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à‰tude des facteurs de dégradation de la forêt communautaire de Kandia dans le département de Vélingara et stratégie de gestion.

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par Moussa Mamadou BALDE
Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) - Master 2 2012
  

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3. L'exploitation forestière, phénomène déterminant de la dégradation du couvert végétal dans la communauté rurale de Kandia

Le code forestier du Sénégal (1998) dans sa partie réglementaire définit l'exploitation forestier en ces termes : « l'exploitation forestière s'entend de la coupe ou de la collecte des produits forestiers, notamment :

-le bois ;

-les exsudats, le mil et les huiles ;

-les fleurs, fruits feuilles, écorces et racines ; -la faune sauvage terrestre, aviaire et aquatique.

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Est également considérée comme exploitation forestière l'utilisation de la forêt à des fins touristiques ou récréatives (article R18) ».

Pour le service des eaux et forêts, c'est « l'ensemble des opérations permettant la récolte et l'utilisation avantageuse des ressources forestières » (DEFCCS, 1998, p.2).12 C'est donc tout prélèvement de produits naturels d'origine minérale, animale ou végétale sur une formation forestière.

Ainsi définie, l'exploitation forestière regroupe plusieurs acteurs ayant comme ressource commune la forêt. Pour mieux analyser le secteur, nous distinguerons les coupes liées au bois d'oeuvre, le bois énergie, la pharmacopée entre autres.

3.1 La coupe de bois d'oeuvre, cause de la disparition de certaines espèces

La communauté rurale de Kandia est dotée d'un potentiel de ressources ligneuses qui fait l'objet d'une intense exploitation par les populations locales mais aussi par d'autres personnes venues d'ailleurs. L'activité de coupe de bois d'oeuvre est très dynamique dans le département de Vélingara. A cet égard, la communauté rurale de Kandia a longtemps servi d'approvisionnement à la commune de Vélingara. L'espèce la plus convoitée est le venn. Mais aujourd'hui, elle a presque disparu à cause de la forte pression qu'elle subit. Une visite sur le terrain permet d'observer les dégâts écologiques causés par les exploitants du bois d'oeuvre. La pratique a concerné d'abord les formations qui étaient proches de la commune de Vélingara par la coupe des troncs d'arbres. Au fil des années, la filière a connu un regain d'intérêt qui s'est manifesté alors par une intensification des coupes de bois faisant ainsi des dommages écologiques irréparables. Tout ce processus s'est déroulé sous le regard insoucieux des populations qui se contentaient d'observer le phénomène. Pour le service des eaux et forêts, le manque de moyens logistiques et de personnel est une contrainte pour faire face aux différents contrevenants. En outre il apparait dans nos investigations qu'il y'a une fraude importante de la part des acteurs du bois d'oeuvre qui se déroule durant la nuit pour échapper au contrôle des agents des eaux et forêts. Il semble que certains de ces agents seraient corrompus d'après les témoignages recueillis auprès des populations.

L'exploitation du bois d'oeuvre dans la communauté rurale de Kandia se fait dans deux directions essentielles : vers la commune de Vélingara avec des charretiers qui après avoir coupé les troncs les acheminent pour les revendre aux chefs d'atelier de menuiserie. Ces

12 Direction eaux, forêts, chasse et conservation des sols, 1998 cité par Fofana B., 2001. Exploitation forestière et suivi de l'évolution des ressources dans le Boundou : état des lieux et perspectives, mémoire de maitrise, UGB, 133p et annexes.

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menuisiers possèdent des machines pour scier ces troncs et les transforment en meubles. Ces derniers sont soit vendus sur place, soit acheminés vers la capitale, Dakar pour y être vendus. En ce qui concerne la zone frontalière avec la Gambie, ce sont des exploitants étrangers qui sont basés dans les villages frontaliers avec ce pays. Ici, l'espèce la plus menacée est le fromager car le venn a été complètement décimé. Ces exploitants venus de la Gambie disposent de scies électriques qui sont suffisamment efficaces pour venir à bout d'un tronc d'arbre. Les observations sur le terrain permettent de saisir l'ampleur du phénomène dans le massif forestier et constitue un élément déterminant dans le processus de dégradation du couvert végétal.

Photo 10 : phénomène de coupe des grands arbres Photo 11 : Les exploitants forestiers ciblent les grands arbres qui sont plus rentables, clichés BALDE M. M., 2012

Ces photos illustrent la coupe des troncs de fromagers qui sont destinés à la menuiserie locale. Après la coupe, les troncs sont transportés par charrette au village. En ce moment, certains troncs sont transformés en planches et d'autres sont vendus en Gambie.

C'est en réalité une activité très lucrative avec des ramifications de part et d'autre de la frontière sénégalo-gambienne. D'ailleurs les propos du chef de secteur du service des eaux et forêts de Vélingara résument bien la situation : « « Il y'a un réseau d'exploitants forestier basé en Gambie mais évoluant au Sénégal ». Selon toujours ses propos, ce réseau bénéficie de la complicité passive des populations locales car ce sont elles qui hébergent ces étrangers pilleurs de leurs ressources forestières. C'est dans ce contexte qu'il avait adressé un rapport au préfet du département de Vélingara par le même chef de secteur du service des eaux et forêts pour lui alerter des conséquences néfastes que cette exploitation frauduleuse de bois engendre.

Par ailleurs, les exploitants forestiers sont majoritairement composés de « peuls fouta » qui ont des parents installés dans la C.R. de Kandia et qui opèrent à partir des villages frontaliers avec la Gambie pour accéder à la ressource. C'est une activité bien organisée. En fait la porosité de la frontière en complicité avec certains individus permettent d'entretenir ce trafic

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de troncs d'arbres. Avec la forte demande, la filière connait une intensification avec les scies électriques qui sont plus rapides pour la coupe. Donc elles font plus de dégâts que la hache traditionnelle. Cette intense exploitation est loin de dissiper les craintes de destruction irréversible de ce massif forestier si la dynamique actuelle continuait.

En somme, il faut dire que l'exploitation clandestine des ressources forestières est une question qui concerne toute la partie Nord de la Casamance. A ce titre, le journal, le Quotidien daté du vendredi 28 juin 2013 consacrait un large dossier à la question. L'auteur de l'article écrivait que : « les ressources forestières de la Casamance sont exploitées par un vaste réseau de trafiquants de bois composé de sénégalais, de gambiens et de chinois basé à Banjul. Le phénomène a pris de l'ampleur ces dernières années .......le produit issu de la fraude est exporté vers l'Asie. Et la Gambie est la plaque tournante de ce commerce illicite qui compromet l'économie locale (p.4) ».

Il faut noter que c'est le même phénomène qui est observé dans la communauté rurale de Kandia. Ce sont les espèces les plus préservées qui sont décimées par ces exploitants frauduleux. Ces images prises au mois de juin 2013 illustrent l'ampleur du phénomène.

Photo 12 : prise en juin 2013 Photo 13 : tronc de venn coupé, clichés (BALDE M. M., 2013)

Il s'agit des espèces comme le venne, le dimb, cailcédrat et le rônier qui sont les plus recherchées. Ces espèces génèrent une forte valeur ajoutée pour l'artisanat et l'industrie. C'est une exploitation bien organisée.

En effet, les troncs d'arbres coupés sont transportés en Gambie via les deux marchés hebdomadaires situés à la frontière sénégalo-gambienne. Ces marchés sont Sabi non loin de Bassé et Gambisara, deux villes gambiennes. Ces deux villes servent de point de transit des produits issus de l'exploitation. Par, ailleurs, la localité de Gambisara, frontalière avec la communauté rurale de Kandia, est l'un des plus grands dépôts de bois importé du Sénégal. La position géographique de cette localité lui confère un statut de ville carrefour pour le

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département de Médina Yoro Foula, où le phénomène d'exploitation clandestine du bois est très développé et la communauté rurale de Kandia. Cette situation fait de ce marché hebdomadaire une destination phare pour ce trafic de bois.

Photo 20 : Exploitant forestier à Djida,cliché BALDE M. M., 2013

La photo montre un exploitant forestier à Djida, un village frontalier avec la Gambie. On voit que les arbres coupés sont ensuite transformés en planches pour divers meubles. Ensuite les oeuvres d'art sont vendues en Gambie. Ici on est à quelques kilomètres de Gambisara, marché hebdomadaire très fréquenté les mercredis.

Notons que l'exploitation clandestine du bois d'oeuvre dans la communauté rurale s'effectue par un ciblage des grands arbres qui sont plus rentables économiquement. L'usage de tronçonneuses cause plus de dégâts écologiques dans la forêt communautaire. Elle aboutit à la disparition des grands arbres ainsi que les espèces ciblées. Ce qui n'est pas sans conséquences pour l'équilibre écologique du milieu surtout quand on sait que ces grands arbres y jouent un rôle fondamental.

Les enquêtes menées auprès des populations riveraines du massif révèlent que 34% des personnes interrogées pensent que les coupes abusives d'arbres constituent le premier facteur de dégradation du couvert végétal (graphique 8).

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Graphique 8 : Causes principales de la dégradation du couvert végétal en (%) selon les personnes interrogées

34

10

14

12

30

Feux de brousse Emondage (élevage) Bois-énergie

Coupes abusives

Défrichement suivi de brulis

Source : d'après les enquêtes de terrain, 2013

Comme on le voit, l'exploitation forestière plus précisément, les coupes abusives de bois d'oeuvre sont considérées par les populations locales comme étant la principale cause de la dynamique de régression des ressources forestières. En outre, on remarque que les feux de brousse arrivent en deuxième position. Mais, on note aussi que l'élevage à travers l'émondage (coupe des branches d'arbres) occupe une part non négligeable (14%). Ceci montre le rôle essentiel des coupes de bois dans ce processus de dégradation quel que soit l'usage que l'on en fait.

Par ailleurs, l'analyse de cette exploitation frauduleuse de bois dans cette partie de la communauté rurale de Kandia présente une double perte pour les habitants. Tout d'abord le caractère frauduleux de la filière constitue un manque à gagner en termes de recettes pour le conseil rural. Ensuite, le pillage des ressources primaires dans un contexte d'accroissement des besoins est une menace pour la stabilité de l'écosystème, support des modes de productions locales. Que se passera t-il pour les populations si les ressources forestières venaient de se terminer comme c'est le cas dans le Nord du pays ? La réponse à cette question mérite d'être cherchée.

En définitive, l a dégradation du couvert végétal se manifeste dans ce cas à travers une perte de biodiversité (disparition du bois de venn) et une menace de disparition pour le fromager. C'est également une diminution de la densité des paysages végétaux ; donc une perte de quantité qui s'observe. La combinaison de ces éléments prépare le massif à la dynamique de l'érosion. Aussi les coupes pour le bois-énergie ne peuvent pas être négligées dans cette dynamique, elles ont des impacts qui doivent être considérer.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand