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Quelle place pour la psychologie dans une culture traditionnelle africaine ?

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par Manon Le Flour
Institut Catholique de Paris - DU Solidarités Internationales : action solidaire et dialogue interculturel 2016
  

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3. Les politiques de santé publique en termes de santé mentale

Comme nous l'avons vu précédemment, la santé mentale est au coeur des nouvelles préoccupations gouvernementales en termes de santé. Cependant, les troubles mentaux ont longtemps été pris en charge par les médecines traditionnelles et encore aujourd'hui. Comme l'écrit Kastler (2011, p.172) dans son article, « les malade sont souvent considérés comme « possédés » par l'esprit des ancêtres ou agressés par la sorcellerie. Cela entraine des réponses inadaptées et contribue à stigmatiser ceux qui souffrent de maladies mentales. Ce sont les guérisseurs et les dirigeants religieux qui sont ainsi amenés à traiter les maladies mentales en raison de l'influence de la tradition et du manque d'infrastructures adéquates ». Ce dernier point que Kastler (2011) évoque est important et primordial€ dans la compréhension de la prise en charge en santé mentale.

a Basé sur les informations communiquées par 181 Etats Membres bBasé sur les informations communi uées ar 160 Etats Membres

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Figure 3 : Présence de politiques et de législation de santé mentale, pourcentage d'Etats Membres par Région, OMS

2000

L'OMS (2001) fait un état des lieux de la situation actuelle. De nombreux pays du sud ne disposent pas de politiques de santé mentale, ni même de législation alors que ces dernières sont essentielles afin de protéger les personnes vulnérables. Comme nous pouvons le voir sur les figures, en Afrique, dans 52% des cas, les politiques de santé mentale n'existent pas. Cependant, nous pouvons remarquer que dans 59% des cas, une législation de santé mentale existe dans le pays.

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De plus, les pays d'Afrique sont confrontés à l'absence de structures et de personnel pour prendre en charge correctement ces malades. En effet, comme le précise Kastler (2011) qui s'appuie sur les chiffres de l'OMS (2001), nous comptons un psychiatre pour 5 millions d'habitants. A comparaison, en Europe, il y a un psychiatre pour 1000 personnes. La République du Congo n'est pas la dernière du classement mais est loin des standards européens. Dans tout le pays qui compte 4 millions d'habitants, il y a quatre psychiatres. Deux d'entre eux officient au Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville, dont le docteur Paul Gandou que j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises ; un psychiatre intervient à l'hôpital militaire de Brazzaville ; un psychiatre à Pointe-Noire (capitale économique du pays). Il y a aussi un psychiatre retraité qui officie en libéral pour soulager les services psychiatriques surchargés lorsque cela est nécessaire. Tous ces psychiatres ont été formés à l'étranger avant de revenir pratiquer au Congo puisque l'université Marien N'Gouabi ne propose pas le cursus adapté. Cela met en avant la première faiblesse du système : la formation des professionnels de santé spécialisés en santé mentale. Afin de répondre aux besoins des populations il semble essentiel de renforcer la formation du personnel pour mieux prendre en charge les malades.

Sarah Sauneron (2011)57 consacre un article à un phénomène important en Afrique : la fuite des cerveaux. Chen et ses collaborateurs (2004)58 estime qu'il manque 4 millions de professionnels médicaux dans les pays les plus pauvres. Ce constat est le même quelques années plus tard. L'OMS (2006)59 évoque une situation extrêmement préoccupante avec 57 pays en manque important de personnel de santé, dont de nombreux en Afrique. Cela est d'autant plus inquiétant que l'OMS (2006) évalue que 20% des personnes malades se trouvent en Afrique, alors que ce continent ne compte seulement que 4% des agents de santé. Il existe donc bel et bien une pénurie de personnel médical dans les différents pays qui peut être expliquée par plusieurs facteurs. Sauneron (2011) différencie les facteurs de départ et les facteurs d'attraction pour expliquer ce phénomène important. Les facteurs de départ sont donc ceux qui motivent les professionnels à quitter leur pays afin d'émigrer dans un nouveau, ce sont des facteurs propres au pays. Les plus récurrents sont les conditions de travail et les

57 Sauneron, S. (2011). « La migration des médecins africains vers les pays développés ». Santé internationale : Les enjeux de santeì au Sud. Paris : Presses de Science Po, 207-213

58 Chen, L. & all. (2004). « Human ressources for health: overcoming the crisis », The Lancet, 364 (9449), p.1984-1990

59 Organisation Mondiale de la Santé Mentale (2006). Travailler ensemble pour la santé. Rapport sur la santé dans le monde. Bibliothèque de l'OMS

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difficultés rencontrées, l'instabilité politique et économique du pays et enfin l'absence de valorisation. En revanche, les facteurs d'attraction sont liés au pays d'accueil et à ce qu'il offre de meilleur, comme un salaire plus attrayant, des meilleures conditions d'éducation pour les enfants de la famille ou encore des possibilités de promotion professionnelle. Ces facteurs associés il est tout à fait possible de comprendre la décision des médecins d'émigrer vers d'autres pays.

Afin d'éviter la fuite des cerveaux, plusieurs solutions sont possibles. Les organisations internationales s'accordent sur la nécessité d'agir de manière coordonnée et rapidement. L'une des premières solutions envisagées est de financer les pays africains formateurs afin de favoriser l'éducation, mais également pour compenser le manque à gagner de ces départs. La seconde action est d'instaurer des codes de recrutement éthiques étant donné que certains pays mènent des politiques de recrutements qui poussent à l'émigration de ces médecins africains. Il existe donc huit documents internationaux pour encourager le recrutement international éthique de personnel de santé. Ces textes sont intéressants mais ils n'ont qu'une marge d'action limitée car ils ne sont pas obligatoires. Enfin, une autre solution possible est la mise en place de mesures de restriction (services obligatoires, etc.) dans les pays à forte émigration. Tout cela étant très compliqué, les institutions internationales mettent en avant la migration circulaire. Cette migration consiste à voir les médecins revenir au pays après leur formation. Ainsi, « l'objectif n'est donc pas d'empêcher la circulation entre le Nord et le Sud mais bien d'inciter les médecins à revenir dans leurs pays » (Sauneron, 2011, 210).

Il faut donc améliorer plusieurs dimensions afin de voir la fuite des cerveaux ralentir. Travailler sur les politiques de recrutements est essentiel, mais il est également important d'essayer de réduire les facteurs de départ afin d'inciter les médecins à rester dans leur pays d'origine.

Au Congo-Brazzaville, il y a de plus en plus de psychologues, et plus particulièrement de psychologues cliniciens. En effet, l'université Marien N'Gouabi forme des psychologues généraux depuis les années 1980 et a ajouté à son offre de formation la psychologie clinique depuis plusieurs années. Le métier est petit à petit en train de se démocratiser et de faire sa place dans la société. Cependant, il est encore très rare de trouver des cabinets libéraux ouverts au public. Les psychologues formés ont longtemps essentiellement travaillé dans les administrations, comme c'était le cas pour Monsieur Raymond Sita rencontré en entretien. Depuis peu, les psychologues font leur entrée dans les services des hôpitaux du pays. Il y a donc désormais une psychologue dans le service psychiatrique qui travaille au côté des deux

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psychiatres. Egalement il y a des psychologues dans les services de neurologie et de cardiologie afin de prendre en charge le stress. Beaucoup d'entre eux sont également engagés par les ONG internationale (Terre Sans Frontière, Croix Rouge Française, etc.) afin d'intervenir sur les programmes spécialisés comme la prise en charge des personnes vivant avec le VIH ou des réfugiés au nord du pays par exemple.

Au cours de mon expérience au Congo, j'ai eu l'occasion d'assister à la première journée de la « Psychologie et de la Santé Publique » le 12 mai 2016. Cette journée a été organisée à l'initiative du département de la psychologie et du département de la santé publique de l'université Marien N'Gouabi de Brazzaville. Le thème principal, « Pathologie Psychosomatique et Psychotraumatique » a donné lieu à plusieurs conférences. Son objectif principal a été de créer du lien entre ces deux départements et le CHU de Brazzaville qui a accueilli cet événement. Le partenariat avec le CHU est essentiel car il y a une demande pour la présence des psychologues au sein des différents services. Ce qui créerait un lieu ou les étudiants pourraient effectuer leurs stages universitaires et pratiquent pour la première fois encadrés par un tuteur. La salle était pleine à craquer. Des médecins, des psychiatres, des psychologues et de nombreux étudiants ont assisté à des conférences plus intéressantes les unes que les autres. En plus des conférences, des débats se sont tenus afin d'évoquer les problèmes de législation inexistante au Congo-Brazzaville, et l'absence de déontologie. La fin de journée a été consacrée à la création d'un code de déontologie afin de mieux définir la pratique des psychologues.

Selon le docteur Paul Gandou, le plus gros problème à Brazzaville c'est que tout le monde fait ses choses dans son coin, qu'il n'y a pas de communication entre les différentes institutions. Les ONG travaillent dans leur coin, le système judiciaire aussi et fait appel aux psychiatres lorsqu'ils en ont besoin. Les psychologues font de même et travaillent là où ils le peuvent.

Un autre problème est la présence de personnes non qualifiées à la tête de certains gouvernements, comme celui qui prend en charge la problématique de la santé mentale. Depuis son investiture à la tête du ministère de la santé mentale, ce ministre n'a encore jamais mis les pieds dans le service de psychiatrie de la ville. Et comme le souligne Dr Gandou, si le ministre ne se déplace pas dans le lieu de référence de la prise en charge de la maladie mentale, les réformes ne vont pas pouvoir se faire, ou du moins seront inadaptées. Comme il n'y a pas de politiques existantes sur la santé mentale, il ne peut pas y avoir de moyens attribués et donc il est impossible de faire la promotion de la santé mentale et de ses

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problématiques. Il est donc difficile pour les individus d'avoir accès à l'information et donc au soin psychiatrique si nécessaire.

De plus, étant donné que le service de psychiatrie est rattaché au CHU de la ville, ils n'ont qu'une très faible liberté de mouvement sur certains choix importants (budget, aménagement, etc.). Le CHU prend en charge le service de psychiatrie comme un autre service, ce qui n'est pas adapté à la demande réelle.

Cette journée montre que les choses sont en train de bouger petit à petit. Que le pays est en train de prendre conscience de l'importance de la prise en charge de la santé mentale et de la nécessité de former son personnel médical. Au fil des années, les lieux de soins des troubles mentaux sont de plus en plus visibles et accessibles aux malades. Ainsi, les réformes sont petit à petit mises en place dans le pays afin de voir une amélioration de la prise en charge de ces malades. Au fil des dernières décennies, des changements ont déjà pu être constatés, ce qui est encourageant pour la suite.

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