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Les dispositifs d'encadrement du public du parc des Princes et leurs effets.

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par Mathieu Kerrien
Université Paris-Est Marne-la-Vallée - Master Espaces, Sociétés et Territoires 2014
  

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Mathieu Kerrien

Mémoire de première année en

Master "Espaces, Sociétés et Territoires"

 
 

2014 - 2015

 
 
 

LES DISPOSITIFS D'ENCADREMENT D

PUBLIC DU PARC DES PRINCES ET

LEURS EFFETS

Encadrants:

- Pauline Guinard

Maitre de Conférences en géographie à l'ENS.

- Matthieu Giroud

Maitre de Conférences en géographie à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée.

Un stade aseptisé pour un public pacifié ?

Université Paris-Est Marne-la-Vallée

1

Remerciements

Tout d'abord, je me dois de remercier Madame GUINARD et Monsieur GIROUD, mes encadrants qui m'ont régulièrement suivi et qui n'ont pas hésité à me corriger quand il le fallait.

Je tiens également à remercier Alexandre, Chakib, Félicie, Maxime, mes partenaires de bibliothèque, Amandine, Jérôme, Laura et Romain pour leur soutien et l'aide à la relecture, Benjamin, pour son aide à la cartographie et Guillaume pour son appui, son éclairage et son expérience en tant que supporter.

Je tiens enfin à remercier les personnes avec qui je me suis entretenu dans le cadre de ce travail.

2

Table des matières

Remerciements 1

Introduction 4

Pourquoi et comment en suis-je arrivé à vouloir étudier les supporters du PSG ? 4

Etat de l'art 6

Les supporters du PSG au sein d'un contexte multiscalaire 14

Une enquête sur les usages et les représentations des « nouveaux » supporters du PSG ? 18

Terrain et système d'enquête 21

Première partie - Les nouveaux dispositifs d'encadrement au Parc des Princes 28

I. En amont du Parc des Princes, un filtrage renforcé du public 28

1. Le fichage de l'ensemble du public parisien présent au Parc des Princes 28

2. Une exclusion économique ? 32

3. Une politique internationale au Parc des Princes 33

4. La mise en place d'un système de placement aléatoire pour contrer les regroupements 35

II. Une sécurité optimisée au profit d'une mobilité fluidifiée 36

1. Spécialisation des missions sécuritaires 36

2. Le cas des « matchs à risque » : la sectorisation des alentours du Parc des Princes plus

marquée et plus efficace 37

3. Fluidification des flux et sécurité dissimulée 38

4. La sectorisation interne du Parc des Princes 40

5. La flexibilité des agents de sécurité entre immobilité et mobilité 42

6. Une sécurité renforcée par des appareils de hautes technologies 43

III. Le Parc des Princes, sécuritaire et ludique : un espace aseptisé 45

1. Des modifications du règlement intérieur pour modérer les comportements des supporters

45

2. Le Parc des Princes, un espace mis en scène 49

Deuxième partie - Le public parisien face aux dispositifs d'encadrement : diversité des formes

d'adaptation et résistance 54

I. Une normalisation des comportements 56

1. Normalisation à l'extérieur du stade : l'exemple du « Parvis » 56

2. Normalisation à l'intérieur du stade : un public de supporters subalternes ? 60

II. Des actes de résistances face à la politique du club 64

1. « Y'a pas de tifos » 64

3

2. La tribune Auteuil scindée en deux 66

III. Des pratiques spatiales et des représentations différenciées au sein d'une même tribune :

des rapports pluriels à la normalisation des comportements à l'intérieur du stade 69

1. Une mobilité différenciée des publics dans le stade 69

2. La gestuelle expressive des fans contre la passivité des spectateurs 70

3. La confrontation de visions différentes du spectacle 71

Conclusion 78

Annexes 82

Table des abréviations 82

Lexique 84

Cartographie 86

Tableau récapitulatif des entretiens 92

Grille d'entretien 94

Bibliographie 103

4

Introduction

Pourquoi et comment en suis-je arrivé à vouloir étudier les supporters du PSG ?

Ma passion pour le football a commencé à se développer très tôt grâce à mon environnement familial et scolaire.

Mes camarades de classe et moi pratiquions les mêmes activités dans les mêmes espaces : école, centre aéré, stade municipal, gymnase, club de football, etc. Le football constituait alors notre activité principale : on y jouait presque tous les jours.

De plus, dès mes 5 ans, j'ai pu aller voir des matchs de football professionnel avec mon père et mon grand frère. Je me souviens d'un match PSG - Brest en 1997, un France - Croatie en 1999 ou encore du match entre le Red Star et l'Olympique Lyonnais (OL) pour le compte de la Coupe de France 2000. Les souvenirs précis que je garde de ces rencontres sont essentiellement des images, des bruits et des odeurs de tribunes et non du terrain de jeu. Tout en faisant attention au piège de la mémoire sélective, je m'aperçois aujourd'hui que dès mon enfance, j'avais un attrait pour les supporters.

Je fus notamment très impressionné par le comportement d'un supporter du Red Star. Lorsque cette équipe menait au score contre Lyon, club de première division, le supporter en question chantait joyeusement. Suite à la défaite inattendue de son équipe en toute fin de match, il semblait n'avoir aucune gêne à invectiver debout son équipe, tout seul au milieu d'une foule calme et assise. Il contrastait tant par son propre changement de comportement que par la rupture engendrée vis-à-vis de la tribune toute entière. Son comportement véhément (il a détaché son siège et l'a jeté sur la pelouse) soulignait fortement l'opposition entre deux manières de se comporter face à un même spectacle.

A mon entrée au lycée, je m'intéresse de plus en plus au supporterisme. Je me souviens avoir beaucoup aimé lire un livre en particulier : Génération supporters1 écrit par le journaliste Philippe Broussard. C'est une synthèse d'enquêtes de terrain du journaliste effectuées auprès de plusieurs groupes de supporters en Europe, dont la tribune Boulogne du Parc des Princes.

En plus de conforter ma passion pour le football, cette lecture m'a permis de développer un nouveau regard sur cette activité. Je me suis alors rendu compte que le sport, et le football dans ce cas précis, constituait un support d'analyse parmi tant d'autres pour comprendre une société. Cette thématique m'a aidé à affirmer un esprit critique.

Passionné par le football et grand amateur du PSG, je développe donc une curiosité et une certaine attirance pour les tribunes de football. Ces allers et retours entre les matchs du PSG et

1 Broussard P., Génération supporters, Robert Laffont, 16 octobre 1990, 376 pages.

5

le suivi de l'actualité de ses supporters (notamment grâce à l'intermédiaire des blogs sur internet) m'ont peu à peu converti en fan.

J'émets deux hypothèses qui pourraient expliquer l'affection que j'ai commencé à porter pour cette équipe au lycée.

D'une part en raison de son statut sportif : il s'agissait du seul club francilien évoluant à un haut niveau national. A la fin des années 2000, il rencontre d'importantes difficultés sportives, se situe au fond du classement de Ligue 1 et échappe par deux fois à la relégation en division inférieure. Ceci aurait pu constituer un drame pour l'unique club de la capitale française placée à ce niveau de compétition.

D'autre part, sa situation extra-sportive à la fin des années 2000 place ce club au centre d'un débat sociétal sans précédent en France. Le 28 février 2010, des supporters du PSG des deux « virages »2 Auteuil et Boulogne s'affrontent violemment. Quelques jours après ces incidents, un supporter parisien meurt suites à la gravité de ses blessures. Cet évènement vient marquer des années de montées de tensions. Le PSG était alors un sujet d'actualité sportive et extra-sportive.

L'année 2010 fut l'opportunité de me confronter à ce milieu. Elève en classe de terminal, je me lie d'amitié avec un camarade de classe abonné au PSG. Grâce à un contrôle alors laxiste à l'entrée du stade, il est facile de rentrer au Parc des Princes en empruntant la carte d'abonnement d'un autre abonné. Je me rends cette année-là plusieurs fois au stade gratuitement au sein des Authentiks, association de supporters organisés dissoute depuis. Ce fut l'opportunité de me confronter à une réalité fantasmée.

C'est le déclic : je veux m'abonner également. Cependant, des affrontements criminels de quelques supporters ont conduit à la mise en place du « plan Leproux » en 2010 avec deux mesures principales : la dissolution de toutes les associations de supporters et la suspension des systèmes d'abonnement. Cette initiative a d'ailleurs conduit à l'élaboration d'un documentaire réalisé en 2013 par William S. Touitou et Jérôme Benadiner, très relayé dans le monde des supporters : Le Parc3. Il décrit l'ambiance vécue et ressentie au Parc des Princes avant la mise en place du plan de sécurité. La forme elliptique de l'enceinte associée à sa construction bétonnée produisent la singularité de ce stade. Comme l'écrit le journaliste Jérôme Latta, « scellé dans le tissu urbain qu'il domine, le Parc surgit au détour de la rue, jamais visible d'un seul tenant. Et on le reconnait entre milles stades »4. Afin de rendre «hommage et de sensibiliser à la cause ultra et à la disparition du football populaire »5, la parole est donnée à différents acteurs du Parc des Princes. Parmi ceux-ci, on entend le point

2 Le virage est le surnom donné aux tribunes situées derrière les buts. Ce surnom fait référence aux virages de la piste utilisée par les coureurs cyclistes.

3 Whenwewerekids (Touitou W S., Bendadiner J.,), Le Parc, 70 min, 2013. URL: https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA

4 Latta J., « Faudra-t-il sauver le Parc des Princes », Une balle dans le pied, 24 janvier 2012, disponible sur http://latta.blog.lemonde.fr/

5 Propos de Jérôme Bénadiner, recueillis par F.V. Cette Interview a été rendue publique le 10 avril 2013.

URL : http://www.lamontagne.fr/auvergne/sports/actualite/football/2013/04/10/jerome-benadiner-pourquoi-je-ne-vais-plus-au-stade_1509879.html

6

de vue de leaders d'anciennes associations de supporters, de joueurs historiques du PSG (Pauleta ou Rai) ou encore de journalistes spécialisés comme Philippe Broussard ou Daniel Riolo, et enfin, de chercheurs spécialisés sur les supporters dont le sociologue Nicolas Hourcade. On apprend que d'anciens abonnés dont le producteur Jérôme Benadiner ne voulaient plus venir au stade car selon eux, l'identité du club a trop changé au moment de l'arrivée d'un nouvel investisseur. Ainsi, ce film disponible sur internet relie l'histoire du Parc des Princes à celle du PSG et ses supporters.

A l'été 2011, un an après le « Plan Leproux », le fond d'investissement Qatar Sports Investiments (QSI) rachète le PSG et le propulse dans une nouvelle ère économique, médiatique et sportive.

Une nouvelle page de l'histoire du club commence alors, qui se traduit par le rétablissement des systèmes d'abonnement. Je choisis de m'abonner au Parc des Princes. Cet abonnement m'a donné un accès illimité à la tribune Auteuil au niveau de la porte I, ce qui a facilité cette étude (voir document 1 en partie annexe). J'ai pu donc vivre l'expérience de l'intérieur et accéder à mon terrain sans difficulté.

Cette année scolaire fut ma quatrième année en tant qu'abonné au Parc des Princes. Ainsi, mon travail universitaire s'appuie également sur les trois années précédentes. Celles-ci m'ont permises d'avoir dans un premier temps une opinion personnelle sur cet espace et sur les supporters. Puis, cette opinion s'est transformée en hypothèses de recherches. Il s'en est suivi une évolution de mon positionnement lorsque j'allais au stade. En effet, je n'étais plus un simple supporter mais également un étudiant curieux et attentif. Cette étude de terrain plus poussée qu'à l'origine, combinée à de nombreuses lectures m'ont permis de proposer une analyse sur les pratiques des supporters du PSG au Parc des Princes. Par conséquent, mes lectures sur le sport et le football en sciences humaines et plus particulièrement en géographie, associées à mon expérience de terrain, m'ont permis de me situer par rapport à mon champ de recherche.

Etat de l'art

Les chercheurs en sciences sociales sont conscients depuis plusieurs décennies de l'impact croissant du sport sur les populations. Certains auteurs comme le sociologue Norbert Elias ont notamment parlé de « sportification des sociétés »6. Le succès du sport apparait alors comme un des symboles de l'évolution des sociétés. Un indice permet de le montrer : aujourd'hui, il existe des chaines de télévision, gratuites comme L'équipe 21 et payantes comme Bein Sport, qui consacrent 100% de leur temps d'antenne au sport. Cette médiatisation a participé à la

6 Elias N., « Sport et violence », Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°6, décembre 1976. Le sport, l'Etat et la violence, pages 2-21.

La citation est à la page 3.

7

construction du sport comme nouvel objet d'étude. De ce fait, le sport en général, les stades de football et les supporters en particulier sont de plus en plus étudiés par les chercheurs en sciences sociales.

Concernant les stades, l'historiographie a montré que leur architecture a toujours su se diversifier (en termes de style et de matériaux utilisés) tout en imposant leur présence à l'environnement urbain occidental. Comme l'a indiqué le géographe Jean-Pierre Augustin7, les constructions d'équipements sportifs se sont multipliées au cours du XXe siècle jusqu'à devenir des éléments urbains indispensables. En effet, aujourd'hui, au même titre qu'un opéra ou une cathédrale, un stade devient un lieu incontournable pour manifester la grandeur d'une ville ou d'un territoire : il symbolise « l'hygiène, la santé et la morale »8 tout en conservant des représentations symboliques d'ordre et de puissance.

En 2011, l'ethnologue belge Gérard Derèze, spécialiste en communication, s'est intéressé à la construction d'un stade comme un lieu socialement commun et partagé9. Dans cet article, il établit une chronologie. Les premiers stades datent de l'Antiquité grecque. A cette époque, ils pouvaient être délimités par des barrières naturelles avec le rassemblement des foules sur des pentes naturelles ou bien par simples talus artificiels. Puis, dès la fin du XIXe siècle, la construction des stades se diffuse au point de devenir un phénomène mondial. Peu à peu, ils répondent à de nouvelles demandes en termes de construction. Les pionniers en la matière sont les Anglais. Pour améliorer le confort et la visibilité des spectateurs, on installe en Angleterre les premiers systèmes d'éclairage dans les années 1950. Puis, à partir des années 1970, on installe des sièges individuels dans chaque tribune du stade pour éviter l'entassement du public debout. Mais les grands changements interviennent bien plus tôt, au tout début du XXe siècle : de plus en plus fermés et cloitrés, les stades sont mercantilisés. Cette nouvelle organisation permet le contrôle et le paiement des entrées. Aujourd'hui, la prise de conscience de la dimension économique du sport étant effective, on voit depuis peu une nouvelle tendance se développer dans les contours des enceintes de football : nombre d'entre eux sont maintenant multifonctionnels. Un stade est aujourd'hui pensé pour être un lieu de vie et un espace financièrement fructueux, y compris en dehors des manifestations sportives. Il tend à s'intégrer aux différents aspects de la vie quotidienne. De nombreux chercheurs, comme Norbert Elias ou l'historien Robert Chartier, semblent d'accord sur l'idée qu'il ne faille pas décontextualiser un stade de football de son ancrage social et spatial. En effet, le sociologue allemand s'est intéressé au sport sur un temps long. Par une étude comparative, il a cherché à comprendre comment le sport moderne a-t-il pu acquérir une telle notoriété. Dans cette démarche, il a montré que l'émergence des activités sportives avait pour corolaire la constitution des Etats-Nations et était donc symptomatique du processus de civilisation10. Eric Dunning, un disciple d'Elias, s'est intéressé aux supporters de football en poursuivant cette

7 Augustin J-P., Géographie du sport. Spatialités contemporaines et mondialisation, Armand Colin, 2007, Paris, 220 pages

8 Augustin J-P., « Aimez-vous encore les stades ? » Urbanisme, n°393, été 2014, Grands stades, en quête d'urbanité, pages 34-37.

9 Derèze G., « Le stade de football. Essai sur la construction sociale et journalistique d'un espace commun. », Études de communication, 1996, mis en ligne le 21 juin 2011, consulté le 18 juin 2015.

URL: http://edc.revues.org/2437

10 Elias N., op cit., décembre 1976.

8

démarche comparatiste. En s'inspirant du contexte ouvrier anglais de la seconde moitié du XXe siècle, ce sociologue explique que les supporters, appartenant aux fractions ouvrières et impliqués dans des actes de violence expriment physiquement une frustration sociale face à la marginalisation de leur situation11. Ainsi, on se rend compte que le sport n'a qu'une autonomie relative à l'intérieur de nos sociétés contemporaines.

Dernièrement, cette façon de concevoir le sport et ses pratiques comme dépendant d'un cadre de vie plus global est perpétuée par des chercheurs français. Nombreux parmi eux s'intéressent au sport pour étudier une société à différentes échelles.

Se rendre régulièrement au stade est une manifestation personnelle de la passion ressentie par un supporter vis-à-vis de son équipe. Ainsi, le stade devient un lieu gravitaire où se polarisent différentes mobilités et différentes façons de d'occuper un même espace. Pascal Charoin, en tant qu'historien du sport et maître de conférences spécialisé dans les sciences et techniques des activités physiques et sportives, a étudié la distinction entre les supporters les plus fervents et le public ordinaire12. Selon ce chercheur, les plus fidèles à leur équipe sont présents dans le stade quelle que soit la conjoncture sportive. Ils vivent le match selon une temporalité particulière : ils se retrouvent longtemps avant et se quittent longtemps après le match. Ainsi, « le rituel débute bien avant la rencontre et perdure bien après elle »13. Cette habitude partagée par bons nombre de fervents supporters est confirmée par l'anthropologue Eric Wittersheim. Dans son livre Supporters du PSG, une enquête dans les tribunes populaires14, l'auteur fait une enquête sur un groupe de jeunes étudiants abonnés à la tribune Boulogne entre 1993 et 1995. A ce moment-là, il porte un intérêt particulier pour les plaisirs quotidiens et populaires. Dans cet ouvrage, il retrace une « soirée typique de supporters, un soir de match au Parc des Princes »15. Celle-ci commence généralement à 18h alors que le coup d'envoi du match est prévu pour 20h30. Cette préparation anticipée s'explique par le désir de se retrouver entre amis avant de pratiquer une passion commune. Cette démonstration permet à l'auteur de mettre en avant la nature collective de l'expérience du stade pour les fervents supporters.

En somme, le stade de football est un lieu où se concrétisent les liens tissés entre une population hétérogène et une équipe de football selon un régime d'attachement caractérisé par des « forces conservatrices » pour reprendre les mots du sociologue allemand Georges Simmel16. Parmi celles-ci, le stade de football, représente le lieu d'activité des joueurs d'une équipe professionnelle et de rassemblement des supporters. Il constitue la ressource matérielle principale en tant qu'espace fédérateur. Cette permanence du lieu concrétise une forme d'adhésion à une ville par l'intermédiaire du sport et de son espace d'activité. En effet, aller

11 Wittersheim E., Genèses, 1996, Volume 23, Numéro 1, pages 164-165.

12 Charroin P., « Attention danger ! Football extrême Contribution à une Sociologie des supporters `Ultras' », revue S.T.A.P.S., Volume 11, n° 23, novembre 1990, pages 19-27.

13 Ibid.

14 Witthersheim E., Supporters du PSG, une enquête dans les tribunes populaires du Parc des Princes, Le bord de l'eau, novembre 2014, 150 pages.

15 Ibid.

La citation est à la page 81.

16 Simmel G., Etude sur les formes de socialisation, 1908 (rééd), 780 pages.

9

régulièrement au stade, c'est entretenir un rapport spécial à la ville en fonction des habitudes, des itinéraires empruntés (route utilisée, place choisie habituellement, station de métro de descente déplacement, pédestre pour rejoindre le stade etc.). Ces « chaines d'opérations »17 répétées personnifient le club en fonction des configurations sociales du public. C'est ainsi que Marion Fontaine a montré en 2010 que le spectacle se nourrit et s'incarne sur une base territoriale en établissant un dialogue avec une communauté imaginée18. En prenant l'exemple de la ville de Lens, elle a montré que dans la première moitié du XXe siècle, des supporters Lensois se rassemblent entre collègues. Dans le cas lensois, les tribunes du stade reflètent l'environnement local. C'est également vrai à Marseille. En effet, Christian Bromberger a démontré que la géographie sociale de la ville de Marseille se reflétait à l'intérieur du Vélodrome19 (stade dans lequel joue l'Olympique de Marseille). En effet, la Tribune Nord rassemble globalement des personnes issues des quartiers populaires du nord de la ville tandis que la tribune Sud accueille plus spécifiquement les personnes en provenance des quartiers résidentielles des arrondissements situés au Sud de Marseille. Par conséquent, que ce soit l'exemple lensois ou marseillais, un stade de football est une « carte de la ville en réduction »20.

Le stade est ainsi l'espace où se réunissent et se croisent des individus aux parcours différents et parfois opposés. Ils ne sont pas forcément côte à côte. En effet, la construction architecturale d'un stade en forme d'ellipse ou de cercle entraine une sensation étrange : dans son champ de vision, on voit le terrain mais aussi les autres tribunes. Ainsi, une personne située dans un virage aura une vision de sa propre situation en observant le second virage situé de l'autre côté du terrain (voir document 1 en annexe). A travers ces deux espaces, on se voit soi-même. Comme l'a présenté Eric Wittersheim, le spectacle footballistique est une activité sportive qui concentre des populations hétérogènes : les « tribunes accueillent toutes sortes d'individus (âge, origine sociale et raciale), le prix des places plus ou moins élevé établissant bien entendu d'importants contrastes de population dans chacune d'entre elles »21. Par ce biais, assister à une manifestation sportive comme un match de football est une manière pour une société de représenter tous les paradoxes qui l'entourent : l'unité, la cohésion, la solidarité mais aussi les divisions et conflits. En ce sens, une tribune est un condensé d'une société. De ce fait, elle est un angle de vision pour observer et comprendre une société. Toutefois, le football est historiquement investi par les classes populaires jusqu'au point où elles semblent dominantes numériquement et sociologiquement. Ainsi, les classes populaires forment le socle dominant des amateurs de football. C'est pourquoi des chercheurs comme Norbert Elias et Eric Dunning se sont penchés sur l'étude des supporters de football en s'intéressant plus particulièrement aux classes populaires22.

17 Dérèze G, op cit., 1996.

18 Fontaine M., Le Racing Club de Lens et les « Gueules noires », essai d'histoire sociale, Paris, Les Indes savantes, 2010, 292 pages.

19 Bromberger C., « Le stade de football: une carte de la ville en réduction », Mappemonde, n°289, 1989, Pages 37-40.

20 Ibid

21 Witthersheim E., op cit, novembre 2014. La citation est aux pages 66-67.

22 Elias N, Dunning E., Sport et civilisation. La violence maitrisée, Paris, Fayard.

10

La littérature anglaise s'est intéressée à ce groupe social que constituent les supporters, bien avant les chercheurs français. Le sport en Angleterre est aujourd'hui plus intégré aux différents moments de la vie quotidienne. C'est pourquoi, en Angleterre, une étude sur le sport en sciences sociales semble plus légitime et les connaissances scientifiques sur le sport sont plus approfondies. L'intérêt des Anglais concernant le sport est donc plus important. Ceci est d'ailleurs confirmé par la couverture médiatique qui lui est consacrée. En Angleterre, il existe plusieurs quotidiens consacrés au sport alors qu'en France, un seul quotidien sportif existe : le journal L'équipe. Le monopole de ce journal consécutif à cette situation a pour conséquence l'absence de voix discordantes en France susceptible de pouvoir proposer une autre vision23.

Dans les années 1970, les premiers travaux anglophones sur le football stigmatisaient le monde des supporters. Ils pointaient du doigt le hooliganisme le considérant comme un objet de curiosité. Peu à peu, les supporters sont devenus un objet d'étude scientifique. Je ne parle pas et ne sais pas lire l'anglais. Par conséquent, je n'ai pu lire aucun travail écrit en anglais lors de cette étude. Compte-tenu du statut britannique dans la littérature sportive internationale, cette barrière linguistique constitue une limite.

L'anthropologue Eric Witthersheim dresse un bilan de l'historiographie française en sciences sociales ayant étudié les praticiens du football.24 A l'intérieur du premier chapitre, « Football et sciences sociales : histoire d'un malentendu »25, cet auteur critique en premier lieu le recours excessif à l'art de la métaphore religieuse. Il y avait alors l'utilisation de « procédé métaphorique nuisant » la « volonté scientifique »26. Parmi ces égarements littéraires, on peut citer l'ethnologue Marc Augé qui écrit en 1982 : « la télévision serait un autel domestique devant lequel on se place pour participer à la célébration d'un même rituel »27. Le fond de la critique réside dans ce cas à l'abus langagier qui ne repose pas sur une enquête empirique.

Puis, les travaux français présentaient le football comme une matière susceptible de détourner le regard des spectateurs de leur propre condition. Alors, ce sport a longtemps été réduit à un spectacle illégitime lors duquel le public serait passif. Parmi ses analyses, E.Witterhseim dénonce l'article du sociologue du sport Michel Caillat intitulé « Une aliénation normalisée »28. Cette thèse, partagée par de nombreux intellectuels comme Bourdieu29, voudrait que le public qui assiste à un spectacle passivement soit en fin de compte asservi, comme endormi. Dans le même esprit, pour le sociologue Henri Lefebvre le spectacle sportif ne serait en réalité qu'une tendance à « participer à l'action et faire du sport par personnes

23 Cochennec Y., «La misère sportive des quotidiens nationaux français », Slate, 24 février 2011. URL : http://www.slate.fr/story/34533/equipe-presse-sport

24 Witthersheim E., op cit., novembre 2014.

25 Ibid.

Le premier chapitre se situe entre les pages 25 et 63.

26 Ibid.

Les citations sont à la page 26.

27 Augé M, « Football. De l'histoire sociale à l'anthropologie religieuse », Le Débat, n°19, 1982, pages 59-67.

28 Caillat M., « Une aliénation normalisée », Le Monde Diplomatique, juin 1994, page 22.

29 Bourdieu P., « Pour une sociologie du sport », Choses dites, Paris, Editions de Minuit, 1987, pages 203 -216.

11

interposées »30. De tels propos semblent représentatifs d'une vision quelque peu réductrice du spectacle sportif dans laquelle les publics ne seraient que des consommateurs passifs uniquement capables d'idolâtrer les stars sans prendre de recul. Le stade serait alors un lieu de fermeture de l'esprit. Comme le mentionne ironiquement E.Wittersheim, si on suit ce mépris pour une culture illégitime, on peut également affirmer que les habitués des salles de cinéma ne sont en réalité que des cinéastes ratés31. Par conséquent, l'anthropologue critique les thèses de dépossession culturelle diffusées dans les sciences sociales françaises.

Toutefois, on ne peut réduire l'ensemble des travaux en sciences sociales françaises à ces analyses. Au contraire, de nouveaux points de vue ont émergé à partir de la fin des années 1980 pour défendre la légitimité du sport en sciences sociales. Parmi ceux-ci on trouve Christian Bromberger. Lors de cette décennie, il a commencé à s'intéresser aux pratiques et aux loisirs de la vie quotidienne. C'est ainsi qu'en 1987, il a commencé à mener des recherches sur le football en raison de la ferveur populaire qui l'entoure32. En 1995, avec la collaboration de A. Hayot et J.-M. Mariottini, il publie Le match de football. Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin. Ce livre33, réédité en 2001 est efficace pour montrer la capacité du football à dévoiler les pratiques quotidiennes, collectives et sentimentales attachées à une passion. En outre, il a influencé d'autres chercheurs comme l'anthropologue E.Witthersheim34 ou le géographe Jean-Pierre Augustin35 pour étudier les sentiments d'appartenances et les antagonismes au sein d'une même société.

Alors qu'en sociologie et en ethnologie, le sport fut régulièrement analysé dès les années 1980, il a fallu attendre les années 1990 pour qu'il soit réellement construit comme un objet à part entière dans la discipline géographique. Les prémices datent de la fin des années 1960 avec notamment les travaux de l'urbaniste Antoine Haumont36. Ce géographe influence encore de nombreux chercheurs dont Jean-Pierre Augustin. Ce dernier explique dans son livre Géographie du sport. Spatialités contemporaines et mondialisation publié en mai 2007 comment le sport façonne nos modes de vies et l'aménagement des villes. L'analyse de « cet idiome mondial »37 en géographie permet alors de révéler les dimensions spatiales des différentes cultures sportives. Sa pratique sur l'ensemble de la planète est riche de diversité. En effet, l'appropriation des activités sportives et de l'espace sur lequel ces dernières se pratiquent sont différenciées selon plusieurs critères. Parmi ceux-ci, il y a par exemple l'histoire du sport en lui-même et la temporalité de sa diffusion dans un lieu donné. En prenant l'exemple du cricket, Jean-Pierre Augustin montre qu'il ne se pratique pas de la

30 Lefebvre H., Critique de la vie quotidienne III, De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien), Editions de l'Arche, 1981.

31 Wittersheim E, op cit, novembre 2014. Ce passage est à la page 37.

32 Bromberger C., « L'Olympique de Marseille, la Juve et le Torino. Variations ethnologiques sur l'engouement populaire pour les clubs et les matchs de football », Esprit, avril 1987, Le nouvel âge du sport, pages 174-195.

33 Bromberger C., Le match de football. Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1995, 406 pages.

34 Witthersheim E, op cit, novembre 2014.

35 Augustin J-P., op cit, été 2014.

36 Haumont A., Les équipements sportifs dans la Région Parisienne, 1969, Paris, ISU/Districts de la Région Parisienne, 205 pages.

37 Augustin, op cit, 2007, 220 pages. La citation est à la page 5.

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même façon en Inde et en Europe. En effet, ce sport s'est diffusé en Inde suite à la conquête coloniale britannique. Ainsi, avec certes des modifications, la pratique du cricket en Inde s'est largement adapté à la pratique anglaise dans un cadre assimilationniste. Ainsi, le géographe montre qu'une société s'approprie une pratique en fonction de sa culture, son histoire et son identité.

D'ailleurs, Jean-Pierre Augustin appuie l'idée que le territoire est modelé par des pratiques identitaires. Le territoire devient ainsi un « médiateur »38 ; Dans ce sens, il montre que les bénéfices du sport en termes de rassemblement collectif et d'épanouissement individuel, engendrent des processus d'identification au territoire à l'intérieur desquels, il devient un « régulateur social »39. L'émergence de ces différents lieux, ré-agence l'espace et ses usages. En découle ainsi de nouveaux rapports à celui-ci et de nouvelles représentations : « on peut parler des territoires qui nous habitent autant que de territoires que nous habitons »40. L'apport d'Augustin sur cette idée consiste à combiner les échelles : la mobilité accélérée et prolongée dans la distance complexifie les rapports à l'espace. Chose appuyée par le fait que de plus en plus de lieux sportifs se transforment en centres sportifs dont l'ambition est d'accueillir plusieurs activités sportives différentes. Pour ces raisons, Augustin évoque la notion de « multiterritorialité »41. Elle pourrait se définir par une appropriation plurielle d'un même espace par différents acteurs. Cette dernière résulterait alors d'une diffusion des cultures sportives.

La démarche de Jean-Pierre Augustin se fonde sur les théories de l'aménagement et les activités culturelles et économiques du sport. La géographie est une science attachée au point de localisation grâce à laquelle on peut étudier les parcours des individus et ainsi évaluer leurs déplacements dans l'espace. Jean-Pierre Augustin s'appuie alors sur les mobilités accélérées des citadins contemporains pour expliciter la notion de médiation territoriale entre les sociétés humaines et les activités sportives. Il démontre que les espaces attribués à la pratique sportive (stade, gymnase municipaux par exemple) se multiplient, se diversifient et s'étendent. Ainsi, on assiste à une extension spatiale progressive des espaces et des équipements dédiés aux pratiques sportives qui entraînent des fréquentations multiples et variées dans des lieux parfois inconnus par ceux qui les fréquentent. Dans mon propre cas, je fréquente régulièrement le XVIe arrondissement de Paris sans autre motif que d'assister aux matchs du PSG. En conséquence, j'ai développé une attache particulière à ce quartier. Ces dialogues répétés entre un espace et l'organisation régulière de compétitions ou activités sportives entraînent une polarisation spatiale des individus concernés par le sport vers ces lieux.

38 Augustin J-P, op cit, 2007, 220 pages. La citation est à la page 10.

39 Ibid.

La citation est à la page 10.

40 Ibid.

La citation est à la page 11.

41 Ibid.

La citation est à la page 11.

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Aujourd'hui les débats sur les identités et les cultures qui s'opposent dominent l'actualité et tendent à renforcer les fractures sociales. Face à ce constat, Jean-Pierre Augustin42 présente le sport comme étant l'un des seuls moteurs capable d'engendrer une émulation collective à l'échelle mondiale. Il constitue alors le premier facteur de rassemblement.

Dernièrement, en s'appuyant sur des enquêtes de terrain, des chercheurs comme Eric Witthersheim43, Marion Fontaine44 ou Bérangère Ginhoux45 mettent en avant la complexité culturelle du supporter de football au sens large. En effet, ils mettent en évidence la quête de visibilité des supporters de football réunis au sein d'associations caractérisées par une organisation interne hiérarchisée. Celles-ci arborent un blason, des couleurs, une identité, emblématique d'une histoire. Une des actions de ces supporters consiste à élargir leur espace d'activité : la ville est le support physique d'une compétition symbolique entre les différentes associations d'une même équipe. Le tout est intégré à une philosophie libertaire : ces associations défendent leur autonomie vis-à-vis du club et une liberté d'expression ce qui renforce la figure démocratique du sport et du spectacle. En effet, selon Marion Fontaine, la professionnalisation du football tend à écarter de plus en plus l'espace social présent entre les différents acteurs du milieu footballistique : les supporters et les joueurs. Ainsi, ces associations de supporters structurent leur propre fonctionnement et organisent leurs propres activités en parallèle à l'institution qu'ils défendent. Le stade serait pour les supporters un lieu de camaraderie où la liberté d'expression - que ce soit en termes de chants, de slogans écrits ou de dessins sur les grandes banderoles - est défendue avec passion. Ces publics manient l'humour et la distanciation ce qui façonne leur esprit critique tout en étant très engagé dans leur démarche. La tribune devient même une base territoriale identitaire aux différents groupes de spectateurs. En référence aux tribunes anglaises, la tribune de football populaire située derrière les buts est alors un espace de concrétisation d'une sous-culture46 où il est possible d'observer « quelques valeurs authentiquement prolétarienne comme l'appartenance à une communauté et le sens du territoire... »47.

Le sociologue Nicolas Hourcade, observateur spécialisé des ultras, appuie les enquêtes des chercheurs cités précédemment48 mais s'intéresse quant à lui aux manières dont sont considérés les supporters de football en France à l'échelon local (par les dirigeants des clubs) et national (par les dirigeants du football français). Dans ses nombreux articles, il déplore la répression sévère mise en place à l'égard des supporters de football au nom de la « tolérance

42 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages.

43 Wittersheim E., op cit., novembre 2014.

44 Fontaine M., op cit., 2010.

45Ginhoux B., « En dehors du stade : l'inscription des supporters « ultras » dans l'espace urbain », Métropolitiques, 13 mai 2015.

URL : http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html

46 Dans le sens de culture imbriquée dans une autre plus large et plus diffuse. Ici, la culture du supporterisme est historiquement reliée à une culture ouvrière.

47 Mignon P., « Supporters et hooligans en Grande Bretagne depuis 1871 », Vingtième siècle. Revue d'histoire, n°26, avril-juin 1990, pages 37-47.

48 Hourcade N., « Hooliganisme : un phénomène pluriel », La Revue Internationale et Stratégique, no 94, 2014, pages 127-134.

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zéro »49 et décrit les nouvelles politiques mises en place dans le cadre de l'EURO 2016 qui aura lieu en France. A cette occasion, la rénovation des stades de football est le moment opportun pour changer le standing d'accueil de son public. Dans le même temps, les responsables sportifs et politiques envisagent de changer les normes en place à l'intérieur des stades : remplacer le public contestataire et actif par un public familial, docile et consumériste. Son apport est considérable dans le sens où il questionne la place des supporters dans le monde du football aujourd'hui50.

Les supporters du PSG au sein d'un contexte multiscalaire

Les supporters parisiens présents au stade, quels que soient leur statut et leur degré d'adhésion, sont inscrits à l'intérieur d'un triple contexte.

Premièrement, la situation actuelle du PSG est caractérisée par une suite d'évènements comparables sous certains rapports à ce qu'avait connu le football anglais dans les années 1980 - 1990. Des violences urbaines liées au football étaient fréquentes et sont devenues un sujet national à la suite du drame du Heysel51. Des mesures répressives, politiques et judiciaires, ont été menées pour faire face aux supporters turbulents à l'intérieur de ce qu'on a appelé la « tolérance zéro » : sanction sévère et « aveugle »52 au moindre fait contraire aux lois. Parmi celles-ci, il y a eu l'invention des Interdits Administratifs de Stade (IAS) par un ministre anglais sous Margaret Thatcher. Encore appliqué aujourd'hui, un IAS est une personne présentée comme potentiellement dangereuse pour le public. Le préfet a l'autorisation d'interdire un supporter de se rendre dans un stade de football si la police estime qu'il « constitue une menace pour l'ordre public ». L'existence du délit repose alors sur des suspicions. Cette estimation s'appuie sur un jugement arbitraire et non judiciaire : il n'est pas nécessaire d'établir d'enquête et de fournir des preuves du délit.

Ces mesures furent accompagnées d'une campagne de modernisation des structures du football anglais, avec comme ligne de mire l'EURO 1996 qui eu lieu en Angleterre. Pour financer ces travaux, les dirigeants du football anglais ont augmenté le prix des places. Dans certains stades, en 20 ans, d'après le journal hebdomadaire L'express, les prix des places pour aller voir un match ont été multipliés par 1053. Ces recettes ont permis de faire venir de grands joueurs voire des vedettes, d'hausser le niveau de jeu et la qualité du spectacle proposé. Cette

49 Afin de ne pas voir des récidives et une escalade de la violence, les autorités punissent sévèrement les coupables à la moindre infraction sans prendre en considération des circonstances atténuantes.

50 Hourcade N., « La place des supporters dans le monde du football », Pouvoirs, n°101, avril 2002, pages 75-87.

51 Lors de la finale de Coupe d'Europe 1985 entre le FC Liverpool et la Juventus de Turin, des supporters Anglais envahissent une tribune de supporters Italiens créant une bousculade. Sous la pression, une partie de la tribune s'effondre causant 39 morts et 454 blessés.

52 Fleurot G., Episode 1 : « Moi, ancien interdit de stade... », La France a-t-elle un problème avec ses supporters ?, L'équipe Stories, 16 mars 2015.

53 Fonteneau T., « Les limites du modèle anglais », L'express, publié le 05 mars 2010 à 19h23. URL: http://www.lexpress.fr/actualite/sport/les-limites-du-modele-anglais_853306.html

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réalité économique est d'autant plus importante en Angleterre que les clubs anglais contrairement aux clubs français, sont propriétaires de leur stade. Les recettes emmagasinées sont alors intégralement conservées par les clubs.

C'est le modèle du « football business » : dans le sens commun, cela signifie que chaque secteur placé sous la tutelle d'un club doit être capable d'augmenter les recettes financières annuelles. Les stades de football, en tant que propriétés privées, abritent dorénavant des hôtels, des musées, des magasins et sont ainsi devenus des lieux marchands et commerciaux comme les autres. Ils n'échappent donc pas à cette règle. Ils sont transformés peu à peu comme en lieu de vie à part entière où des services lucratifs sont proposés. Par exemple, des visites du stade sont organisées tous les jours lors desquelles il est possible de prendre des photos officielles et payantes. Ce lieu est alors inséré dans le quotidien des riverains et amateurs de football. Ces nouveaux centres commerciaux doivent pouvoir accueillir un public durant un laps de temps supérieur à la durée d'un match de football habituel, soit une heure et demi. Cette évolution constitue un levier en termes de développement économique.

Dans un second temps, l'arrivée à l'été 2011 du fond d'investissement souverain de l'émirat du Qatar à la tête du PSG a fait entrer ce club dans une nouvelle ère. Afin de moderniser le PSG et d'atteindre la visibilité des grands clubs européens, les nouveaux dirigeants s'inspirent du plan de développement anglais. D'ailleurs, ce modèle est développé dans les grands clubs européens qui cherchent une reconnaissance mondiale et une hégémonie sportive nationale. On trouve ces processus avec plus ou moins de différences, à Madrid, Barcelone, Munich etc. Par exemple, le PSG et la préfecture de Paris appliquent la règle des IAS54 et le club de la capitale prévoit de construire une grande place commerciale dédiée au club à quelques pas du stade.

De plus, la France accueillera et organisera l'EURO 2016. A près d'un an du début de la compétition, les dirigeants français cherchent à renouveler un nombre important d'équipements sportifs dédiés au football en France pour répondre aux normes de l'Union of European Football Associations (UEFA). En plus d'accroitre ultérieurement les retombées financières pour les clubs professionnels, cette initiative est l'occasion, dans un premier temps, de pacifier un public considéré par les autorités comme « nuisible »55 ; dans un second temps, de sélectionner un public pacifié qui se rend au stade de football. Pour cela, au niveau national et local, une politique répressive et sécuritaire est appliquée afin de contrer les potentiels débordements. Ces politiques viennent en réponse aux troubles causés à la fin des années 2000 et notamment après la mort d'un supporter parisien en 2010.

Le 3 et 4 février 2015, lors du séminaire annuel de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH)56 qui avait lieu au siège de la Fédération Française de Football (FFF), le président de la Ligue Française de Football (LFP), Frédéric Thiriez assume et soutient cette idée lors d'un discours sécuritaire : « La meilleure prévention, c'est quand même la peur du

54 Selon le quotidien sportif L'Equipe, il y aurait 370 IAS Parisiens au jour du 16 mars 2015.

55 « Face aux supporters, les trois chaises vides du football français », L'équipe, publié le 12 février 2015 à 11h50.

URL : http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Trois-chaises-vides-face-aux-supporters/535780

56 La DNLH est un organisme qui a été créé en 2009 pour coordonner la lutte contre la violence dans les stades.

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gendarme et la crainte de la répression. Quitte à apparaître comme un président de la Ligue sécuritaire, ce qui ne me gêne pas du tout, je suis décidé à poursuivre cette politique de tolérance zéro envers la violence. » Cette tolérance zéro dont parle le représentant des présidents de tous les clubs professionnels français est alors l'objet qui distingue fortement le PSG des autres clubs français. Pour cette raison, une étude sur la sécurisation du Parc des Princes et l'évolution des pratiques des supporters du PSG aujourd'hui est singulière compte tenu du contexte qui entoure le club parisien.

Ainsi, troisième élément de contexte, la situation des supporters du PSG apparaît très fortement médiatisée. Depuis plusieurs décennies déjà, le PSG est connu pour plusieurs critères. Parmi ceux-ci, on retient l'empreinte laissée par les supporters du club. Celle-ci est à la fois positive et négative. En effet, comme le relate le documentaire Parc, certains supporters et certains journalistes présentaient le Parc des Princes comme le stade ayant la plus belle ambiance de France : « Je suis désolé pour les autres supporters mais j'ai été un peu partout en France, tous les joueurs le disent, et c'est une réalité, c'était au Parc des Princes qu'il y avait la plus belle ambiance » (Interview du journaliste Daniel Riolo à la 6e minute du reportage). Cette ambiance se définissait comme une atmosphère chaleureuse dans laquelle le public était très proche du terrain. La sonorité des chants est renforcée et magnifiée par l'architecture en forme de cuvette du toit. Ceci entraine alors une résonnance unique en France.

En revanche, l'aspect négatif, est associé au conflit très dur qui oppose la tribune Auteuil et la tribune Boulogne. Pendant plus de dix ans, une « union sacrée » pacifique se manifeste entre ces associations. Au cours des années 1990 et jusqu'au début de la décennie suivante, la collaboration entre les deux virages est réelle. L'ambiance à l'intérieur du stade entre les associations des différentes tribunes est alors passionnelle. A ce moment, la rivalité est principalement centrée sur les supporters adverses et plus particulièrement sur les supporters de l'Olympique de Marseille (OM). Puis, au début des années 2000, des affrontements éclatent entre différentes associations et s'enveniment petit à petit.

La composition sociale et l'histoire de ces deux tribunes peuvent aider à comprendre l'antagonisme qui les séparait.

La tribune Boulogne était connue pour être composée d'individus essentiellement blancs, politiquement de droite. Certains ont même été catalogués comme personnes « se revendiquant d'une idéologie d'extrême droite ou appartenant à des groupuscules néonazis »57. Elle fut inspirée par le modèle du hooligan anglais. Le hooligan revendique une indépendance vis-à-vis du club et par l'absence de toute structure associative. Pour défendre leur équipe et un sens territorial fort, ils n'hésitaient pas à prôner la violence. Comme le décrit Bérangère Ginhoux58, la rivalité entre les associations dépasse le cadre spatial du stade et le cadre temporel du match : elle s'inscrit dans une compétition urbaine. Ainsi, ces individus

57 Bodin D., Héas S. et Robène L., « Hooliganisme : De la question de l'anomie sociale et du déterminisme », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. I | 2004, mis en ligne le 01 mars 2004, consulté le 18 juin 2015. URL : http://champpenal.revues.org/25 ; DOI : 10.4000/champpenal.25

58 Ginhoux B., op. cit., 2015.

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manifestent un attachement au territoire qu'est leur tribune selon un « marquage symbolique »59 fait de graffitis, de tags et de stickers. Ces inscriptions urbaines s'étendent au-delà de la tribune et constituent le support d'une compétition entre les différents groupes. Ces derniers sont informels et affichent un soutien à leur équipe sans porter les couleurs ou les symboles à l'effigie du club. On parle alors de mode voire de phénomène casual. Afin de ne pas être repérés par la police, ces groupes de supporters adoptent un style vestimentaire neutre et décontracté pour passer inaperçu au sein du public. Sauf que, l'implantation de plus en plus marquée du football dans les différentes sociétés européennes associée aux échanges culturels réguliers entre supporters adverses compte tenu de leurs déplacements lors des compétions internationales et des parrainages entre associations, ont conduit à médiatiser ce mouvement vestimentaire et culturel. Ce mouvement d'origine anglaise très développé entre les années 1970 et 1990 s'est donc exporté en Europe avant d'être obsolète aujourd'hui. La tribune Boulogne, d'inspiration anglaise, s'est inscrite dans ce modèle. Le kop of Boulogne, nom anglicisé, nait en 1978. C'est alors la première association de supporters Parisiens.

Le virage Auteuil nait en 1991 à la suite de la création de sa première association lors du rachat du PSG par la chaine télévisée Canal Plus. Ces propriétaires voyaient d'un mauvais oeil le nombre de supporters de plus en plus important réunis au sein des associations de Boulogne. L'objectif était alors de contrer l'augmentation de la violence à Boulogne en proposant une alternative. La tribune Auteuil choisit le supporterisme ultra italien comme référence. Ce modèle est né en Italie pendant les années 1960. Les ultras se définissent comme de vrais supporters car ils animent la tribune par leurs chants et leurs banderoles, leurs tifos (grand dessin qui fait office de chorégraphie visuelle pour décorer la tribune et délivrer un message) sans interruption. L'ultra est acteur du match durant toute la rencontre. Tout comme les hooligans anglais, il arrive également que ces supporters fassent appel à la violence dans l'optique de se faire respecter par les supporters adversaires60.

En 2003, plusieurs associations de la tribune Auteuil fêtent leur 10 ans d'existence et cherchent à créer une entité qui serait au-dessus des collectifs afin d'avoir plus de poids au près des dirigeants du PSG. Cette ascension de la tribune Auteuil est venue contrebalancer le poids historique de la tribune Boulogne et s'est soldée par le début des tensions.

Depuis, la scission entre ces deux tribunes n'a fait que s'accentuer, les débordements entre supporters parisiens se sont additionnés et amplifiés allant jusqu'à la mort d'un supporter en 2010. Le président de l'époque, Robin Leproux, a mis en place avec l'appui des autorités politiques un plan de sécurité dont l'objectif était de rétablir la paix autour du PSG.

L'arrivée d'investisseurs milliardaires à la tête du PSG a probablement pu se faire grâce à l'application et la réussite de ce plan. Paris, ville qui projette de devenir une place mondiale du sport par une médiatisation renforcée (dernièrement Paris s'est déclarée candidate pour l'organisation des Jeux Olympiques 2024), a besoin d'une grande équipe de football

59 Kokoreff M., « Des graffitis dans la ville », Quaderni, hiver 1988/1989, pages 85-90.

60 Episode 3, « Mais au fait, qu'est-ce qu'un Ultra ?», La France a-t-elle un problème avec ses supporters ?, L'équipe Stories, 18 mars.

URL : http://www.lequipe.fr/Football/Infos/Mais-au-fait-qu-est-ce-qu-un-ultra/544032

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susceptible de la représenter dans les compétitions nationales et européennes. La Mairie de Paris voit alors d'un bon oeil la volonté des investisseurs de faire du « Paris-Saint-Germain une marque mondiale dans le sport »61.

A l'été 2011, l'équipe du PSG est passée dans une autre dimension, aussi bien sur le terrain qu'en tribune. Le rachat du PSG par des Qataris a modifié toutes les ambitions et les attentes qui circulaient autour de ce club. L'arrivée de grands joueurs et les progrès du PSG en coupe d'Europe ont pour conséquence l'explosion de la place médiatique qui lui est réservée et une forte hausse de demande publique. Celle-ci dépasse régulièrement les frontières des amateurs de football, surtout lorsque le PSG joue en Coupe d'Europe.

Une enquête sur les usages et les représentations des « nouveaux » supporters du PSG ?

Le club est très suivi dans toute la France et travaille pour attirer une base de fans à l'étranger. En associant cette donnée à l'augmentation des prix des places et aux mesures administratives et politiques mises en place, on assiste à une évolution de la composition du public se rendant au stade en parallèle du développement du projet international du club. Puisque le bassin de population est suffisamment important et suffisamment aisé pour se rendre au stade, le Parc des Princes est très souvent rempli. Ainsi, de nombreuses personnes ont pu accéder pour la première fois au Parc des Princes, de nouveaux profils de public sont susceptibles d'aller au Parc des Princes et de se lier de passion au nouveau spectacle proposé. Ce mémoire présente donc une dimension comparative et temporelle, avec pour élément de rupture, l'arrivée d'un nouveau propriétaire en 2011.

Le PSG réussit à réunir un peu moins de 40 000 personnes au Parc des Princes toutes les deux semaines. Ce lieu appartient à la Mairie de Paris mais est loué par le PSG selon une « convention d'occupation du domaine public d'une durée de 30 ans »62. Proportionnellement à la population et à la diversité des activités disponibles dans la région parisienne, le Parc des Princes compte probablement parmi les lieux de rassemblement les plus importants en termes de fréquence et de quantité de personnes réunies. Le Parc des Princes doit alors être en mesure de contenir ces milliers de personnes par une gestion efficace de son espace. La surveillance dans un lieu privatisé d'une foule aussi importante est un réel défi pour les autorités publiques et pour les dirigeants du club.

61 Interview de Jean-Claude Blanc, directeur général du PSG, rendue publique le 16 décembre 2013.

URL: http://www.lesechos.fr/16/12/2013/LesEchos/21585-067-ECH_jean-claude-blanc le-paris-saint-
germain-peut-devenir-une-marque-mondiale--.htm

62 « Le PSG lié au Parc des Princes pendant 30 ans », Le Parisien, 26 novembre 2013.

URL : http://www.leparisien.fr/psg-foot-paris-saint-germain/le-psg-lie-au-parc-des-princes-pendant-30-ans-26-11-2013-3351749.php

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Dans un tel contexte, il m'est apparu intéressant d'étudier l'accessibilité du stade, les mobilités du public parisien et la manière dont les usagers du Parc des Princes fréquentent ce lieu et ses environs au regard des stratégies sécuritaires et commerciales mises en place par les différentes autorités. Cette étude porte donc sur les pratiques spatiales et les représentations des usagers du Parc des Princes, et plus particulièrement ceux d'une partie de la tribune Auteuil.

A l'intérieur du stade, située en virage, la tribune Auteuil apparaît en effet comme un emplacement où les différents profils du public s'opposent et s'insultent régulièrement. La rencontre de football devient le cadre spatio-temporel lors duquel se réunissent des personnes aux visions, aux discours et comportements différents.

Une proposition de catégorisation du public à l'intérieur d'un stade a été proposée par l'urbaniste Jean-Michel Roux63.

On y trouve d'abord les fans. Ils constituent un noyau dur composé des supporters les plus engagés. Ce groupe rassemble des personnes qui se connaissent tous plus ou moins. C'est alors un « groupe déviant qui se considère étranger au reste des spectateurs »64. Etant les personnes les plus fidèles à leur équipe, ils représentent la sous-culture du supporter : les codes régis à l'intérieur de cette sous-culture peuvent apparaître comme étrangers au reste du stade. Ces fans ont des pratiques qui leur sont propres. Ils sont souvent associés au mouvement ultra ou aux hooligans. Ainsi, leur ambition est d'animer la tribune pendant la rencontre et de dominer le public adverse par les chants. La sensation d'éprouver une expérience sensorielle hors du commun dépend alors de la diffusion de ces pratiques au reste du public.

On trouve ensuite le supporter. Ce serait une personne affichant une grande solidarité vis-à-vis des fans tout en se détachant de la notion de groupe. La « dimension familiale » recherchée par les fans ne concerne pas le supporter : il se rend au stade de football pour vivre une expérience sensible unique, intégrée à un groupe anonyme, tout en assistant à un spectacle. C'est pourquoi il peut être très critique face à la qualité du jeu proposé.

Enfin, il y a le spectateur. Il s'agit d'une personne ayant payé une place pour assister à un spectacle afin de concrétiser l'impression fantasmée à travers les médias. Il est souvent assimilé au rôle de client : comme une personne venue assister à un film à ciel ouvert. Il représente pour les fans la figure du « football-business ».

D'un point de vue géographique, les fans et les supporters partagent un point commun : nombre d'entre eux sont des abonnés (surtout chez les fans), ou sont tout du moins, des personnes qui se rendent régulièrement au stade. Ainsi, cette habitude entraîne une relation à l'espace plus sentimentale et communautaire. En effet, il y a une appropriation de la tribune

63 Roux J-M., « L'ambiance des stades » ; Urbanisme, n°393, été 2014, Grands stades, en quête d'urbanité, pages 60-62.

64 Guigue T., « Du projet artistique au projet urbain : structuration du territoire par l'oeuvre d'art », Communication & management 1/ 2014 (Vol. 11), pages 37-52.

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« quasi fétichiste »65. Ces fans et ces supporters ne ressentent pas le besoin de se déplacer dans une autre tribune, même pour un prix comparable. Leur attache à la tribune prend le dessus sur le confort ou une vision plus agréable du match. Ce lien à la tribune ressenti par les fans et les supporters fut exprimé en 1995 par Christian Bromberger lors d'une étude sur le public du stade Vélodrome à Marseille. Des ultras de la tribune Nord ont dû migrer vers une autre tribune. Ils ont alors ressenti ce déplacement comme un véritable « déracinement, une invraisemblable trahison »66. Cette notion est d'autant plus forte que ce public composé de fidèles fonde son identité sur le culte du paraitre. Ainsi, ce besoin de se montrer uni et solidaire se communique grâce à de tels regroupements. Le spectateur est quant à lui dans une démarche plus individualiste. Il aura moins tendance à élaborer des stratégies spatiales pour s'intégrer à un groupe de supporters. Pour lui, les critères qui apparaissent le plus déterminant sont le prix du billet ou de l'abonnement et la qualité de la vision du spectacle.

A la suite de la mise en oeuvre de la nouvelle politique commerciale et de l'augmentation régulière des prix d'entrée par la direction du PSG, ces « nouveaux » publics ont été très médiatisés. Mais c'est surtout la frange des spectateurs qui est ciblée par les dirigeants du PSG. C'est cette même frange qui est méprisée par une minorité de supporters actifs et qui semblent être les derniers à exprimer fort dans la tribune leurs mécontentements. C'est ainsi que des abonnés n'hésitent pas à insulter cette nouvelle frange du public, de « viagogos » en référence à l'accord commercial établi entre le site internet de revente en ligne Viagogo67 et le PSG pour se procurer des billets, mais aussi à l'ignorance de culture du supporter (méconnaissance des chants, des pratiques, des codes) dont ils font preuve.

Pour cette étude, en raison de l'emplacement de mon abonnement, je vais focaliser plus particulièrement mon attention sur une partie de la tribune Auteuil. En effet, mon abonnement annuel me place automatiquement dans la tribune Auteuil au compartiment 313. Je suis limité à cet espace à l'intérieur du stade (voir document 1 en partie annexe). A l'intérieur de cette partie, on trouve une majorité d'abonnés, qui, si on reprend la terminologie de J-M. Roux, peuvent être fans, supporters ou spectateurs.

C'est précisément l'étude des crispations, des tensions répétées, voire des conflits entre « supporters » (à comprendre ici au sens large) qui constitue l'une des trames de cette enquête ; des tensions qu'il faut précisément mettre en lien avec la mise en place d'une politique sécuritaire de filtrage et de contrôle comportemental.

Même si elle semble satisfaire une partie des autorités publiques, les dirigeants du football français et les dirigeants du PSG, cette sélection du public est aujourd'hui fortement interrogée par les journalistes.

65 Charroin P., op cit, 1990.

66 Bromberger C., op cit, 1995.

67 Viagogo est un site internet et une entreprise spécialisée dans l'achat et la vente de billets pour des évènements sportifs et culturels. Le PSG et Viagogo ont un accord commercial qui permet aux abonnés de mettre en vente leur droit d'entrée pour un match. Ces « viagogo » sont des personnes ayant acheté une place sur leur site.

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La pacification du stade doit-elle se faire au détriment du respect des libertés individuelles de base68 ? Ce débat a par exemple été posé par le quotidien sportif L'équipe dans son « Equipe story » intitulée « La France a-t-elle un problème avec ses supporters ? ». L'article intervient à la suite de l'exclusion et la suspension de l'abonnement d'un supporter du PSG de la tribune Boulogne qui avait lancé un chant de contestation contre l'augmentation du prix des abonnements pour l'année suivante. Cet évènement largement relayé par les médias fut également repris par la sphère politique dans un contexte d'élection. Le 16 mars 2015, le groupe Communiste - Front de gauche du Conseil de Paris a ainsi déposé un voeu lors de la séance du Conseil pour « interpeller le PSG sur l'exclusion du supporter parisien et plus globalement sur sa politique tarifaire » (Anthony Cerveux, journaliste à So Foot).

Comme le mentionne le reportage de L'Equipe, ce sujet grossit dans les sphères footballistiques en tant qu'enjeu sociétal. Un journaliste comme Jérôme Touboul, le sociologue Nicolas Hourcade ou le député socialiste Malek Boutih parlent « d'excès des lois » au sujet de l'application des décrets départementaux qui interdisent à des personnes munies d'une plaque d'immatriculation 75 ou portant un signe distinctif du PSG, de circuler dans les départements en question69.

Terrain et système d'enquête

L'enquête de terrain a débuté le 18 janvier 2015 lors d'un match entre le PSG et l'Evian Thonon Gaillard Football Club. A ce moment, j'avais pour ambition d'étudier le vécu collectif des supporters du PSG, avec pour hypothèse de départ, l'idée que le Parc des Princes était un lieu d'atomisation des foules. En effet, je voulais mettre en évidence que l'embourgeoisement des tribunes, conséquence de l'augmentation des prix d'entrée, entrainaient une destruction de l'unité des groupes de supporters. Or, comme l'écrit Jean-Michel Roux, les sensations ressenties dans un stade de football sont exacerbées par une action collective des supporters70. Alors, je partais du principe que l'expérience sensible du public s'était appauvrie. Pour répondre à ce questionnement, je voulais interroger principalement des personnes identifiées en tant que « nouveaux publics » puisqu'elles étaient, selon moi, les agents principaux de cet embourgeoisement. Pour cela, je prévoyais de faire de l'observation participante dans la tribune et d'aller directement parler à ces personnes dans le stade pendant le match. Ici, j'assimile ces « nouveaux publics » aux spectateurs de la typologie de Jean Michel Roux.

68 Fessard L,. « Quand la police aide le PSG à trier ses supporters », Mediapart, mercredi 6 novembre 2013. URL : http://www.franceculture.fr/sites/default/files/2013/11/06/4734868/fichiers/article%20PSG.pdf

69 Par exemple, le samedi 14 décembre 2013, la préfecture d'Ille-et-Vilaine « interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du Paris-Saint-Germain, ou se comportant comme tel de circuler le samedi dans l'ensemble du département, de midi à minuit » car le Stade Rennais accueillait le PSG.

70 Roux J-M., op cit, été 2014.

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Depuis les années 1970 et les premiers travaux sur le football, les différents écrits constatent la dimension populaire et démocratique du football. Toutes les classes sociales jouent au football et sont présentes dans un stade de football, avec il est vrai, une forte prédominance populaire. Pourtant, le pluralisme des sources interrogées ne me parait pas exhaustif. En effet, j'ai été surpris de constater que les personnes sollicitées sont souvent les mêmes : ce sont les journalistes et ce sont les abonnés ou les supporters les plus fervents, les plus démonstratifs. Puisque les écrits sur les publics fidèles d'une équipe de football foisonnent, je voulais étudier au départ le vécu collectif du public parisien en me focalisant sur les pratiques et les représentations des « nouveaux publics ». L'enquête de terrain aurait alors été comparée à la littérature portant sur les fervents supporters.

Ces « nouveaux publics » présentent l'avantage d'être facilement repérables. La plupart de ces personnes se connaissaient pour des raisons professionnelles, amicales ou familiales. Mais puisqu'au départ je ciblais des personnes qui ne venaient que très rarement au stade, je partais du principe que ces mêmes personnes vivaient pour la première fois ensemble une expérience au Parc des Princes. Ainsi, elles n'avaient pas eu l'occasion de devenir ensemble, le temps d'un match, supporter du PSG au Parc des Princes. Le devenir demande plusieurs conditions: acquérir cette culture et ce « savoir-faire » du supporter (capacité à chanter et bouger) nécessite du temps, de la disponibilité et de la bonne volonté.

Parmi ce public, je ciblais prioritairement les familles composées d'enfants pour deux raisons. Premièrement, selon moi, elles avaient plus de chance d'être de nouvelles personnes séduites par le projet du PSG et elles avaient plus de chance d'avoir un capital économique important. Puis, d'après de nombreuses sources et notamment le sociologue Ludovic Estrelin71, le PSG chercherait un public plus consommateur que critique. Ainsi, une famille composée d'enfants aurait plus de chance d'acheter des produits dérivées en souvenir du match que n'importe quelle autre population.

Toutefois, j'ai connu quelques difficultés à entrer en contact avec cette population. Comme l'expriment Stéphane Beaud et Florence Weber72, il est inscrit : « Sur le terrain, on y est, [...] on y travaille »73. Ce n'est pas une simple visite. Pour cela, il faut établir des « relations de proximité et de confiance avec certains enquêtés »74. Ces phrases m'ont interpellé puisqu'il est d'autant plus dur d'établir des relations amicales de confiance avec des personnes qui ne sont pas présentes régulièrement.

De plus, les personnes qui viennent occasionnellement ont tendance à aller au stade avec des personnes qui présentent le même profil. Leur présence est alors irrégulière et espacée dans le temps. Cette rareté implique une attention particulièrement accrue de la part de ces personnes face au spectacle proposé. Que ce soit par simple peur de les déranger ou après avoir senti une gêne, voire une hostilité après plusieurs questions, j'ai dû renoncer au dialogue.

71 Enquête de Foot, « Parc des Princes, Ultra(s) select », Canal Plus, 26 min, diffusé le 19 mars 2014.

72 Beaud S, Weber F, Guide de l'enquête, La découverte, 2010 (rééd), Paris, 335 pages.

73 Ibid.

La citation est à la page 6.

74 Ibid.

La citation est à la page 6.

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Ensuite, j'ai assez vite remarqué que ces spectateurs, pour reprendre la typologie de Jean-Michel Roux, avaient pour habitude de se trouver en haut des tribunes. Il est impossible dans un stade de football de tourner le dos au terrain sans se faire remarquer. Ainsi, en voulant observer les pratiques du public situé en hauteur, j'étais obligé de monter tout en haut de la tribune.

Enfin, cette difficulté à obtenir une relation de confiance sur un laps de temps relativement long avec ce « nouveau public » a freiné mes ambitions et a longtemps entrainé un sentiment de « solitude du terrain »75: puisque la tribune de football est un lieu où les personnes sont relativement statiques et la concentration humaine est dense, il est finalement difficile de se glisser à l'intérieur d'un groupe et d'entrer en contact avec celui-ci.

Pour ces raisons, et après plusieurs refus d'entretien, lors de plusieurs matchs, j'ai décidé de changer de stratégie.

A la suite de la difficulté à converser avec des personnes (simples spectateurs ou non) dans le stade, j'ai choisi d'élargir mon cadre d'enquête, tant sur le plan spatial que temporel. A ce moment, le terrain d'étude a été modifié. Le stade est situé dans le XVIe arrondissement de Paris, entre la Porte de Saint-Cloud, la Porte d'Auteuil et la ville de Boulogne. Mon terrain d'étude ne s'étend pas sur une zone aussi vaste. Il comprend néanmoins le stade et ses alentours avec une attention particulière à la tribune Auteuil et ses abords. Autour du stade, je me suis plus particulièrement intéressé aux espaces publics, aux espaces de déambulation où se rassemblent et circulent les supporters. C'est ainsi que j'ai beaucoup observé les espaces intermédiaires entre les stations de métro de la ligne 9 (Porte de Saint-Cloud - Michel Ange Auteuil) et l'entrée du stade. Cette étude n'a pas concerné les commerces de proximité, les bars ou les restaurants. Je me suis également penché sur les outils d'informations sonores de la RATP sur les différentes stations que comprend la ligne de métro 9, entre la station Havre-Caumartin et la station Porte de Saint-Cloud, l'arrêt le plus proche du « Parc », aussi bien lors du trajet pour se rendre au stade que lors du retour pour en revenir.

Afin de pouvoir entrer en contact avec les populations à étudier, j'ai attendu qu'elles soient mobiles. En effet, il m'était plus facile d'aborder une personne ou un groupe de personnes se déplaçant dans la rue car celles-ci se sentaient plus à l'aise ainsi. Alors, ces personnes se dévoilaient plus facilement. De plus, j'avais la possibilité de m'isoler sans occasionner de gênes. C'est pourquoi j'ai commencé à interroger des personnes anonymement à l'extérieur du stade, avant ou après le match.

J'ai, par la suite, systématisé cette méthodologie : dès que je le pouvais, j'essayais d'arriver plusieurs heures en avance sans forcément entrer dans le Parc et je sortais du stade parmi les derniers. Cette stratégie fut appliqué lors des matchs entre PSG et le Stade Malherbe de Caen (14 février) ; le Chelsea Football Club (17 février) ; l'Association Sportive de Monaco Football Club (4 mars) ; le Football Club Lorient-Bretagne Sud (20 mars) ou l'Association Sportive de Saint-Etienne (8 avril). Puisqu'il n'y avait pas encore grand monde, il était plus

75 Ibid.

La citation est à la page 10.

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simple pour moi de faire attention à des détails précis comme les différents points de regroupements à l'extérieur et à l'intérieur du stade, tout en ayant une grande liberté de mouvement. Des observations et des conversations officieuses avec des personnes du public en dehors du stade ont été régulières. Par conséquent, cette étude ne se restreint pas à la temporalité du match.

Par ailleurs, le choix des espaces d'études se justifie par le fait qu'ils offraient la possibilité d'observer une multitude d'acteurs au même moment. Il y avait les différents profils de supporters, les différents salariés du PSG (agent d'accueil) et les autorités publiques composées de CRS et de gendarmes. La présence de tous ces acteurs sur un même espace était avantageuse pour analyser les pratiques spatiales des nouveaux supporters en comparant ces derniers aux comportements des autres acteurs. J'observais ainsi le sens de leur déplacement, leur aisance à se repérer dans l'espace et leur regroupement.

Compte tenu de la foule très importante présente au Parc des Princes (le stade est très souvent plein), je notais l'emplacement de tous les différents salariés et les réactions des nouveaux spectateurs face à cette présence. Après avoir retranscris à l'écrit des comptes-rendus d'enquête, la notion d'encadrement du public me paraissait très importante. En effet, plusieurs personnes m'ont fait savoir à la suite conversations informelles qu'elles avaient modifié leur trajectoire du fait refus de certains salariés de les laisser passer par une rue précise. C'est pourquoi j'ai commencé à questionner fortement la dimension sécuritaire de l'espace. S'intéresser à celle-ci entrainait un changement de populations à enquêter : étudier les abonnés comme les nouveaux spectateurs étaient l'occasion d'analyser la manière dont ces profils variés éprouvaient les différents dispositifs d'encadrements. J'ai alors décidé de ne plus me limiter à enquêter le « nouveau public » mais à enquêter sur le public au sens large qui comprenait les trois profils explicités par Jean-Michel Roux. Il m'est alors paru intéressant de savoir si les réactions étaient uniformes ou si, au contraire, il y avait d'un coté des formes de soumissions, et de l'autre, des formes de résistance. Je tiens à préciser que des évènements antérieurs à l'année sportive 2014 - 2015 et relatifs à cette réflexion sont mentionnés dans cette étude.

A la suite de ce changement de perspective, le mercredi 4 mars 2015, lors du match entre le PSG et l'Association Sportive de Monaco, je suis entré en contact avec un agent de sécurité responsable de l'entrée et de la sortie du public au niveau d'un vomitoire. Puisqu'il était en attente du « rush », il était plus accessible qu'à l'accoutumée. Grâce à cette discussion informelle, j'ai appris qu'il était le salarié d'une entreprise privée : ACA Sécurité. A partir de ce moment, j'ai commencé à inclure dans mon échantillon d'étude les personnes de sécurité. C'est pourquoi j'ai contacté cette société les jours qui ont suivi cette rencontre, afin d'avoir un entretien avec un responsable. Lors d'une autre rencontre, j'ai également parlé de longues minutes avec une personne abonnée depuis plus de 20 ans. Contrairement aux spectateurs hermétiques à mes questions dans le stade, il fut enthousiaste à l'idée de converser avec moi pour cette étude. Je pense que ces rencontres ont pu se réaliser à une heure anticipée puisqu'il n'y avait pas grand monde dans le stade. L'agent de sécurité était encore détendu tandis que le supporter était seul à attendre ses camarades. Dans ces cas présents, l'absence de la foule fut

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bénéfique pour moi. Par conséquent, ces moments extérieurs à la temporalité du match m'ont permis de rencontrer des acteurs difficiles à interroger pendant le match.

Par ailleurs, élargir la population à étudier était également bénéfique pour obtenir plus de matière à analyser. En effet, enquêter sur les fans parisiens regroupés au bas de la tribune a été beaucoup plus simple : ils sont constamment dans le champ de vision du match et sont bien plus actifs. Leurs gestuelles sont plus distinctes ; leurs paroles plus audibles et intelligibles (ils n'hésitent pas à parler à un camarade situé à plusieurs rangs d'eux). Tout le contraire des publics statiques, silencieux et difficilement perméables.

A l'instar de la méthodologie utilisée par Eric Wittersheim76, j'ai essayé de questionner un maximum de personnes, y compris hors du stade et du temps des matchs, lorsque le PSG devenait un sujet de conversation au cours de situations anodines. Je me suis rapidement rendu compte que ces conversations revenaient très souvent du fait de la notoriété actuelle du PSG dans les médias et dans les imaginaires collectifs.

Pour valider cette impression, j'ai décidé de réaliser un corpus documentaire qui réunisse tous les articles traitant des supporters du PSG parus sur le site internet du quotidien Le Monde entre juin 2014 et juin 2015. Le choix de ce quotidien s'explique par son statut de média généraliste. En effet, dans ses rubriques sportives, ce genre de presse a tendance à traiter prioritairement les évènements extra-sportifs. Parmi ceux-ci, on compte plusieurs articles ayant pour sujet principal les recours en justice de supporters du PSG évincés du Parc des Princes. Il a été intéressant de constater que ce média généraliste tend à se positionner en faveur de ces supporters du PSG. Cette recherche documentaire m'a permis de renforcer la dimension critique de ma démarcher et de dépasser certaines limites liées à mon lien privilégié avec le monde du football en général et le PSG en particulier.

Du fait d'une certaine familiarité avec mon sujet d'étude, j'ai eu l'impression de tomber dans une forme « d'évidence »77. Etant trop près de l'objet, il a fallu que je prenne de la distance. Etant moi-même supporter, abonné et participant depuis quatre ans maintenant, une solution était de se décentrer afin d'observer autrement le milieu des supporters et de comprendre que la banalité des habitudes est naturalisée selon une construction sociologique et une histoire. Tous ces éléments ont entrainé pendant un moment une sorte de repli sur soi comme une manière de se protéger et s'auto-persuader que l'observation participante serait largement utile, ce qui conduit inévitablement à une « suspension de la relation d'enquête »78. Ainsi, lors de cette étude, j'ai essayé de « converser mon regard »79 par une enquête par distanciation. De cette façon, j'ai décidé de m'entretenir avec six personnes sur le format d'entretien semi-directif80, enregistré et décontextualisé (aucun de ces entretiens ne s'est déroulé au Parc des

76 Witthersheim E., op cit., 2014.

77 Beaud S, Weber F, op cit., 2010 (rééd). La citation est à la page 7.

78 Ibid.

La citation est à la page 32.

79 Ibid.

La citation est à la page 32.

80 Voir en annexe les grilles d'entretien.

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Princes). Ces personnes ont été sélectionnées en fonction de leur degré d'adhésion au supporterisme et à leur implication au Parc des Princes. J'ai ainsi interrogé :

- un ancien directeur du Parc des Princes,

- une personne âgée qui habite depuis longtemps dans le quartier afin d'en savoir plus

sa représentation du Parc des Princes en tant que riverain,

- une mère de famille supportrice abonnée depuis quatre ans en tribune latérale,

- deux jeunes étudiants qui sont allés respectivement deux fois au Parc des Princes cette

année,

- un responsable commercial de l'agence ACA Sécurité.

De plus, pendant l'enquête de terrain, je me suis appuyé sur les discours et les représentations de Guillaume, un ami abonné avec moi. Guillaume est un fan qui était déjà abonné avant la mise en place du « plan Leproux ».

Ces personnes constituent un échantillon représentatif de la typologie effectuée par l'urbaniste Jean-Michel Roux. En effet, on trouve bien un spectateur, deux supporters et un fan abonné. Ainsi, chacun avait un regard singulier sur la situation.

Le fait de n'avoir fait que 6 entretiens constitue une nouvelle limite à cette enquête. Les personnes avec lesquelles je me suis entretenu ont été choisies en me basant sur la typologie de Jean-Michel Roux. Celle-ci même est délimitée selon des frontières floues. La distinction entre un fan, un supporter et un spectateur est très subjective. En effet, je n'ai pas pu avoir accès à un recensement officiel du public du Parc des Princes et l'absence d'association dans laquelle des supporters seraient référencés est également problématique. Pour ces raisons, j'ai essayé de choisir un échantillon large et représentatif de la population mère, à savoir le public du Parc des Princes.

Mon statut d'abonné m'a permis de créer une véritable situation d'échange avec les enquêtés, chose que je ne sentais pas possible au début de mon enquête lorsque j'essuyais de nombreux refus pour discuter pendant le match.

Pour tous ces entretiens, je venais avec une carte des tribunes du Parc des Princes (voir document 1 en partie annexe) afin de connaitre l'emplacement des personnes questionnées dans le stade. Néanmoins, je regrette fortement de ne pas avoir pris de plan du quartier où se situe le stade lors de l'entretien avec le responsable commercial de l'agence de sécurité. A plusieurs moments, il m'a précisé l'emplacement des différents dispositifs sécuritaires et plus particulièrement ceux les barrages filtrants. Il aurait été très pratique que je puisse visualiser ces positionnements sur une carte tout en écoutant les explications.

Par ailleurs, j'ai essayé de contacter à plusieurs reprises et par différents moyens (par mail, téléphone et en me rendant à l'accueil du Parc des Princes une journée où il n'y avait pas de match) un salarié du PSG afin d'obtenir un entretien ou de demander la possibilité de diffuser un questionnaire. Les réponses, lorsque j'en recevais, étaient toutes négatives et sans aucune négociation possible.

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De la même façon, je n'ai pas pu m'entretenir avec des touristes, notamment parce qu'ils sont peu nombreux dans la tribune Auteuil. D'après les propos de Madame Leprince, qui est une abonnée, et de Kerim, un spectateur venu deux fois voir un match du PSG cette saison, la tribune A est, à l'inverse, souvent remplie de personnes étrangères. Mais ma difficulté à m'exprimer en anglais a constitué un obstacle difficilement franchissable. Par conséquent, l'absence d'entretien avec un personnel du PSG et avec un touriste représente une nouvelle limite.

Par conséquent, l'absence d'entretien avec un personnel du PSG et avec un touriste représente une nouvelle limite.

Dans l'ensemble, j'ai guidé ces entretiens autour des thématiques sécuritaires afin de mieux connaitre leurs perceptions et d'évaluer le degré d'influence de l'encadrement des dirigeants sur leurs comportements (voir guide d'entretien en annexe). Ces entretiens ont en outre permis d'aborder d'autres thématiques et notamment, les représentations que se font chaque acteur vis-à-vis des autres profils de public. Ceci fut très intéressant pour comprendre les systèmes d'alliance et d'opposition qui se jouent à l'intérieur du stade. Par conséquent, cette enquête repose principalement sur une complémentarité entre, d'une part des observations participantes durant desquelles j'ai tenté d'analyser les manières dont agissent les différents publics concrètement, et d'autre part, des entretiens qui m'ont permis d'avoir accès aux usages et représentations des supporters.

Dans l'ensemble, ces entretiens ont fait ressortir une sécurité perfectionnée et dissimulée au sein de nouveaux dispositifs d'accueil. En effet, tous les enquêtés n'étaient pas forcément conscients des dispositifs mis en place. Ceci a d'ailleurs été confirmé par le responsable commercial de la société ACA Sécurité. Ces dispositifs hybrides et très efficaces sont pensés pour ne pas gêner le public.

Ce mémoire vise donc à se demander comment les différents profils du public présent au Parc des Princes intègrent ces dispositifs d'encadrement, qui mettent en lumière l'ambition internationale du PSG, à leurs pratiques et représentations spatiales. La problématique qui guidera notre analyse est donc la suivante :

Dans quelle mesure les dispositifs d'encadrement au Parc des Princes influencent-ils le comportement du public ?

Pour répondre à cette question, j'étudierai dans un premier temps la manière dont les dispositifs sécuritaires mais aussi ludiques du Parc des Princes font de cet espace un lieu accueillant où la surveillance est banalisée, normalisée voire intériorisée, puis, j'analyserai dans un second temps la manière dont le public s'approprie et se représente ces dispositifs.

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Première partie - Les nouveaux dispositifs

d'encadrement au Parc des Princes

I. En amont du Parc des Princes, un filtrage renforcé du public

« Le PSG veut avoir un contrôle total sur le spectacle produit et sur l'ambiance ». Ces mots furent prononcés par Ludovic Lestrelin, sociologue du sport et des supporters, lors d'un reportage diffusé sur Canal Plus81. Cette politique est la ligne directrice des dirigeants du PSG concernant l'encadrement du public. De nombreux dispositifs sont développés pour contrôler à distance le public parisien et marquent la spécificité de cette politique. Les dirigeants du PSG semblent vouloir empêcher le public de s'organiser de manière indépendante et autonome.

1. Le fichage de l'ensemble du public parisien présent au Parc des Princes

Par le passé, le Parc des Princes était presque devenu une zone de non-droit. Les autorités publiques et notamment les ministres de l'intérieur qui se sont succédés, étaient contrariés par ce constat. Comme l'écrit dans un article publié sur le site internet Mediapart Louise Fessard82, différentes personnalités publiques sont très proches de la direction du PSG. C'est notamment le cas du commissaire Antoine Boutonnet, patron de la DNLH, cellule policière créée par le ministère de l'intérieur en 2009 pour éradiquer toutes formes de violence à l'intérieur d'un stade de football. Antoine Boutonnet a participé à la célébration du titre de champion de France 2014 avec les dirigeants du club. Dans ce même article, la journaliste interroge ces ententes et dénonce une connivence entre une unité policière chargée d'exclure « tous comportements déviants à l'occasion de rencontres de football »83 et la direction du PSG qui souhaite conserver la maitrise du public parisien. Ainsi, le préfet de police et le ministère de l'intérieur par le biais de la DNLH, ont toujours soutenu sans faille la politique du PSG vis-à-vis de ses supporters.

Cette mainmise du club sur l'ambiance du stade est justifiée par l'histoire récente du PSG. A la suite du décès d'un supporter parisien en 2010, les instruments sécuritaires se sont multipliés et renforcés84. Parmi ceux-ci, le reportage télévisé intitulé « Parc des Princes, Ultra(s) sélect » évoque une présence humaine et sécuritaire plus importante. Toutefois, cette

81 Enquête de Foot., op cit, diffusé le 19 mars 2014.

82 Fessard L., « Un nouveau fichier de police pour les beaux yeux du PSG », Mediapart, 30 avril 2015.

URL : http://www.mediapart.fr/journal/france/300415/un-nouveau-fichier-de-police-pour-les-beaux-yeux-du-psg

83 Interview d'Antoine Boutonnet : « Le principe de précaution guide nos actions », So Foot, propos recueilli par Anthony Cerveaux le mercredi 13 février 2013.

URL : http://www.sofoot.com/antoine-boutonnet-le-principe-de-precaution-guide-nos-actions-166731.html

84 Enquête de Foot, op cit., diffusé le 19 mars 2014.

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information est à nuancer. En effet, comme le stipule le préfet de police de Paris Bernard Boucault le 5 février 2015, « alors qu'à mon arrivée en 2012, le maintien de l'ordre autour du Parc des Princes nécessitait dix ou douze unités, on en est aujourd'hui à trois unités et, de mon point de vue, on pourrait même descendre à deux unités, les matches étant de plus en plus tranquilles »85. Ce même reportage télévisé révèle ensuite l'utilisation d'une liste noire de supporters, jugée illégale par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), sur laquelle sont inscrits les noms des supporters interdits de stade86.

Au mois d'avril dernier, la CNIL a révélé l'existence d'un fichier informatique prénommé « Stade »87. Celui-ci a été créé quelques années auparavant par la préfecture de police de Paris dans un secret relatif, afin de « prévenir les troubles à l'ordre public »88. Le 15 avril 2015, le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, a autorisé l'existence et l'application de ce fichier.

D'après le quotidien Le Monde, la particularité de ce programme réside dans l'accumulation par traitement informatique automatisé d'informations privées, quotidiennes et fluctuantes89. Parmi celles-ci, on trouve notamment « l'activité sur les blogs et les réseaux sociaux » et la surveillance des personnes « entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec l'intéressé »90. D'après ces écrits, on peut comprendre qu'une personne ayant une relation amicale avec un supporter considéré comme étant une personne à risque par la préfecture de police de Paris, est susceptible d'être surveillé par mesures de prévention. Ces surveillances s'étendent ainsi sur des personnes n'ayant aucun lien particulier avec le PSG.

Monsieur Barthélémy, avocat de nombreux supporters tenus à l'écart du Parc des Princes pour différents motifs, parle de « fichier clairement fait pour le PSG »91. En réalité, ce fichier s'étend sur un réseau et une zone géographique plus large. En effet, il s'applique à l'ensemble des supporters des clubs professionnels ayant une activité « dans les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne »92. Ainsi, les supporters du Créteil Lusitanos en Ligue 2, du Paris Football Club et le Red Star, tous deux récemment promus en Ligue 2, sont aussi concernés. Toutefois, comme l'arrêté ministériel nous le fait comprendre, le PSG est un cas à part. En effet, à la différence des clubs de ligue 2

85 Fessard L., op cit, 30 avril 2015.

86 Le Bail J., « Le fichage des supporters du PSG officialisé par un arrêté ministériel », L'équipe, Mis à jour le 24 avril 2015. URL: http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-fichage-des-supporters-du-psg-officialise-par-un-arrete-ministeriel/553662

87 Guillou C., « Le conseil d'Etat suspend le fichage des supporteurs parisiens », Le Monde, Mis à jour le 13 mai 2015.

URL : http://www.lemonde.fr/football/article/2015/05/13/le-conseil-d-etat-suspend-un-fichier-consacre-aux-supporteurs-parisiens_4633042_1616938.html

88 Arrêté du 15 avril 2015 portant autorisation d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « fichier STADE ».

URL : http://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2015/4/15/INTD1501632A/jo/texte

89 Guillou Clément., « Un nouveau fichier de supporteurs sur mesure pour le PSG », Le Monde, Mis à jour le 25 avril.2015. URL: http://www.lemonde.fr/football/article/2015/04/24/un-nouveau-fichier-de-supporteurs-sur-mesure-pour-le-psg_4622370_1616938.html

90 Arrêté du 15 avril 2015.

91 Guillou C., op cit, Mis à jour le 25 avril 2015.

92 Arrêté du 15 avril 2015.

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précédemment cités, les « manifestations sportives du `Paris-Saint-Germain' et les rassemblements liés à ces manifestations se tenant à l'extérieur des départements précités »93 sont surveillés. La préfecture de police de Paris est donc en droit de surveiller tous les supporters du PSG y compris lorsque cette équipe joue hors du Parc des Princes.

A la suite de la révélation de la CNIL, le magazine So Foot a contacté les dirigeants du PSG pour connaitre leur point de vue sur la question. Sans révéler l'identité de sa source, le journaliste Anthony Cerveaux rapporte dans un article la révélation d'un salarié du club : le PSG va « se mettre en conformité avec les demandes de la CNIL sans pour autant modifier la politique commerciale actuelle vis-à-vis des supporters considérés comme indésirables »94.

Ces mesures soutenues par le ministère de l'intérieur paraissent symptomatiques d'une ère de sécurisation des stades, qui consiste à surveiller à distance des supporters de football et leur entourage. Dans ce cas, les libertés individuelles et collectives sont entravées puisque ces mesures entrainent des interdictions de déplacements. Ce fut notamment le cas des supporters de Saint-Etienne à la date du 10 février 2015. Ils n'étaient pas autorisés à se déplacer en Ile-de-France lorsque les « Verts », surnom donné aux Stéphanois, jouaient contre le Red Star en Coupe de France.

De cette manière, chaque personne qui se rend aujourd'hui au stade est contrôlée à distance, et ce dès l'achat d'une place. Avant même d'entrer à l'intérieur du Parc des Princes, un système de surveillance automatisé est mis en place par la préfecture de police sur demande du ministère de l'intérieur. Celui-ci repose sur un fichage renforcé qui permet alors aux dirigeants du PSG de connaitre l'identité de l'ensemble de son public. En effet, au moment d'acheter une place ou un abonnement pour la première fois sur le site du PSG ou sur le site Viagogo, il est demandé d'ouvrir un compte personnel dans lequel il est nécessaire de fournir des informations privées concernant le genre, l'âge, une adresse postale, une adresse mail et une identité bancaire. De cette manière, les places sont nominatives.

Le 7 mai, lors d'un entretien, Monsieur André95 m'a affirmé que « théoriquement, tout le monde doit contrôler n'importe quel billet. Quelque soit la tribune. » Cette personne est un responsable commercial dans une société de sécurité spécialisé dans l'évènementiel qui est axé principalement sur le sport. Depuis trois saisons maintenant, l'entreprise travaille pour le PSG au Parc des Princes. Leur mission est de contrôler les accès aux tribunes. Au cours de cet entretien, Monsieur André m'a certifié qu'il fallait présenter une carte d'identité à l'entrée du stade. Par conséquent, on ne peut pas entrer avec la place d'une autre personne. Dans les faits, cette mesure n'est pas toujours respectée. En effet, Kerim, un jeune spectateur avec qui je me suis entretenu n'a jamais voulu payer pour se rendre au stade. Cet étudiant en ingénierie du son qui s'est présenté comme « simple sympathisant du PSG » est « loin d'être prêt à prendre un abonnement car il n'est pas du tout supporter du PSG ». Cette année, il est allé deux fois au Parc des Princes grâce à l'un de ses meilleurs amis qui est lui-même abonné avec sa famille à

93 Arrêté du 15 avril 2015.

94 Cerveaux A, « Supporters : la CNIL épingle de nouveau le PSG », So Foot, mercredi 10 juin 2015. URL : http://www.sofoot.com/supporters-la-cnil-epingle-de-nouveau-le-psg-202707.html

95 Pour des raisons éthiques, monsieur André est un nom d'emprunt. Cette personne a voulu rester anonyme.

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la tribune Boulogne. C'est ainsi que Kerim a pu se rendre au stade en empruntant la carte d'un membre de la famille de son ami. Puisqu'il connaissait la règle interdisant d'emprunter une carte d'abonnement gratuitement sans passer par un paiement sur Viagogo, il a réussi à dissimuler la photographie intégrée sur la carte d'abonnement une première fois. Pour une autre rencontre au Parc des Princes, il a de nouveau tenté d'entrer dans le stade. Cette fois-ci, le personnel à l'entrée du stade lui a demandé de fournir une carte d'identité pour confirmer qu'il s'agissait bien de sa carte d'abonnement. Comme ce n'était pas le cas, il fut interdit d'entrer dans l'enceinte sportive. Si le contrôle à l'entrée n'est pas infaillible, il est néanmoins effectif.

En collectant les données sur son public, les dirigeants du PSG ont donc la capacité de contrôler à distance des personnes selon une relation anonyme mais fichée. En cas de comportements turbulents, les dirigeants du PSG ont suffisamment d'informations pour les exclure sur un temps plus ou moins long. C'est notamment le cas des TAS.

Ces TAS révèlent l'existence d'une méthode de filtrage, et non plus seulement de contrôle, à distance. Si une personne présente un comportement jugé comme inapproprié dans le cadre d'un match de football, l'accès à un stade de football en particulier lui est interdit. En prime, elle doit se présenter à un commissariat à chaque fois que l'équipe dont elle est supportrice joue une rencontre, quelque soit le lieu où celle-ci se déroule. Parmi ces comportements jugés comme inappropriés par la DNLH, il y a : l'usage de stupéfiants, le fait d'être en état d'ébriété, les comportements violents et racistes, etc. Pourtant, aucun statut juridique officiel n'explicite formellement ce que sont un hooligan et le hooliganisme, phénomène contre lequel le DNLH est précisément censé lutter. En se référant aux discours de spécialistes sur la question comme le sociologue Nicolas Hourcade96, on s'aperçoit que les JAS sont confrontés à des répressions autoritaires, fermes, identiques et généralisées pour des délits pourtant dissemblables. En effet, au nom de la lutte contre le hooliganisme, les dirigeants mettent en place une politique répressive qui s'appuie sur des interdictions de stade aussi bien pour des consommateurs de drogues, des usagers de fumigènes que pour des auteurs de réels actes violents. Alors même que ces actes ne constituent pas pour leur majorité une mise en danger physique de la vie d'autrui, on est face à un continuum dans les délits qui ont pourtant un degré de dangerosité et de criminalité différent. Un arsenal répressif unifié se développe pour lutter contre toute forme de déviance. Ainsi, même pour un délit mineur, un supporter ne peut se rendre au stade pour une durée allant de trois mois à un an. Cette condamnation peut être prolongée de plusieurs mois et reconduite sur deux nouvelles années en cas de récidive. Cette mesure permet de filtrer et d'exclure une partie du public considérée comme comportant un « potentiel risque ».

96 Hourcade N., « Principes et problèmes de la politique de lutte contre le hooliganisme en Fance », Archives de politique criminelle 1/ 2010 (n° 32), pages 123-139.

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2. Une exclusion économique ?

En plus d'utiliser des outils informatiques et administratifs, ce système d'exclusion assuré par les dirigeants du PSG prend une nouvelle dimension à la suite de l'augmentation régulière des prix des places. Lors de la saison 2013 - 2014, les prix des places étaient échelonnés entre 35 et 200 euros pour un match « classique », ce qui faisait du Parc des Princes le stade le plus cher de France et l'un des plus chers d'Europe97. Pour mon cas personnel, en l'espace de quatre ans, j'ai vu le prix de mon abonnement doubler. Le documentaire « Parc des Princes, Ultra(s) select » diffusé le 19 mars 2014 sur la chaine cryptée Canal Plus s'est intéressé à cette évolution. Cette politique parisienne s'explique par des préoccupations financières et une volonté de retour économique sur investissement. L'objectif des dirigeants du club est d'accroitre les recettes cumulées sur une année en prenant en compte tous les points de vente le jour du match (ventes de billes, ventes d'objets dérivés, ventes de boissons et nourritures), de 20% par rapport aux gains annuels du club. Le 19 mars 2014, jour de diffusion du reportage, les recettes des jours de match étaient évaluées à 53,22 millions d'euros ce qui correspondait à 13% du budget annuel. C'est aujourd'hui le 8e club européen en termes de recettes de match. Mais les dirigeants du club voudraient atteindre les 80 ou 100 millions de recettes exclusivement réalisées les jours de match sur une année sportive.

Pour remplir cet objectif, la direction augmente les prix des places et privilégie indirectement un public plus aisé ayant une capacité à consommer plus importante.

Par conséquent, l'accessibilité au Parc des Princes est restreinte en fonction du capital économique. De cette manière, le géographe Claude Mangin parle de « filtre socio-spatial »98. Selon une logique économique et hiérarchique, une distance sociale s'exprime à l'intérieur du stade par une distance spatiale. En effet, chaque tribune est associée à une politique de prix différente. Comme l'écrit le géographe dans le même article, c'est « la loi de la rente foncière appliquée au football ». En fonction du confort, du service proposé, de la densité de spectateurs présente, du champ visuel offert, la répartition des prix varie selon les secteurs du stade.

De plus, du fait de l'augmentation régulière des prix des billets, on peut supposer que l'entrée à l'intérieur du Parc des Princes est un acte uniquement possible pour des personnes disposant un capital économique suffisant et que cela revient à distinguer différents profils sociologiques et économiques ; ceux qui peuvent aller au stade et les autres. Dans cette perspective, l'enceinte du stade marquerait une distance physique révélatrice d'une distance sociale. Par conséquent, la logique économique en vigueur à l'intérieur d'un stade démontrée par Claude Mangin pourrait être, dans le cas du Parc des Princes, transposée à l'extérieur de cette enceinte.

Au Parc des Princes, l'augmentation des prix touche de fait toutes les tribunes sans exception. Certains médias n'hésitent pas à alerter leurs lecteurs et leurs auditeurs à ce propos et à dénoncer cette exclusion économique : en sélectionnant un public familial et consommateur,

97 Enquête de Foot, op cit., diffusé le 19 mars 2014.

98 Mangin C., « Les lieux du stade, modèles et médias géographiques », Mappemonde, n°64 ; avril 2001. URL : http://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M401/Mangin.pdf

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le risque à terme serait de voir disparaitre la culture populaire dans les stades de football. Pour attirer l'attention sur la fin d'un football démocratique et égalitaire, les Cahiers du football99 n'hésitent pas à parler de gentrification. Ce processus est caractérisé par le remplacement progressif, dans un espace donné, d'une population résidente par une autre, présentant des statuts sociaux et économiques plus favorisés. Cette définition, initialement appliquée au centre-ville100, est observable aujourd'hui dans de nombreux lieux. Le stade de football et le Parc des Princes sont souvent cités101 par les médias comme des lieux emblématiques du processus de gentrification. Les dirigeants du PSG veulent en effet développer la vocation mercantile du stade en augmentant le prix des places et en présentant de nombreux sponsors pendant et en dehors du temps du match. Des spots publicitaires sont ainsi déployés sur les deux écrans géants et sur les bandes qui séparent les différents étages. Pour assurer l'efficacité de ces dispositifs, les dirigeants du PSG recherchent un public capable de consommer un spectacle. Cette marchandisation du Parc des Princes est directement liée à la politique des prix qui entraine la venue massive de classes moyennes voire aisées et l'exclusion de catégories sociales plus modestes. Toutefois, sans avoir la possibilité d'avoir accès à des données officielles sur l'évolution de la composition du public du Parc des Princes sur plusieurs saisons, il est impossible de confirmer ou d'infirmer cette gentrification.

3. Une politique internationale au Parc des Princes

L'internationalisation du Parc des Princes est, quant à elle, plus évidente puisqu'elle est validée par de nombreux propos dont ceux de Madame Leprince, de Baptiste et Kerim lors des entretiens que j'ai menés avec eux. Un des effets sous-jacents de la politique commerciale de la direction du PSG est en outre la présence de plus en plus régulière de personnes de nationalités étrangères au Parc des Princes. En réponse à une de mes questions concernant l'influence de la RATP sur le trajet du public, Madame Leprince déclare :

« parce qu'il y a de plus en plus d'étrangers qui viennent voir les matchs, trêve de plaisanterie....La tribune qui est à coté de la mienne, la tribune visiteur souvent, elle est séparée en 2 et de l'autre coté, à coté des visiteurs, on a l'impression qu'il y a des cars touristiques asiatiques qui sont là (rire)...Y'a des Asiatiques, y'a aussi de plus en plus de Suédois... Mais je pense qu'eux, ils arrivent en car vu la quantité qu'il y a, ça peut pas se faire autrement... ».

(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de Madame Leprince)

99 Ce site internet consacré au football est connu pour avoir un ton décalé à l'intérieur duquel il dresse régulièrement une critique de l'évolution du football moderne et défend les traditions populaires et historiques attachées à ce sport.

100 Charvet J-P, Sivignon M (dir), Géographie Humaine, questions et enjeux du monde contemporain, 2011, Armand Collin, Paris, 351 pages.

La définition « Gentrification (élitisation) » est à la page 327.

101 « Délit de supporterisme », cahiersdufoot.net

URL : http://www.cahiersdufootball.net/article-delit-de-supporterisme-3997

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Ces propos sont confirmés par la réponse de Monsieur André à une question portant sur l'évolution du public :

- « Mathieu : Depuis 2012, est-ce que vous avez ressenti une évolution du public au Parc ? »

- « Monsieur André : Ouais, dans le... On va dire qu'il y a de plus en plus d'étrangers. Surtout sur la zone Borelli et Paris. Auteuil et Boulogne, c'est quasiment que des abonnés. »

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur André est salarié)

Ainsi, il est désormais possible de voir des groupes d'étrangers dans le stade, chose qui, selon ma propre expérience, n'était pas courante par le passé. Cette réalité est rendue possible grâce aux nouvelles campagnes médiatiques lancées par la direction du PSG qui se caractérisent par des tournées mondiales avant et après une saison de football. Les joueurs du PSG font ainsi une série de matchs dans des régions du monde ayant un fort potentiel économique. Par exemple, la préparation d'avant saison 2015 a lieu aux Etats-Unis. L'objectif est de combiner une préparation physique et technique avec une campagne marketing sur un nouveau territoire à conquérir en vue de renforcer la notoriété mondiale de l'équipe et de contribuer à avoir de nouveaux supporters. Les dirigeants cherchent à extraire le stade et le club de l'environnement proche, ou du moins à le projeter à une autre échelle afin d'en faire une institution pérenne, indépendante des conjonctures locales. Comme l'explique Ludovic Lestrelin, « Le club de football moderne repose sur des logiques néolibérales gagnant de l'importance et de la notoriété en établissant des formes d'extraterritorialité »102.

Ces personnes qui viennent de loin (Asie, Amérique, etc.) ont tendance à ne venir au Parc des Princes qu'une seule fois dans leur vie. Cette rareté incite ce public à consommer des produits dérivés qui ont une valeur de souvenir. C'est pourquoi, le 22 mai 2015, lors de l'entretien croisé avec Kerim, Baptiste nous a déclaré avoir vu « pleins d'étrangers avec des écharpes ou des maillots de Paris » à côté de la tribune Boulogne. L'initiative d'attirer des supporters étrangers permet de conforter l'exploitation commerciale du Parc des Princes et d'augmenter les perspectives d'augmentation des revenus annuels.

En fin de compte, ces différents filtrages sécuritaires et économiques entrainent une évolution du public parisien présent au stade et une exclusion financière d'une partie de la population qui souhaiterait aller au stade. L'accès au Parc des Princes est de plus en plus « sélecte et de moins en moins populaire »103 en raison d'un contrôle assidu en amont du stade.

102 Lestrelin L., « Les territoires réinventés du football mondialisé », Mouvements 2/ 2014 (n° 78), pages 13-23.

103 Enquête de Foot, op cit., diffusé le 19 mars 2014.

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4. La mise en place d'un système de placement aléatoire pour contrer les regroupements

Un dernier dispositif sécuritaire est déployé dès l'achat d'un billet ou d'un abonnement avant de rentrer dans le stade. Dès l'arrivée du nouvel investisseur QSI à la tête du PSG, les dirigeants ont choisi de mettre en place un système d'abonnement pour les plus fervents supporters. Toutefois, ils n'ont pas fait table rase du passé. Au contraire, ils se sont appuyés sur un modèle préexistant. Grâce à la conversation que j'ai pu avoir avec Madame Leprince et en m'appuyant sur ma propre expérience, j'ai compris que deux politiques de placement du public parisien étaient mises en oeuvre. Premièrement, dans les tribunes Auteuil et Boulogne situées derrière les buts, un système de placement aléatoire est développé : une personne qui achète une place appartenant à une catégorie de prix qui correspond à ces deux virages ne peut choisir son placement exact dans la tribune. Celui-ci se fait de manière aléatoire par un logiciel informatique. En revanche, dans les tribunes latérales, que ce soit pour la tribune Paris ou la tribune Borelli, un supporter choisit un emplacement précis. De cette façon, Madame Leprince abonnée au secteur A, a pu choisir sa place : « Non seulement, j'ai choisi ma tribune, mais j'ai choisi la place que je voulais. J'ai choisi le 14e rang et je voulais... ». Lors de l'entretien, elle m'a montré une photographie où l'on voit son nom inscrit sur son siège.

L'objectif de cette politique réservée aux virages est avant tout sécuritaire. En effet, l'intention des dirigeants du PSG est d'éviter d'une part des regroupements volontaires de personnes anciennement affiliées à des associations de supporters organisés et d'autre part, l'apparition d'association informelle et contestataire. Pour éviter l'existence de ces phénomènes, la direction choisit de casser toute dynamique de groupe en effectuant un nouveau tirage au sort avant chaque saison. Ainsi, comme ce fut le cas avec mon expérience personnelle et celle du fils de Madame Leprince, également abonné en virage, notre emplacement a été modifié d'une année sur l'autre. Ce système d'abonnement aléatoire produit un processus d'homogénéisation, des représentations et des comportements dans les tribunes populaires Boulogne et Auteuil historiquement opposées. J'ai pu observer cette uniformisation à plusieurs moments de la saison. Par exemple, lors du match entre le PSG et l'AS Monaco qui s'est déroulé le 5 mars 2015, j'ai vu deux supporters qui portaient des signes distinctifs représentant le « kop104 of Boulogne » dans la tribune Auteuil. L'une de ces deux personnes était située au bas de la tribune et était intégrée à un groupe de supporters qui tentaient de mettre de l'ambiance en organisant les chants. Le port d'un insigne de la tribune de Boulogne ne semblait déranger personne. Dès lors, l'instabilité spatiale, caractéristique du système de placement aléatoire, réservée aux virages, casse les dynamiques de groupes et atténue les sentiments d'appartenance à une tribune. La culture ultra historiquement liée à la tribune Auteuil, l'identité et l'ancrage territorial attachés à un virage sont tempérés. Le processus de territorialisation initialement très puissant dans les tribunes populaires105 s'estompe au Parc des Princes. Comme l'explique Eric Wittersheim dans son ouvrage paru en

104 Assimilé aux virages et aux tribunes populaires, le kop est la tribune où se réunissent les supporters les plus actifs.

105 Bromberger C., op cit, 1995, 406 pages.

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2014106, la tribune constituait pour les abonnés d'Auteuil dans les années 1990 leur maison, leur local, leur lieu de réunion, de festivité. Leur communauté imaginée à travers les médias s'incarnait sur ce territoire. Il y avait donc une réelle appropriation de cet espace par les abonnés au point de devenir leur territoire. Cette appropriation semblait même renforcée par la distinction entre le « eux » (le public présent irrégulièrement) et le « nous » (les abonnés). Aujourd'hui, le système aléatoire, en empêchant cette appropriation, atténue de facto le processus de territorialisation.

Un ensemble de dispositifs immatériels permet donc le fichage de l'ensemble du public présent au stade et un filtrage du public parisien selon des critères économiques et historiques. Le tout se fait en amont du Parc des Princes. Ces initiatives exposent une sécurité renforcée et optimisée à des fins ludiques et commerciales qui se retrouvent pendant les matchs.

II. Une sécurité optimisée au profit d'une mobilité fluidifiée

1. Spécialisation des missions sécuritaires

La sécurité du Parc des Princes et de ses alentours reposent sur la complémentarité entre plusieurs équipes différentes composées d'agents sécuritaires. Chaque équipe a un secteur d'intervention précis. La sécurité des espaces publics environnant est confiée à la préfecture de police tandis que la direction du PSG est responsable de la sécurité à l'intérieur du stade. Pour cela, les dirigeants du PSG font appel à plusieurs sociétés privées. Elles sont chacune dotées d'une mission et d'un espace d'intervention spécifique. Par exemple, la société Olips est chargée de contrôler l'accès des entrées du stade au niveau des grandes portes désignées par les lettres de l'alphabet. La société ACA Sécurité est quant à elle, responsable de la gestion des parkings, des barrages filtrants et de l'accès aux tribunes au niveau des vomitoires. Puisque ces équipes sont responsables des entrées et des sorties du public au niveau de points filtrants, elles sont toujours immobiles. Ces équipes s'adaptent aux mouvements du public. Comme le dit monsieur André dans un entretien,

« Si le public se déplace et qu'il est mobile, eh bien la sécurité est statique et elle oriente les flux. Au contraire, si le public est statique, pendant le match notamment, eh bien c'est à la sécurité de se déplacer ».

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 dans les bureaux de l'entreprise ACA Sécurité)

De plus, grâce à une présence régulière au stade, j'ai pu me rendre compte qu'à cette spécialisation des missions sécuritaires, correspondait une spécialisation spatiale. A chaque lieu qui fait office de transition entre deux espaces différents, un personnel spécifique est placé. Par exemple, monsieur André m'a expliqué le 7 mai 2015 pendant l'entretien le

106 Wittersheim E., op cit, novembre 2014.

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fonctionnement de sa société sur le terrain, à l'intérieur et à l'extérieur du stade : « Il y a forcément des accès, des issues de secours, des zones qui doivent être étanches ». Afin d'interdire le passage du public dans ces lieux précis, les responsables de la sécurité y placent toujours des agents. La présence permanente d'un agent pour contrôler les billets à l'entrée des gradins empêche ainsi de laisser entrer des personnes dans un mauvais compartiment. Ces agents sont toujours placés de telle sorte qu'ils comblent tous les espaces jugés importants et stratégiques par les dirigeants du PSG en termes de surveillance des publics. Ainsi, on confie à chaque société un espace bien défini à surveiller et les dispositifs sécuritaires s'adaptent à la typologie du stade et de ses environs.

2. Le cas des « matchs à risque » : la sectorisation des alentours du Parc des Princes plus marquée et plus efficace

L'aire spatiale d'influence d'un match de football n'est pas restreinte au stade. Au contraire, elle s'étend dans un périmètre à la superficie fluctuante en fonction du statut et de l'importance du match. Des barrages filtrants sont mis en place uniquement pour les "matchs à risque", que sont les rencontres de Coupe d'Europe et les matchs à enjeux du Championnat de France. C'est notamment le cas lorsque le PSG reçoit l'OM ou l'OL. Il s'agit en fait des rencontres où il y a énormément de monde. Ils représentent environ un tiers des matchs au Parc des Princes sur une saison sportive. A la suite de l'entretien avec Monsieur André, j'ai appris que ces barrages filtrants étaient organisés conjointement par les dirigeants du PSG et la préfecture, et étaient placés sous la responsabilité de la société ACA Sécurité. Positionnés à plusieurs dizaines de mètres du stade, ils ont alors une double fonction. Tout d'abord, ils filtrent le public puisqu'ils laissent passer uniquement les personnes munies d'un billet ou d'une carte d'abonnement correspondant à la bonne tribune. En effet, à chaque tribune est associée un barrage ou plusieurs barrages filtrants précis (voir document 2 en partie annexe). Dès lors, le quartier est sectorisé physiquement par une présence humaine. Cette réalité est amplifiée par l'utilisation d'un arsenal sécuritaire renforcé lors de ces rencontres à risque avec la présence de cordons de CRS et de barrières métalliques. Par conséquent, l'aire spatiale du stade avec son dispositif sécuritaire est plus étendue et plus marquée lors de ces évènements.

Ensuite, et de manière concomitante à cette première fonction, ces barrages filtrant empêchent des regroupements devant le stade et tendent à influencer l'orientation des flux en autorisant ou en refusant l'accès au stade. En effet, après plusieurs conversations informelles à proximité du stade, j'ai pu me rendre compte qu'il arrivait qu'on soit obligé de faire un assez grand tour du quartier pour entrer dans le bon secteur. Dans ce cas, lors de ces rencontres "à risque", le boulevard Murat qui longe la tribune Paris est plus fréquentée qu'à l'ordinaire (voir document 2 en partie annexe). Par conséquent, en influençant les mobilités et les flux des populations, cette sectorisation du quartier permet un tri efficace du public à proximité du Parc des Princes. La fréquentation du périmètre proche du stade est alors moins importante à l'image de l'espace situé devant la tribune Auteuil qui est moins densément peuplé qu'à l'ordinaire. Dans ces cas-là, il est impossible de rencontrer un abonné de la tribune Boulogne juste devant la tribune Auteuil. Ces barrages constituent alors l'entrée dans une unité spatiale spécialisée.

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Pour cette raison, lorsque j'entre au niveau de l'intersection entre la rue Lecomte du Nuy et le Boulevard Murat, je ne suis qu'en présence de supporters de la tribune Auteuil.

3. Fluidification des flux et sécurité dissimulée

La permanence de ces filtres entraine une certaine naturalisation à « l'aptitude à passer d'un espace à l'autre »107 : aux abords des tribunes populaires, le public semble connaitre la fonction filtrante de ces infrastructures et agit en conséquence. En effet, j'ai pu constater qu'un faible nombre de personnes voyait leur accès refuser par ces barrages. J'interprète ces observations de la façon suivante : la majorité du public savait quel barrage emprunter pour pouvoir accéder au stade. Toutefois, cette observation concerne les barrages situés à proximité du virage Auteuil, soit une tribune composée majoritairement par des abonnés comme me l'a rappelé Monsieur André lors de notre entretien. Ainsi, il parait logique qu'au fur et à mesure qu'on s'achemine vers la fin de l'année sportive, ces abonnés habitués à fréquenter le Parc des Princes connaissent leurs voies d'accès.

Tout de même, cela met en lumière à quel point la sécurité est optimisée, dissimulée, mais aussi intériorisée par les publics. Les nombreuses conversations que j'ai pu avoir à proximité du stade avec des personnes du public m'ont permis de prendre conscience que les dispositifs sécuritaires au Parc des Princes étaient agencés de telle sorte qu'une partie du public n'en ait pas totalement conscience. Pourtant, comme me l'a déclaré Monsieur André le 7 mai 2015, « chaque recoin du stade est surveillé ». Ce qui signifie que la sécurité est intégrée à l'organisation de l'espace de façon à ce qu'elle soit oubliée. De cette manière, l'encadrement sécuritaire n'apparait pas pour le public comme contraignant. Au contraire, cet encadrement améliore le confort du public notamment en termes de fluidité. En effet, pour entrer dans le stade, le public suit une direction précise selon un mouvement rectiligne. Ces propos sont confirmés par Baptiste le 22 mai :

« On suit les habitués. C'est un mouvement de foule. »,

et Kerim :

« En gros tu vois les gens. Tu vois qu'ils vont vers des entrées et du coup tu te dis que c'est par là ».

(Entretien croisé réalisé à mon domicile le 22 mai 2015)

107 Borja S., Courty G., Ramadier T., "Trois mobilités en une seule ?", EspacesTemps.net, Travaux, 14.10.2014. URL: http://www.espacestemps.net/articles/trois-mobilites-en-une-seule/

Cette citation est tirée de l'article :

Jeanpierre L., « La place de l'exterritorialité », dans Mark Alizart, Fresh Théorie, Paris, 2005, pp. 329-349.

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En les écoutant, on comprend qu'ils n'ont pas eu besoin de demander à qui que ce soit pour aller dans la bonne direction. Leur mouvement était « naturel et spontané ». Ces propos révèlent un encadrement qui s'efface aux yeux du public. Celui-ci est donc intériorisé par le public. Comme me l'a expliqué Monsieur André le 7 mai 2015 lors de notre entretien, les dispositifs humains d'encadrement sont pensés pour « organiser la gestion des flux des populations afin d'éviter tout embouteillage ». Ainsi, l'objectif est d'inciter au déplacement et de dissuader tout stationnement et regroupement dans l'espace public.

Si une partie du public, à l'instar de Baptiste et Kerim, n'a pas conscience de cette réalité, c'est également parce qu'elle améliore une forme d'aisance à se mouvoir dans l'espace. Cet encadrement dissimulé incite le public à se sentir libre dans un mouvement fluide. D'ailleurs, cette fluidité est recherchée et défendue par des supporters. Je m'appuie ici sur les attentes de Madame Leprince exprimées le 29 avril 2015 : « Ouais, il faudrait plus de fluidité, notamment au niveau du métro... ». Comme de nombreux supporters auxquels j'ai demandé leur avis sur les barrières à l'entrée du stade, elle est très satisfaite de ce dispositif. Juste devant les tribunes, quelques mois après l'arrivée du nouvel actionnaire à la tête du PSG, le public a en effet vu la mise en place de queues en forme de lacet délimitées par des barrières métalliques facilement transportables. Avant d'entrer dans cette zone, il faut présenter son ticket d'entrée à un agent de la société Olips. Autrefois, il n'y avait pas ces barrières. L'entrée se faisait alors au compte-goutte par une petite ouverture, ce qui provoquait l'attroupement des supporters.. Aujourd'hui, ces barrières permettent d'éviter le rassemblement et les bousculades, de faire patienter le public tout en étant mobile. Le tout entraine un confort amélioré pour le public, ce qui facilite l'acceptation du dispositif sécuritaire. Ainsi, l'entrée dans le stade se fait de manière plus fluide avec une réduction du sentiment d'attente et de cohue.

Cette fluidité est renforcée par les portes électroniques situées en virage. Celles-ci sont antérieures au « Plan Leproux » et servent à contrôler les billets et les abonnements du public, en scannant leurs codes-barres. Des agents d'accueil se trouvent à proximité et sont visibles grâce à leur uniforme orange qui les distingue de tous les autres personnels. Ceci confirme la correspondance entre une spécialisation des missions et une spécialisation spatiale des agents de sécurité. Les agents qui se trouvent à côté des portes électroniques sont disponibles et prêts à intervenir en cas de problème. La nature automatisée du contrôle permet aux spectateurs de valider leur ticket d'entrée tout en avançant. De cette façon, il y a très peu d'attente. Grâce à ma présence régulière au Parc des Princes, j'ai de faut pu me rendre compte qu'il n'y a jamais eu de saturation à cet endroit. De plus, ces portes sont hautes et imposantes. Il est impossible pour une personne de les éviter d'autant plus qu'il y a une présence sécuritaire autour en cas d'infraction ou de refus de passer. Ces portes électroniques en virage assurent donc une triple fonction : contrôler le billet de toutes les personnes qui se rendent en virage, imposer une barrière physique insurmontable et préserver un flux d'entrée rapide.

On peut alors dire qu'un supporter du PSG qui se rend au Parc des Princes circule sans encombrement dans le stade, ce qui lui permet d'accepter plus facilement le système sécuritaire et le temps d'attente. Comme l'exprime Jean-Christophe Gay, ces barrières

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métalliques et ces portes électroniques constituent un « dispositif canalisant »108. Ces barrières influencent grandement le parcours du supporter parisien tout en le rassurant par un aménagement de l'espace en « douceur »109. De cette manière inconsciente et discrète, le supporter est guidé dans son déplacement. Une fois que le supporter a franchi le point de passage organisé par la société Olips, le supporter entre dans une nouvelle zone : il entre dans le périmètre du stade à proprement dit. Il ne peut plus en sortir, sauf définitivement. Ainsi, ces barrières servent à la fois de couloir qui orientent les personnes, et d'obstacle aux personnes extérieures qui ne sont pas encore entrées dans ce périmètre. Ces barrières ont une fonction séparatrice et filtrante.

4. La sectorisation interne du Parc des Princes

Une fois entré dans la tribune du stade dans laquelle on trouve son emplacement, on entre dans un compartiment dans lequel on est mélangé avec des personnes ayant toutes payé un tarif similaire. Le stade est organisé spatialement par différents territoires distincts, qu'il s'agisse du terrain ou des tribunes. Le terrain est le territoire inviolable, dont le parcours n'est praticable que pour une minorité bien identifiée : les joueurs et quelques dirigeants, journalistes, soigneurs, etc.

Au sein même de l'enceinte, les tribunes populaires situées derrière les buts se différencient des tribunes latérales ainsi que celles des loges, par les prix d'entrée, par la prestation de services offerte, par la composition sociale des populations présentes, ce qui conduit à un prestige social et un discours de soi auprès d'autrui différent voire opposé. Puisque les virages sont dans les faits et dans les esprits des spectateurs des tribunes populaires où sont rassemblés les supporters les plus fidèles, être situé en virage avec ce public tend à se présenter comme un de leur défenseur. En effet, comme l'explique Pascal Charoin, chaque genre de supporter cherche à défendre son style d'action et d'encouragement110. Par exemple, les supporters de football situés en virage ont pour habitude de soutenir leur équipe favorite en dénigrant l'adversaire sur des thématiques territoriales ou sexistes. Au Parc des Princes, il peut arriver que les supporters parisiens s'amusent à interpeller les supporters adverses par les chants : « Paysans, Paysans, Paysans etc. ». Pour comprendre ces interjections, il est important de les mettre en perspective et de rappeler qu'elles sont le plus souvent émises par des jeunes, souvent issus des classes populaires, venus faire la fête et vivre leur passion. La vie des stades de football repose alors à la fois sur l'ironie et la provocation. D'ailleurs, pour certaines de ces personnes qui se sentent souvent oubliées ou marginalisées à l'extérieur du monde du football, un « droit de bassesse »111 est revendiqué pour expliciter cette recherche de liberté en vigueur dans les gradins.

108 Gay J-C, « Les traversées du quotidien », EspacesTemps.net, Travaux, 23 septembre 2013. URL: http://www.espacestemps.net/articles/les-traversees-du-quotidien/.

109 Pradel B, « Mettre en scène et mettre en intrigue : un urbanisme festif des espaces publics », Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007, pages 123-130.

110 Charroin P., op cit, novembre 1990, pages 19-27.

111 Witthersheim E., op cit, novembre 2014, 150 pages.

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Au contraire, la majorité des personnes assises en tribunes latérales ne sont pas abonnées et n'ont donc pas forcément l'habitude de s'exprimer ouvertement pendant la rencontre. Comme le précise Madame Leprince à propos des tribunes latérales :

« C'est jamais les mêmes gens qui se retrouvent au même endroit, il ne peut rien se passer. Ils n'ont pas du tout l'habitude. Plus t'es proche des virages plus ça chante, plus tu te rapproches du milieu, plus c'est calme... Je pense que ce sont surtout des personnes qui sont venus pour voir un match... Pour voir un spectacle quoi... »

(Entretien dans le salon de Madame Leprince le 29 avril 2015)

Par conséquent, le stade de football est un territoire différencié où des clivages sont visibles et exprimés. Ainsi, comme l'écrit Gérard Déréze, le stade est « attribué »112 : chaque acteur à l'intérieur de l'enceinte se voit doté consciemment d'une place, d'une qualité et d'un rôle socialement défini. Les interactions entre les différents acteurs sont spatialement et socialement intelligibles et construites. D'après Madame Leprince, le supporter situé en virage a « le rôle d'encourager son équipe pour qu'elle aille le plus loin possible, c'est certain » (Entretien réalisé le 29 avril à son domicile). Alors qu'en tribune latérale, Gérard Déréze s'inspire des théories de Norbert Elias pour expliquer que le calme rencontré serait dû à un autocontrôle des émotions.

Cette différenciation est d'autant plus forte que le Parc des Princes est structuré de telle sorte qu'il est impossible de passer d'une tribune à une autre. En effet, des infrastructures ont été pensées et agencées pour contrer les mobilités à l'intérieur du stade grâce à des « séparatifs infranchissables » (entretien réalisé le 7 mai avec Monsieur André): c'est notamment le cas des barrières hautes à l'intérieur des virages. Ces séparations sectorisent et compartiment les tribunes. Comme m'en a informé Monsieur André, « même sans sécurité humaine, les infrastructures empêchent les personnes de naviguer... ». D'ailleurs, d'après plusieurs conversations, ce cloisonnement est visible et physiquement ressenti à l'intérieur de l'enceinte par des supporters. Cette donnée fait alors directement référence à ce que propose le géographe Claude Mangin lorsqu'il écrit que le stade est une « architecture ségrégative et défensive »113. De ce fait, la mobilité du public à l'intérieur du stade est très restreinte et guidée par l'agencement physique des tribunes.

La citation est à la page 130.

112 Derèze G., op cit, mis en ligne le 21 juin 2011, consulté le 18 juin 2015. URL: http://edc.revues.org/2437

113 Claude Mangin, op cit, 2001.

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5. La flexibilité des agents de sécurité entre immobilité et mobilité

Cette mobilité est, en outre, réclamée par une partie du public, parce que, paradoxalement, elle lui donne un sentiment de liberté.

Dans un premier temps, elle est - comme nous l'avons vu -encadrée par la structure physique du Parc des Princes et la sectorisation des tribunes.

Dans un second temps, cette mobilité est largement influencée par des dispositifs sécuritaires humains. Ceux-ci sont très bien organisés. En m'appuyant sur les observations des agents de sécurité autour et à l'intérieur du stade et en me référant à l'entretien réalisé avec Monsieur André, il apparaît que la majorité des services de sécurité publics et privés sont immobiles. Par exemple, les salariés de la société ACA Sécurité « ne font que du statique » (Monsieur André). De même dans l'avenue Général Sarrail, après le premier barrage et au niveau du stade Jean Bouin (voir document 2 en annexe), on trouve toujours des véhicules sécuritaires stationnés comme un camion de CRS, des remorques de chevaux, des voitures de gendarmes avec toujours une équipe en tenue, stationnée et prête à intervenir.

De plus, cette immobilité est maintenue pour une grande partie des agents pendant et après la rencontre. En effet, j'ai pu vérifier qu'à chaque rencontre, certains d'entre eux sont regroupés au niveau des vomitoires pour pouvoir intervenir rapidement. Un des rares déplacements qu'ils doivent réaliser est une ronde pendant la rencontre dans la tribune lorsque la foule est statique. A ce moment-là, deux à trois fois par mi-temps pour les matchs les plus importants, une équipe de quatre ou cinq vigiles fait le tour de la tribune alors pleine d'un pas lent en observant attentivement le public.

Cette organisation sécuritaire humaine est améliorée par une capacité d'adaptation renforcée des différentes équipes. En effet, de nombreux agents changent de mission en fonction de la temporalité du match. Puisque chaque mission est spécialisée selon une zone d'intervention spécifique, on confie à ces agents un nouvel espace d'action. Par exemple, les personnes qui gèrent l'accès aux vomitoires au début du match et à la mi-temps sont responsables de la sortie des tribunes à la fin de la rencontre. Dans ce cas, les salariés d'ACA Sécurité font en sorte d' :

« essayer qu'il n'y ait pas de bouchon, que les gens ne stagnent pas dans les marches, que personne ne discute dans les marches et que ça bloque. Ils vérifient que les allées soient dégagées pour faire vider le stade le plus rapidement possible sans forcer les gens. Ce n'est pas à la seconde près. On invite les gens à sortir tranquillement parce qu'il y a toujours quelques personnes qui restent en tribune à prendre des photos, à discuter etc. Une fois que le stade est quasiment vide, on invite les derniers dans la politesse à quitter les lieux »

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 avec Monsieur André dans les bureaux de son entreprise, ACA Sécurité).

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On comprend alors que l'objectif principal est de fluidifier le mouvement en vérifiant que personne ne reste dans les allées de circulations. En guidant les personnes vers la sortie, l'agent positionné à un vomitoire s'assure que les zones réservées au mouvement soient libres. Justement, dans le stade, chaque zone est attribuée spatialement en termes de mobilité, et corolairement de sécurité. En effet, des lieux sont pensés pour être statiques tandis que d'autres le sont pour se déplacer. Par exemple, le règlement intérieur du Parc des Princes interdit aux spectateurs « de se tenir dans les lieux de passage, les lieux d'accès ou de sortie ou les escaliers »114. C'est ainsi que j'ai pu observer plusieurs fois pendant les rencontres les vigiles au niveau des vomitoires ordonner à certains supporters de ne pas stationner sur les marches ou de rester debout dans l'allée principale horizontale au milieu de la tribune. Ainsi, en attribuant des fonctions spécifiques à certains lieux, la sécurité organise le placement et le déplacement des spectateurs. Par conséquent, cette présence humaine vient en complément à l'architecture sécuritaire du stade. Les agents de sécurité fluidifient la circulation du public parisien tout en s'adaptant à la typologie du stade et de ses alentours.

De cette manière, certaines zones - y compris hors du stade - acquièrent une fonction différente au cours du déroulement du match. En effet, les stations de métro autour du stade sont souvent des lieux d'accueil au début du match avec la présence d'hôtes d'accueil à la sortie du métro au niveau de la Porte de Saint Cloud. Au contraire, à la fin du match, ces stations de métro deviennent des lieux très contrôlés et très surveillés par des CRS et le service de sécurité RATP. Même si je ne les ai jamais vu intervenir, leur présence entretient un aspect dissuasif pour le public. Par conséquent, on s'aperçoit que, d'une part, une même personne peut changer de fonction en investissant un nouvel espace de travail, et que, d'autre part, le rôle spécifique attribué à un espace peut évoluer en fonction de la temporalité.

Finalement, la déambulation du public parisien est surveillée et guidée sur une base territoriale constante depuis les minutes qui précèdent jusqu'aux minutes qui suivent la rencontre. Si le parcours est similaire entre le chemin de l'aller et celui du retour, ces espaces fréquentés ont une fonction différente et sont animés par d'autres acteurs. Le dispositif sécuritaire humain est flexible selon les différents espaces et temps de l'évènement.

6. Une sécurité renforcée par des appareils de hautes technologies

La sécurité organisée par des dispositifs humains est d'autant plus efficace qu'elle s'appuie sur des appareils techniques performants. En effet, à l'intérieur du stade, des appareils de haute technologie renforcent la surveillance du public. Parmi ces appareils il y a de nombreuses caméras très discrètes qui permettent de contrôler à distance et d'avoir un point de vue situé en hauteur pour observer un maximum de personnes (fig 1).

114 « Supporters PSG : Les règles se durcissent encore au Parc des Princes », psgcommunity, 21 juillet 2013. URL: http://www.psgcommunity.fr/actualite-du-psg/supporters-psg-les-regles-se-durcissent-encore-au-parc-des-princes/11140.

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Fig 1 - Terminal de contrôle qui surveille à distance et en hauteur l'ensemble des tribunes. (Source : google

image)

Cette réalité m'a été expliquée par Monsieur André. Pour mettre au point un système de sécurité efficace, il faut des « équipes qui puissent avoir une vision d'ensemble en prenant de la hauteur pour voir les différents problèmes qu'il peut y avoir et intervenir rapidement » (Entretien réalisé le 7 mai). Comme le montre la photographie ci-dessus, toutes ces caméras sont reliées à un terminal de contrôle situé dans le stade et visible par l'ensemble du public. Ainsi, les agents qui scrutent les images fournies par les caméras peuvent prévenir par radio les agents de sécurité présents en tribune. Parmi ces derniers, les responsables sont munis d'un casque audio avec micro intégré pour communiquer entre eux et probablement avec le terminal de contrôle. Ainsi, cette capacité à agir rapidement est rendue possible par la complémentarité entre deux appareils technologiques : les caméras de surveillance et les casques audio avec micro intégré. D'ailleurs, on a pu constater la vitesse d'exécution des agents permise par ce système. Lors du match entre la section féminine du PSG et les Glasgow Rangers le 28 mars 2015 qui s'est déroulé exceptionnellement au Parc des Princes pour le compte de la coupe d'Europe, de nombreux supporters ont vu leur accès refusé à l'entrée du stade après avoir pourtant pu passer les premiers portiques. En réalité, ils étaient triés sur le volet par les caméras : « Lorsque mon tour est arrivé, j'ai montré mon billet, mais le stadier s'est mis devant moi et m'a dit "toi, tu rentres pas" »115. Les agents de sécurité étaient prévenus par radio lorsqu'ils faillaient évincer une personne. A cette rencontre, la sécurité du PSG a choisi quelle personne pouvait entrer et quelle personne ne le pouvait pas en se basant sur le visage du public. Depuis la mise en place du « Plan Leproux », les matchs féminins sont l'occasion pour d'anciens supporters du PSG d'afficher leur soutien librement116. Ordinairement, les prix des billets sont moins élevés et le service de sécurité moins fourni. Surtout que les féminines du PSG ont l'habitude de jouer leur match au stade Charléty où il n'y a pas toutes ces infrastructures de surveillance. Ces rencontres sont donc plus accessibles pour les anciens supporters du PSG bannis du Parc des Princes. C'est pourquoi le militantisme des anciens Ultras du PSG peut se développer plus librement lors des matchs de la section féminine du PSG.

115 Cerveaux A., « Le PSG continue d'exclure certains de ses supporters », So Foot, 1er avril 2015. URL : http://www.sofoot.com/le-psg-continue-d-exclure-certains-de-ses-supporters-198453.html

116 Guillou C., « Ligue des champions : quand les Ultras du PSG défendent les filles », Le Monde, 19 mai 2015. URL : http://www.lemonde.fr/football/article/2015/05/15/ultras-feminins_4634001_1616938.html

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Ainsi, la sécurité du Parc des Princes et de ses alentours reposent sur une présence humaine organisée et spécialisée qui s'adapte à la typologie urbaine du quartier et à l'architecture de l'enceinte sportive. Le tout est renforcé par l'utilisation d'appareils technologiques complémentaires performants. Tous ces diapositifs physiques sont pensés pour masquer le contrôle rigoureux et la surveillance du public. En effet, ces différents dispositifs permettent un encadrement omniprésent, assidu et quasi-continu du public sans que ce dernier, globalement, ne s'en inquiète.

Cette surveillance optimisée est justifiée à des fins financières et sécuritaires par la mise en place d'un système à la fois dissuasif (présence humaine sécuritaire importante et dispositifs canalisant) et répressif caractérisé par des sanctions sévères. La conséquence principale de ces dispositifs d'encadrement est la pacification du public. Celle-ci conduit à une transformation des supporters en client. Cette évolution fait directement référence à l'aseptisation générale au Parc des Princes.

III. Le Parc des Princes, sécuritaire et ludique : un espace aseptisé

La sécurité au Parc des Princes peut être analysée par plusieurs prismes différents. En plus des dispositifs d'encadrement du public parisien précédemment évoqués, on peut s'intéresser à la marge de manoeuvre offerte au public du PSG par la direction du club en s'adaptant aux singularités fonctionnelles et architecturales du Parc des Princes. A l'intérieur de ce stade, une nouvelle configuration et vision du supporterisme voit le jour par la mise en place de restriction concernant la liberté d'action.

1. Des modifications du règlement intérieur pour modérer les comportements des supporters

Historiquement, les associations de supporters organisés étaient responsables de l'animation des tribunes. Celles-ci permettaient d'encourager l'équipe et de transmettre des émotions et des sensations fortes. Cette action est d'ailleurs analysée par Eric Wittersheim dans son livre paru en 2014117. Même s'il affirme que les émotions représentent pour un chercheur une thématique très difficile à évaluer et à analyser puisqu'elle est subjective et difficilement quantifiable, il soutient l'idée que plus on se trouve vers le bas du virage, plus on est situé proche des supporters les plus fervents, plus les sensations visuelles et auditives sont exacerbées. Ceci s'amplifie d'autant plus lors des rencontres à fort enjeu, lorsque l'adversité est particulièrement forte. Cette donnée évolue dans le sens inverse lors des matchs peu importants et lorsqu'on occupe une position plus élevée dans les gradins.

117 Witthersheim E., op cit., novembre 2014.

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Ces émotions interviennent dans les moments qui sont les plus recherchés par les supporters. Ils justifient la somme financière apportée en début de chaque saison. En reprenant la thèse de Norbert Elias qui affirme que dans une société apaisée où on observe une régression du seuil de violence tolérée par la société118, l'affrontement physique semble être remplacé par l'affrontement sportif. La concurrence est désirée par les supporters qui voient leurs émotions exacerbées lors des grandes rencontres. Ces émotions qui résultent d'une concurrence sportive, sont défendues par des joueurs passionnés. C'est le cas de Pauleta, joueur idolâtré par le public parisien puisqu'il est meilleur buteur de l'histoire du PSG, qui avoue regarder encore des vidéos de temps en temps pour se remémorer l'ambiance du Parc des Princes.119

Sauf que pour créer, transmettre et diffuser ces émotions simultanément, les supportes étaient organisés et hiérarchisés120. Pour les responsables des associations de supporters, l'objectif était de voir et d'entendre un maximum de personnes dans la tribune. Comme le dit le sociologue Nicolas Hourcade : « A partir des années 1980 - 1990, on a des groupes qui veulent encourager l'équipe en permanence et qui veulent bien faire leur `métier de supporters' »121. Pour cela, l'ancien porte-voix du « Kop of Boulogne » surnommé « Bouquin » raconte son expérience : « J'étais à califourchon sur le triangle avec un mégaphone, je me rappelle sentir ce truc.... Comme si toute la tribune, tout le stade vibrait et je me souviens, même les mecs à coté, à l'unisson vibraient également. C'était énorme. »122

Ces supporters organisés prônaient leur indépendance vis-à-vis de toute autre institution. De cette façon, ces associations organisaient leur propre manière de supporter l'équipe. Elles le faisaient de manière autonome tout en étant attentives à ce que faisaient les autres groupes pour ne pas les copier et pour se démarquer. Pour cela, chaque association organisait ses propres tifos ou drapeaux pour organiser un supporterisme singulier, festif et participatif. Cette caractéristique était réservée aux tribunes situées derrière les buts et marquait leur singularité par rapport au reste du public du stade. Celle-ci est confirmée par Amar, ancien porte-parole de l'association située à Auteuil « Lutèce Falco » aujourd'hui dissoute : « Le fait d'avoir des groupes structurés, avec des gens qui étaient vraiment là pour lancer des chants, avec des gens qui étaient vraiment là pour avoir des idées de tifos, des choses comme ça, et des gens qui étaient capables de les mettre en oeuvre... Et aussi grâce à un club qui nous suivait derrière, avec toutes les discordes qu'on pouvait avoir entre eux et nous, un club qui nous permettait de réaliser ces choses-là »123 manifestait la singularité des tribunes populaires du Parc des Princes.

La liberté d'action des associations étaient très grande, ce qui satisfaisaient certains dirigeants amoureux du PSG à l'instar d'Alain Cayzac, membre du comité directeur du club depuis 1986 et président entre 2006 et 2008 : « Ils (les supporters organisés) étaient là pour le meilleur et pour le pire. Non seulement je n'ai pas eu à me plaindre d'eux mais au contraire, je considère

118 Elias N., op cit, décembre 1976, pages 2-21. 119Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.

URL: https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA.

120 Charroin P., op cit, novembre 1990.

121 Ibid.

122 Ibid.

123 Ibid.

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qu'ils ont fait beaucoup pour... je vais dire pour m'aider à sauver le club. »124. A cette époque, cette indépendance et cette liberté d'action accordée aux supporters dérangeaient les dirigeants de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Ces supporters étaient susceptibles d'être critiques envers les instances du football. Ces dernières sont alors entrées en relation conflictuelle avec les associations. Depuis l'été 2010 et la mise en place du Plan Leproux, le PSG refuse d'avoir des associations de supporters organisés. Pis, pour lutter contre l'animation des tribunes perçue comme transgressive par les responsables du football français et du PSG, les dirigeants du club parisien ont interdit toute banderole, ainsi que l'usage d'engins pyrotechniques. En effet, il est aujourd'hui interdit d'entrer dans le stade avec le matériel du fan selon la définition de Jean-Michel Roux125, c'est-à-dire des tambours, mégaphones, fumigènes, etc. Pour cela, les dirigeants du PSG ont fait changer le règlement intérieur du Parc des Princes. Le PSG en tant qu'occupant exclusif du Parc des Princes, établissement public pour une durée de 30 ans, est en droit de faire régir ses propres règles. D'ailleurs, l'entretien avec Madame Leprince m'a permis de me rendre compte du respect formel de cette règle par les agents de sécurité :

« Avec ses copains, ils avaient récupérer pleins de drapeaux qu'ils ont cousu avec une machine à coudre pour faire un grand grand truc. On leur refuse de le mettre ! Ils ont même pas le droit de le mettre au début du match ».

(Entretien réalisé au domicile de Madame Leprince le 29 avril 2015)

Plusieurs personnes dans le stade m'ont affirmé trouver ces interdictions comme un manque de respect aux supporters et à l'histoire du football.

Par conséquent, cette perte d'autonomie du public parisien et ces interdictions concernant le matériel du supporter ultra inhibent la capacité d'action et d'expression des supporters. Les tribunes du Parc des Princes sont uniformes. Dorénavant, le public semble suivre le déroulement du match et agit en fonction de la succession des temps forts et du score. J'ai pu observer cette évolution lors du match entre le PSG et l'ETG le 18 janvier. Voici une partie de mes notes de terrain retranscrites le lendemain de la rencontre.

- A la 14e minute du match, l'Evian Thonon Gaillard ouvre le score grâce à un but de Barbosa.

- A la 20e minute, quelques dizaines de supporters n'hésitent pas à insulter les joueurs du PSG. Ils ne forment pas un groupe uni. Au contraire, ils semblent être éparpillés dans les tribunes. On entend alors des injures : « bougez-vous le cul bande d'enculés ». Ces offenses n'étaient pas prononcées en même temps. Dans ce cas, elles étaient difficilement compréhensibles mais on les entendait bien à cause du silence qui régnait dans le stade à la suite de l'ouverture du score des adversaires.

Ces insultes constituaient un chant contre l'équipe.

124 Ibid.

125 Roux J-M., op cit, été 2014, pages 60 - 62.

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- A la 23e minute du match, dans ce même silence, on entend plusieurs fois : « et il est mort le Parc des Princes ». Ce chant fut lancé par une petite dizaine de personnes regroupées au bas de la tribune. En raison du calme général qui subsistait dans la tribune, ce chant collectif avait une forte résonnance et était facilement compréhensible. Par cette action, le petit groupe contrastait avec le reste du public.

Ce chant repris en coeur par une minorité du public à proximité du groupe était destiné contre le nouveau public et la direction du PSG.

- A la 25e minute, le PSG se met à dominer. En quelques secondes, plusieurs occasions nettes réveillent le public du stade. Des encouragements fusent depuis les tribunes de manière confuse. Ce n'est pas du tout organisé et structuré.

Ces cris d'encouragements individualisés font suite à la réaction positive des joueurs du PSG. Le public semble suivre le rythme du match de manière spontanée.

- A la 30e minute, le PSG égalise grâce à un but de son défenseur David Luiz.

- A la 31e minute du match, l'égalisation du PSG a redonné de la vie et de la joie dans les tribunes. Le petit groupe de supporter situé au bas de la tribune Auteuil lance un nouveau chant à l'honneur du PSG. Cette fois-ci, il est repris par une large majorité de supporters présents dans la tribune.

Dès que le PSG est revenu à la marque à la suite d'un temps fort, un chant organisé a pu se répandre dans la tribune.

- A la 38e minute, le PSG mène pour la première fois au score grâce à un but de Marco Verratti.

A 2 - 1 pour le PSG, on constate directement une meilleure ambiance dans les tribunes et un soulagement pour le public. Les chants sont repris par plus de monde ce qui structure et appuie les encouragements.

Puisque le PSG domine le match et mène au score, les joueurs du PSG semblent plus décontractés. Alors, ils se permettent de beaux gestes techniques. Ces derniers sont tous salués par des applaudissements généraux et des exclamations.

Lorsque le PSG domine, joue bien et mène au score, le public encourage l'équipe collectivement en suivant les chants toujours émis par le petit groupe de supporters situés en bas de la tribune.

On constate dans cette prise de note l'évolution du comportement du public en fonction de l'évolution du score du match. Hormis le petit groupe de supporters qui chantent presque continuellement (que ce soit pour critiquer ou encourager l'équipe), le public suit le rythme du match et encourage lorsqu'il est satisfait du spectacle proposé. Par conséquent, il est directement dépendant de ce qu'il se passe sur le terrain.

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Ainsi, l'absence d'objets ou d'instruments constitue une grande difficulté pour le public en vue d'organiser un chant puissant et collectif. Sans cette dimension collective, cette « fusion, cette émotion au même moment »126 (Viola, ancien porte-voix des « Lutèce Falco ») le Parc des Princes est devenu un lieu aseptisé et hyper-contrôlé comme si l'animation des tribunes était synonyme de transgression et de danger.

2. Le Parc des Princes, un espace mis en scène

Dorénavant, pour dynamiser et encourager les spectateurs à encourager leur équipe, on voit sur les écrans géants des spots où les joueurs passent un à un pour demander au public d'encourager leur équipe. Ce qui se faisait naturellement n'est aujourd'hui possible que via l'action du club et des dirigeants. La modification du règlement intérieur a transformé l'ambiance à l'intérieur du stade et a restreint la marge de manoeuvre des supporters. On observe alors deux conséquences à la suite de ces évolutions.

Tout d'abord, on assiste à une perte d'autonomie du public parisien. L'ambiance à l'intérieur du stade émane principalement du terrain, du déroulement du match et des dirigeants. Christophe Uldry, ancien président des « Supras Auteuil », association dissoute aujourd'hui, évoque l'influence que pouvait avoir le public dans un match de football : « Les conditions d'un exploit comme un match sur Bucarest127, ça se crée, ça se crée. Quand les joueurs entrent sur Bucarest, j'en ai vu plus d'un et j'en ai lu plus d'un qui disent simplement : `Quand on est rentré sur le terrain, on a senti le public et on a senti qu'il allait se passer quelque chose' »128.

Ensuite, on assiste à une transformation de l'identité et de la culture du supporterisme en raison d'une uniformisation des tribunes : les virages tendent à ressembler de plus en plus aux tribunes latérales en termes d'animations et de comportements. Par exemple, à plusieurs reprises cette année, au niveau de la « tribune famille », on a pu voir un tifo déployé par les salariés du PSG au-dessus des têtes des enfants sur lequel était inscrit : « le Junior Club vous soutient ». On peut voir cette initiative à la fin d'une vidéo sur le site officiel du PSG129. La direction du club a alors la volonté de maîtriser l'ambiance qui règne au sein du Parc des Princes afin de satisfaire le public qu'elle sélectionne.

Cette ambition témoigne en outre de la dimension internationale du PSG. En tant que marque mondiale, le PSG fait maintenant appel à des sponsors internationaux destinés à des personnes étrangères présentes au stade. Cette nouvelle dimension fut observée lors de la première journée de la saison 2015 - 2016 avec la réception du Gazélec Ajaccio le 16 aout.

126 Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.

https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc

127 Au match aller, le PSG fait jouer un joueur suspendu. Le PSG est donc sanctionné et défait 3 - 0 sur tapis vert. Pour se qualifier au prochain tour de la coupe d'Europe, le PSG doit donc gagner avec 4 buts d'écarts.

128 Whenwewerekids, op cit., 70min, 2013.

https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc

129 Aïche T, «PSG - Nancy en tribune junior», publié le 11 mars à 19h20.

URL: http://www.psg.fr/fr/Actus/003001/Article/61484/Paris-Nancy-en-tribune-Junior-Club.

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Fig 2 - Photographie du terrain du Parc des Princes avec des spots publicitaires écrits en anglais illustrant
l'internationalisation du stade (Source : M.Kerrien, photographie prise le 16 aout 2015)

Sur cette photographie (fig. 2), on peut distinguer le slogan de la compagnie aérienne Fly Emirates, principal sponsor du PSG130, écrit en anglais au niveau des annonces publicitaires : « Fly Emirates to over 145 destinations ».

Aujourd'hui, le Parc des Princes accueille un club de football ayant une dimension et une ambition internationale. Le spectacle sur le terrain doit être à la hauteur de cette ambition. Cette réalité doit également être ressentie à l'extérieur du terrain en tribunes et aux alentours du stade. En s'inspirant des clubs de football de son envergure comme Manchester United ou le Real Madrid, les dirigeants du club souhaitent faire du match de football une expérience unique. Ainsi, une mise en scène est déployée avec en premier lieu la disposition de nombreux agents d'accueil à la place des agents de sécurité. En effet, selon Monsieur André, la pacification du public parisien aux abords du stade a permis au club de penser différemment l'accueil du public :

« C'est le métier qui a changé. Maintenant, on estime qu'un agent de sécurité peut également faire de l'accueil et nous, on s'est mis également sur ce créneau en... Nous notre but c'est pas d'avoir des agents de sécurité de 2 mètres et de 120 kilos, c'est pas notre force... Nous on n'est pas dans l'intervention, c'est pas nous qui allons gérer les bagarres ou les choses comme ça, les incivilités. Nous on fait du contrôle d'accès. On pense que pour faire du contrôle d'accès, on n'a pas besoin de faire 2 mètres. On peut mettre quelqu'un qui a un profil standard. Un peu monsieur « tout le monde ». Mais qui est capable de dire « bonjour monsieur », de sourire, de regarder dans les yeux et de souhaiter une bonne soirée et un bon match ».

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur André est salarié)

130 LVD, « Fly Emirates arrose le PSG », So Foot, 2 février 2013. URL : http://www.sofoot.com/fly-emirates-arrose-le-psg-166426.html

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D'après cette personne, la sécurité est toujours aussi présente mais elle a évolué. En effet, l'objectif pour les dirigeants est d'établir une relation de confiance. Pour cela, on essaye de stabiliser les dispositifs d'encadrement et de fidéliser les agents d'accueil. Cette idée est relayée par Monsieur André quand il me dit : « afin d'avoir une petite relation, notamment avec les abonnés en virage, c'est régulièrement les mêmes personnes qu'on essaie de mettre aux portes », et est approuvée par Madame Leprince. Elle connait un peu la personne qui est à son vomitoire d'autant plus qu'elle est abonnée avec sa soeur et qu'ainsi, elles « sortent du lot » pour reprendre ses propres mots.

Dans un second temps, en cherchant à considérer le public du PSG comme une somme de clients potentiels, les dirigeants du club adaptent ses dispositifs pour aller dans ce sens. Lors des matchs « classiques » (au contraire des matchs « à risque »), les dirigeants du PSG demandent aux sociétés privées engagées de placer des agents à des lieux précis avec des fonctions précises. Lors de ces rencontres, celle-ci ont surtout pour objectif d'accueillir le public, de l'informer, le renseigner et l'orienter. Ces missions m'ont été expliquées par Monsieur André lors de notre entretien :

- Monsieur André : «Maintenant, on considère qu»il n'y a plus trop de risque à proprement parler.

Après forcément, voilà, si on reçoit Chelsea, le risque vient plus des Anglais que des Parisiens. Donc ça va être plus une gestion des Anglais et éviter que les Anglais se retrouvent n'importent où et au contraire, on les oriente vers leur carré. »

- Mathieu : « Oui donc vous avez aussi une fonction d'orienter les gens et pas seulement de filtrer ? Vous guidez les gens... »

- Monsieur André : « Oui c'est ça on fait également beaucoup d'orientation. »

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur André est salarié)

Ainsi, au Parc des Princes en fonction des matchs, les missions sécuritaires changent de nature en apparence afin de rassurer et de guider le public. De cette façon, il s'agit d'augmenter l'impression de confort et de liberté d'action du public en proposant un service plus ludique qui repose sur la communication et la confiance.

On trouve effectivement de nombreuses animations dans le stade à l'instar de la « tribune famille ». Cette tribune, située en quart de virage de la tribune Borelli, accueille uniquement des enfants de moins de 14 ans accompagnés par un adulte et propose des tarifs réduits. Le prix d'entrée pour un enfant est de 15 euros au minimum. En revanche, l'adulte paye un tarif plein soit 35 euros au minimum. Afin de divertir et de fidéliser ces enfants pour qu'ils deviennent de futurs amateurs du PSG, des activités sont proposés avant la rencontre et à la mi-temps. Parmi celles-ci, il y a la possibilité de faire une partie de football dans les travées du stade, ainsi que de rencontrer la mascotte du PSG prénommée Germain et de se faire maquiller.

Plus largement, des évènements sont organisés pour l'ensemble du public du Parc des Princes. Il y a régulièrement la distribution de boisson à la fin du match ou la célébration d'un évènement populaire avec en filagramme, un enjeu marketing. Ce fut par exemple la célébration de la Saint-Valentin au Parc des Princes le 14 février lors de la rencontre qui opposa le PSG et Caen (fig. 3).

Cette photographie trouvée sur internet représente un couple célébré le 14 février, jour de Saint-Valentin. A ce titre, le PSG avait organisé entre autre un concours nommé : « un cadeau de rêve ». En un tweet, il fallait expliquer pourquoi un couple avait le droit d'obtenir ce cadeau.

Sur cette photographie, on voit le couple vainqueur avec le speaker du Parc des Princes à travers l'un des deux écrans géants. De nombreuses fois avant - pendant - après la rencontre, la « kisscam » (caméra préparée spécialement pour cette journée) a filmé des couples et les a retransmis sur ces écrans géants.

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Fig 3 - Photographie qui présente le couple vainqueur du jeu de la Saint-Valentin (Source :
http://sportandsand.com/football-dans-les-coulisses-du-psg/)

Ces différents dispositifs visent à rendre le public à l'aise, à lui faire passer un bon moment et ont comme effet indirect de faire oublier la continuelle présence sécuritaire et la marchandisation du spectacle proposé. Les commentaires de la jeune femme sont révélateurs de la dimension ludique des évènements : « J'avoue l'ambiance fait qu'on se prend au jeu en fait :) » (Commentaire de Margaux - 26 février 2015)131.

131 « Football // Dans les coulisses du PSG au parc des princes ! », Sport and sand, 25 février 2015. URL : http://sportandsand.com/football-dans-les-coulisses-du-psg/

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De cette manière, on entre dans une clientélisation du public. Ce processus largement analysé dans les sciences sociales à l'instar des travaux de Ludovic Lestrelin132, Eric Witthersheim133, est confirmé par Monsieur André :

« Euh on considère que chacun des spectateurs, enfin, on est quasiment, c'est des clients si vous voulez. Au même titre que Louis Vuitton a des clients, pour nous, les spectateurs qui viennent au Parc des Princes, c'est aussi des clients. Ils ne viennent pas seulement regarder un match, ils viennent vivre une expérience, trouver une ambiance, une atmosphère etc.... »

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 dans les bureaux de l'entreprise ACA Sécurité)

Ainsi, les dispositifs d'encadrements sont minimisés et conçu de façon à mettre le client à l'aise pour qu'il ressente l'évènement comme une « expérience et un spectacle » à part entière. Le marketing a pris une place à part entière dans ce domaine. L'objectif final est d'inciter le public à consommer et à augmenter la recette annuelle du club les jours de matchs. Sauf que dorénavant, au moindre faux-pas de l'équipe, le mécontentement est affiché sans hésitation. Dans un contexte difficile d'un point de vue sportif, après des résultats négatifs par exemple, le public peut ne plus soutenir son équipe, ce qui va contre les principes de base du supporterisme. Au mois de janvier 2015, le PSG connaissait par exemple une période compliquée. Défait 4-2 le 10 janvier à Bastia, l'entraineur Laurent Blanc était proche du licenciement134. Lors du match entre le PSG et l'Evian Thonon Gaillard du 18 janvier, j'ai pu entendre de nombreux sifflets en provenance des tribunes. Ainsi, l'aseptisation du Parc des Princes et la clientélisation de son public ont pour effet secondaire la mise en scène d'une expérience unique qui incite le public à être exigeant en termes de résultats et de spectacles. Le public du Parc des Princes souhaite désormais rentabiliser les couts investis pour entrer dans le stade. Ces réactions symptomatiques d'un manque de culture footballistique sont dénoncées par « Amar », ancien porte-parole des « Lutèce Falco » : « on demandait aux gars de la tribune, aux nouveaux, de ne pas siffler les joueurs, de ne pas être versatile »135.

Cette analyse fait ici référence à la nouvelle réalité du public - ici madrilène - décrite par le journaliste Markus Kauffman : « Il n'en a ni les angoisses des fins de mois ni le besoin de héros. Lui, il veut des victoires et du spectacle »136. Dans ces conditions, le stade n'est plus un lieu de concentration de passionnés mais un espace de divertissement à destination de spectateurs-clients.

Cette clientélisation est possible grâce à la mise en place d'une sécurité discrète associée à une mise en scène du spectacle dans un esprit ludique.

132 Lestrelin L., op cit., 2014.

133 Wittersheim E., op cit, novembre 2014.

134 « PSG : Laurent Blanc sur un siège éjectable », Le Parisien, 12 janvier 2015

URL : http://www.leparisien.fr/psg-foot-paris-saint-germain/laurent-blanc-sur-un-siege-ejectable-12-01-2015-4438931.php

135 Whenwewerekids, op cit., 70min, 2013.

https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc

136 Kaufmann M., « Le Real Madrid, cimetière des idoles ? » So Foot, 22 mars 2015 URL : http://www.sofoot.com/le-real-madrid-cimetiere-des-idoles-198022.html

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Deuxième partie - Le public parisien face

aux dispositifs d'encadrement : diversité des

formes d'adaptation et résistance

Tout est fait pour que les systèmes d'encadrement mis en place au Parc des Princes donnent l'impression au public parisien de ne pas se sentir enfermé. L'impression de liberté qui en découle témoigne en retour de l'efficacité des systèmes d'encadrement du public en amont et au sein du Parc des Princes ; efficacité qui, rappelons-le, permet aux autorités publiques et aux dirigeants du PSG de contrôler les faits et gestes du public et d'orienter ses déplacements. Ce décalage entre le ressenti des usagers et une réalité technico-spatiale repose sur la mise en oeuvre d'une stratégie de « séduction » de la part des concepteurs et gestionnaires du stade, stratégie qui a pu être analysée par Matthieu Giroud lors du Championnat d'Europe de football au Portugal en 2004137. L'auteur montre ainsi comment l'organisation d'un tel évènement ayant une visibilité internationale est l'occasion de sublimer l'image et la réputation d'un territoire, en l'occurrence Lisbonne. La « séduction » consiste à encadrer les touristes et supporters étrangers sans les oppresser en leur proposant, par exemple, des parcours fléchés et ce, dès leur arrivée à l'aéroport. Ces derniers représentent une manoeuvre pour pouvoir guider les regards des touristes. Ainsi, en proposant des « possibles », les autorités font une sélection de ce qu'il faut voir et entendre dans la ville.

Cette stratégie s'appuie en outre, à la fois sur une présence policière qui s'aide d'un système de vidéosurveillance pour contrôler les pratiques urbaines, sur une mise en scène et sur une marchandisation du spectacle pour créer une expérience unique. Ces dispositifs ont pour objectif de dissimuler et d'effacer toutes les contestations potentielles, et plus globalement d'influencer sensiblement le comportement du public.

Par ailleurs, au Parc des Princes, la culture et l'expérience du supporterisme sont inégalement réparties au sein du public présent régulièrement au stade. La fidèle présence de certains supporters au Parc des Princes associée à une connaissance historique et internationale du supporterisme peut entrainer chez ces mêmes supporters un sentiment de colère et d'exaspération vis-à-vis des politiques sécuritaires et ludiques mises en place par la direction du PSG et les autorités publiques.

Dans le même temps, comme le montre le tableau ci-dessous, l'affluence annuelle moyenne au Parc des Princes croit d'année en année, ce qui laisse supposer un élargissement et aussi une diversification des personnes venant au stade. On observe en effet un retour du public à partir de la saison 2011 - 2012, année de l'arrivée du fond d'investissement Qatari QSI à la tête du PSG et des grands noms de l'équipe actuelle comme l'Argentin Javier Pastore (fig 4).

137 Giroud M., « Mondes urbains d'un événement touristique et manières de vivre la ville. Le cas du championnat d'Europe des nations de football à Lisbonne », in Ph. Duhamel, R, Knafou (coords), Les mondes urbains du tourisme, 2007, Paris : Belin/collection Mappemonde, pages 88-103.

Affluence moyenne par saison

Affluence moyenne en miliers de personnes

50 45 40 35 30 25

 
 

2000 - 2001 2001 - 2002 2002 - 2003 2003 - 2004 2004 - 2005 2005 - 2006 2006 - 2007 2007 - 2008 2008 - 2009 2009 - 2010 2010 - 2011 2011 - 2012 2012 - 2013 2013 - 2014 2014 - 2015

Quantité de personnes présentes au Parc des Princes

Saisons

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Fig 4 - Graphique représentant l'évolution de fréquentation du Parc des Princes depuis 2000 (Source : site
internet de la LFP - URL : http://www.lfp.fr/ligue1/affluences/journee)

Malgré les critiques d'une partie du public, le stade est de nouveau très souvent rempli. On y rencontre des anciens supporters historiques, déjà présents au stade dans les années 2000 lorsque le PSG avait une envergure nationale, tout comme on rencontre de nouveaux supporters pris de passion pour le PSG avec l'arrivée de grands noms. Ainsi, plusieurs profils de public sont réunis au Parc des Princes. L'analyse de leurs réactions pourra éclairer les différentes formes d'adaptations de ces différents groupes aux dispositifs d'encadrement.

Les représentations et les pratiques du public s'influencent mutuellement et sont interdépendants selon un « circuit de rétroaction »138 fait de plusieurs allers-retours. Ainsi, il s'agira ici de montrer qu'il y a des réactions communes et des réactions différenciées vis-à-vis des dispositifs d'encadrement au Parc des Princes. Ces similitudes et ces distinctions peuvent être interprétées comme autant de formes d'adaptations ou de résistances collectives ou individuelles.

138 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages. La citation est à la page 6.

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I. Une normalisation des comportements

L'encadrement du public combiné à une surveillance plus ou moins dissimulée entraine chez de nombreuses personnes fréquentant le stade une forme d'autocontrôle. En effet, l'efficacité des systèmes sécuritaires entraine l'intériorisation par le public des normes souhaitées par la direction du PSG et l'application de celles-ci. Cette restriction intériorisée est révélatrice d'un processus de normalisation des comportements.

1. Normalisation à l'extérieur du stade : l'exemple du « Parvis »

Grâce à mes déplacements réguliers autour du Parc des Princes et particulièrement devant la tribune Auteuil, j'ai notamment pu observer le respect par le plus grand nombre des règles concernant l'usage de la grande place aménagée devant le Parc des Princes et le Stade Jean Bouin (fig 5).

Fig 5 - Le « Parvis » situé avenue Général Sarrail dans le XVIe arrondissement (Source : M. Kerrien
photographie prise le 16 aout 2015)

Cette place est présentée comme « harmonieuse et accueillante » par Monsieur André lors de notre entretien du 7 mai 2015. A la suite de cette conversation, j'ai appris que l'aménagement du parvis situé avenue du Général Sarrail139 a été pensé pour pouvoir accueillir des écrans géants et des stands mobiles proposant de la restauration, des produits dérivés et des activités ludiques. Ces installations seraient mises en place dans le cadre de compétitions internationales organisées à l'intérieur du Parc des Princes et du Stade Jean Bouin. Alors, cet aménagement urbain et ces potentielles installations correspondent à un plan d'urbanisme de la Marie de Paris. En effet, selon Monsieur André, la Mairie envisage de créer un pôle sportif

139 URL : http://centraledesmarches.com/marches-publics/Ville-de-Paris-Paris-75000-Travaux-d-amenagement-de-voirie-et-d-eclairage-public-des-rues-Claude-Farrere-Nungesser-et-Coli-de-la-place-de-l-europe-et-du-parvis-situe-avenue-du-general-Sarrail-a-Paris-16e-arrondissement/161888

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d'envergure internationale dans le XVIe arrondissement. Cette politique s'inscrit dans le cadre de l'organisation de l'EURO 2016 qui aura lieu en France et dans le processus de candidature de la Ville aux Jeux Olympiques 2024.

Le parvis a donc été aménagé dans le cadre de « travaux d'aménagement de voirie et d'éclairage public » et doit permettre « d'accueillir les spectateurs dans de bonnes conditions, de confort et de sécurité »140. Ces propos issus d'un document officiel de la ville de Paris sont confirmés par Monsieur André :

- Mathieu : « C'est quoi la raison de ces travaux ? Augmenter le confort, l'accessibilité des piétons ? »

- Monsieur André : « Bah ouais parce que les trottoirs sont vachement plus larges, c'est des questions de sécurité également. Ce sont de vrais trottoirs. On ne prend pas un morceau de la route pour le transformer en trottoir le jour de match ; et les véhicules sont restreints de passer... Je pense que voilà, pour l'Euro, c'est aussi un avantage pour ce type d'évènement d'avoir de grandes esplanades. C'est toujours plus accueillant, ils vont pouvoir mettre des stands, comme au stade de France, des stands de bouffe, de produits dérivés, de points d'informations, des écrans... Je pense que c'est un peu, c'est vraiment une politique d'urbanisme locale... »

(Entretien réalisé avec monsieur André le 7 mai 2015 dans les bureaux de la société ACA Sécurité)

Comme le montre cet exemple, l'aménagement du stade et de ses alentours s'inscrit dans un projet urbain, lui-même intégré à un projet de ville141. Dans ce dernier, comme on l'a dit, le Parc des Princes est pensé comme un des instruments d'une stratégie plus globale de développement et de rayonnement international.

Comme cette place est très large et ouverte sur la ville, des animations pourraient être proposées afin de distraire le public, tout en établissant une transition ludique jusqu'à l'entrée dans le stade. Elle pourrait également être l'objet d'une accaparation du public par la multiplication d'activités diverses et variées à l'instar de ce qu'il se passe sur la place de la République à Paris142.

140 Mairie de Paris, « Vers un nouveau stade Jean Bouin », document officiel.

141 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages.

142 La station de métro « République » est placée sur l'itinéraire de 5 lignes de métro ce qui fait d'elle un important noeud de communication. Ce carrefour est donc mieux relié au dynamisme de la ville et renferme un passé historique populaire important. Avec sa statue représentant une allégorie de la République, elle historiquement dans l'ère du temps : elle s'adapte aux besoins de son époque. Aujourd'hui, les travaux ont fait d'elle une place pour les piétons. Cette place a été pensée par la Ville de Paris et l'agence TVK « comme lieu d'activités libres offert aux habitants et aux passants de la place (principe de gratuité, aménagements modestes, structures mobiles et modulables). ». Ainsi, il est très fréquent de rencontrer sur cette place des skateurs, des concerts, des danses etc. Ces activités peuvent être institutionnalisées (à l'instar des concerts pour le « Oui FM festival ») mais aussi spontanées.

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Le parvis du Général Sarrail est situé dans le XVIe arrondissement de Paris, quartier essentiellement résidentiel. Compte tenu de son éloignement du centre de Paris, cet arrondissement s'anime uniquement lorsque ses installations sportives (Roland Garros, le Parc des Princes, le Stade Jean Bouin) accueillent des évènements. Ainsi, ce parvis est tout de même fréquenté par des dizaines de milliers de personnes presque toutes les semaines. Pourtant, cette esplanade apparaît à ce jour essentiellement comme un lieu de passage, que ce soit en dehors ou pendant les jours de match. Mes observations de terrain, mes conversations informelles avec des personnes du public soulignent l'idée que le parvis n'a qu'une fonction de transit et donc de support au déplacement. D'ailleurs, ceci fut confirmé le 7 mai 2015 par Monsieur André : « C'est vraiment une esplanade où il peut y avoir des spectateurs qui peuvent déambuler tranquillement sans problème... ». En dehors des rencontres sportives, ce parvis est un lieu « éteint et sans vie » comme l'a confirmé Monsieur Callard, résident du XVIe arrondissement depuis plusieurs décennies, lors de notre entretien du 27 avril 2015. D'après mes observations, le parvis n'est en effet que très rarement utilisé par les résidents ou usagers de passage. Hormis quelques enfants que j'ai vu jouer une fois au football sur cette place, je n'ai jamais pu observer de pratiques autres que celles relevant du transit ou de la déambulation.

Ceci est encore plus criant lors de moment d'avant et d'après match. L'utilité de cet aménagement est de permettre une fluidité maximale du public à son arrivée et à sa sortie. Les supporters sont en effet en perpétuel mouvement, marchant plus ou moins lentement, seuls ou en petits groupes. Le parvis n'est pas conçu comme un espace permettant le stationnement et les usagers semblent s'y conformer. Aucune structure fixe ou mobilier urbain - de type bancs - n'est ainsi présente. Il m'est même arrivé de m'asseoir par terre pour pouvoir observer longuement et de manière répétée les comportements du public. Pis, aucun stand mobile de restauration n'est présent sur la place. Tous se situent à plusieurs centaines de mètres du stade (voir document 2 en partie annexe).

J'ai demandé à l'un des restaurateurs tenant un tel stand (fig. 6) la raison du choix de son emplacement et pourquoi il ne s'installait pas sur le parvis devant le Parc des Princes. Ma question est restée sans réponse. Mais son sourire laisse à penser que leur présence sur le parvis est interdite et donc strictement contrôlée.

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Fig 6 - Installation d'un stand mobile de restauration entre le Parc des Princes et la Porte d'Auteuil (Source : M. Kerrien. Photographie prise le 16 aout 2015)

Deux types de regroupement, que l'on qualifiera de « normalisés » en ce qu'ils sont intégrés au dispositif d'aménagement, doivent toutefois être distingués.

Le premier peut apparaître comme quelque peu contradictoire avec l'agencement de la place et la recherche de fluidité optimale : il s'agit des lignes formées par les personnes venues récupérées leur place auprès de la billetterie permanente du PSG intégrée au stade Jean Bouin (fig.7) et située juste en face de l'entrée de la tribune Auteuil. Cette ligne a tendance à s'allonger au fur et à mesure qu'on approche de l'heure du début du match, perturbant toujours un peu davantage les trajectoires des supporters mobiles.

Fig 7 - File d'attente pour récupérer les billets d'entrée (Source : M.Kerrien - Photographie prise le 16 aout

2015)

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L'autre forme de regroupement s'observe essentiellement au niveau des portiques d'entrée du stade. Le trottoir à emprunter pour entrer dans le stade est à un niveau inférieur par rapport à l'esplanade. Cette dernière présente donc l'avantage de pouvoir légèrement dominer l'entrée du stade. Ainsi, si on se situe sur l'esplanade, on a une meilleure vision d'ensemble. C'est pourquoi il est très fréquent de voir plusieurs personnes statiques qui attendent sur l'esplanade qu'un de leur ami les rejoigne. Après avoir discuté avec plusieurs d'entre elles lors de la rencontre qui opposa le PSG et l'Association Sportive de Saint-Etienne le 8 avril 2015, il semble que le choix du lieu d'attente peut aussi bien être choisi à l'avance et constituait une habitude ou être improvisé. A chaque fois, la surélévation offerte par l'esplanade fut mentionnée et justifiait le choix du lieu d'attente.

Ces personnes statiques attendent calmement d'être au complet pour pouvoir entrer dans le stade. Il est possible que la présence des CRS systématiquement observée au niveau du boulevard du Général-Sarrail (voir document 2 en partie annexe) et celle de vigiles devant la billetterie du club incitent le public à rester calme et silencieux. Les premiers chants des supporters interviennent généralement après qu'ils aient passé les premiers contrôles situés devant la tribune.

Comme on a pu l'observer, le public, dans son ensemble, semble donc respecter la fonction de déambulation attribuée à cette esplanade. L'arrêt y est rare et dans tous les cas il parait normalisé. On relève donc une forme d'intériorisation, par les usagers, des normes de sécurité et de fonctionnement du lieu, ce qui conduit ici à l'absence de formes de détournement.

2. Normalisation à l'intérieur du stade : un public de supporters subalternes ?

Si cette normalisation des comportements est constatée à l'extérieur du Parc des Princes, elle l'est également à l'intérieur du stade. Une très grande majorité du public semble en effet écouter et suivre les directives du PSG. Mes nombreuses observations combinées aux conversations effectuées avec Madame Leprince, Baptiste et Kerim, ont fait ressortir un public plutôt enclin à suivre les propositions de la direction. Cet état de fait est caractérisé par un encadrement collectif sans communication directe avec les supporters. Au contraire, puisque les antécédents des supporters du PSG semblent faire peur aux dirigeants club, ces derniers communiquent par médias interposés. A la différence des clubs allemands143, il n'y a aucun médiateur en place144. L'absence de dialogue associée à l'encadrement sécuritaire renforcé à l'intérieur d'un stade ont pour conséquence le contrôle total de l'image et de l'ambiance qui règne à l'intérieur du stade par l'institution. La faible marge de manoeuvre accordée au public du PSG est justifiée par une volonté de réduire les débordements

143 Hourcade N., « Tolérance zéro dans les stades ? », Le sociographe, 2012/2 (n°38), pages 59 - 69.

144 Ces médiateurs sont réunis dans un service de coordination appelé Fan Projekte. Ce sont des organisations sociales, présentes dans une cinquantaine de ville en Allemagne, chargées de faire le lien au quotidien entre des supporters, la direction d'un club, les autorités municipales et sécuritaires.

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passionnels et est légitimée par un désir d'apaisement général de l'intérieur et de l'extérieur du Parc des Princes.

Ce succès sécuritaire s'exprime par le respect des normes sécuritaires par le public et des « bonnes pratiques du supporter » que les instances du PSG souhaitent imposer. Grâce à mon abonnement, j'ai pu par exemple me rendre compte qu'à presque chaque rencontre, des drapeaux étaient déposés sur les sièges des tribunes latérales. Ainsi, les personnes situées en tribunes latérales ont pris l'habitude d'agiter ces drapeaux à l'entrée des joueurs et lorsque le PSG marque des buts. Cette action est confirmée par les propos de Madame Leprince :

- Mathieu : « Vous avez souvent des cadeaux comme ça ? »

- Madame Leprince : « Non, on a les drapeaux c'est tout. Les drapeaux, c'est régulièrement. »

- Mathieu : « Tu les gardes ? »

- Madame Leprince : « Non. Ma soeur les ramène car elle connait pleins de gamins qui sont ravis d'avoir des drapeaux.

Tu vois, j'en ai un là qui est bloqué (elle me montre un drapeau - rire). C'est un vieux qui est là. Sinon je les agite dans la tribune. »

(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de Madame Leprince)

La photographie ci-dessous (fig. 8) montre ainsi la bonne volonté du public qui agite les drapeaux distribués par le club. On voit ici que la majorité du public en tribune latérale n'hésite pas à « jouer le jeu » et à suivre les « bonnes pratiques » incitées par la direction du PSG. Le comportement du public parisien participe donc à la production de l'ambiance festive à l'intérieur du Parc des Princes et ce en acceptant d'être encadré. Le public apparaît ainsi comme l'un des principaux acteurs de l'ambiance que souhaitent créer et orchestrer les instances du club.

Fig 8 - Une majorité de personnes en tribune latérale « joue le jeu » et agite les drapeaux (Source : google

image)

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De plus, afin de contrôler encore plus complètement les comportements du public parisien, la direction du PSG a mis en place l'interdiction de fumer dans les gradins. Dorénavant, pour pouvoir fumer une cigarette, il faut sortir des tribunes et se rendre dans les travées destinées à la déambulation où on ne peut pas voir le terrain. Aujourd'hui, il est très rare de voir des personnes fumer. D'ailleurs, à plusieurs reprises cette année, j'ai vu des personnes sortir à la demande d'un agent de sécurité car elles étaient en train de fumer dans les tribunes. Cette expérience observée à plusieurs reprises est confirmée par Madame Leprince :

« Oui... En tout cas moi je sais que chez nous, s'il y en a un qui allume une cigarette, ça dure 10secondes... Tout de suite le mec il regarde et il éteint la cigarette. Ça se passe super vite. On lui demande de sortir pour fumer sa cigarette. Généralement je les vois revenir, mais je pense qu'ils se font passer un savon. Ce qui est normal... Moi j'adore l'histoire de la cigarette... ».

(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de Madame Leprince)

Cette interdiction, motif de satisfaction pour cette supportrice est, au contraire, la cause d'un regret exprimé par Kerim le 22 mai 2015 lors de l'entretien croisé : « Ça aurait été cool de boire sa bière et fumer sa clope pendant le match ». Ainsi, globalement, le règlement intérieur est connu et respecté par le public parisien.

Cette attention de la part du public au respect du règlement est somme tout légitime lorsque les ordres de la direction du PSG sont raisonnables. En revanche, il arrive que le club agisse de manière autoritaire sans motif légitime, voire sans fondement légal. En effet, le 4 mars 2015, lors du match entre le PSG et l'AS Monaco, un supporter de la tribune Boulogne a lancé un chant contestataire repris par beaucoup de monde autour de lui : « Abonnements trop chers, supporteurs en colère ! »145. Cette plainte est venue en réponse à la hausse du prix des abonnements intervenue les jours précédents. Pour avoir dénoncé une sélection par l'argent, son abonnement fut résilié. Cette affaire, reprise par de nombreux médias sportifs et généralistes comme l'Express146 pour atteinte à la liberté d'expression, fut connue de tous. Aussi bien Madame Leprince que Monsieur André connaissent cette histoire et l'ont mentionné lorsque j'ai abordé le sujet. En voici un premier extrait :

145 Guillou C., Dupré R., « Un supporteur exclu pour avoir contesté le prix des abonnements », Le Monde, 7 mars.

URL: http://www.lemonde.fr/football/article/2015/03/05/psg-un-supporteur-expulse-du-parc-des-princes-pour-avoir-conteste-le-prix-des-abonnements_4588088_1616938.html

146 « Un supporter viré du Parc des Princes après avoir critiqué le prix des abonnements », L'Express, 5 mars 2015.

URL: http://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/un-supporter-vire-du-parc-des-princes-apres-avoir-critique-le-prix-des-abonnnements_1658352.html

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Madame Leprince : « Ah oui, ah oui ! Par rapport à ça, oui oui je comprends. Comme je n'ai pas été d'accord qu'ils virent un mec des tribunes parce qu'il a lancé le chant. Là, je suis pas d'accord du tout. C'est d'ailleurs ça qui a dégouté mon fils hein. Parce que je pense qu'ils n'étaient pas loin de là où ça s'est produit. Et il ne l'a pas accepté. Il a vu les images du gars qui se fait sortir de la tribune. Donc je pense qu'il n'était pas d'accord du tout sur ce qu'il se passe. C'est pas correct là-dessus. Je ne peux pas admettre que les gens n'aient pas le droit de manifester une hausse de tarif. Et puis tout comme.... »

(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de Madame Leprince) En voici un second :

- Mathieu : « Par exemple, le fait qu'un supporter ait vu son abonnement supprimé parce qu'il a critiqué l'augmentation des prix... Vous avez suivi cette histoire ? »

- Monsieur André : « De loin »

- Mathieu : « Vous n'en parlez pas avec vos collègues ?

- Monsieur André : « Non parce que c'est même plus des questions de sécurité. C'est la politique du club. C'est son droit ou sn choix, je ne saurais pas dire. Mais c'est une politique commerciale qui ne nous concerne plus en tant que prestataire. Ca ne nous regarde pas et on n'en parle pas entre nous... Ou alors, on l'apprend plus des médias... En réunion, on ne dit pas `untel, untel, untel, on a supprimé son abonnement' ».

(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur André est salarié)

Lors du premier match qui a suivi cette affaire, soit la rencontre entre le PSG et le FC Lorient le 20 mars 2015, une personne située à quelques rangs du mien, a de nouveau essayé un chant contre l'augmentation des prix. Cette fois-ci, elle ne fut pas suivie par le reste de la tribune. Pis, elle fut sortie de la tribune par un agent de sécurité. L'ensemble de la tribune Auteuil n'a pas soutenu cette personne. Ainsi, la forte autorité du PSG à travers ses directives et le recours aux IAS ont inhibé les chants contestataires des supporters mécontents. Dorénavant, ces derniers se sont assagis et ont moins tendance à aller à l'encontre de la politique du club. Ils sont dans une positionnée subordonnée à l'institution du PSG. Cette perte d'autonomie conduit au contrôle des sensations et des émotions par les dirigeants du PSG. En effet, sans la possibilité de s'organiser à l'intérieur d'association, le public du PSG et la tribune Auteuil en particulier, sont dépendants de la mise en scène organisée par le club au point de devoir accepter les abus commis par la direction du PSG.

Toutefois, même si la marge de manoeuvre des supporters est réduite, elle n'est pas nulle. Des actes de résistances sont visibles et constituent des résidus du phénomène italien ultra.

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II. Des actes de résistances face à la politique du club

1. « Y'a pas de tifos »

Les supporters ultras sont réunis et organisés au sein d'associations grâce auxquelles ils peuvent animer une tribune indépendamment du match et du club. Leur activité repose sur des chants continus, des banderoles et des tifos. A l'aide de différents matériels tels que des feuilles plastiques, des voiles en tissu, des ballons de baudruche, des confettis, des torches etc. un grand dessin fait office de chorégraphie visuelle pour décorer la tribune et délivrer un message. Dans ce sens, un ultra est actif pendant le match mais aussi à l'extérieur si on prend en compte la préparation de ces animations. Cet engagement quasi continuel, constitue un « mode de vie »147 comme le dit le journaliste Philippe Broussard spécialiste de la scène ultra en Europe. Dans le documentaire Le Parc réalisé en 2013 par William S. Touitou et Jérôme Benadiner, « Amar », ancien porte-parole de l'association « Lutèce Falco » raconte son expérience : « Il y a des tifos qui ont mis plus de six mois à se créer, au niveau matériel, au niveau réalisation pure. Donc on y allait plusieurs fois après le travail, les soirs dans la semaine ». Voici un exemple d'un célèbre tifo organisé à l'occasion d'un match entre le PSG et le Football Club Metz le 28 avril 2002 (fig 9).

Fig 9 - Tifo déployé par la tribune Auteuil le 28 avril 2002 à l'occasion d'un match contre le FC Metz (Source :
Url : http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-plus-beaux-tifos-du-championnat/537956)

147 Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.

URL : https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc

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Par conséquent, l'aseptisation générale des tribunes du Parc des Princes s'oppose à la culture et au militantisme ultra ainsi qu'aux pratiques indépendantes et autonomes revendiquées par les supporters organisés. Cette opposition fut visible le 17 mai 2014 lors du match entre le PSG et Montpellier. Afin de fêter le titre de Champion de France 2014, la direction du PSG a voulu créer un tifo géant recouvrant tout le stade. Pour cela, elle a distribué des papiers aux tribunes latérales et aux virages situés derrière les buts. Comme l'indique Monsieur André lors de l'entretien du 7 mai 2015, « à Boulogne et à Auteuil, c'est quasiment que des abonnés ». Parmi ceux-ci, on trouve des supporters animés par la culture ultra. Ainsi, ce tifo géant fut reçu de deux manières différentes comme le montre ces deux photographies (fig 10).

Fig 10 - Deux réactions différenciées entre la tribune Paris et la tribune Auteuil (Source :
http://ladounedesvillesgangandeschamps.fr/mon-retour-au-parc/)

Alors que la tribune latérale a joué le jeu en levant les papiers distribués sur les sièges avant le match, une partie de la tribune Auteuil a refusé de brandir ces mêmes papiers. Finalement, j'ai pu entendre résonner des chants du type « y'a pas de tifos ». Les papiers furent déchirés et jetés en l'air. Ces supporters ont préféré lever leurs écharpes (symbole du supporter) et rester autonomes vis-à-vis de la direction du club.

Cette action constitue une forme de résistance face à l'aseptisation et la mainmise des dirigeants du PSG sur l'ambiance du Parc des Princes. Ces images donnent une idée de l'exaspération vécue par les supporters situés en virage. Par conséquent, dans le virage Auteuil, une scission sociale et spatiale se développe entre les supporters contestataires face à cette tendance et les supporters agents de l'évolution de l'animation festive.

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2. La tribune Auteuil scindée en deux

Cette division spatiale est de plus en plus marquée au fur et à mesure qu'on avance dans la saison. Ce processus s'explique notamment par les rituels des supporters les jours de match. Que ce soit Madame Leprince, les supporters observés dans la tribune Auteuil ou mes amis et moi, les personnes qui se rendent régulièrement au Parc des Princes ont leurs habitudes qui impliquent leur propre mode de socialisation dans la tribune. Concernant la capacité des abonnés à tisser des relations qui s'enracinent avec le temps, Madame Leprince constitue un cas exemplaire :

- Mathieu : « Est-ce que vous avez des habitudes dès que le PSG joue ? Les jours de match ? »

- Madame Leprince: « Alors les jours de match.... Généralement, j'ai un tee-shirt sur mon dos, un tee-shirt du PSG, ça c'est obligé (rire). Je prépare mes affaires dans mon petit sac, euh... et puis j'essaye d'arriver toujours une heure avant le match.»

- Mathieu: « Pourquoi 1h avant ? »

- Madame Leprince: « 1h avant parce que je discute avec des gens que je connais maintenant. Comme on est toujours dans la même tribune je commence à connaitre du monde donc on discute, on boit un coup... ça devient convivial en fait. »

(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de Madame Leprince)

Ces habitudes entrainent des réflexes spatiaux : elle retrouve sa soeur avec qui elle est abonnée à leur place habituelle. De même, cette attitude a été observée de nombreuses fois dans la tribune Auteuil par des groupes d'amis. Les notes de terrain ci-dessous prises à l'occasion du match entre le PSG et l'AS Monaco, le 5 mars 2015, retranscrivent mes observations avant la rencontre. Pour ce match, je suis entré à l'ouverture des portes, c'est-à-dire à 19h30. J'ai donc été l'un des premiers à entrer dans le stade ce qui m'a permis de porter une attention particulière au flux d'entrée du public et aux dynamiques de regroupements des individus entre l'ouverture des portes et le début du match.

Des personnes restent debout. Ce sont des habitués (abonnés sûrement) car ce sont des têtes que je reconnais. Elles sont seules et attendent sûrement leur camarade. A ce moment là, les personnes en groupes semblent avoir un comportement de « viagogo » : ils se repèrent dans la tribune grâce au numéro de la place sur le billet, mangent et consomment. J'ai même entendu une personne, venir avec trois autres amis, appeler une autre personne pour lui dire où ils se trouvaient. Par conséquent, j'ai l'impression que les personnes venues groupées ont plus de chance d'être des viagogo. Alors que les personnes seules connaissent les lieux, les normes et savent se repérer par habitude. Elles n'ont pas « peur » de venir seules.

Les abonnés (des personnes que je reconnais) arrivent peu à peu. Ils sont plus mobiles dans les gradins. Comme certains retrouvent des personnes arrivées en avance, ces abonnées « dérangent » les personnes autour : ces dernières doivent se lever et laisser passer les nouveaux arrivants. A quelques minutes du coup d'envoi, de nombreuses personnes entrent dans la tribune et se regroupent en bas. Ils sont plus nombreux que le nombre de places prévues, cette zone est très dense. Comme je suis arrivé en avance, j'ai pu me positionner avec eux.

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Ainsi, j'ai pu observer plusieurs regroupements au bas de la tribune (voir document 3 en annexe). Ce sont des supporters organisés autour de deux ou trois leaders qui veulent créer une ambiance de fête et manifester un soutien sans faille aux joueurs. En s'inspirant du modèle ultra, ils écoutent les directives des leaders dans l'objectif de former un groupe puissant et performant. De plus, leur regroupement dense leur permet d'être solidaires et de contourner les interdictions. En effet, lors de l'opposition contre Monaco, j'ai vu plusieurs personnes boire dans des bouteilles en plastique (je présume qu'il s'agissait d'alcool) et fumer discrètement des cigarettes et de la marijuana. Cette observation me fut confirmée par Baptiste :

- Mathieu : « Oui t'as raison. C'est mis en place avec l'accord de la mairie de Paris C'est respecté ça ? Le coté non-fumeur ? »

- Baptiste : « Non ! Non j'ai vu des gens fumer. Y'en a même qui fumait leur joints. »

- Kerim : « Un joint à Boulogne ? Rémi il y va souvent et il me dit que c'est super chaud. »

- Baptiste : « Ceux que j'ai vu fumer, ils étaient au milieu de gens tous regroupés. »

(Entretien croisé avec Baptiste et Kerim réalisé à mon domicile le 22 mai 2015)

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La densification du public dans cette zone et la connaissance du règlement leur permet de se cacher des caméras et des agents de sécurité. Ainsi, ces regroupements sont des formes d'adaptation et de résistance par rapport à la politique du club et des placements aléatoires.

De plus, ces regroupements sont plus importants en fin de saison qu'en début de saison. Ceci s'explique par les modes de socialisation qui sont propres aux abonnés. Au fur et à mesure que le temps passe, les habitudes sociales et spatiales permettent à de nombreuses personnes de faire connaissance et de se retrouver dans la tribune. Ainsi, par expérience et grâce à mes observations, j'ai pu constater que des regroupements sont de plus en plus marqués au cours de la saison malgré le système d'abonnement aléatoire. Autour des leaders au bas de la tribune, les rassemblements se densifient grâce aux interconnaissances qui se créent dans l'année (voir document 3 en annexe).

Par conséquent, et comme le montre la photographie ci-dessous (fig 11), le virage Auteuil se trouve scindé en deux.

Fig 11 - Photographie illustrant une scission spatiale au sein de la tribune Auteuil (Source : M.Kerrien -
Photographie prise le 16 aout 2015)

Le bas de la tribune est dense, animé, collectif et solidaire. Les personnes sont debout et suivent les directives du leader. En revanche, au-dessus de l'allée centrale qui permet de se déplacer horizontalement (où on trouve les dernières personnes debout), les regroupements ne sont pas organisés et sont plus éparpillés. Dans cette zone, on rencontre souvent des personnes assises. Lorsque la tribune n'est pas pleine, c'est dans ce secteur de la tribune qu'on voit des places vides. La plupart du temps, la scission est faite au milieu de la tribune par une allée horizontale (voir figure 3 en Annexe).

Par conséquent, ces regroupements sociaux et spatiaux mettent en évidence différentes formes d'appropriation des règles de sécurité et des normes de comportements véhiculées par le club. Ces appropriations sont le signe d'une forme de détournement des règles et de résistance face à la direction du PSG. Ainsi, ces deux parties du stade distinctes abritent des logiques d'occupation spatiales plurielles auxquelles ont peut associer des représentations différenciées.

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III. Des pratiques spatiales et des représentations différenciées au sein d'une même tribune : des rapports pluriels à la normalisation des comportements à l'intérieur du stade

La scission évoquée précédemment entre différents comportements correspondant à divers types de publics s'accentue quand on observe de plus près les comportements des individus, qu'il s'agisse de leur mobilité au sein du stade ou de leur gestuelle.

Grâce aux travaux de Philippe Broussard148 ou Bérangère Ginhoux149 sur les supporters et ma présence régulière, j'ai ainsi distingué deux façons de se mouvoir dans l'espace au sein de la tribune.

1. Une mobilité différenciée des publics dans le stade

Dans un premier temps, il y a la capacité à être mobile. J'ai pu constater que toutes les personnes situées à l'intérieur de la tribune Auteuil ne se déplaçaient pas de la même manière, tant en termes de distance que de fréquence. La densité des groupements au bas de la tribune s'explique par la présence d'un nombre de personnes supérieure au nombre de sièges disponibles. Ainsi, lorsque survient la mi-temps, certaines personnes sont obligées de se déplacer pour pouvoir s'asseoir ou être plus tranquilles pendant cette pause. Il faut savoir qu'à la mi-temps, l'ensemble du virage s'assoit, sort pour fumer, acheter une collation ou aller aux toilettes. J'ai pu observer cette expérience lors du match entre le PSG et l'AS Monaco le mercredi 5 mars. Lors de cette rencontre, j'étais positionné à l'intérieur du rassemblement. A la mi-temps, je devais donc changer de place. J'en ai profité pour suivre un des leaders. Il semblait être venu avec un ami qui était situé dans une zone moins dense, à « l'extérieur du groupe ». A la mi-temps, le leader en question a donc rejoint son ami. Dès que la seconde période a débuté, il a repris sa place et sa fonction de meneur, alors que le jeune à l'extérieur du groupe a pris plusieurs vidéos du leader pendant que ce dernier organisait avec assurance et conviction les chants de la tribune.

D'ailleurs, lors de cette pause, j'ai pu remarquer son aisance à se déplacer et à invectiver d'autres personnes dans la tribune. En le suivant, je l'ai écouté interpeller avec un grand sourire un jeune homme d'une vingtaine d'année parce que celui-ci portait un ensemble du Football Club Chelsea alors que cette équipe londonienne était l'adversaire du PSG en Coupe d'Europe. Il a alors appelé son ami de loin : « Carrément il vient habillé avec le survêt' de Chelsea. Et il me dit quoi, `on s'en fout c'est qu'un survêt'. Trop fort le mec ». En partant, il lui a serré la main en rigolant. Ainsi, au-delà de son rôle de meneur de la tribune, sa mobilité

148 Broussard P., op cit, 16 octobre 1990, 376 pages.

149 Ginhoux B., op cit, 13 mai 2015.

URL : http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html

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et son aisance sont deux caractéristiques qui permettent de le distinguer du public ordinaire et font de lui un fan150.

De plus, la mobilité de ces fans situés au bas de la tribune est accentuée en raison de leur localisation. Ces groupes sont situés juste à coté des vomitoires (voir document 3 en partie annexe). Puisqu'ils sont très à l'aise dans le stade à l'instar du meneur, et à coté des portes d'accès, ils peuvent faire plusieurs allers-retours sans problème. Cette caractéristique n'est pas partagée par les personnes situées tout en haut qui ont besoin de plusieurs minutes pour sortir de la tribune.

Ensuite, les personnes situées au bas de la tribune ont tendance à constituer un groupe. Au fur et à mesure que la saison avance, mes observations conduisaient à montrer que le groupe s'épaississait. Ainsi, une personne intégrée à ce groupe a un potentiel de rencontre plus élevé qu'un spectateur (une personne qui ne vient pas régulièrement au Parc des Princes), ce qui peut l'amener à se déplacer plus souvent.

Par conséquent, la mobilité d'un fan a tendance à être plus importante en quantité que celle d'un spectateur. Ceci est justifié par un capital social et spatial à l'intérieur du stade plus conséquent et une plus grande aisance compte tenu des habitudes. En revanche, les parcours du fan, sûrement plus nombreux, risquent de s'effectuer sur une distance moins importante. En effet, un fan a tendance à rester avec son groupe, quitte à se serrer s'il n'y a pas de place. Il n'ira pas en haut. Pour aller dans ce sens, Kerim, qui se considère comme un spectateur affirme le 22 mai 2015 à mon domicile : « On est monté et on s'est mis là où il y avait de la place ». Ainsi, le périmètre de déplacement d'un spectateur comme Kerim semble s'élargir sur toute la tribune alors que celui d'un fan est réduit au bas de la tribune.

2. La gestuelle expressive des fans contre la passivité des spectateurs

Dans un second temps, la capacité à se mouvoir d'un individu dans l'espace à l'intérieur d'une tribune peut être entendue comme une facilité à se mouvoir d'une manière relativement fluide et dynamique. Afin d'impressionner visuellement et vocalement les joueurs et les supporters adverses, les supporters ont traditionnellement recours aux tifos et aux chants, mais également à une gestuelle particulière. Ma présence régulière au Parc des Princes m'a permis de constater toute la diversité des actions du public pour encourager le PSG. Par exemple, les supporters dynamiques n'hésitent pas à taper des mains, lever les bras, s'asseoir pour finalement se relever, sauter, tourner le dos et s'attraper par les épaules pour réaliser une danse grecque après un but. La photographie ci-dessous (fig. 12), prise le 1er décembre 2013 lors de la victoire du PSG contre l'Olympique Lyonnais sur le score de 4 à 0, permet de mieux visualiser cette célébration.

150 Roux J-M., op cit, été 2014.

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Fig 12 - Photographie illustrant une danse grecque en virage pour célébrer un but du PSG contre Lyon le 1er
décembre 2013 (Source : google image)

Ce genre d'action révèle le potentiel créatif des supporters de football. Au Parc des Princes, l'interdiction d'avoir recours à du matériel propre à la culture du supporterisme comme un tambour, un mégaphone ou la confection de tifo, oblige le public à user de leur imagination pour animer la tribune. De cette manière, ces supporters continuent à poursuivre leur ambition, à savoir, donner vie au virage pour encourager leur équipe. Comme le montre les figures 11 et 12, les personnes qui n'hésitent pas à remuer leur corps ont tendance à se trouver au bas de la tribune et à former le groupe des fans.

Par conséquent, les différentiels de mobilité et d'activité corporelle entre les personnes d'une même tribune créent une opposition entre le haut et le bas de la tribune. Alors que dans le haut de la tribune, lors d'un match classique, la majorité des personnes sont assises et statiques, dans le bas de la tribune, les personnes sont actives. Cette opposition crée une fracture spatiale soulignée par une différenciation visuelle et auditive. Elle montre aussi à quel point le rapport à la normalisation comportementale imposée par les instances dirigeantes du club peut être pluriel.

Cette opposition est donc visible physiquement. Elle est aussi ressentie dans les discours des différents types de public.

3. La confrontation de visions différentes du spectacle

Ces mobilités différenciées au sein d'une même tribune renvoient souvent à des représentations distinctes du supporterisme.

De nombreux auteurs ont analysé ce qui poussait des amateurs de football à devenir de réels fans d'une équipe en particulier. Eric Witthersheim explique par exemple que ces personnes viennent au stade pour s'extraire de leurs conditions de vie parfois pénibles151. Ces personnes voient le match comme un exécutoire. Le stade de football devient alors l'espace à l'intérieur

151 Witthersheim E., op cit, novembre 2014, 150 pages.

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duquel on peut « se lâcher ». Le vocabulaire utilisé par ces fans dans les tifos met en lumière la culture de la plaisanterie en vigueur dans les virages des stades de football. En effet, il arrive souvent que le sérieux soit oublié pour laisser place à une facétie crue. En revanche, cette culture propre à la culture populaire, n'est pas présente en tribunes latérales où on trouve une majorité de spectateurs. Ainsi, il arrive souvent qu'une grande proportion du public préfère qualifier les mots utilisés par les fans de véritables propos racistes. Le supporterisme est alors présenté comme une passion où les comportements sont sujets à une désinhibition (ce fut notamment le cas lors de la finale de la Coupe de France 2008 entre le PSG et le Racing Club de Lens)152 qui permet de dédramatiser le quotidien. Cette liberté d'expression est alors défendue avec passion. Elle devient même un support identitaire pour les différents groupes de supporters. Ainsi, on peut envisager le stade de football comme un lieu émancipateur puisqu'il représente pour les supporters un lieu où les expressions habituellement contrôlées sont susceptibles de s'exprimer. Ce sentiment de liberté qui désinhibe les comportements constitue un lieu d'épanouissement secondaire pour nombre de supporters. L'expérience collective, émotionnelle et libertaire, contraste avec les pratiques plus individuelles et contraintes du quotidien. Le choix des mots et la réaction du public révèle l'existence de visions du spectacle différenciée.

D'un point de vue collectif, ces fans viennent au stade pour célébrer leur équipe. Ces personnes sont conscientes qu'elles ont un rôle à jouer sur le sort du match et un devoir à accomplir vis-à-vis des supporters adverses. Nicolas Hourcade a décrit ce réseau en prenant l'exemple des banderoles injurieuses153 : « Ces messages par banderoles interposées s'inscrivent dans une compétition entre ultras où il s'agit de trouver l'insulte ou la vanne qui fera mouche. Dans ce petit jeu, l'ironie féroce, le mauvais goût, l'outrance et la provocation sont prisés »154. Ainsi, les initiatives des ultras sont inscrites dans un contexte qui s'appuie sur un esprit de concurrence entre les différentes tribunes. Il faut donc avoir la réputation du public qui fait le plus de bruit et qui impressionne le plus les joueurs par le bruit et les prestations visuelles.

A l'opposée, certaines personnes viennent au match pour assister à un spectacle. Dans ce cas, elles choisissent les meilleures places disponibles. C'est notamment le cas de Kerim :

« Non, c'est bien quand il y a de l'ambiance. Je suis pas contre mais je serais pas non plus hyper déçu si je suis en latéral et tu vois... A la limite, ça m'aurait pas dérangé d'être en latéral et bien voir le match, quitte à ce qu'il n'est pas d'ambiance... Etre vraiment bien placé latéralement pour voir le match un peu comme à la télé »

(Entretien croisé réalisé à mon domicile le 22 mai 2015)

152 Une banderole affichée par des supporters parisiens a créé une hystérie nationale et l'outrage de toute une région selon les médias. Lors de cette finale de coupe au stade de France, une banderole où il était inscrit : « Pédophiles, Chômeurs, Consanguins : bienvenue les ch'tis » fut déployée à la mi-temps.

153 Après la banderole déployée au Stade de France, des supporter lensois ont répondu avec humour : « vous avez oublié alcooliques ».

154 URL : http://forum.psgmag.net/index.php?topic=3423.20;wap2

De plus, comme l'a montré Bérangère Ginhoux155, les associations de supporters se plaisent à trouver un rival à « vaincre » en matière de démonstration vocale et visuelle. C'est en parti pourquoi les tribunes Auteuil et Boulogne étaient rivales. Aujourd'hui, la particularité du Parc des Princes est l'absence d'associations dans ces tribunes. Ainsi, le principal adversaire du supporter parisien (au sens traditionnel, anciennement ultra) est le public qui l'entoure. Cette conception montre la dichotomie qui existe aujourd'hui à l'intérieur des virages. Dans de nombreux cas, j'ai pu être témoin de cette confrontation. Mes observations sont confirmées par les propos de Kerim :

« Mais quand tu parlais des insultes des supporters, la seule fois que j'ai entendu ça c'est quand Cavani il est sorti... C'était contre Rennes, et tu sais, il s'est fait siffler. Du coup là, il y avait vraiment une division dans le public. Il y avait la moitié qui sifflait et la moitié qui applaudissait. Tout le monde s'insultait du coup. Ceux qui sifflaient insultaient ceux qui applaudissaient et le contraire aussi. »

(Entretien croisé avec Baptiste et Kerim réalisé à mon domicile le 22 mai 2015)

Ces insultes au sein d'une même tribune entre supporters du PSG s'expliquent donc par la vision différenciée de deux postures. Une minorité bruyante voit le football comme un exécutoire lors duquel de nombreuses choses sont permises. La passivité de la majorité silencieuse marginalise aussi stimule l'excitation des supporters acharnés. C'est pourquoi j'ai régulièrement entendu des insultes contre les « viagogo » et notamment pendant le match contre le FC Lorient le 20 mars 2015. Lors de cette rencontre, j'étais juste au-dessus du groupe constitué de fans. Face à la passivité du public parisien en tribune Auteuil, le leader a craqué et a décidé de « faire grève » : en raison de la sensation de ne pas être écouté ni suivi par le reste de la tribune. Ce même leader, reconnaissable par sa casquette, prévient avant la mi-temps qu'il restera assis la seconde partie du match. Chose faite dès la reprise. Ses camarades et lui ne se sont pas relevés et n'ont pas applaudi le retour des joueurs parisiens sur la pelouse. Sauf qu'une partie du groupe refuse et reste debout. Face à cette attitude, le leader en question leur a demandé d'être solidaires, sans résultat positif. J'ai pris une photographie (fig 13) de ce micro-événement qui montre le groupe scindé en deux pendant quelques minutes. A gauche, autour du leader, ils sont assis. A droite, ils sont debout.

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155 Ginhoux B., op cit, 13 mai 2015 .

URL : http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html

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Fig 13 - Grève d'une partie des fans lors du match contre Lorient (Source : M.Kerrien Photographie prise le 20

mars 2015)

Cette rencontre dans une même tribune de conceptions différentes de ce que devrait être le supporterisme entraine des insultes de la part des fans regroupés en bas de la tribune envers des personnes qu'ils jugent être des spectateurs. Une forme de domination des groupes organisés autour d'un leader au bas de la tribune se met en place et pousse certaines personnes à se placer en haut de la tribune pour ne pas être insultées et pour mieux voir le match. Une polarisation spatiale se met alors en place dans la tribune avec le développement d'espaces attribués. En effet, se positionner au bas de la tribune doit signifier vouloir participer à la fête et chanter. Sinon, en cas de passivité, on risque de se faire insulter. Dès lors, une fonction précise et un comportement particulier sont attendus dans cet espace. Ce comportement constitue en quelque sorte une normalisation alternative à celle promue par le club et est à l'initiative des fans.

Ainsi, les nouveaux dispositifs d'encadrement ont reconfiguré les systèmes d'appartenance à un groupe de supporters et les lignes de clivages en son sein. Ils ont créé indirectement une nouvelle frontière à l'intérieur d'une même tribune : une scission est aujourd'hui accentuée et est devenue la cause de tensions répétées. Autrefois cette scission opposait deux tribunes différentes aux visions plus ou moins semblables. Aujourd'hui, des désaccords créent une fracture dans un même espace entre des supporters qui représentent les résidus d'un mouvement ultra et le reste du public, plus passif et moins actif. Ce résidu se considère toujours comme un mouvement ultra. Même si concrètement ces personnes ne peuvent pas être ultras car elles ne sont pas organisées au sein d'une association, on entend très fréquemment dans le stade (presque à chaque rencontre) ce chant résonner dans la tribune : « Liberté pour les ultras ».

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Les insultes sont à inscrire dans une toile de fond définie comme une forme de résistance de la part des fans regroupés au bas de la tribune. Derrière ces insultes, se cache la volonté de maintenir la spécificité populaire et festive des virages. Lors d'une conversation informelle, une personne m'a assuré vouloir militer contre l'homogénéisation du stade. En ce sens, elle veut que le virage reste un lieu animé. Cet avis est partagé par Madame Leprince :

- Mathieu : « Toi, t'es pour qu'il y ait quand même... Enfin qu'on ne soit pas dans une homogénéisation de tout stade mais qu'il y ait encore des territoires spécifiques ? »

- Madame Leprince : « Oui bien sûr car chacun peut vivre sa passion. Chacun peut vivre le foot comme il l'entend.... Je suis très libérale hein... Je suis très libérale pour ce genre de chose. Chacun fait comme il en a envie.

Mais pour l'ambiance, faut quand même que les virages fassent leur boulot. C'est pas les tribunes latérales qui vont le faire... »

(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de Madame Leprince)

La singularité des virages rend fier les abonnés qui s'y trouvent. En effet, cette fierté d'appartenir à une tribune est repérable dans les chants. Alors que les associations ont été dissoutes et sont toujours interdites, à chaque rencontre, j'ai pu entendre des échanges entre la tribune Auteuil et la tribune Boulogne. C'est ainsi qu'on peut entendre régulièrement : « Auteuil est magique » et « Boulogne est magique ». Ces chants connus dans le monde des supporters, sont souvent suivis par des spectateurs qui habituellement ne chantent pas. Ce fut le cas de Kerim :

- Mathieu : (à Kerim) « Et pourquoi tu ne chantais pas ? Parce que tu ne connaissais pas

les chants ? »

- Baptiste : « Yen a au moins un que tu connais. »

- Kerim : « Non mais je connaissais les mélodies mais les chants non. »

- Mathieu : « Si je te ramène les paroles, et si tu te mets dans la même situation, tu

pourrais chanter ? »

- Kerim : « Non mais même, j'étais pas dans le trip du chant.»

- Baptiste : « Comme il le dit, il est sympathisant »

- Kerim: « Ouais voilà. »

- Baptiste : « Un Paris - Marseille, je suis sûr que tu chanterais »

- Mathieu : « Dans aucun cas tu pourrais chanter ? »

- Kerim : « A pars si je suis bourré ou si c'est vraiment un match.... Mais j'ai dû

chanter vite fait tu vois... Mais c'était des trucs marrants. Je crois le truc que j'ai

chanté c'était : « Paysan - Paysan... » (rires)

Et puis il n'y avait pas de paroles, c'était marrant, c'était facile. Sinon il y avait les

chants quand les tribunes se répondent. Là ouais, je le faisais.»

(Entretien croisé réalisé chez moi le 22 mai 2015)

Ces échanges pacifiques entre Boulogne et Auteuil permettent de perpétuer des traditions et des identités qui se perdent selon de nombreux témoignages156. Ils contribuent à marquer le territoire vis-à-vis des autres supporters. Cette inscription des pratiques dans un territoire contribuent donc à le spécifier. Ainsi, de nombreuses formes d'appropriation et d'adaptation voient le jour au Parc des Princes. Par exemple, en changeant de place dans la tribune d'un match à l'autre, j'ai pu entendre et voir des supporters situés à côté des « barrières infranchissables » (Monsieur André) taper sur les vitres pour donner un rythme sonore indispensable pour diffuser un chant au reste de la tribune (voir document 3 en partie annexe). D'ailleurs, un des leaders s'appuie souvent sur ces mêmes baies vitrées pour être au-dessus de ses partenaires et entamer les chants. Ainsi, les supporters conservent une marge de manoeuvre et s'adaptent au contexte sécuritaire en reconfigurant leurs pratiques dans le stade. Ces rituels, qui peuvent être d'anciennes comme de nouvelles habitudes, sont autant de formes différenciés d'appropriation de l'espace par les supporters, de réaménagement de contraintes imposées par les nouveaux règlements et dispositifs.

Ces rituels constituent ainsi, quelque part, autant d'actes de détournement - certes d'intensité inégale - du processus de normalisation des comportements du public que les dirigeants du club souhaitent imposer.

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156 Whenwewerekids 70 min, 2013

URL: https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA

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Conclusion

La mise en oeuvre du « plan Leproux » en 2010 a entrainé la dissolution et l'exclusion du supporterisme ultra au Parc des Princes. Ceci a eu pour conséquence un renouvellement profond du public parisien et un appauvrissement général de l'ambiance. De ce fait, une homogénéisation des tribunes s'est mise en place : l'absence d'association et l'interdiction d'entrer avec du matériel de supporters classiques (banderoles, drapeaux, fumigènes, mégaphones, tambours) ne permettent plus de singulariser les virages. Les territoires des kops ne sont plus aussi marqués. Au Parc des Princes, il existe dorénavant une faible différence entre les tribunes latérales et les tribunes populaires.

Toutefois, grâce à l'acoustique du lieu et au niveau international du PSG, il existe encore des moments d'excitation collectives, surtout en Coupe d'Europe. Sauf que ces moments intenses se font bien plus rares : « Ils sont interrompus par des longues plages d'apathie que les relances ultras n'abrègent plus. »157. Cette dégradation émotionnelle évoque l'aseptisation du stade.

Aujourd'hui, le Parc des Princes tend à ne plus être un lieu d'expression autonome mais un lieu encadré, ultra sécurisé et régi par une logique économique. La politique d'encadrement du public du PSG s'explique par des préoccupations financières et une volonté de retour économique sur investissement. Les propriétaires du PSG n'auraient sûrement pas racheté ce club en 2011 avec un public indiscipliné. En effet, les dirigeants du PSG et les autorités publiques combinent des stratégies de séduction158 et d'encadrement pour pacifier le public afin de garder un contrôle maximal de son comportement. Ainsi, on veut pouvoir sélectionner un public et attirer des supporters consommateurs. Une des conséquences de cette rationalisation économique est la transformation des supporters en simples spectateurs ou clients.

En partant de ce constat, j'ai essayé au cours de cette étude de rendre compte des dispositifs d'encadrements sécuritaires. Comme je l'ai montré, ces derniers sont discrets, hybrides, ludiques et innovants, et permettent au public au Parc des Princes de se sentir à l'aise. Cette pacification à l'extérieur comme à l'intérieur du stade, qui permet une plus grande accessibilité pour les femmes et les enfants, se combinent néanmoins à une sévère politique répressive et une liberté d'expression limitée.

157 Latta J., « De quoi le Parc des Princes est-il «mort» ? », Une balle dans le pied, 17 avril 2015, disponible sur http://latta.blog.lemonde.fr/

158 Giroud M., op cit, 2007, pages 88-103.

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Ces dispositifs guident et contrôlent les comportements des individus et entraînent une normalisation de leurs attitudes. Face à cela, des formes d'adaptations et de résistances se mettent en place. Celles-ci montrent comment la normalisation comportementale peut être plurielle. Cette diversité a pour conséquence l'instauration d'un fractionnement spatial, une mobilité inégale associée à des représentations différenciées. Le tout met en valeur des conceptions différentes du supporterisme et du rapport au spectacle.

Parmi celles-ci, on trouve des résidus de groupes ultras qui appartiennent à un « même monde social dont les activités, les sites et les discours159 reposent sur un socle culturel commun, tout en étant influencé par les liens et les perspectives partagés avec d'autres mondes (par exemple, musical, politique ou judiciaire) »160. Ces résidus sont matérialisés par les groupements de fervents supporters en bas de la tribune Auteuil. Cette communauté complexe crée ses propres activités à l'instar des tifos. Ces spécificités contribuent par là même à marginaliser ce groupe social. Ces personnes sont favorables au maintien d'un football populaire mis en danger par l'augmentation régulière des tarifs des abonnements. En affichant leur mécontentement à l'augmentation des prix, certains ont affiché leur opposition à la modernisation du Parc des Princes. A l'inverse, les spectateurs passifs et attentifs au match de football, semblent être de plus en plus nombreux au Parc des Princes. Soucieux d'assister à un spectacle avec un confort amélioré, les spectateurs ne s'opposent pas à la modernisation du stade et ne paraissent pas touchés par l'augmentation des prix. Ainsi, l'avenir du Parc des Princes constitue un nouveau sujet clivant le public parisien. Plus particulièrement, les comportements et les représentations du supporterisme sont sources de tensions au sein de la tribune Auteuil.

La culture du supporterisme s'appuie et se développe notamment sur la notion de compétition. Puisque les groupes de supporters sont engagés dans une lutte fondée sur la capacité à animer une tribune, il arrive que des rivalités existent entre des associations supportrices d'un même club. Au Parc des Princes, cette rivalité entre supporters ultras fut très marquée pendant les années 2000. Les nouveaux dispositifs d'encadrement du public ont déplacé cette rivalité. Dorénavant, on assiste à une opposition entre les partisans d'un supporterisme ultra et les simples spectateurs. Ainsi, les points de repère et les points d'attention des groupes de supporters ultras ont changé. Avant, les regards étaient principalement tournés vers le virage d'en face. Aujourd'hui, à l'intérieur des rassemblements en bas de la tribune, de nombreuses personnes n'hésitent pas à se retourner et insulter le public parisien qu'ils surnomment les « viagogo ».

159 Strauss, A. 1992. La Trame de la négociation, Paris, L'Harmattan.

160 Ginhoux B., op cit, 13 mai 2015.

URL : http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html

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Derrière ces insultes se cache une critique de l'évolution du football moderne qui est de plus en plus gouverné par des stratégies économiques. L'absence d'associations susceptibles d'organiser cette critique entraine une liberté totale des dirigeants quant à leur politique et une mainmise sur l'ambiance générale. Alors que les anciennes associations avaient pu négocier un « gel des prix sur 5 ans »161, les dirigeants actuels ont doublé le prix des abonnements en l'espace de quatre ans.

Cet encadrement et cette politique de prix entraînent un boycott de quelques supporters historiques du PSG mais aussi de nombreuses associations supportrices de clubs français. En effet, de plus en plus d'associations de supporters adverses boycottent régulièrement le Parc des Princes. Lors de la saison 2014 - 2015, des supporters des clubs de Ligue 1 ont préféré sacrifier le grand chelem162 car de nombreuses associations de supporters ne voulaient pas céder aux conditions financières et sécuritaires163 exigées par le PSG. Ce fut par exemple le cas le 8 mai 2015 avec le refus de déplacement des Guingampais. Ainsi, l'aseptisation générale du Parc des Princes est de plus en plus décriée dans l'ensemble du milieu du supporterisme français164.

Autrefois, le stade de football était un lieu accessible financièrement, dans lequel une autogestion était mise en place par le public. En se référant aux analyses énoncées par Norbert Elias sur l'euphémisation de la violence et l'autocontrôle imposés par la civilisation des moeurs165, Eric Witthersheim affirme dans son étude que le stade de football était un lieu d'émancipation pour une partie de la « population dominée »166 à l'extérieur du stade. Aujourd'hui, le stade de football devient un espace totalement contrôlé par les autorités publiques, les dirigeants d'un club et du football. Et le Parc des Princes en est un exemple emblématique.

161 Whenwewerekids, 70min, 2013.

URL : https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc

162 Faire le grand chelem signifie, dans le vocabulaire ultra, suivre son équipe dans tous les stades de France pour la supporter pendant une saison entière.

163 Comme pour les supporters du PSG, il est interdit aux supporters adverses de faire entrer mégaphones, tambours et banderoles.

164 Guillou C., « Les supporteurs du PSG et de la Ligue 1 pas à la fête », Le Monde, 16 mai 2015. URL : http://www.lemonde.fr/sport/article/2015/05/07/assignes-a-domicile_4629789_3242.html

165 Elias N, Dunning E, op cit, 1994.

166 Witthersheim E, op cit, novembre 2014. La citation est à la page 41

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Annexes

Table des abréviations

CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés

La CNIL est un organisme indépendant du pouvoir exécutif. En tant que qu'Autorité Administratives Indépendantes, la CNIL a un pouvoir de sanction. Créée en 1978, la CNIL contrôle et surveille les traitements informatiques de façon à ce qu'ils ne représentent pas des atteintes à la vie privée et aux libertés individuelles. Ses statuts administratifs et juridiques lui permettent de rendre visite physiquement à un siège social d'une entreprise pour vérifier directement les fichiers suspects. C'est pourquoi la CNIL a pu se rendre plusieurs fois au Parc des Princes pour saisir l'existence de cette « liste noire ».

DNLH : Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme

Cellule créée par le ministère de l'intérieur en 2009. Elle regroupe l'ensemble des policiers en charge de lutter contre le hooliganisme et les violences dans le stade associées au sport. Elle peut intervenir à l'intérieur et à l'extérieur des stades de football. Son rôle et d'interpeller un fauteur de trouble pour ensuite le déférer à la justice.

FFF : Fédération Française de Football

C'est une association française conformément à la loi 1901. Elle regroupe tous les clubs de football français et organise les compétions nationales et les matchs internationaux de l'équipe de France.

Selon un modèle pyramidal, elle est l'autorité des Ligues régionales et des districts.

Sa principale mission est le développement du football en France que ce soit en termes d'infrastructures, de compétences et de nombres de licenciés. Elle délègue à la LFP la gestion de la Ligue 1, Ligue 2 tout en étant son supérieur.

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IAS : Interdit Administratif de Stade

C'est une personne présentée comme potentiellement dangereuse pour le public aux yeux des autorités politiques et sécuritaires.

Le préfet a l'autorisation d'interdire un supporter de se rendre dans un stade de football si la police estime qu'il « constitue une menace pour l'ordre public ». L'existence du délit repose alors sur des suspicions. Cette estimation s'appuie sur un jugement arbitraire et non judiciaire : il n'est pas nécessaire d'établir d'enquête et de fournir des preuves du délit.

Cette sanction a pour objectif de lutter contre des fauteurs de troubles récurrents, contre le hooliganisme lié au football.

LFP : Ligue Française de Football

Elle regroupe l'ensemble des clubs français ayant le statut professionnel soit 42 clubs. Elle est responsable de la gestion des championnats de France de Ligue 1 e de Ligue 2.

Elle est placée sous l'autorité de la FFF.

Puisqu'elle organise et réglemente le football professionnel français, elle exerce une mission de service public.

QSI : Qatar Investissement Sport

QSI est la cellule sportive du groupe Qatar Investment Authority (QIA). Ce groupe est le fond d'investissement souverain de l'émirat du Qatar. QIA est présent dans de nombreux marchés tel que le sport, la finance, l'immobilier, l'industrie, les transports, les médias etc.

En 2011, QIA a acheté 70% du capital du PSG. Un an plus tard, QIA est devenu l'unique actionnaire du club.

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Lexique

Danse grecque :

Une danse grecque est une célébration des supporters en tribune. Elle intervient quelques minutes après un but, lorsque l'euphorie est passé ou pour célébrer une belle victoire de l'équipe qu'on supporte. Pour réaliser cette danse, il faut tourner le dos au terrain, attraper les épaules du voisin puis sauter sur un côté. Ainsi, toute une rangée de personne se met à se déplacer. L'effet visuel est impressionnant puisqu'on peut penser que tout un mur bouge d'un seul bloque.

Grand Chelem :

Pour un supporter, faire le grand chelem consiste à assister à tous les matchs de son équipe lorsque celle-ci joue à l'extérieur dans le championnat national. Ce qui fait 19 déplacements à effectuer en une saison.

Hooligan (hooliganisme) :

Le hooligan revendique une indépendance vis-à-vis du club et l'absence de toute structure associative. Pour défendre leur équipe et un sens territorial fort, ils n'hésitaient pas à prôner la violence. Pour ne pas être repéré par les policiers, les hooligans ne portent pas de couleurs ou de symboles à l'effigie du club.

Ce mouvement d'origine anglaise très développé entre les années 1970 et 1990 s'est donc exporté en Europe avant d'être obsolète aujourd'hui. Au Parc des Princes, ce modèle s'est implanté dans la tribune Boulogne avant la dissolution des associations en 2010.

Le hooliganisme a commencé à être combattu par les autorités à la suite du drame du Heysel en 1985 donnant la mort à 39 personnes.

A la différence des ultras, la violence pour les hooligans est recherchée et calculée. Des rendez-vous sont établis entre hooligans pour se battre selon un accord mutuel. C'est ce qu'on appelle les fights.

Kops :

C'est l'endroit où se réunissent les supporters les plus actifs. Il est presque toujours situé derrière les buts, en virage. Il est souvent assimilé aux tribunes populaires.

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Plan Leproux :

En 2010, la tension croissante entre les associations des tribunes Auteuil et Boulogne atteint son paroxysme et cause le décès d'un supporter du PSG. A la suite de cette tragédie, le président de l'époque, Robin Leproux, conçoit un plan sécuritaire avec l'appui de la justice et des autorités publiques. Ce plan est officiellement prénommé « Tous PSG ». Dans tous les réseaux sociaux et médiatiques, il est surnommé de « Plan Leproux ». Il prévoit de dissoudre toutes les associations de supporters et de suspendre le système des abonnements.

D'après de nombreux supporters, ce plan a entrainé la « mort » du Parc des Princes. A travers un appel à pouvoir se rassembler de nouveaux au sein d'associations, de nombreux supporters actifs militent régulièrement pour adoucir ou supprimer ce plan.

Tifos :

Ce mot provient du terme tifosi. C'est un supporter en Italie. Le tifo est une animation visuelle organisée par les supporters d'une même équipe. Cette animation sert à encourager l'équipe ou à dénigrer l'adversaire en décorant la tribune et en adressant un message. En étant dressé sur une large partie voire sur la totalité de la tribune, le tifo est visible par l'ensemble des acteurs du stade.

La culture des tifos est étroitement liée à celle des tifosi. Ainsi, chaque association de supporters conçoit ses propres tifos selon un style particulier.

Ultra :

Au même titre que les hooligans, pour un ultra, l'appartenance à un groupe est aussi importante que la relation que l'on a au club. Pour ces personnes, c'est la meilleure façon d'afficher son soutien et son amour à une équipe.

Cartographie

Document 1 : Organisation et numérotation des tribunes du Parc des Princes

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Source : google image

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Cette carte montre l'emplacement et le compartimentage des tribunes du Parc des Princes en fonction des catégories de prix. Les lettres correspondent aux grandes portes d'entrée à l'intérieur du stade. Les numéros allant de 101 à 423 correspondent aux vomitoires. Ce sont les portes d'accès aux différents gradins. Lors de la saison 2014 - 2015, je fus abonné dans le compartiment 313. Je devais alors entrer dans le stade par la porte I. Toute autre porte d'accès m'était refusée. En plus de mon compartiment, une fois dans la tribune, je pouvais également accéder aux gradins du compartiment 312. Cette étude se focalise donc sur le public situé dans les compartiments 312 et 313.

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Document 2 : Aire d'influence du Parc des Princes et sectorisation du quartier.

Légende :

Source : Logiciel Inkscape - Géoportail

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Cette carte montre la disposition des barrages filtrants utilisés lors des « matchs à risque ». Pour ces rencontres particulières, il y a énormément de monde. Par conséquent, la préfecture de Paris estime que la sécurité doit être renforcée. Sur ce document, on voit bien l'adaptation des dispositifs sécuritaires en fonction de la typologie du quartier. Les barrages filtrants sont toujours insérés entre des espaces infranchissables (immeuble, périphérique).

Les barrages filtrants sectorisent le quartier, influencent la mobilité du public parisien et créent des unités spatiales spécialisées. C'est notamment le cas devant la tribune Auteuil. La partie schématisée en bleue sur le document 2 représente l'aire spatiale à l'intérieur de laquelle est autorisé à circuler uniquement des personnes munies d'un ticket ou d'un abonnement Auteuil. Ainsi, si une personne n'est pas placée dans la tribune Auteuil, pour accès à sa tribune, elle devra faire le tour de l'aire spatiale délimitée par les barrages filtrants. C'est pourquoi, lorsque ces barrages sont activés, le boulevard Murat est plus fréquenté qu'à l'ordinaire. Ainsi, cette cartographie représente le périmètre du stade élargi par des dispositifs sécuritaires et l'influence des barrages filtrants sur la mobilité du public.

En me référant à l'entretien effectué avec Monsieur André, un seul barrage est « presque constamment activé ». Il permet de contrôler l'accès à la tribune Borelli où on trouve tous les salons VIP et la tribune présidentielle.

Enfin, en face du stade Jean Bouin, encore en construction sur le document, au nord du Parc des Princes, des services sécuritaires composés de gendarmes et de CRS sont continuellement positionnés et sont prêts à intervenir en cas d'incidents.

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Document 3 : Schéma représenant les logiques d'occupation spatiale du public à l'intérieur de la tribune Auteuil

Légende :

Source : logiciel Inkscape

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Ce document est un schéma de la partie haute de la tribune Auteuil (Porte I) dans lequel les vomitoires 312 et 313 sont représentés. Ce sont exactement les gradins qui m'étaient autorisés lors de la saison 2014 - 2015.

Sur ce schéma, on se rend compte que la tribune est scindée en deux. Dans la partie basse, on voit le regroupement des fans. En raison des modes de socialisation en vigueur dans la tribune, ce regroupement a tendance à s'épaissir au fur et à mesure que la saison progresse.

Autour de ces fans, se trouve un contingent de supporters plus ou moins important en fonction de l'enjeu de la rencontre. Ces derniers appuient les fans dans leur animation mais n'ont pas l'habitude de se rassembler à un lieu précis à chaque rencontre.

Dans la moitié haute de la tribune, il y a une forte majorité de spectateurs. La plupart du temps, ces personnes sont assises et silencieuses. Les regroupements ne sont pas unis mais sont dispatchés. Ces personnes ont tendance à prendre de la hauteur pour mieux voir la rencontre et pour être plus « tranquille ».

L'allée centrale de déambulation crée la démarcation.

De plus, les fans sont toujours situés entre les deux vomitoires. Leur mobilité, symbolisée par les deux flèches, s'en trouve augmentée. Ces fans ont un périmètre d'action très restreint puisqu'ils ne dépassent que très rarement l'allée centrale, au contraire des spectateurs qui peuvent parcourir l'ensemble de la tribune.

Enfin, on voit sur le coté droit du document la représentation d'un fan situé à l'extérieur des zones d'accès 312 et 313, de l'autre coté de la baie vitrée infranchissable. Très souvent, une personne essaye de s'appuyer sur cette baie vitrée pour prendre de la hauteur et donner un rythme au chant en tapant sur les vitres. Grâce à cette technique, il permet à son groupe de communiquer avec le groupe situé entre les vomitoires 312 et 313 afin d'essayer d'étendre la résonnance des chants dans l'ensemble de la tribune Auteuil voire dans tout le stade.

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Tableau récapitulatif des entretiens

Date

Monsieur Vallenet

25 mars

Monsieur Callard

27 avril

Madame Leprince

29 avril

Guillaume 3 mai

Monsieur André

7 mai

Baptiste - Kerim 22 mai

Lieu

Bar au Raincy dans lequel il a ses habitudes

A son domicile

A son domicile

Dans un bar

Siège de la société

A mon domicile

« Raison de l'entretien »

Directeur du Parc des Princes entre 1978 et 1992

Habitant du quartier depuis une cinquantaine d'années

Abonnée depuis 4 ans au niveau de la Porte A

Abonné avec moi depuis 4 ans

Responsable commercial de la société ACA Sécurité

depuis 7ans

Deux amis spectateurs qui sont allés deux fois au stade cette année

Durée

2h30

3h de conversation. Mais de nombreuses fois, nous avons divergé sur d'autres sujets

1h30

1h

45 minutes

1h30

Profils:

- Monsieur Vallenet :

Monsieur Vallennet est une personne à la retraire d'environ 70 ans. Il fut président du club de hand-ball de Gagny et ancien maire de cette même ville pendant 12 ans. En tant qu'ancien directeur du Parc des Princes, il a été responsable d'une infrastructure de grande ampleur. Son expérience a donc été intéressante. J'ai pu apprendre de nombreuses choses sur la vie et l'animation d'un stade de football, son fonctionnement au quotidien et lors des manifestations sportives.

- Monsieur Callard :

Monsieur Callard est une personne à la retraite d'environ 70 ans. Cet ancien professeur voulait me « faire marcher ». Il a encadré plusieurs études de ce genre donc il ne répondait pas directement à me questions pour que je me force à bien m'organiser et à bien réfléchir sur le sens de mes questions. Pour ces raisons, l'entretien a duré très longtemps.

Puisqu'il est habitant du quartier, il a pu m'éclaircir au sujet de l'image du Parc des Princes dans le quartier et si celle-ci a changé depuis l'arrivée d'investisseurs Qataris.

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- Madame Leprince :

Elle a environ 50 ans et est assistante maternelle à son domicile. Elle a 3 enfants. Sa passion principale est le sport. Elle a été professionnelle pendant quelques années au handball.

Supportrice depuis qu'elle est petite du PSG, elle s'est abonnée en 2011 comme moi.

- Guillaume est un ami étudiant de 23 ans. C'est un amateur de sport en général et un grand passionné de football et du PSG en particulier.

Avant la mise en place du « Plan Leproux », il était abonné depuis 2 ans et inscrit dans l'association les Authentiks.

Je suis abonné avec Guillaume au stade. Par conséquent, son entretien ne fut pas très utile parce que je n'ai pas eu la sensation d'avoir réellement appris des choses. Toutefois, il a été constamment un appui constant. En effet, grâce à sa présence au Parc des Princes, je pouvais faire des comparaisons entre l'avant et l'après « plan Leproux ».

- Monsieur André :

Il a un peu plus de 30ans, il est le commercial de l'entreprise ACA Sécurité. Cette société est une société de sécurité spécialisée dans l'événementiel et axée principalement autour du sport. Son entreprise est prestataire de service au Parc des Princes depuis 2012.

Son témoignage fut très utile pour comprendre l'organisation et le fonctionnement des dispositifs sécuritaires au Parc des Princes.

- Baptiste et Kerim :

Ce sont deux amis de longues dates, étudiants et amateurs de sport en général. Baptiste se considère comme un grand supporter du PSG. Il hésitait à prendre son abonnement. En revanche Kerim s'est présenté comme un simple sympathisant.

Cet entretien croisé entre deux degré d'attachement au PSG différents fut très bénéfique pour saisir leurs représentations, leurs attentes et leurs expériences du Parc des Princes.

Pour tous les entretiens, je commençais à me présenter de la façon suivante : Je suis étudiant en géographie. En ce moment, je fais une recherche sur le public qui supporte le PSG au Parc des Princes. Je suis moi-même supporter du PSG puisque je suis abonné depuis 4ans maintenant.

Le point de départ de cette étude a été les tensions qui existaient au sein de la tribune Auteuil entre des supporters. Il ne s'agit pas de violence physique mais de rivalités en termes de légitimité : les supporters les plus fervents sont localisés au bas de la tribune, rejettent et méprisent les autres supporters qui ne chantent pas et ne soutiennent le PSG. Ce qui m'intéresse, c'est le fractionnement, au sens large, d'un groupe dans une même tribune.

Pour tous les entretiens, j'emmenais avec moi une carte du Parc des Princes (Voir document 1 en partie annexe) avec le nom des tribunes et les numéros des entrées.

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Grille d'entretien

Grille d'entretien avec Madame Leprince

L'entretien s'est passé à son domicile, le 29 avril 2015 à Chelles, dans un quartier pavillonnaire. C'est la mère d'une amie donc je connaissais un peu sa situation familiale et professionnelle. Je n'ai pas eu besoin de lui poser énormément de question sur sa situation personnelle. D'ailleurs, en organisant le rendez-vous, elle m'a bien certifié qu'on pourrait le faire pendant la sieste des enfants. Elle est assistante maternelle à domicile.

Dès le départ, elle m'a demandé de la tutoyer et m'a offert un café. Elle m'a également montré des photos de sa fille.

Plusieurs fois pendant l'entretien, j'ai également raconté mes anecdotes et mes impressions ce qui a fait avancer la conversation. Mais également, j'ai sûrement dû influencer certaines de ses réponses. Les questions ci-dessous ne furent pas posées dans cet ordre chronologique. Elles furent posées en fonction du déroulement de la conversation et des thématiques sur lesquelles on discutait.

Je suis venu avec une carte (voir document 1 de la partie Annexe) pour visualiser précisément les localisations de ses impressions.

? Récit de vie :

- Présentation personnelle :

Lieu de naissance

Etudes et carrière professionnelle

Le lien qu'elle entretient avec le sport en général et le football en particulier

? Supportrice du PSG

- Vous êtes supportrice depuis quand ?

- Quels liens vous unissent vous et le PSG ?

- Ces liens ont-ils évolué dans le temps ?

- Depuis combien de temps êtes-vous abonnée au PSG ?

- Avec qui êtes-vous abonnée ?

- Dans quelle tribune êtes-vous abonnée ?

- Combien payez-vous l'abonnement chaque saison ?

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? Habitudes/Rituel Moyen de transport : Vous habitez à Chelles:

- Par quels moyens vous vous rendez au stade ?

- Est-ce que vous avez déjà entendu les annonces sonores dans les stations RATP à proximité du stade ?

Qu'en pensez-vous ?

Programme :

- Avez-vous vos rituels lors des jours de match ?

Concernant les déplacements ?

Heure de départ ? Heure de repas ? Heure pour rentrer ?

Voie/chemin à emprunter ?

Avez-vous une habitude vestimentaire ? Portez-vous un maillot ou une écharpe du

PSG par exemple ?

- Est-ce que ces habitudes diffèrent selon les matchs ? Ou au contraire, est-ce qu'ils sont constants ?

- A force de fréquenter le Parc des Princes, connaissez-vous le quartier autour du stade ? - Est-ce que vous allez directement à l'intérieur du stade ? Avez-vous l'habitude d'aller manger ou prendre une boisson avec la rencontre ?

- Quelle est votre opinion sur le quartier qui entoure le stade ? A-t-elle changée depuis que vous être abonnée ?

? Territoire :

- Où êtes-vous placée dans le stade ?

- Dans votre tribune, vous rendez-vous à peu près vers le même espace ?

- Êtes-vous toujours assises à la même place ?

- Vous avez choisi votre place selon quels critères ?

Donc vous accordez une importance particulière à votre place ?

(Selon les réponses précédentes) J'en déduis que vous avez vos habitudes dans le

stade ?

- Dans votre tribune, est-ce qu'il y a des personnes ont leur habitude et se regroupent dans une partie de la tribune ?

Si oui, où ça et quel est leur comportement ?

- Pouvez-vous les décrire ?

- Avec le temps, est-ce que vous vous êtes fait des relations dans la tribune ? - Pouvez-vous décrire globalement l'ambiance à l'intérieur de votre tribune ?

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? Comportement dans la tribune :

Une fois que vous êtes dans le stade, quel est votre comportement ?

- Êtes-vous assise ? Debout ?

- A la mi-temps, vous restez à votre place ou vous vous déplacez ?

- Vous diriez que vous êtes plutôt bruyante (chanter) ou silencieuse ?

- Avez-vous l'habitude de consommer parfois à l'intérieur du stade ? (buvette)

Pouvez-vous vous décrire en tant que supportrice ?

- A quels moments, pendant une partie, vous chantez ? - Quand est-ce que vous levez l'écharpe ?

- Quand est-ce que vous agitez les drapeaux ?

Si je comprends bien, vous utilisez plus... (Écharpe ou drapeau en fonction des réponses précédentes)

? Rapport au stade

Ambiance :

- Pouvez-vous me décrire vos sensations au stade ?

- Est-ce que vous sentez une différence dans l'ambiance et les comportements selon les matches ?

Du fait qu'un match en Coupe d'Europe n'a pas la même intensité et le même enjeu qu'un simple match de Ligue 1

- Donc vous pensez que cette ambiance plus bruyante est due au besoin d'extérioriser la pression ?

Sécurité :

- En tant que femme, est-ce que vous vous sentez à l'aise au Parc des Princes ? Si je comprends bien, vous pourriez y aller seule ?

- Etait-ce le cas avant l'arrivée des Qataris ?

Vous estimez donc que le stade est plus accessible aujourd'hui ?

- Est-ce que vous auriez pu en dire autant si vous étiez placée dans un autre endroit du stade ?

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? Sécurité :

- Est-ce que vous ressentez une forte sécurité au Parc des Princes ? - Est-ce que vous l'avez trouvé légitime ?

- Est-ce que vous pouvez discuter facilement avec les agents de sécurité ? Si je comprends bien, ils sont accessibles dans l'ensemble ?

- Quelle est le mode d'action des agents de sécurité ? Est-ce vous pouvez me décrire leur comportement, ce qu'ils font concrètement ?

Elle est discrète ?

Elle est mobile/statique ?

(En fonction de la question précédente) Du coup, vous les voyez souvent ?

- Vous avez donc conscience de leur présence ?

- Est-ce que tu es dérangée par cette présence ?

- Est-ce que les agents de sécurité interpellent le public ? Pour quels motifs ?

- Est-ce que vous pensez que la présence sécuritaire influence les comportements du

public ?

- Est-ce que vous sentez une différence entre la sécurité à l'extérieur du stade et la

sécurité à l'intérieur du stade ?

? Opinion sur la condition de supporter

- Selon vous, le supporter a-t-il un rôle à jouer dans le stade ?

- Ce rôle est-il prolongé en dehors du stade ?

- Est-ce qu'il y a une différence entre votre identité au quotidien et votre identité en tant

que supportrice ?

- Prenez- vous de la distance par rapport au rôle du supporter ?

- Est-ce que vous vous intéressez à cette communauté ? (Au-delà des supporters du

PSG ?) Selon quels médias ?

- Avez-vous une opinion sur les différents évènements qui entourent les supporters du

PSG ? - (Augmentation des prix des abonnements - JAS - abonnement

supprimé contre Monaco ?)

- Êtes-vous au courant des futurs travaux dans le quartier qui vont être faits pour le

PSG ?

- Quel est votre avis sur la politique économique - sécuritaire du PSG ?

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? Question à une supportrice abonnée

- Est-ce que vous prêtez une attention particulière à votre carte d'abonnement ? Est-ce que vous avez un lien affectif particulier ?

- Dans l'équipe, il y a un papier d'un ancien abonné, aujourd'hui journaliste qui expliquait les politiques sécuritaires autour des stades de football aujourd'hui.

Il a écrit que les « deux virages sont devenus des zones où les groupes faisaient leur loi ».

D'après vous, il fait référence à quoi lorsqu'il écrit ça ?

- Puisque vous êtes située en tribune latérale, ressentez-vous une différence entre les tribunes Boulogne et Auteuil ?

- Pensez-vous qu'il existe encore une identité propre à Auteuil et une identité propre à Boulogne ?

Si oui, entraine-t-elle une culture ou une fierté spécifique ?

- Êtes-vous d'accord pour affirmer que la composition sociale du public évolue ?

- Selon sa réponse précédente, Êtes-vous d'accord pour affirmer que ce public est plus consommateur ?

- Quel regard portez-vous sur l'arrivée de nouveaux publics plus consommateurs ? Pensez-vous que le Parc des Princes soit devenu un lieu touristique ?

Vous approuvez/refusez (en fonction de la réponse précédente) donc ce « football-business » ?

- Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a une homogénéisation des publics et des styles de supporterisme dans les grands clubs Européens ?

Quelle est votre opinion par rapport à cette évolution ?

- Affectent-ils vos habitudes ?

- Est-ce que dans votre tribune vous entendez :

« Si tu ne chantes pas tu rentres chez toi ; et il est mort le parc des princes ; public de

merde.... »

Si oui, qu'est-ce que vous ressentez ?

Qu'est-ce que vous en pensez ?

- Vous comprenez le militantisme de certains supporters ? ? Opinion sur le futur du Parc des Princes :

- Qu'est-ce que vous voudriez comme évolution pour le futur ? Des prévisions ?

- Dernière question : êtes-vous optimiste sur le retour d'une grande ambiance au Parc des Princes ?

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Grille d'entretien Monsieur André

Lors de cet entretien du 7 mai 2015, je pouvais converser avec Monsieur André pendant 1h maximum. Le rendez-vous s'est organisé au téléphone. Après avoir appelé deux fois la société ACA Sécurité, c'est monsieur André qui m'a rappelé en personne pour accepter de me rencontrer. Il semblait donc prêt à répondre à mes questions.

La société travaille également à Roland Garros, au stade Pierre Mauroy à Lille, au stade Jean Bouin et au Stade de France à Saint-Denis. Afin de connaitre la spécificité du Parc des Princes et des dirigeants du PSG, je lui ai demandé de faire des éléments de comparaison avec d'autres évènements, dans d'autres lieux et des autres clients.

Monsieur André est le commercial de l'entreprise. Je pense qu'il a un peu plus de trente ans. Lors de notre conversation, il était habillé en polo bleue « Ralph Lauren » et faisait la bise à ses collègues.

L'entretien s'est déroulé dans les locaux de la société, au fond de la salle. Les bureaux de la société sont aménagés en open space. Dans cette disposition, il pouvait voir ses collègues. En revanche, j'étais dos aux autres salariés. Dans le bureau, il y avait deux femmes et un homme. Vers la fin de l'entretien, une dispute a éclaté, il a dû s'interrompre quelques secondes.

? Récit de vie :

- Présentation personnelle :

Lieu de naissance

Etudes et carrière professionnelle Le lien entretenu avec le PSG

? Présentation de la société ACA Sécurité

- Est-ce que vous pouvez présenter brièvement votre entreprise ?

- Lors de vos différentes missions, est-ce que vous êtes personnellement sur le terrain ?

? Liens entre la société et le PSG

- Sachant que le PSG a une dimension internationale aujourd'hui, est-ce que vous savez

pourquoi le PSG a choisi votre entreprise ? Quelles sont vos forces ?

- Qu'est-ce que faites au Parc des Princes ?

- Votre entreprise est-elle responsable d'un espace en particulier ?

- Est-ce que vous adaptez vos actions en fonction des exigences du client ?

- Sur votre site, il était marqué « notre mission est de garantir un service correspond à

vos exigences » - Quelles sont les exigences des dirigeants Parisiens ?

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- Du point de vue sécuritaire, le PSG est réputé pour s'inspirer du modèle anglais, au niveau des stades, des infrastructures et de l'accueil. Est-ce qu'ils vous ont demandé de vous inspirer des pratiques anglaises ?

- (En fonction de la réponse) Donc vous avez aussi une fonction d'orienter les gens ? - J'ai vu qu'il y avait d'autres sociétés privées au Parc des Princes. Par exemple, il y a la

société Olips. Est-ce que vous travaillez avec elle ? Où êtes-vous totalement

indépendants ?

Pouvez-vous me parler de cette société ?

? Missions - Dispositifs sécuritaires

- Connaissez-vous l'utilisation des barrages filtrants ? - Quand est-ce qu'ils sont activés ?

Selon quels critères ?

- Est-ce que ces barrages s'adaptent à l'espace ?

Mode d'action du personnel :

- Est-ce que vous agents interviennent dans les tribunes ?

Est-ce qu'ils peuvent faire des rondes ?

Est-ce qu'ils peuvent virer une personne d'une tribune ?

(En fonction de la réponse) Du coup, j'imagine que vos équipes sont

mobiles/statiques ?

- Dans le choix de vos équipes, cherchez-vous une stabilité ? Ou au contraire, est-ce

sans cesse fluctuant ?

- Est-ce que vos équipes ont tout le temps la même fonction ? Ou au contraire, évolue-t-

elle - avec au cours de la rencontre ?

- Utilisez-vous des technologies ?

Au Parc des Princes, il y a énormément de caméra. Avez-vous accès à elles ?

- J'ai fait un entretien avec une abonnée d'une tribune latérale. Elle me disait qu'à son

endroit, ils ne contrôlaient pas les cartes parfois. Ils laissaient passer les gens par

simple confiance. Alors que nous, c'est très stricte. En virage, c'est très contrôlé.

Donc je vous demande si les règles sont les mêmes pour tout le monde ?

Relation avec le public

- Vos agents entretiennent beaucoup de relations avec les supporters ? Est-ce que sous savez s'ils discutent avec eux ?

- Est-ce qu'il y a des personnes qui se sont déjà plaintes de vos agents ?

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? Pacification du public au Parc des Princes

- Est-ce que vous ressentez le contexte du public du PSG ? (Par rapport au « plan Leproux »)

Quand le PSG passe commande auprès de chez vous, est-ce qu'ils vous mentionnent ce plan et l'histoire des supporters ?

- Depuis que vous travaillez avec le PSG, avez ressenti une évolution du public au Parc des Princes ?

- Avec la pacification du public, y-a-t'il la même quantité de dispositifs sécuritaires ? (En fonction de la réponse) ont-ils évolué avec le temps ?

Si je comprends bien, quand vous avez commencé à travailler pour le PSG il y avait plus/moins de sécurité ?

Les effectifs mis en place étaient plus/mois nombreux ?

- Est-ce que selon les matchs à gros enjeu (où il peut y avoir des tensions) il y a un effectif plus important ?

Vous faites appel à plus de monde ? Ou est-ce constant ?

- Est-ce que selon les matchs, l'aire territoriale est plus ou moins grande ?

- Aujourd'hui, selon vous, le public parisien est facile/difficile à appréhender ? (Par rapport à d'autres publics en France)

? Singularité du Parc des Princes

- Aujourd'hui, le Parc des Princes est monofonctionnel. Ca n'a pas toujours été le cas. Alors, est-ce qu'il est encore modifiable selon l'évènement ?

- Est-ce que vos missions sont les mêmes dans les autres stades dans lesquels pour vous

travaillez ?

Est-ce qu'il y une spécification au Parc des Princes ?

D'un point de vue sécuritaire, en quoi le Parc des Princes était-il unique ?

- Le Parc des Princes est connu pour être un stade moderne. Est-ce que c'est un lieu où

la sécurité est facile à mettre en place ?

Pouvez-vous me le décrire par rapport à d'autres stades en France ?

102

? Avis personnel

- Dans mon mémoire, j'ai une idée personnelle que j'aimerais travailler. Pour résumé, la sécurité, je pense qu'elle s'adapte à son public et à ses mouvements. C'est-à-dire que si le public se déplace et qu'il est mobile, alors la sécurité est statique et elle oriente les flux. Au contraire, si le public est statique, pendant le match notamment, eh bien c'est à la sécurité de se déplacer. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

- Je vous demande votre opinion personnelle et non plus en tant que professionnel, est-ce que vous avez une opinion sur la politique menée par le PSG vis-à-vis de ses supporters ?

Est-ce que ça influence votre travail ?

- Est-ce que vous savez s'il y a un lien entre les travaux autour du Parc des Princes et le PSG ?

Et aussi l'EURO 2016 ?

C'est quoi la raison de ces travaux ? Augmenter le confort, l'accessibilité des piétons ?

103

Bibliographie

Ouvrages :

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Entretiens:

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- Interview de Jérôme Bénadiner, recueillis par F.V. Cette Interview a été rendue publique le 10 avril 2013.

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- URL : http://centraledesmarches.com/marches-publics/Ville-de-Paris-Paris-75000-Travaux-d-amenagement-de-voirie-et-d-eclairage-public-des-rues-Claude-Farrere-Nungesser-et-Coli-de-la-place-de-l-europe-et-du-parvis-situe-avenue-du-general-Sarrail-a-Paris-16e-arrondissement/161888

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- « Football // Dans les coulisses du PSG au parc des princes ! », Sport and sand, 25 février 2015.
URL: http://sportandsand.com/football-dans-les-coulisses-du-psg/

- URL : http://forum.psgmag.net/index.php?topic=3423.20;wap2

? Autre

- URL: http://www.attitudes-urbaines.com/tetes-affiche/programmation-espace-publique-pavillon-place-de-la-republique-paris






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