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La responsabilisation du secteur privé dans le contrôle des exportations de défense en France. Quelles perspectives pour la commercialisation d'armements ?

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par Yann Wendel
Université Panthéon-Assas Paris II - Master 2 Défense et Dynamiques Industrielles 2016
  

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c. La nécessité de redéfinir le rôle de l'Etat dans le contrôle, afin de redonner de la confiance aux différents acteurs de la transaction

Les banques utilisent traditionnellement des « assureurs de crédit » qui bénéficient de la signature de l'Etat, comme la Coface, qui leur permettent de s'assurer contre le risque de défaut de leur client. Le contrat du Rafale en Egypte a été par exemple financé par des banques françaises, elles-mêmes garanties par la Coface suite à l'intervention de l'Etat français148. La Coface permet de faire participer l'Etat à la transaction en la lui faisant garantir, ce qui permet à la banque de justifier de l'économie générale de l'opération. La banque, organisme privé soumis à des actionnaires, ne prend en effet sa décision que selon la pertinence des critères financiers de l'opération, sans tenir compte de la politique stratégique du pays. L'incitation constituée par la garantie permet donc d'aligner les intérêts du privé et de la puissance publique. Il n'est d'ailleurs pas possible d'assurer un financement directement public des opérations d'armement car l'Etat ne dispose pas des ressources pour financer lui-même ces projets, ce qui l'a amené jusqu'alors à recourir à des garanties indirectes par le biais de Coface. De plus, dans la mesure où l'argent public ne doit pas financer des intérêts privés, fussent-ils des intérêts nationaux, il est préférable de recourir à de telles garanties.

Alors que les risques dans le blocage du crédit se multiplient concernant les armements, il est nécessaire d'adapter l'intervention de l'Etat dans une logique de dialogue et de partenariat avec les acteurs privés, en proposant une aide au financement des exportations des PME de défense149 ou bien une garantie étatique élargie afin d'assurer une confiance réciproque lors de la transaction150. Cette nouvelle interface entre public et privé s'inscrit dans une conception élargie de la redéfinition actuelle du rôle de la Coface vers la BPI151. Le rôle de guichet unique incarné par Bpifrance est particulièrement important pour les PME, en ce qu'il facilite le dialogue entre banques et petites entreprises. La réforme avec Bpifrance permet à ce titre à l'Etat de fournir directement des crédits exports jusqu'à 25M€, pouvant monter jusqu'à 70 M€ dans le cadre d'un partenariat avec plusieurs banques. Cela permet de combler une

148 GALLOIS D. (2015), Comment la vente de Rafale à l'Egypte a-t-elle été organisée ?, Le Monde. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/16/le-contrat-de-vente-du-rafale-a-l-egypte-en-cinq-questions_4577395_3234.html [Accès le 03 mars 2016].

149 DGRIS (2016), Séminaire « Lutte contre le trafic d'armes : Quel rôle pour les acteurs privés et la société civile ? », février. http://www.defense.gouv.fr/dgris/la-dgris/evenements/seminaire-lutte-contre-les-trafics-d-armes-2-fevrier-2016/seminaire-lutte-contre-les-trafics-d-armes-2-fevrier-2016

150 CABIROL M. (2016), Financement des PME à l'export : le coup de gueule du patron de Manurhin, La Tribune. Disponible sur : http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/financement-des-pme-a-l-export-le-coup-de-gueule-du-patron-de-manurhin-563073.html [Accès le 12 mai 2016].

151 En vertu de la loi de finances rectificatives du 29 décembre 2015.

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imperfection du marché, alors que certains montants sont trop bas par rapport aux risques associés pour les banques, qui ne préfèrent ne pas financer les exportations de certaines PME. Cela est particulièrement problématique alors que ces contrats sont nécessaires pour la survie du tissu de PME nationales, elles-mêmes indispensable à la BITD, que ce soit en termes d'innovation ou d'emplois. Le paradoxe actuel est que les banques commerciales ne sont présentes que dans les transactions stratégiques garanties par la France donc très peu risquées, alors que les exportations de PME sont directement financées par l'Etat. Cela est contraire à ce qu'il se passe dans d'autres pays, les banques commerciales étant mieux placées de par leur flexibilité pour répondre aux besoins des PME et l'administration gérant les plus gros contrats. Cette situation serait d'ailleurs bénéfique, alors que de plus en plus de clients de la France réclament des procédures G2G152, avec un achat direct à la France plutôt qu'à un industriel.

De par la redéfinition de son rôle et son passage d'un rôle de régulateur à celui d'un acteur du contrôle, l'Etat doit faire le lien entre les entreprises et les banques en formalisant les accords qui sont réalisés entre ces acteurs. L'Etat pourrait s'assurer que les industriels disposent de bons processus de compliance export et qu'ils respectent le contenu des licences sous peine de sanction de la part de la DGA. Les entreprises fiables se verraient décerner un label qualité de type ISO pour le financement des armes couplé à un système d'audit régulier, qualification que la DGA se chargerait de gérer, ce qui irait au bout de la logique de certification153. Cette « banalisation » du contrôle export donnerait un bon signal aux banques, désireuses de minimiser leurs risques, alors que l'Etat souhaite dans le même temps responsabiliser les industriels dans le contrôle.

Une manière de redéfinir totalement le contrôle serait pour l'Etat d'agir très en amont, de manière à vérifier l'authenticité des documents liés à la licence (CUF, CNR). Les Etats-Unis ont par exemple mis en place le programme « Blue Lantern », dont le but est de vérifier la bonne foi des destinataires étrangers de biens de défense. Ainsi, grâce au concours des réseaux diplomatiques, des vérifications sur pièce et sur places sont mises en oeuvre avant et après l'octroi de licence et l'envoi des articles pour attester de la sûreté de la transaction et de

152 Gouvernement à Gouvernement.

153 Amnesty International (2016), Luxembourg: Serious gaps exposed in banking regulations to stem reckless arms trade that fuels atrocities. Disponible sur : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2016/01/luxembourg-serious-gaps-exposed-in-banking-regulations-to-stem-reckless-arms-trade/ [Accès le 25 mars 2016]

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l'utilisation finale des matériels154. Les résultats sont ensuite intégrés à une base de données (Watch List) contenant environ 100 000 entités suspectes ou sanctionnées, ce qui permet par la suite d'identifier rapidement les demandes de licences susceptibles de nécessiter des vérifications. Ce système de contrôle s'intègre donc dans un effort global par lequel les acteurs privés et public collaborent pour établir les risques liés à la délivrance de licences.

Au niveau européen, on peut imaginer une évolution similaire, comme ce qui se fait avec le mécanisme de notification et de refus avancé par la Position Commune, qui ne concerne cependant que le cas où les licences sont refusées. Il faudrait que les Etats membres mettent en commun des informations sur leurs motifs de réserve quant à la fiabilité de leurs clients en termes de respect des conditions associées aux licences lors du processus de décision, même dans le cas où ces dernières sont approuvées, afin de savoir lesquels sont particulièrement risquées. Une telle initiative serait bénéfique afin d'éviter le détournement de matériel de guerre, et serait dans l'esprit du TCA, entré en vigueur en 2014, qui fait référence à la « responsabilité de chaque Etat de réglementer, dans le respect de ses obligations internationales, le commerce international d'armes classiques et d'en prévenir le détournement et, au premier chef, celle d'instituer et d'appliquer un régime de contrôle national »155.

154 VRANOKX A. (2016), Contrôle de l'utilisation finale des armes - Pratiques et perspectives, Les Publications du GRIP, Bruxelles. Disponible sur : http://www.grip.org/fr/node/2017 [Accès le 10 juin 2016].

155 Traité sur le Commerce des Armes.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams