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Quelle place pour la psychologie dans une culture traditionnelle africaine ?

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par Manon Le Flour
Institut Catholique de Paris - DU Solidarités Internationales : action solidaire et dialogue interculturel 2016
  

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Conclusion

Nous voilà à la fin de ce travail qui a pour objectif de répondre à la question suivante :

Quelle place pour la psychologie dans une culture traditionnelle africaine ?

Afin de répondre à cette large question, nous avons réduit notre champ d'étude à la République du Congo, pays dans lequel j'ai passé mon service civique et travaillé au sein des centres de santé intégrés. Le Congo-Brazzaville, comme nous l'avons vu, a une culture traditionnelle africaine. Cette culture est largement empreinte des religions animistes, où les sorciers, les génies et les ancêtres jouent un rôle important au sein de la société.

La psychologie, science d'origine occidentale, est liée à la santé mentale de l'individu. Il a été essentiel de définir la santé mentale au coeur de ce sujet de recherche afin d'en délimiter le cadre. Pour cela nous nous sommes appuyés sur les travaux de l'OMS, précurseur en termes de réflexion autour de la santé mentale. Ainsi depuis une dizaine d'année, la santé mentale est au coeur des préoccupations actuelles dans les organisations internationales.

La société congolaise a la particularité d'offrir plusieurs choix de recours thérapeutiques, et ce d'autant plus avec l'urbanisation du pays au cours des dernières années. L'itinéraire thérapeutique le plus courant dans les années 1980 a servi de squelette au plan de ce travail.

La première partie de ce travail a permis de faire le point sur la réalité congolaise d'un point de vue économique, démographique et politique, afin de mieux cerner les problématiques actuelles présentes dans ce pays.

Nous avons donc consacré la deuxième partie de ce travail à la culture traditionnelle africaine et ses particularités et donc à la médecine traditionnelle qui a longtemps été utilisée et qui encore aujourd'hui a une importance certaine.

La troisième partie de ce travail a porté sur la sphère religieuse, qui a connu une expansion incroyable au cours des dernières décennies et qui joue également un rôle majeur dans la prise en charge des malades au Congo-Brazzaville.

Enfin, la dernière partie a été consacrée à la prise en charge des troubles mentaux par les institutions médicales et psychiatriques présentes dans le pays depuis peu.

La question de base était de savoir si la psychologie, d'origine occidentale, pouvait s'adapter à une culture complètement différente comme les cultures traditionnelles africaines. Pour nombre d'entre nous, la psychologie est avant tout universelle comme nous l'a dit le

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psychologue congolais Monsieur Raymond Sita rencontré en entretien à Brazzaville. L'être humain, quelque soit son origine, est animé par les mêmes pulsions, les mêmes mécanismes physiologiques et psychologiques. Cependant, il est tout de même marqué par sa culture dans laquelle il évolue depuis sa naissance, et peut-être même avant. La culture joue un rôle important sur la personne, elle le modèle, elle lui inculque les valeurs et les normes qu'il doit intégrer. Comme nous l'avons vu, la culture traditionnelle africaine est particulière, avec ses codes à elle et l'importance de la religion traditionnelle très présente encore de nos jours. De ce fait, beaucoup de symptômes sont directement associés à des phénomènes de sorcellerie.

Malgré tout, les troubles psychiques présents en Afrique ont de nombreux points communs avec ceux de l'occident. Ils ne s'expriment pas tous de la même manière mais les mécanismes sous-jacents sont similaires. De ce fait, les psychologues et psychiatres présents pratiquent donc les théories qu'ils ont apprises lors de leurs études à l'étranger. C'est le cas du psychiatre Paul Gandou et du psychologue Michel N'Zalamou qui pratiquent les thérapies cognitivo comportementales. A travers leurs témoignages, ils m'ont montré la pertinence de ces théories et la possibilité de les mettre en pratique au Congo ainsi que leur efficacité. Chacun des grands courants peut alors trouver une accroche dans les cultures traditionnelles africaines. Ce qui est important c'est de prendre le temps de connaître l'autre, de comprendre son fonctionnement et de prendre en compte ses représentations. Cette notion avait déjà été abordée à la formation de départ Intercordia par Gilles Le Cardinal. Les représentations sont au coeur des relations interculturelles et rejoignent les dogmes théoriques de certains courants de pensée comme l'éthnopsychiatrie.

Il est également nécessaire de prendre le temps. Le temps, pour un psychologue occidental arrivant dans un pays africain pour pratiquer, de découvrir son environnement, de découvrir ses collègues, de découvrir la population et d'essayer de comprendre. Nous l'avons évoqué, le temps en Afrique est très élastique, et c'est le cas pour cette prise de contact. Il ne faut pas trop brusquer les choses afin de favoriser l'alliance thérapeutique. Peut-être est-il préférable de « perdre » un peu de temps au début, afin de construire des bases solides, quitte à ne pas répondre aux demandes d'efficacité des institutions ou des sièges d'ONG se trouvant en occident. J'ai souvent évoqué cette notion de temps dans mes rapports d'étonnement, j'ai également abordé ce temps d'adaptation avec les patients, avec les collègues.

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J'avais alors cité un passage du célèbre livre d'Antoine de Saint-Exupéry (1943)60 qui à mon sens résume bien l'approche à adopter :

« C'est alors qu'apparut le renard .
· [...]

- Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste.

- Je ne puis jouer avec toi dit le renard, je ne suis pas apprivoisé.

- Ah ! pardon, fit le petit prince.

Mais après réflexion, il ajouta .
·

- Qu'est ce que signifie "apprivoiser" ?

[...]

- C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens"... »

A. de Saint-Exupéry, 1943, p. 66-68

La prise en charge de la santé mentale est donc actuellement au coeur des préoccupations dans la communauté internationale et de plus en plus présente en République du Congo. Comme nous l'avons vu précédemment, dans les années 1980, l'itinéraire thérapeutique dominant était :

Apparition des troubles - Consultation du tradithérapeute

Si persistance des troubles - Consultation du pasteur / prêtre

Si persistance des troubles - Consultation du médecin / psychiatre

Les entretiens avec les psychologues et psychiatre rencontrés, ainsi que les analyses et les articles existants, nous a permis de nous rendre compte d'un changement au fil des dernières années. En effet, avec l'expansion des sphères religieuses à la sortie des guerres civiles, ces dernières prennent de plus en plus de place dans la société congolaise.

De ce fait, à l'heure d'aujourd'hui, les personnes qui souffrent de troubles mentaux et leurs familles vont avoir tendance à se diriger en premier vers leurs paroisses afin de consulter le pasteur ou le prêtre. Ce dernier a pour mission de désenvoûter le malade comme nous avons pu le voir. Il existe donc des centres prières qui accueillent les malades, dans des conditions plus ou moins difficiles. Ainsi, aujourd'hui l'itinéraire thérapeutique dominant prend cette forme :

Apparition des troubles - Consultation du pasteur / prêtre

Si persistance des troubles - Consultation du médecin / psychiatre

Si persistance des troubles - Consultation du tradithérapeute

60 de Saint-Exupéry, A. (1943). Le Petit Prince. Paris : Gallimard

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Cette recherche nous permet de voir que la psychologie a une place cohérente au sein des cultures traditionnelle africaine, et plus particulière en République du Congo. Elle est de plus en plus utilisée par les ONG internationales au sein de différents programmes d'aide aux populations vulnérables suite à conflits armées, aux catastrophes naturelles, aux difficultés économiques. Mais également de plus en plus présente au sein des pays. Le Congo-Brazzaville propose dorénavant une formation universitaire afin de diplômer des psychologues cliniciens. Cependant, des efforts sont encore à fournir, au niveau de la qualité de la formation mais également de la communication entre les différentes institutions afin de sensibiliser la population aux problématiques de santé mentale.

Pour cela, le gouvernement doit prendre part aux réformes, doit s'investir et investir dans cette dimension de la santé. Il doit donner les moyens aux acteurs pour prendre en charge correctement les malades.

Le psychiatre Paul Gandou est confiant, les choses vont s'améliorer et l'itinéraire thérapeutique va encore se modifier en faveur des institutions psychiatriques. Il devrait alors prendre la forme suivante :

Apparition des troubles - Consultation du médecin / psychiatre Si persistance des troubles - Consultation du pasteur / prêtre Si persistance des troubles - Consultation du tradithérapeute

Cela ne veut pas dire que la population locale abandonne son identité, sa culture, ce qu'elle est, et ce d'autant plus que la psychologie et la psychiatrie respecte cette dimension traditionnelle. Elles s'adaptent aux représentations collectives, aux représentations individuelles de chaque patient. Il est essentiel que chaque pratique réponde à une certaine éthique enseignée. C'est également pour cette raison qu'il est essentiel que le domaine de la santé mental soit régi par une législation et un code de déontologie afin de prévenir les excès. Comme nous l'avons vu, des premiers textes ont été écrits pour une législation de la santé mentale par l'OMS (2005) et des actions naissent petit à petit au sein des pays comme c'est le cas au Congo-Brazzaville avec l'organisation de la première journée de « Psychologie et de Santé Publique ».

Il y a donc quelque chose qui se met en mouvement, petit à petit, des mesures qui favorisent le développement des institutions psychiatriques afin de prendre en charge les

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personnes atteintes de troubles mentaux. La République du Congo est un pays qui s'est enrichi grâce au pétrole et qui possède actuellement un PIB important. C'est donc un pays qui a les moyens de mettre en place des réformes, de construire des centres de prise en charge répondant aux critères européens, de fournir les psychotropes nécessaire. Mais c'est également une société qui fonctionne à deux vitesses. En effet, d'un côté nous avons la population favorisée, proche des ministères la plupart du temps et qui possèdent une grosse partie du pays. De l'autre, une population qui rencontre de nombreuses difficultés pour se nourrir, se vêtir, se déplacer et également se soigner. La classe moyenne n'existe pas réellement au Congo. Etant donné l'existence d'un lien de causalité entre la pauvreté et les troubles mentaux, c'est également cette classe de la population qui a besoin d'être sensibilisée aux problématiques de santé mentale, d'avoir accès aux soins psychiatriques si nécessaire et également aux psychotropes.

La question est donc maintenant de savoir si le gouvernement va prendre ses responsabilités et s'investir réellement pour améliorer le service de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ?

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon