaliste narratif, ou plutôt, « de sa permanence à travers les époques, les modes d'expression, les formes et les supports qu'ils portent218 ».

214 Ibid.

215 VANOOST, Marie. De la narratologie cognitive à l'expérimentation en information et communication : comment cerner les effets cognitifs du journalisme narratif ? Cahiers de Narratologie [En ligne], 28 | 2015, mis en ligne le 29 octobre 2015, consulté le 30 octobre 2015. URL : http://narratologie.revues.org/7239

216 Ibid.

217 CHARON, Jean-Marie. Op. cit.

218 Lits, Marc. Op.Cit.

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