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Le conflit de 2012 et la détonation malienne. Les ressorts de la crise.

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par Myriam ARFAOUI
Université Lyon 3 Jean Moulin - Master 2 Sciences Politiques : Relations Internationales et Diplomatie. 2015
  

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2. Le Moyen-âge sahélien : les Empires de la route et l'historicité des ethnies maliennes.

La tendance attractive est principalement fondée sur la nostalgie d'un passé glorieux et conquérant ; « Les pays sahéliens et soudaniens de l'Afrique de l'ouest ont connu des Empires qui ont duré et rayonné. La nostalgie et l'orgueil qui demeurent liées à ces souvenirs fournissent au groupe un élément de cohésion qui résiste à la dispersion et au déclin »263. Les Malinké, à l'origine de plusieurs ethnies comme les Bambara, dominaient l'Empire du Mali avec son fondateur Soundiata Keita ; « C'est ainsi que le groupe malinké qui occupe actuellement une vaste région de la Casamance au nord-ouest de la Côte d'Ivoire, demeure le dépositaire du souvenir glorieux de l'Empire du Mali »264. A l'indépendance, Modibo Keita donne le nom de Mali à l'ancien Soudan français, exprimant inconsciemment, ou consciemment, cette référence au passé qui exclut l'historicité des autres ethnies. Il a de plus organisé l'administration autour des Bambara, reproduisant ainsi le schéma de l'ancien Empire265.

L'Afrique de l'ouest, et le Sahel-Sahara, ont connu plusieurs Empires fonctionnant sur des schémas différents des Empires occidentaux. L'espace mobile dans lequel ils évoluaient a conditionné leur multiplicité, leur concurrence, et le mouvement des centres de gravité transsahariens. Les indépendances ont réactivé l'histoire sahélo-saharienne, qui s'exprime en dehors de la parenthèse coloniale par les moyens modernes du politique. Cette histoire prégnante reflète les âges d'or266 successifs qui constituent le coeur des consciences ethniques concernées ; « Un homme de ces régions peut se définir ethniquement par l'histoire, une histoire dont il ne connait pas le plus souvent les détails, mais qu'il sait, ainsi que tous ses voisins, avoir été brillante »267.

263 GALLAIS, Jean, « Signification du groupe ethnique au Mali », op. cit., p.111

264 Ibid.

265 Guy Nicolas explique qu'aux indépendances, le modèle de l'Etat européen devait être imité tel quel, en ignorant les traditions locales (pour ce faire, les leaders soutenus étaient issus des universités françaises par exemple). Or, le mimétisme n'a pas fonctionné, laissant place à un fossé entre classe dirigeante, qui cherche à maintenir sa position, et masse, dont émane de nouveaux leaders contestataires du pouvoir en place. Dès lors, « la conscience « ethnique » se transformait en « ethnisme » et s'affirmait comme force politique de premier plan », notamment en terme d'opposition et de ralliement des populations.

NICOLAS, Guy, « Crise de l'Etat et affirmation ethnique en Afrique noire contemporaine », Revue française de science politique, Vol.22, n°5, 1972, pp.1017-1018

266 « Dans l'histoire d'un peuple, une période empreinte de souvenirs glorieux, de puissance et d'influence peut être magnifiée afin de servir de référence à des ambitions géopolitiques précises. », ZAJEC, Olivier, Introduction à la Géopolitique, Histoire, Outils, Méthodes, op. cit., p.133

267GALLAIS, Jean, « Signification du groupe ethnique au Mali », op. cit., p.114

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Schématiquement, les conflits identitaires au Sahel-Sahara sont représentés autour d'une opposition Blancs/ « Noirs ». Bien qu'elle soit avérée, cette réalité n'est pas exclusive. Il existe également, d'une part, une opposition entre Blancs arabes et Blancs berbères, traduite par une pléthore de conflit sans cesse réactivée au cours des siècles268. Et d'autre part, une opposition entre ethnies soudaniennes elles-mêmes, construite autour de leur passé impérial, mais également de leur relation à l'islam. Dès lors, il ne semble pas y avoir de fil d'Ariane civilisationnel stricto sensu. La réalité des faits semble composer avec une histoire riche d'acteurs multiples et variés, qui, avec le dégel des conflits identitaires larvés, modernise et catalyse la conflictualité latente de cet espace. Cette concentration de structures sociales particulières, fortes, affirmées, suit intrinsèquement des logiques politiques et géopolitiques classiques : l'imposition de sa particularité, le rayonnement, la domination - les enjeux de pouvoir sur les territoires, expression géographique des identités.

« En Afrique de l'ouest, de grands Empires urbanisés apparurent dans la zone de contact entre le monde saharien et sahélien. »269

Ces Empires dits « de la route », interviennent successivement dans l'histoire de cet espace, « associant un « centre » sédentaire »270 au « rayonnement par la route »271. Ils sont ethno-centrés « Soninké au Ghana, Malinké ou Mandingue au Mali, Kanuzi (nilo-sahariens) au Kanem et Songhay dans l'Empire de Gao »272. Conditionnés par le milieu, ils sont principalement fondés sur la nécessité de sécuriser les voies commerciales, les flux, et les carrefours transsahariens273. Les villes florissantes deviennent les centres névralgiques de la mobilité et des échanges ; les mouvements des Empires successifs déplacent les fuseaux de circulation d'ouest en est. La ville de Sijilmassa, par exemple, est « une plaque tournante [...]

268 « Les Berbères revendiquent une présence au Maghreb vieille de plus de cinq mille ans. Leur communauté s'étend sur prés de cinq millions de kilomètres carrés, de la frontière égypto-libyenne à l'Atlantique et des côtes méditerranéennes au Niger, au Mali et au Burkina. Leur culture, leur identité et leurs droits ont longtemps été méprisés, leurs revendications étant assimilées d'abord au « parti colonial », puis plus tard interprétées comme sécessionnistes. » JARDIN, Yves, REKACEWICZ, Philippe, « Les Berbères en Afrique du nord », Le Monde Diplomatique, [En Ligne], décembre 1994

URL : http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/berberes1994

269LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op. cit., p.226

270 OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.39

271 Ibid.

272 LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op.cit., p.229

273« Ils [les Empires de la route] se succèdent dans la fonction d'assurer la sécurité et la permanence du passage à travers le Sahara malgré la discontinuité du peuplement et l'éloignement des points de relais que sont les villes-oasis. », OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op.cit., p.39

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lien entre l'Afrique blanche et l'Afrique « noire »274 - les caravanes qui passent d'une rive à

l'autre du désert transitent nécessairement par ce centre urbain. De nouveaux noyaux apparaissent au rythme des conquêtes impériales, comme la ville de Tombouctou qui, à la fin du XIVème siècle, devient le principal pôle commercial de la région.

« Avec la naissance de l'Empire du Mali, une nouvelle route apparut au XIIème siècle, toujours au départ de Sijilmassa, mais désormais en direction du Sahara central. A partir du XIVème siècle, le grand axe transsaharien qui permettait de relier Sijilmassa - Oualata et le Bamouk ou Oualata - Taoudeni et Tombouctou, s'effaça peu à peu au profit des pistes orientales qui, par Ghat et Zaouila, conduisaient en Tripolitaine et en Egypte. »275

o Empire du Ghana (VIIIème - XIIIème)

L'Empire du Ghana occupe une place importante dans la conscience africaine, puisqu'il est l'un des premiers Empires dominés par une ethnie soudanienne - les Soninké276. Il est construit initialement sur la route reliant Sijilmassa à Ghana. Il conquiert en 990, Aoudaghost, grand comptoir arabo-berbère, dans l'actuelle Mauritanie, imposant son rayonnement sur une partie du Sahel-Sahara occidental - son apogée territoriale est atteinte au Xème siècle, puisqu'il s'étend du Sénégal à Tombouctou277. En contact avec les deux Afriques, il connait une activité marchande intense dominée par le secteur aurifère. Peuplés de cultivateurs sédentaires, il se distingue par une « puissante cavalerie »278, et un quasi monopole sur le commerce lui assurant richesse et prospérité279. L'animisme, et le culte du serpent Bida280,

274LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op. cit., p.229

275 Ibid. pp.230-231

276 En 1957 par exemple, Kwame Nkrumah remplace le nom de Gold Coast hérité de la colonisation, par le nom de Ghana.

277Ibid., p.231

278Ibid.

279 Non seulement, l'Empire est prospère grâce à sa propre production, mais également parce qu'il perçoit une sorte d'impôt sur tous les transits qui traversent son territoire - « Le roi prélève un denier d'or sur chaque âne qui entre chargé de sel dans son pays et 2 deniers à la sortie. Il perçoit 5 milhqâl de cuivre et 10 par charge de marchandise. », KABORE, Patrice, « L'Empire du Ghana », Histoire Géographie en classe, [En Ligne], le web pédagogique

URL : http://lewebpedagogique.com/patco/tag/lempire-du-ghana/

280« Le culte de Bida fut abandonné par les Soninké convertis et dispersés qui ne purent rétablir leur autorité politique. [...] Ce culte est nettement mémorisé au Mali [...] Un sacrifice est fait le premier jeudi du septième mois après la fin de la saison des pluies sur un vase, le hampi, que l'on remplit d'eau ; on renverse ensuite le

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domine les populations, bien que des musulmans soient présents, y compris dans l'administration. Le roi impose l'idée d'une sorte de monarchie sacrée - incarnation de la divinité, il contrôle aussi bien « l'ordre naturel (fertilité, fécondité) que l'ordre politique »281. La succession au trône est matrilinéaire (le fils de la soeur du roi). Le déclin de l'Empire est dû à deux principaux facteurs : le climat et la désertification qui reprend dans les années 1100, et l'invasion des Almoravides ; « En 1076, Koumbi Saleh fut conquise et les Almoravides s'y livrèrent à d'épouvantables massacres restés présents dans la mémoire collective : décapitation des prisonniers, viols puis éventration des femmes, destruction de la ville par le feu »282. L'Empire du Ghana disparait complètement avec la conquête de ses vestiges par le Mali, au XIIIème siècle.

o Empire du Mali (XIIIème - XVème)

L'Empire du Mali est fondé en 1235 par Soundiata Keita, suite à sa victoire sur les Sosso au nord de Bamako ; « Le Mali est le résultat d'une vaste entreprise de conquête réalisée par Soundiata qui, en moins d'un demi-siècle, constitua un Empire allant de l'Atlantique à la boucle du Niger, sur une longueur de 2000 km »283. Cet Empire est connu des historiens arabes et européens, notamment grâce à Ibn Battûta, « impressionné par Tombouctou »284, qui en décrivit les rites et coutumes ; et par l'Atlas Catalan offert au Roi de France sur lequel figure le Mali. Le nom Mali viendrait d'un message adressé par Soundiata Keita aux chefs locaux vaincus :

« Tous les rois qui ont lutté contre moi et qui ont été vaincus conserveront leurs royaumes. L'animal le plus puissant, aussi bien dans l'eau que la terre est l'hippopotame (« mali » en bambara) et tous ensembles, nous formons une force encore plus importante que celle de l'hippopotame et c'est pourquoi l'empire aura pour nom Mali. »285

Il est une sorte de confédération, constituée d'entités (royaumes et provinces) tributaires, dirigés par des Farins (sorte de gouverneurs). Le mansa est musulman, mais la population

vase, l'eau qui coule est comme la pluie qui « rafraîchit » la terre. », DIETERLEN, Germaine, SOUMARE,

Mamadou, L'Empire de Ghana : le Wagadou et les traditions Yéréré, op. cit., p.153

281PERSON, Yves, « GHANA EMPIRE DU », Encyclopædia Universalis, [en ligne], consulté le 18 mai 2015

URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/empire-du-ghana/

282LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op. cit., p.233

283Ibid., pp.233-234

284GREGOR, Isabelle, « Tombouctou, « la ville au 333 saints » », Hérodote.net, [En Ligne], janvier 2013

URL : http://www.herodote.net/Tombouctou-synthese-1744.php

285LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op. cit., p.235

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n'est pas homogène, composée également d'animistes. La diffusion de l'islam se fait principalement par l'éducation, mais la situation géographique du Mali, espace de jonction composé de peuples différents, relativise les logiques impériales, préférant à l'assimilation un mélange entre traditions locales et traditions religieuses. D'autant que jusqu'au XVIème siècle, l'islam est la culture des princes et des élites286. Ainsi, l'esclavage, contraire aux lois du Coran, n'est pas prohibé, et demeure partie intégrante de la société.

L'apogée de l'Empire se fait sous le règne de Kankou Moussa, un des premiers dirigeants soudaniens à effectuer son pèlerinage à la Mecque287. A cette époque, le territoire s'étend de l'Adrar des Ifoghas à l'estuaire de Gambie ; « Le souverain malien Mansa Musa, qui règne de 1307 à 1332, se rend en pèlerinage à la Mecque et établit des liens avec le Maroc et l'Egypte »288. Il serait rentré de ce pèlerinage avec un architecte arabe et un savant koraïchite, entamant la construction au sein de l'Empire de nombreuses mosquées.

Le déclin de l'Empire se fait progressivement ; par un glissement du coeur politique vers l'est, par la perte de contrôle des axes commerciaux, et par les conquêtes Songhaï qui prennent Djenné et Tombouctou - « sur les ruines de l'unité impériale naquirent alors plusieurs entités dont les plus importantes furent les royaumes bambara de Ségou et du Kaarta »289.

o Empire songhaï (XVème - XVIème)

L'Empire songhaï, ou Empire de Gao, aurait été fondé au VIIème siècle, à l'est de la boucle du Niger, par Za el Ayamen, un berbère fuyant la conquête arabo-musulmane290. La population serait le produit d'un métissage entre Berbères et Soudaniens. La première dynastie des Dia commande un petit royaume tributaire de l'Empire du Mali. Le royaume prend Gao pour capitale, et les rois se convertissent à l'islam au début du XIème siècle. Sonni Ali Ber, qui fonde la dynastie Sonni, profite de la faiblesse du Mali pour reconquérir Gao (conquise au XIIIème siècle par le Mali), ainsi qu'une partie du Macina, Djenné, et

286Académie de Strasbourg, « Les royaumes africains médiévaux », Ac Strasbourg, [En Ligne], PDF

URL : http://www.acstrasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/histoiregeographie/Se_former/Nouveaux_programmes_de _5e/Royaumes_africains/Les_royaumes_africains__accompagnement_de_la_presentatio.pdf

287DEVEZE, Claire, « Regards sur l'Afrique [...] Kantou Moussa part en pèlerinage », Académie de Montpelier, [En Ligne], PDF http://hist-geo.ac-montpellier.fr/v1/IMG/pdf/5_KANKOU_MOUSSA_PART_EN_PELERINAGE_2.pdf 288CHALLIAND, Gérard, RAGEAU, Jean-Pierre, Géopolitique des empires, des pharaons à l'impérium américain, Paris, Flammarion, 2012, p.105

289LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op. cit.,, p.236

290Ibid., p.236

Tombouctou, qui deviendra la capitale culturelle de l'Empire291. Le Songhaï s'étend sur le Mali, le Niger, et une partie du Nigeria actuel. Les fuseaux commerciaux transsahariens sont déplacés vers la boucle du Niger. Tombouctou devient un centre culturel et économique effervescent :

« Tombouctou était à la fois le point d'arrivée des caravanes venues du nord et le point de concentration de celles qui s'apprêtaient à y retourner. C'est de ce rôle carrefour que la ville tira son immense prospérité qui se traduisit dans le domaine culturel. Tombouctou fut en effet à la fois capitale économique, capitale culturelle et ville sainte. Implanté dans les milieux sahéliens citadins, l'islam fut la religion des milieux dominants, riches marchands ou cadres politiques. A l'époque de l'Empire songhay, de nombreuses mosquées furent édifiée à Tombouctou dont les trois principales, la Jingereber, la Sidi Yaya, et la Sankore attiraient une foule de fidèles qui visitaient la « ville sainte » du Soudan. »292

A partir de cette situation géographique et politique, l'Empire songhaï développe un impérialisme régional aux dépens, au nord, des Touareg, au sud, des Dogon, Bariba et Mossi, et à l'ouest, du Mali293. L'Empire prospère grâce au commerce transsaharien, principalement le sel et l'or. En 1493, Sarakollé Touré succède à Sonni Ali Ber, et fonde la dynastie des Askia. Il islamise l'Empire, et entre en conflit avec les Saadien qui convoitent les salines de Teghaza294. Quelques années plus tard, l'askia Ishak Ier (15391545) envoie des Touareg ravager le Draa marocain, actant le départ d'une guerre. Et, c'est sous l'askia Mohammed III (1583-1586) que l'Empire de Gao éclate et se disperse définitivement295.

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291Ibid.

292LUGAN, Bernard, Histoire de l'Afrique des origines à nos jours, op. cit., p.238 293Ibid., p.236

294Ibid. 295Ibid.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus