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Slow media : émergence d'un journalisme narratif sur le web.

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par Elena JOSET
Université Sciences Humaines et Arts Poitiers - Master Information-Communication, Web éditorial 2016
  

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ANNEXE 4

Entretien

Estelle Faure, co-fondatrice du pure player LeQuatreHeures.com Entretien réalisé en visioconférence le 5 mai 2016

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Entretien avec Estelle Faure, co-fondatrice du Quatre Heures, le 5 mai 2016 Général

Quel est votre rôle au sein du Quatre Heures ?

Je m'appelle Estelle Faure, je suis une des six co-fondatrices du Quatre Heures. J'ai passé une année à travailler sur le lancement de l'entreprise avec les cinq autres personnes. Nous nous sommes réorganisés au sein de l'équipe récemment. Aujourd'hui, je suis davantage impliquée sur la partie « éditorial », qui est le coeur de ce que fait Le Quatre Heures.

Le Quatre Heures est parti d'un projet étudiant. Qu'est-ce qui vous a poussé à créer une entreprise de presse ?

Le projet est né lorsque nous étions en deuxième année au CFJ à Paris, en 2013. C'était un projet étudiant où on nous a demandé d'imaginer le média de nos rêves. On nous a laissé carte blanche tout en mettant à notre disposition un petit budget.

On a fait ce projet sans se dire qu'on continuerait après. C'est peut-être d'ailleurs ça qui nous beaucoup ouvert l'esprit puisqu'on ne s'est mis aucune contrainte et aucune limite. On a fait comme si tout était possible dans un monde idéal. Pendant six semaines, on a donc travaillé sur le projet : de la conception à la réalisation. La première version du site était un « one shot ». Le site n'est resté en ligne que 6 semaines, durant lesquelles on sortait un sujet par semaine.

L'année terminée, chacun de nous est entré dans le monde du travail.

Fin décembre 2013, presque six mois après la version « étudiante » du Quatre Heures, plusieurs d'entre nous ont trouvé dommage d'avoir créé un média et de ne pas l'exploiter. D'autant plus qu'on avait pris beaucoup de plaisir à le faire et qu'on avait eu de bons retours de la part du public.

On s'est donc dit que ça valait le coup de faire « revivre » Le Quatre Heures. Par ailleurs, au même moment, nous avons été contactés par un diplômé d'école de commerce qui nous soutenait dans notre création d'entreprise de presse. Cela tombait à pic, car après une école de journalisme, nous n'avions pas toutes les compétences et l'expertise nécessaires pour créer une entreprise. Avec son soutien, nous avons donc eu toutes les cartes en main pour nous lancer.

Nous avons recontacté notre ancienne promo pour savoir qui serait prêt à s'impliquer financièrement et professionnellement. Finalement, nous avons été six rescapés à se lancer dans l'aventure.

Nous avons commencé à travailler sur le projet d'entreprise dès la fin du mois de décembre 2013, et le site du Quatre Heures est sorti officiellement en septembre 2014.

Quelles ont été vos inspirations pour créer ce média (modèle économique, format, contenus) ?

Dès le départ, on ne voulait pas du tout de publicité sur le site. C'est un choix à la fois en rapport à nos convictions, mais aussi en rapport avec les retours que l'on a eu de lecteurs. On voulait absolument qu'il n'y ait pas de visuels qui viennent polluer la lecture du site. On tenait absolument à

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cette idée d'immersion dans laquelle le public se plonge pour lire un article. Pour nous, la publicité était donc antinomique avec ce qu'on voulait proposer.

Pour le modèle économique, on s'est inspiré d'Arrêt sur Images et de Médiapart qui montrent que le public est prêt à payer pour de l'information qu'il juge de qualité sur Internet. Le fait de payer pour de l'information sur internet est quelque chose qui semble de plus en plus s'implanter dans les usages. On a voulu jouer là-dessus en sachant que l'on cible une certaine catégorie de personnes et que le journalisme que nous proposons reste un journalisme de niche.

Et concernant la forme et le fond, quelles ont été vos inspirations ?

Dans l'équipe, on apprécie tous cette tendance de journalisme qui prend du recul. La revue XXI, par exemple, est un média qu'on adore à la fois pour leur philosophie, le traitement de leurs sujets, mais aussi pour leur indépendance et la façon dont ils gèrent leur média.

On a vu à travers ces médias qu'il était possible de créer des contenus tout en prenant le temps, et que les gens étaient prêts à payer pour ce genre de journalisme.

Combien avez-vous d'abonnés pour le moment ?

On approche des 1000 abonnés et on est assez contents. C'est la progression qu'on avait envisagée. Qui sont ces abonnés (âges, sexes, milieux sociaux, etc.) ?

Il y a pas mal de jeunes ou des gens plus âgés, mais connectés, qui sont aussi abonnés à d'autres médias.

Ligne éditoriale

Comment décririez-vous Le Quatre Heures ?

Le Quatre Heures, c'est un site de reportages multimédias. Nous publions un long format multimédia le premier mercredi du mois à 16h.

Il s'agit d'un contenu journalistique comprenant beaucoup de texte, agrémenté de photos, de vidéos, de sons, d'animations, ou encore de dessins. Bref, tout ce qui peut mettre en relief l'histoire que l'on raconte.

En somme, nous utilisons ce que le web fait de mieux pour raconter ce dont on a envie, par le biais d'un reportage.

Quels sont vos partis-pris éditoriaux ?

Ce qui nous intéresse, c'est de partir de l'histoire d'une personne pour parler d'enjeux profonds de la société qui font écho à l'actualité.

Notre souhait est de traiter de sujets d'actualité en faisant « un pas de côté ». Par exemple, nous avons choisi de parler de l'immigration en prenant un angle particulier. En effet, nous voulions parler de l'immigration en Amérique Centrale. Nous avons choisi de traiter ce sujet à travers le regard de

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mères de famille qui partent à la recherche de leurs enfants partis aux États-Unis et dont elles n'ont plus de nouvelles.

Autre exemple : notre dernier reportage raconte l'histoire d'une exilée ougandaise, Madina, qui a dû fuir son pays parce qu'elle est lesbienne. À travers son histoire, on raconte aussi la difficulté et le parcours du combattant des demandeurs d'asile.

Par ailleurs, on accorde beaucoup d'importance à la qualité de nos contenus. On recherche des journalistes qui savent écrire au long cours et notre volonté et de donner à voir de belles photos ou vidéos, en haute définition, plein écran.

Depuis le début, notre parti pris est de se dire que le web n'a pas le monopole du flux et des contenus courts. Le web peut également proposer des contenus longs et de qualité.

Format du pure player

Étiez-vous formés au web au CFJ ? Qui s'est occupé du développement du site et de sa conception graphique ?

Nous étions en spécialité « Presse écrite et multimédia », donc nous avons eu quelques cours de programmation, des cours sur les web documentaires ainsi que sur les différents outils multimédias (carte, infographie, etc.)

La version étudiante du Quatre Heures a été réalisée en relation avec un graphiste et un développeur professionnel mis à disposition par l'école. Nous avons beaucoup échangé avec eux, et cela a été très formateur. On a aussi beaucoup appris en gestion de projet : s'organiser dans le projet, avoir des retours critiques, de ne pas faire les choses pour rien. On était vraiment dans le concret.

Et pour la version du site qui est sortie en 2014, vous avez fait appel à d'autres personnes ?

Nous avons fait appel à un prestataire externe. C'est une petite entreprise de développeurs qui ont l'habitude de travailler sur des formats comme celui du Quatre Heures. Il y a une vraie compréhension entre nous : ils ont compris rapidement ce qu'on voulait. Cependant, aujourd'hui, on aimerait avoir quelqu'un en interne qui puisse gérer la dimension technique du site, et que l'on pourrait solliciter plus régulièrement.

Quels ont été vos choix prioritaires en matière de webdesign lors de la conception du site ? (effets, technologies, etc.)

On voulait quelque chose de sobre sans être triste. On souhaitait que les éléments ne soient pas invasifs, que rien ne perturbe la lecture, tout en gardant des éléments de navigation compréhensibles.

On s'est par exemple longtemps interrogés sur la présence d'un menu burger, afin de privilégier l'immersion, mais on a trouvé que ce n'était pas compréhensible pour un internaute qui arrive pour la première fois sur le site. Il fallait trouver un équilibre entre notre format qui met en avant le côté immersion, avec des repères de navigation classiques que connaissent bien les internautes.

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Pour les reportages, on voulait absolument valoriser les éléments comme la photo, la vidéo, le son, l'illustration.

Sur votre page de présentation, vous parlez « de la forme au service du fond ». Pour Le Quatre Heures, qu'apporte justement le web au grand reportage ?

Concrètement, je trouve que le web donne du relief au sujet. Faire appel à d'autres supports comme la vidéo et le son a parfois plus de sens. Avec ce type de support, on peut laisser vivre une scène de l'histoire. Écouter la voix d'un personnage peut aussi donner plus de profondeur au récit.

Plus globalement, c'est la liberté de construction du récit que permet le web qui est intéressante. La possibilité de faire des choix en matière de support (photo, vidéo, son, dessins, texte) donne une autre dimension au reportage.

Par exemple, un lecteur peut être plus attentif à ce qu'un personnage va dire dans une vidéo, parce qu'il aura été alerté par une information dans un paragraphe plus haut. On peut donner ainsi plus de sens à une information en choisissant le support adéquat, et par la même occasion, tenir en haleine le lecteur.

Votre cahier des charges, notamment en matière de webdesign, entraîne-t-il des contraintes techniques ? (format des visuels, etc.)

Oui, par exemple on demande à nos pigistes de privilégier les photos au format paysage. Sinon, on arrive à s'adapter avec les contenus qu'on nous fournit. Même les photos verticales, finalement, peuvent apporter une respiration dans une colonne de texte.

Sur le fond, les photos et vidéos doivent répondre à notre ligne éditoriale. Par exemple, les vidéos doivent retranscrire une ambiance et laisser vivre un moment. Elles ne doivent pas comporter de commentaire du reporter.

Est-ce qu'il y a des invariants en matière de contenus (emplacement des vidéos, photos, etc.) ?

Nos reportages débutent tous par une vidéo, oui. Mais si une photo avait plus de sens qu'une vidéo, nous la mettrions à la place.

En matière de structuration du récit aussi on peut retrouver des invariants : par exemple, dès qu'un nouveau personnage est évoqué, il faut que l'on ait une photo ou vidéo qui puisse le représenter, et le situer dans le récit.

Utilisez-vous un CMS ? Chaque membre de l'équipe peut mettre en ligne des contenus ?

Oui, nous utilisons un Wordpress qui a été adapté pour répondre à nos besoins en matière de fonctionnalités. L'avantage, c'est qu'on dispose ainsi d'un squelette sur lequel on peut ajouter des fonctionnalités en souplesse.

Théoriquement, on est tous formés pour mettre en ligne les reportages, mais c'est très souvent Charles qui le fait, car il est à l'aise avec les outils multimédias et maîtrise la construction du récit. On essaie de capitaliser sur ce chacun sait très bien faire.

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Le fond

En matière d'écriture, qu'est-ce qui diffère de l'écriture journalistique plus factuelle que l'on retrouve dans les médias quotidiens plus traditionnels ? Quels sont les avantages de ce type d'écriture dans la transmission de l'information ?

Notre écriture diffère d'une écriture plus factuelle que l'on retrouve dans les articles plus traditionnels, même longs.

L'écriture est un peu romanesque dans la mesure où on s'appuie sur des lieux, des personnages dont on décrit le caractère. Ces éléments aident à tisser le squelette du reportage. Et à l'intérieur de ce squelette, il s'agit de glisser des thématiques du sujet dont le reporter veut traiter. C'est une sorte de double-écriture, qui nécessite une gymnastique intellectuelle.

Par ailleurs, écrire au long cours sert à tenir le lecteur en haleine en créant notamment de l'attachement entre le lecteur et le personnage du reportage. Cela permet aussi de traiter de manière plus agréable des thèmes en lien avec l'actualité.

Le reportage de Madina, par exemple, correspond complètement à la manière dont on aime faire du journalisme : son histoire personnelle fait écho des enjeux plus larges et peut toucher beaucoup de gens qui vont s'identifier à elle. Au-delà de son histoire, on parle de la difficulté de la demande d'asile et de l'exil : l'arrivée dans un pays étranger dont on ne parle pas la langue, la fuite de son pays natal, le fait de se retrouver sans logement, etc.

Laisser vivre des scènes, accorder de la place aux détails, mettre en exergue des citations qui ont du sens, permet d'en dire plus sur l'histoire racontée. Il y a une vraie construction dans le récit et dans la narration : le lecteur peut relier par exemple une citation avec une scène qui s'est déroulée plus haut dans le récit.

Ce type d'écriture permet également de mieux comprendre l'histoire. Nous partons du principe que ce sont les personnes qui ont vécu quelque chose qui racontent le mieux un sujet. C'est pourquoi nous mettons des personnages au coeur du récit.

Comment se construit un reportage (avant, pendant, après) dans la mesure où celui-ci sera multimédia ? Êtes-vous en immersion avec le/la personnage ? Combien de temps restez-vous avec lui/elle ?

Cela dépend, mais notre principe est de suivre les personnages sur le long terme. On les rencontre à différents moments clés, par rapport à ce que l'on veut raconter. On passe beaucoup de temps avec la personne, on l'interroge, on la laisse parler, on lui demande si elle possède des images ou des archives qui permettent de mieux comprendre son histoire, son parcours.

Puisque ce qui nous tient à coeur c'est le reportage multimédia, on réfléchit en amont aux différents éléments qui vont tisser le récit : quelle scène sera en vidéo, en photo, ou en texte ? Quels supports aura le plus de sens ? La photo ou la vidéo ne sont pas des éléments anecdotiques que l'on intègre pour illustrer un propos. Ils font partie intégrante du déroulé du récit. C'est une vraie gymnastique intellectuelle, car des événements peuvent venir perturber ce que l'on avait prévu.

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Au niveau de votre planning éditorial, comment vous organisez-vous ? Combien de temps nécessite la réalisation d'un reportage ?

Cela varie, mais en général les reportages nécessitent plus d'un mois de travail, entre les premiers échanges avec les personnes interviewées (mail, téléphone rencontre physique). Nous échangeons aussi en amont avec les reporters pour les briefer sur les événements qu'il conviendrait de filmer ou photographier. En effet, un reportage peut être un échec si le reporter ne recueille pas les bonnes images au bon moment. Il faut aussi s'interroger sur le cadrage à privilégier, par exemple.

Une fois de retour de reportage, le journaliste se lance dans l'écriture et nous propose une première version. On effectue ensuite de nombreux retours avec le reporter, on dresse ensemble le squelette multimédia du reportage, sa mise en page, on réalise un travail de secrétariat de rédaction, puis une à deux personnes s'occupent de la mise en ligne de tous les éléments qui composent le récit.

Le concept de « slow info » se retrouve aussi dans notre processus de fabrication de reportages.

Le reportage nécessite d'être en immersion dans un lieu, avec une personne. Le reporter est impliqué. Qu'en est-il de sa subjectivité ? Quel est votre point de vue là-dessus ?

Le reportage créer une certaine proximité avec la personne interviewée, effectivement. On peut donc avoir de l'empathie et être touchée par les récits que l'on écoute. Mais il faut toujours savoir garder sa place de journaliste.

Je pense la subjectivité est forcément présente dans la mesure où le reporter passe du temps avec des personnages, il est à l'écoute, il capte des détails qui font sens. Par ailleurs, la sensibilité du journaliste en immersion permet de dénicher des éléments qui auront le plus de sens, que s'il avait procédé à un entretien par téléphone.

Cependant, il garde toujours un esprit d'analyse et aiguise son regard à travers son immersion. Au Quatre Heures, nous respectons les bases de journalisme : on s'appuie sur des faits et on ne va pas raconter des choses qu'on n'a pas été vérifiées. Notre rigueur journalistique n'est pas antinomique avec notre manière d'écrire. Finalement, c'est dans forme et la manière d'écrire, que transparait le regard du journaliste.

La rigueur journalistique est extrêmement importante, mais le regard du reporter l'est tout autant.

Pourquoi dites-vous dans votre présentation que le grand reportage est la forme la « plus pure et la plus originelle » ?

Pour nous, c'est la base du journalisme, dans la mesure où le reportage nécessite d'aller à la rencontre des gens, de rechercher ses propres sources d'information par rapport au sujet que l'on veut traiter. Nous partons du principe que les personnes qui parlent le mieux d'un sujet sont celles qui l'on vécut.

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Organisation du travail

Comment se compose votre équipe ? Qui fait quoi ?

Globalement, on est tous sur l'éditorial : on choisit ensemble les sujets et un sujet n'est pas traité tant que tout le monde ne s'est pas mis d'accord. « Deux membres de l'équipe permanente sont très impliqués dans la construction multimédia du récit. Une personne se charge de trouver de nouvelles plumes et pigistes. Une autre s'occupe de la communication, des relations presse, des réseaux sociaux et des partenariats. Deux autres personnes sont plus sur la partie «développement de l'entreprise ».

Le concept de Slow media

Pour toi, c'est quoi le « slow info » ? Est-ce un concept, une philosophie, une tendance ? Pourrais-tu donner ta définition ?

Selon moi, ce sont des médias qui permettent de prendre le temps que ce soit dans la lecture des contenus que dans la manière de les réaliser. Le temps est aujourd'hui un luxe, donc cette manière de procéder implique aussi des questions économiques.

Le « slow info » ou le « slow media » permet de prendre du recul sur l'actualité, et d'envisager celle-ci sous d'autres angles que ceux proposés traditionnellement dans les médias.

Vous vous présentez comme un média de « slow info » avant tout. Pourquoi ne pas vous présenter avant tout comme un média de grand reportage ?

On voulait avant tout identifier Le Quatre Heures comme un média relevant d'un concept novateur, pour se distinguer des médias traditionnels. Il a été difficile pour nous d'expliquer notre concept et notre parti pris de ne pas publier quotidiennement des reportages tout en se présentant comme un site d'information.

Par ailleurs, au moment où Le Quatre Heures est né, on voyait très peu de reportages sur le web. Pour avoir été stagiaire dans une rédaction au service web, il était extrêmement rare de voir des reportages réalisés uniquement pour le web avec une plus-value.

Il y a trois ans, il y a avait un fossé entre des médias de flux proposant des dépêches en continu, et une vague de webdocumentaires très riches en contenus, très novateurs, mais aussi très chronophages. Pour nous, il y avait donc un champ qui n'était pas exploité sur le web : celui du reportage long format, enrichi, mais sans être aussi complexe que du webdocumentaire.

Toutefois, au sujet de notre présentation, nous avons évolué. Notre média a mûri en l'espace de trois ans et on saisit davantage l'essence de ce qu'on est maintenant. Peut-être que nous avons fait l'erreur de trop mettre en avant le format. Aujourd'hui, nous nous concentrons davantage sur notre ligne éditoriale. Nous privilégions notre concept d'histoires multimédias, plus que celui de « slow info », qui nous a toutefois permis de s'identifier et de nous démarquer.

Pour vous, quel est l'avenir du concept de « slow média » dans la mesure où de nombreux médias traditionnels tendent à explorer le long format ?

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Effectivement, aujourd'hui, de nombreux sites d'informations s'inspirent de la vague « slow média » sur le web et innovent en matière de formats. Je pense aux Décodeurs, M Pixel, L'Équipe Explore, ou encore à Télérama.

Les sites d'information d'aujourd'hui ne ressemblent plus aux sites d'il y a trois ans, à l'époque où nous nous sommes créés. Je pense qu'il y a des éléments qui ont été employés dans des médias comme le nôtre, puis qui se sont disséminés dans les médias plus traditionnels.

Cependant, nous n'avons jamais prétendu avoir la solution à la crise du journalisme. On ne s'est jamais dit que les nouveaux médias sauveraient le journalisme. Nous avons juste fait un pari dont on ne peut encore juger la réussite. On est dans l'expectative comme tout le monde, en se donnant tous les moyens de réussir.

Parmi les nouveaux médias qui se développent, il n'y a peut-être pas de place pour tout le monde. Nous ne sommes pas devins, et d'ailleurs, personne ne sait ce qui marche vraiment. Il faut expérimenter tout en se posant des questions et en restant prudent.

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SLOW MEDIA : ÉMERGENCE

D'UN JOURNALISME NARRATIF SUR LE WEB

Étude comparative du dispositif mis en place par les pure players
Le Quatre Heures
et Les Jours

Elena Joset - juin 2016

Alors qu'Internet a démocratisé l'accès de tous à l'information et a facilité sa circulation, celui-ci a permis dans le même temps de diffuser l'information dans l'immédiat, la rendant ainsi abondante. Pris dans la spirale de l'urgence et dans l'accélération du rythme de production d'information, les journalistes tendent à s'informer auprès des mêmes sources d'informations, en l'occurrence les agences de presse, ce qui favoriserait une certaine uniformisation des contenus.

Mais cette diffusion massive en quasi temps réel de l'information, semble avoir favorisé dans le même temps, un retour aux médias considérant le temps comme un ingrédient indispensable à des contenus journalistiques de qualités. En 2010, des journalistes allemands publient le manifeste du Slow media, un concept qui revendique le droit à la lenteur, privilégie les formats longs et plaide pour un journalisme qualitatif, intemporel, éthique, esthétique et respectueux de ses contributeurs et lecteurs. Sur le papier, comme sur le web, se sont développés des médias que la presse grand public a qualifiés de Slow media.

Genre journalistique à part entière, le journalisme narratif s'inscrit a priori dans ce concept de Slow media dans la mesure où celui-ci repose sur un long travail d'enquête qui se traduit par des productions journalistiques long-format. Héritier du journalisme littéraire américain de la fin du XIXe siècle, le journalisme narratif se distingue du journalisme traditionnel puisqu'il utilise consciemment les techniques d'écriture du récit littéraire et de la fiction pour mieux rendre compte du réel

Ce mémoire a pour objectif d'interroger le concept de Slow media à travers une étude comparative des pure players français Le Quatre Heures et Les Jours. Cette étude comparative repose sur une analyse de contenus issus des deux médias, ainsi que des entretiens réalisés auprès de leurs co-fondateurs. Par ailleurs, ce mémoire a pour objectif de comprendre les raisons de la présence du journalisme narratif sur web, alors que celui-ci repose exclusivement sur les contenus long-format.

Mots-clés

Presse en ligne / journalisme en ligne / journalisme narratif / récit médiatique / slow media / slow information / journalisme long-format / pure players d'information / reportage multimédia

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