WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

à‰tude des facteurs de dégradation de la forêt communautaire de Kandia dans le département de Vélingara et stratégie de gestion.

( Télécharger le fichier original )
par Moussa Mamadou BALDE
Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) - Master 2 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.3 Analyse des différentes actions menées dans le cadre de la gestion des ressources forestières

La gestion participative des ressources naturelles à la mode à travers la décentralisation n'a pas été en reste dans la Communauté rurale de Kandia. En effet le cadre de la gestion des ressources forestières, on peut dire les populations riveraines de la forêt communautaire de Kandia ont été impliquées par le service forestier et encouragées par les autorités locales.

En fait, (mais en réalité, il ne l'est pas) après le supposé aménagement de ce massif par le service des eaux et forêt de Vélingara, les populations locales devaient assurer le rôle de protection et d'entretien des plantes reboisées. Pour cela, une stratégie incitative fut adoptée pour mieux les motiver à remplir efficacement cette mission. Il s'agissait concrètement de fournir aux populations des vivres de soudures pendant l'hivernage. Des campagnes de reboisement étaient alors organisées par les villages environnants, regroupés en une association inter-villageoise durant l'hivernage. Le service des eaux et forêts fournissait un appui en pépinières ainsi que le matériel nécessaire aux opérations de reboisement. En retour, les personnes qui participaient à ces travaux bénéficiaient d'un appui en vivres de soudure. La distribution de ces vivres était faite en fonction du poids démographique de chaque village. Cette méthode avait fait que les populations s'intéressaient à la préservation de cette forêt.

86

Car elles trouvaient leurs intérêts dans la distribution des vivres de soudure (riz, huiles, niébé...). Il faut noter que pendant la saison sèche, le travail des populations riveraines du massif consistait à établir des pare-feux pour prévenir les incendies. D'après monsieur Séne, le chef de secteur du service des eaux et forêts de Vélingara, le but visé était d'accompagner ces populations dans la gestion de leur environnement en les encourageant à mener des actions allant dans le sens de surveiller les coupes et les feux de brousse. D'ailleurs, ce sont ces personnes qui sont les principales bénéficiaires des ressources dont dispose cet espace. S'il y'a une menace de disparition de ces ressources, elles sont les premiers concernées.

Par ailleurs, rappelons que le processus de décentralisation qui donne compétence de gestion de l'environnement aux collectivités locales est une forme de responsabilisation de celles-ci. Par conséquent, la gestion de cette forêt communautaire relève du conseil rural de Kandia. A ce niveau, une commission composée d'une dizaine de personnes est chargée de surveiller le massif contre l'exploitation clandestine et frauduleuse du bois. Mais, selon les populations riveraines que nous avons pu interrogées, ces agents communautaires ne font que très rarement des descentes sur le terrain et seraient corrompus par les contrevenants. Malheureusement durant notre séjour de terrain, nous n'avons pas pu les rencontrer pour vérifier ces propos. Quoiqu'il en soit, la dégradation des paysages végétaux n'est plus à démontrer. Il suffit de se rendre sur les lieux pour le constater.

L'examen des différentes stratégies menées dans le cadre de la gestion de la dégradation du couvert végétal montre qu'il y'a parfois des difficultés de coordination entre le conseil rural et le service des eaux et forêts de Vélingara. Les premiers affirment que les agents des eaux et forêts ne remplissent pas leur rôle de surveillance des ressources forestières contre l'exploitation frauduleuse tandis que les seconds pensent que la responsabilité incombe au conseil rural. Sans trop nous attarder à ces divergences d'opinion, notons simplement que la gestion des ressources naturelles dans le département de Vélingara n'est pas aisée pour l'administration forestière.

En effet, ce département partage près de 200 kilomètres de frontières avec trois pays de la sous région : Gambie, Guinée Bissau et Guinée Conakry. Cette position géographique pose de véritables défis dans la surveillance de l'ensemble de cet espace. La porosité des frontières fait qu'il est difficile, voire impossible de contrôler les différents flux de personnes et de biens qui se déroulent entre ces pays.

87

En outre, l'administration forestière dans le département de Vélingara est confrontée à un manque de personnel et de moyens logistiques. A cet effet, le chef de secteur du service des eaux et forêts de Vélingara nous informait que la dernière dotation en matériels remonte à l'année 2007. Ce qui illustre les conditions difficiles de travail des agents chargés de la surveillance et de la protection des ressources forestières dans cette partie du Sénégal.

Toutefois, en dépit de ces difficultés rencontrées, l'administration forestière dans le département de Vélingara effectue un travail remarquable. A titre illustratif, en 2009-2010, 60 millions de francs de recettes contentieuses ont été versés au trésor public de Vélingara. Selon l'article 30 de la loi n°96 -07 du 22mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, communes et communautés rurales et de l'article R 65 du décret n°98-164 du 20 février 1998 portant application de la loi n°98-03 du 08 janvier 1998 portant code forestier, le conseil rural perçoit les 7/10 du montant des amendes dont les infractions ont été constatées dans les forêts de la communauté rurale en dehors du domaine forestier de l'État. Ainsi, ce sont 70% de cette somme qui ont été reversées dans les caisses des collectivités locales du département de Vélingara, soit 42 millions de francs. Cette performance montre le dynamisme des agents des eaux et forêts. Ceci témoigne de la volonté de lutter contre l'exploitation illégale des ressources forestières de la part du service en question.

En ce qui concerne la communauté rurale de Kandia, il y'a encore des efforts à faire. Si la plupart des conseils ruraux disposent de budgets dérisoires, limitant ainsi sévèrement leur capacité d'entreprendre les actions les plus fondamentales liées à l'exercice des compétences qui leur sont transférées (Écho des Collectivités Locales n°3, 2002 cité par Déthié S. Ndiaye et ali.)17, celui de Kandia n'a pas défini tout de même une stratégie claire allant dans ce sens. A part les quelques actions de sensibilisation des populations, il se contentait jusqu'à une date récente, de dénoncer une exploitation frauduleuse des ressources de son territoire et la passivité des populations locales face au phénomène.

Enfin les populations quant à elles, ont adopté de manière générale, une stratégie qui a consisté à s'organiser en association inter-villageoise de surveillance de la forêt contre les exploitants clandestins. Mais, cette association inter villageoise n'est pas arrivée à des résultats satisfaisants.

17 Déthié S. Ndiaye et ali. ? Gouvernance locales et gestion décentralisée des ressources naturelles au Sénégal, 8p.

88

En effet, après quelques années de travail, la plupart des membres se sont retirés. Ils invoquent le fait de voir que l'administration forestière relâche les personnes prises en flagrant délit dans le massif par ces mêmes populations. En fait, elles ne comprennent pas pourquoi les contrevenants ne sont pas punis. Selon ces populations, il y'aurait une corruption de certains agents chargés de patrouiller dans la zone. Notons que pour le village de Doubirou, des résultats intéressant ont été obtenus car les populations ont réussi à interdire aux charretiers gambiens de traverser leur village pour la coupe de bois de chauffe. Mais à part cette exception, l'attitude de la population de manière générale se résume soit à un refus d'accueillir dans leurs villages des exploitants forestiers ainsi que les éleveurs venus de la Gambie, soit à l'accueil favorable de ceux-ci.

Si les populations locales ne sont pas déterminantes dans la régression des ressources ligneuses, elles n'ont pas entrepris d'actions significatives de restauration et de protection de ces ressources, pourtant vitales pour leur survie. Même les actions de sensibilisations menées par le conseil rural et l'administration forestière n'ont pas permis à ces dernières de prendre conscience des défis qui se posent pour la sauvegarde de cet écosystème.

Mais au-delà de cette analyse qui essaie de comprendre l'attitude des acteurs pris individuellement, notons que l'élaboration du plan d'occupation et d'affectation des sols marque un tournant dans la prise en charge de la question.

En effet, face à la dégradation continue de l'environnement et des ressources naturelles, le Conseil rural de Kandia appuyé par ses partenaires a décidé de mettre en place un POAS pour mieux gérer l'espace communautaire. Il faut dire que le POAS est devenu un outil pertinent, de plus en plus incontournable dans la gestion durable des ressources naturelles à l'échelle communautaire. Les dispositions qui y sont prises de manière consensuelle par les populations concernent principalement le domaine agricole, le domaine pastoral, domaine forestier, le domaine de la pêche et le dispositif organisationnel.

Ainsi donc, le Plan d'Occupation et d'Affectation des Sols est « la traduction des règles issues de la Convention Locale mais appliquées à l'espace ». Il tire alors sa légitimité de la démarche participative et inclusive de la Collectivité Locale (POAS de Kandia, 2012.

On comprend dés lors la bonne volonté des autorités locales de faire face à la dégradation des ressources naturelles et particulièrement à l'exploitation frauduleuse du bois dans la Communauté rurale. Cette nouvelle démarche s'articule autour de règles qui sont établies dans le cadre d'une convention locale, résultat d'un processus participatif et inclusif de tous

89

les acteurs. Ainsi, le POAS propose un ensemble de règles qui permettent de réguler l'usage des ressources de même que de prévenir des conflits sociaux.

L'application de cette convention par les populations locales devrait en principe améliorer la gestion des ressources naturelles et permettre par la même occasion aux autorités locales de mieux prendre en charge les questions relatives à l'environnement. Ces règles indiquent la conduite à adopter dans l'utilisation de l'espace et des ressources. Le non respect de ces règles entraine des sanctions en fonction de la gravité de la faute.

Notons tout de même que ces sanctions ont une portée contraignante pour l'usager et ne comportent pas un volet de réparation. Par exemple, ce sont des amendes qui sont imposées aux personnes pris en flagrant délit. Mais Philipe Lavigne (2001), nous rappelle que des règles efficaces ne peuvent reposer sur la seule coercition : « même en supposant que les personnes concernées ne s'y dérobent pas, constater les infractions, juger, faire appliquer les sanctions est très coûteux. Les règles seront d'autant mieux respectées que les acteurs s'y conforment spontanément et que l'application de sanctions reste exceptionnelle. On peut compter sur la bonne volonté, sur l'adhésion idéologique à des règles communes, sur le poids de la tradition, mais rien de tout ça ne suffit (p.9) ».En fait, selon lui, les acteurs ne respecteront les règles s'ils ont un intérêt objectif à jouer le jeu collectif, même si cela a un coût à court terme. Ce sera le cas si les règles sont légitimes et réalistes, s'il y a des avantages objectifs à les respecter.

Des interrogations se posent alors quant au respect par les populations locales des règles issues du POAS. Car on peut dire qu'il n'y a vraiment pas une forte adhésion idéologique pour reprendre l'expression de Delville. L'analyse de la situation permet de craindre un échec par rapport à l'application de la convention locale. Nous y reviendrons plus tard. Signalons seulement que l'approbation du POAS par le sous-préfet de Kounkané date de juin 2012, période assez courte pour évaluer ses impacts dans le cadre de la gestion des ressources naturelles. D'ailleurs, il est prévu une période test de 2 ans pour l'application du POAS.

Au total, ces sont les différentes actions qui ont été menées pour faire face à la dégradation des ressources forestières dans la communauté rurale de Kandia. Mais interrogeons nous sur la portée de ces différentes initiatives pour essayer de ressortir les limites éventuelles.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci